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| | Ecrits d'Emily | |
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Emily Admin
Messages : 699 Date d'inscription : 11/07/2010 Age : 30
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mer 8 Déc - 21:26 | |
| Lunatica, tu n’es pas la même, On ne peut savoir si tu déteste ou aime Tes lèvres sourient, mais tes yeux pleurent Belle joie ou profond malheur ? Ma Lunatica, Douce et cruelle à la fois Tes yeux inexpressifs Sur ton teint maladif E t cette fragilité qui s’accroit… Chère Lunatica, Qui donc comprendra ?... - Spoiler:
- Spoiler:
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 25 Jan - 19:14 | |
| [Parenthèse poètique (ça m'arrive des fois)]
.
Ne t'en vas jamais A présent c'est si beau Tu éclaires mes joyaux Hier ils pleuraient... Avant toi, c'était gris Nul oiseau ne chantait Avant, c'était la pluie Et le sang s'écoulait...
Les lettres que tu écris Je les aime, je les lis, Elles font de ce monde un si beau paradis Tout en moi déraisonne Amour, je te pardonne Il y a dans mon âme des poèmes qui résonnent... Mon coeur est le votre Et pour personne d'autre. .
Eux.
Fin limier téméraire, Un inspecteur hors pair, Le meilleur, le justicier, L'ami dont j'ai toujours révé.
Mais hélas, son frère Ose prétendre tout le contraire Oh, tout ce sang qu'il fait couler! Nul ne pourra l'arréter.
VVoilà donc, à présent À mes yeux le plus charmant, Le plus habile des voleurs, Kamikaze de mon coeur. | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mer 9 Mar - 17:59 | |
| Coucher de soleil... - Spoiler:
Complainte (Sur l'air de Mononoké Hime) Lorsque tu n'es pas là Je regrette, c'est plus fort que moi... Je sens larmes couler toutes seules Former sur mes joues un linceul... Et mes rêves qui me poignardent, Lentement je baisse la garde... Mais les mots, mes amis, viennent à mon secours Pour que je te prouve mon amour Mes poêmes ne sont que des complaintes, De longs cris pour exprimer ma douleur... Entend cette plainte, La Lune a si peur Car l'angoisse torture mon coeur... Car l'angoisse torture mon coeur... Après des temps désespérée... Je t'ai enfin trouvé Tu m'as apporté lumière et bonheur Et tu as chassé mes pleurs... Sans toi ma vie n'a plus de sens Tu as exilé ma souffrance... Et pour cela je t'offre mon amour A jamais et pour toujours... Tu es dans mon coeur, comme dans mon âme Une présence, tout le temps omniprésente Je te réclame Ton amour me hante. Je le garderai auprès de moi... Je le garderai auprès de moi... | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Quand je regarde par la fenêtre Dim 11 Nov - 11:05 | |
| QUAND JE REGARDE PAR LA FENÊTRE Quand je regarde par la fenêtre, Je vois un ciel que je connais. Les oiseaux dansent leur ballet, Les feuilles frémissent quand l’orage tonne Douillet crépuscule d’automne. Quand je regarde par la fenêtre, Je pose ma main sur le verre Je vois mes ongles devenir givre J’attends, j’attends le tendre hiver Car le froid me rend plus libre. Quand je regarde par la fenêtre, Je vois la Lune lentement s’élever Elle qui m’appelle et me rappelle Qu’avant je n’étais rien sans elle Et qu’avant j’avais su l’aimer. Quand je regarde par la fenêtre, Je sais que mon âme est fragile Je ne suis qu’un insecte malhabile Attiré par l’astre lunaire Que je renie le cœur amer. Quand je regarde par la fenêtre, C’est la rancœur qui me condamne Pas de regret, juste un constat, Ces souvenirs brûlent dans une flamme Qui plus jamais ne s’éteindra. Quand je regarde par la fenêtre, Ce que je fais de moins en moins Je sens cette chose indescriptible Ce sentiment presque immobile, Et dans mon cœur, un vide sans fin. "Par la fenêtre" (version différente du poême précédent) Air : https://www.youtube.com/watch?v=iQMg5sxNWgUPAR LA FENÊTRE Un soir, un instant par mégarde, Une distraction, je baisse la garde, Et à ce moment je regarde Par la fenêtre, par la fenêtre. Ils ressurgissent, les souvenirs Je les avais pourtant vu mourir Mais je les entends revenir, Par la fenêtre, par la fenêtre. Les sentiments sont mouvementés, Et mon humeur est bousculée, Mais j’ai tant besoin de m’exprimer, Par la fenêtre. Je n’ai pas changé d’opinion, Mais relu avec attention L’histoire de cette relation Par la fenêtre. Bien sur, il y a eu du bonheur ! Et ces mois ont ravit mon cœur ! Mais tout a fuit comme un voleur, Par la fenêtre, par la fenêtre ! Nous avons été sacrifiés Au nom de la réalité… J’ai réussi à me détourner De la fenêtre, de la fenêtre… Quand