''Bienvenue aux Merveilles, puis-je prendre votre chapeau?'' [Wonderland N°3]

-''Alice arrive! Alice arrive!''

-''Vite, peignez-moi ces roses en blanc! Coupez les ronces, attention aux piquants.''

-''Et le thé! N’oubliez surtout pas le thé!''

Le Chat du Cheshire s’éveilla lentement aux cris d’agitations autour de son arbre. Les roses s’étaient mises à jacasser. Elles semblaient plus agitées ce matin. Chessur s’étira et se dirigea vers le moulin du Chapelier pour voir la cause de toute cette agitation. Mais il fut coupé à mi-chemin par ce satané lapin blanc qui lui fonça presque dessus.

-''Ah te voilà! Le temps presse, il ne faut pas être en retard! Pas le temps de glander ou de prendre le thé. Alice a besoin d’être guidée!''

Le chat sourit, surpris et impatient. Depuis son retour aux Merveilles, les choses avaient été trop tranquilles. La Reine lui avait passé un savon mais bien entendu, son valet n’avait pas réussi à lui mettre la main dessus pour s’occuper de sa tête. Si bien que cette nouvelle l’excitait plus qu’à l’habitude. Il retourna sur son perchoir et regarda la Lapin courir chercher Alice.
Il disparut lentement pour lui faire la surprise et patienta, aussi fébrile qu’un enfant attendant un cadeau de noël.

Mais l’inconnu qui lui apparut n’était pas du tout la Alice qu’il avait en tête. À moins qu’elle se soit changée en homme. Cependant, la possibilité que cela soit quelqu’un d’autre lui semblait plus logique, compte tenu que c’était déjà arrivé. Le Chat observa l’individu en silence. Un homme à l’allure sophistiquée qui lui rappelait un peu le Chapelier qu’il avait rencontré dans la chocolaterie de Londres. Sa curiosité piquée, le chat se décida à faire son entrée, apparaissant lentement sur sa branche et plantant ses yeux saphir dans ceux de l’étranger.

-''Perdu?'', demanda-t-il avec un sourire.

Anicet changeait pour la seconde fois de monde et d’époque, néanmoins en franchisant ce miroir, orné de signes cabalistiques tout en récitant diverses incantation ; il ne s’attendait certes pas au panorama qui l’attendait de l’autre côté. De titanesques fleurs dotées de paroles racontaient des ragots sur une certaine Alice, tandis qu’un lapin s’égosillait de façon assez comique tout en remontant ses lunettes et en désignant sa montre. La cacophonie produite et le parfum capiteux des fleurs donnèrent des maux de tête au comte. Personne ne lui prêtant attention il suivit un étroit sentier qui serpentait jusqu’à un moulin. Soudain il entendit une voix derrière lui
-''Perdu?'
La voix provenait d’un chat au pelage fournit et aux yeux saphir dont l’énigmatique sourire s’étendait d’une oreille à l’autre. Le comte se souvenait de ce qu’étais ce félin grâce à ces lectures diverses.
-Le chat du Cheshire, poseur d’énigme tout comme les sphinx ou les hobbits, grand philosophe, capable de revêtir une apparence humaine ou de disparaître petit à petit… murmuras le comte.
Il valait mieux être courtois et tenter de se faire apprécier par son interlocuteur.
-Savoir que l’on est perdu c’est commencer à se retrouver…savoir que son âme est perdue c’est commencer sa rédemption. Je me nomme Anicet, Anicet Méphistophélès répondit t’il.
Son regard azur, pailleté d’or, rendu étrange par sa récente cicatrice était fixé dans celui non moins étrange de son interlocuteur attendant la réponse de celui-ci.

Le Chat dévisagea le nouvel arrivant de sa tête cendrée à ses pieds chaussés élégamment, tout comme le reste de son corps d’ailleurs.  Il était habillé comme les hommes ennuyeux qu’il avait  vus à Londres. Mais si celui-ci était là, il ne devait pas être aussi ennuyeux que les autres. Du moins, il l’espérait.  

-''Savoir que l’on est perdu c’est commencer à se retrouver…savoir que son âme est perdue c’est commencer sa rédemption. Je me nomme Anicet, Anicet Méphistophélès...''

Son sourire s’étendit jusqu’à ses oreilles. En voici un qui a de l’esprit. Quelle différence dans ce monde dément!

-''Chessur'', se présenta-t-il, ''Mais ceux de votre espèce me nomment le ''Chat du Cheshire'', ou bien ''Maudit chat''. Mais les noms ne sont que des noms, des appellations sans raisons.''

Le chat descendit de son perchoir pour s’approcher de son interlocuteur. Vu sa taille de matou, il s’éleva dans les airs pour demeurer à sa hauteur, question de faciliter la conversation. Les fous étaient polis, c’était bien connu. Pas tous bien entendu. En fait, personne ne le savait vraiment. Mais le Chat, lui, était bien élevé, contrairement aux autres boules de poils qui laissaient leurs boules de poils partout sur le tapis. Mieux élevé que la Duchesse qui lui servait de maître, mais ça ne voulait pas dire grand-chose…  Mais le voilà encore perdu dans les méandres de son esprit! Il planta ses grands yeux brillants dans ceux du jeune homme.

-''Eh bien Alice, tu as bien changé'', murmura le Chat avec un petit rire.

Son regard azur, pailleté d’or, rendu étrange par sa récente cicatrice était fixé dans celui non moins étrange de son interlocuteur attendant la réponse de celui-ci.  
Chessur puisque tel étais son nom semblait amuser à en jugé par son sourire. Néanmoins la bonne humeur du compte fondis aussi vite que neige au soleil. Il venait d’apercevoir au loin des soldats de la reine rouge qui courait vers eux. Leurs intentions ne faisait aucun doute, ils voulaient sa peau probablement parce qu’il le prenait pour l’un des alliés de cette Alice qu’il semblait tant haïr et celle de Chessur pour diverses raisons. Les guerriers couverts d’armures écarlates agitaient de longues lances et étaient équipés de larges boucliers. Ces combattants hurlaient.
-A mort ! On aura vos têtes !
-Chessur auriez vous l’obligeance de m’aider a fuir ces inopportun dois je me préparé a vendre chèrement ma vie et à raccourcir  la leur par la même occasion?
A ces mots son regard fut brièvement traversé par une lueur écarlate. Ses mains se mirent à trembler un sourire démoniaque naquit sur son visage et ses épaules eurent un soubresaut agitées par son rire sadique. Il sortit des plis de sa longe cape de soieries une lame au tranchant redoutable ainsi qu’un archaïque manuscrit à la reliure de cuir rouge. Chessur pouvait sentir le sombre pouvoir des écrits qu’il contenait.

-A mort ! On aura vos têtes !

Et voilà les gardes qui se ramènent... la Reine était douée pour gâcher la journée du matou. Était-elle toujours fâchée contre lui après tout ce temps? Tout ce que le chat avait fait c'était d'explorer un peu le monde d'Alice... De toute façon, elle ne cherchait que des raisons pour avoir sa tête. Encore faudrait-il qu'elle puisse l'attraper. S'il avait été seul, il aurait probablement déjà été parti depuis un moment. Il soupira et se retourna vers son invité.

-''Chessur, auriez vous l’obligeance de m’aider a fuir ces inopportuns ou dois-je me préparer à vendre chèrement ma vie et à raccourcir la leur par la même occasion?''

Mais avant même que le chat n'aie le temps d'ouvrir sa grande bouche, le mystérieux compte se mit à changer devant ses yeux. Ses pupilles prirent une jolie teinte de rouge et un large sourire s'étendit sur ses lèvres. Un sourire presque aussi beau que le sien. Le chat fut plus intrigué par la lame et le petit parchemin qu'il tenait. Une étrange énergie en émanait. Cheshire appuya sa tête sur ses pattes, toujours en suspension dans les airs.

-''Je pourrais vous aider mais je doute que cela soit nécessaire...'', répliqua-t-il avec un large sourire.

Pour être honnête, il était très curieux de voir comment l'homme comptait se débarrasser des gardes. Parlant du loup, ou plutôt de la meute, ceux-ci s'approchaient dangereusement. Le sourire du chat s'élargit.

-''Je pourrais vous aider mais je doute que cela soit nécessaire...'
Répondit chessur .Mais il parlait dans le vide, le comte n’écoutait plus que l’invisible duel entre lui et sa folie. Il ne se laissait pas faire et tentait de se calmer, de ne pas céder à la tentation de la violence, du sang, de la haine, de la rage et de cette envie malsaine de sentir l’enivrante odeur des flots de sang et des cadavres en décomposition. Il cherchait à se calmer, à penser à ceux qui avais souffert de son incapacité à retenir ses dévastatrice pulsion. Mais au moment ou les soldats arrivèrent, il n’eut d’autre choix que de se battre. Anicet se mit à voltiger épée en mains, tout en psalmodiant des formules diverse. L’ont peut être certain qu’un soldat seul n’eut pas la moindre chance, le comte était habile au fleuret et maîtrisait d’étrange pouvoir, l’un des guerriers s’était effondré, une colonne de flammes bleutée s’échappait de son armure, mais les soldats était nombreux et le comte troublé. Alors qu’il parait l’épée d’un des sbires de la reine rouge, le comte reçut un coup de lance entre les côtes. Anicet baissât la tête et lorsqu’il la releva ses yeux flamboyaient. Sa pupille et son iris étaient teinté d’une seule couleur.

Le Chat se retira un peu, tout sourire, et regardait le spectacle. Il n’aimait pas se mêler aux conflits. Non pas parce qu’il avait peur, mais parce que cela l’ennuyait. Il préférait observer de loin comme il l’avait toujours fait.  Il flotta à l’écart, gardant un œil sur le mystérieux compte. Il dégageait une certaine énergie, une mystérieuse énergie que Chessur n’avait jamais sentie. Le Chat était de plus en plus curieux. Il croisa les pattes et sourit, les gardes ne semblaient même pas l’avoir remarqué. Ils n’avaient d’yeux que pour l’étranger. Et c’était très bien comme ça.  

Les hommes-cartes entourèrent le compte et passèrent à l’attaque. Il fallait l’admettre, il était plutôt doué. Il maniait sa lame d’une main experte tout en tenant les parchemins de l’autre, des flammes bleues en sortaient pour aller heurter les gardes. Cheshire suivit l’un des gardes du regard qui s’envola presque du combat pour atterrir lourdement au sol, une fumée bleutée s’échappait de son armure. Le bruit métallique des lames qui s’entrechoquaient résonnaient dans la vallée. Le Chat s’approcha un peu pour mieux voir le combat. Il tourna la tête sur le côté quand il vit deux lumières rouges se distinguer de l’amas d’armures. Ses oreilles frétillèrent. Voilà qui était intéressant. Le chat se tourna alors vers les bruits de pas qui arrivaient. Des renforts… Il grogna en voyant le Valet de Cœur à leur tête. Toujours là pour gâcher tout…. Le Chat jeta un coup d’œil à son invité qui semblait bien s’amuser. Il décida qu’il n’était pas sage de le déranger tout de suite. Il se dirigea donc vers le Valet et apparu devant ses yeux.  

-''Bien le bonjour Valet! Comment se passe la journée?'', commença le Chat d'un ton enjoué.

L'homme recula d'un pas et grogna.

-''Où est-il?!''

-''Mais quoi donc? Votre esprit? Je crois qu'il est perdu pour de bon, cher.'', sourit-il.

Le Valet grogna de plus belle et l'empoigna.

-''Oh là là, un vrai chien.'', rigola Chessur avant de glisser hors de la poigne du Valet.

Il continua à virevolter autour du Valet. Il n'en n'avait pas l'air mais il gagnait du temps. Et comme le Lapin le dit toujours: ''Le temps est précieux!''