je regarde la Lune, Elle ne m’apporte que rancune, Je me souviens, des heures, chacune Que j’ai passé à la fenêtre. Et tant pis s’il faut l’avouer, Même si on se l’est bien caché Mais l’amour n'est qu'un pâle reflet Vécu à travers la fenêtre. Mais tout cela c’est du passé Bien entendu c’est terminé, Il y a longtemps que j’ai quitté Cette fenêtre, cette fenêtre. Mais lors de ces moments si rares, L’atmosphère soudain, devient noire Et je sens un coup de poignard Par la fenêtre ! Par la fenêtre ! Ancrée à jamais dans mon être, cette fenêtre, cette fenêtre ! Mais lors de ces moments si rares, L’atmosphère soudain, devient noire Et je sens un coup de poignard Par la fenêtre… Par la fenêtre. | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 27 Avr - 23:20 | |
| One, Two, Three, Four, Five, Six, Seven, Eight... And just Nine is mine... - Spoiler:
- Spoiler:
Toi qui n’es plus qu’un souvenir Que ma passion fait revenir Si je pouvais, si je pouvais, si je pouvais Espérer te faire comprendre Te demander pardon, me rendre Changer ta déception en cendre Je le ferai, je le ferai, je le ferai. Toi que mon âme refuse de laisser, Qui de mon cœur fut chassé Si je pouvais, si je pouvais, si je pouvais En rejetant toute ma fierté Devant ton sourire sans pitié Admettre que tu as gagné Je le ferai, je le ferai, je le ferai. Toi qui n’es plus qu’un bijoux Qui ornait ma vie jusqu’au cou Si je pouvais, si je pouvais, si je pouvais Garder rien qu’avec quelques mots Ta marque qui brûle encore ma peau Comme une offrande, un cadeau, Je le ferai, je le ferai, je le ferai. - Spoiler:
Beau malheur.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 2 Juin - 14:56 | |
| PROLOGUE - Spoiler:
« Il y a quelque chose de pourri dans mon pays des Merveilles. Bien que je n’y sois plus retournée de puis plusieurs années, je le sens, quelque chose me ronge les entrailles, enferme mon cerveau et brûle mon esprit. Et je pourris lentement de l’intérieur, comme tous ces cœurs cassés. Non, je ne veux pas rester comme ça à attendre que ça cesse, car je sais pertinemment que ça n’arrêtera jamais. Je n’ai qu’une seule solution pour comprendre comment arrêter cette lente torture. M’y confronter face à face. Y retourner. Réaliser un ultime affrontement. Retourner au pays de mon imagination. »
Je marche, je marche, je marche… Les rues sont désertes et froides, malgré le soleil étincelant. C’est le printemps. L’herbe est parsemée de marguerites que le monde entier piétine sans pitié. Les câbles électriques au-dessus de ma tête grésillent un peu trop fort. J’arrive près d’une étendue d’herbe fraîche entourée de maisons. Un petit monticule de terre recouvert d’un bosquet y repose, juste devant est posée une pierre plate qui pourrait parfaitement faire office de pierre tombale. Je connais bien cet endroit, il était sur ma route pour aller au lycée. Une vraie source de mythes urbains improbables. Le bosquet, pas le lycée. Les oiseaux sifflent, le vent souffle, et je soupire. Derrière ce petit monticule se trouve une rangée d’arbres soigneusement alignés qui se termine à l’autre bout de l’étendue d’herbe, beaucoup plus étroite, que deux grosses bâtisses encadrent soigneusement. Impossible de voir ce qu’il y a derrière. « L’endroit idéal pour basculer d’un monde à l’autre » je pense. Alors que je commence à m’avancer vers la lignée d’arbres, un bruit, ou plutôt un grattement retient mon attention. Je me retourne donc vers le monticule de terre. Rien. Fausse alerte. J’avais pourtant cru… Tant pis. C’est alors qu’une patte parsemée de griffes surgit du tas de terre dans un bruit acéré, puis une autre, suivit d’un grognement semblant émaner des profondeurs de la terre. Le monticule remue, prenant petit à petit la silhouette d’un quadrupède d’une taille de lion. La créature se dégage rapidement du bosquet, le réduisant en charpie, et me fait face. Je n’en crois pas mes yeux. C’est une sorte de panthère squelettique, uniquement constituée de matériaux mécaniques ! Une multitude de fils dorés partant de l’arrière de son crâne parcourent ses os parsemés de rouages qui semblent être constitués de cuivres. Ses griffes et ses dents sont en fer et deux ampoules d’un rouge incandescent lui servent d’yeux. Curieusement, je n’ai pas trop peur, je sens que cette créature ne me veut pas de mal, pour l’instant.
« - Ainsi donc, te revoilà. Cela fait un moment que nous ne nous attendions plus à ton retour. Quel bon vent t’amène ? Grogne l’animal automate d’une voix rauque.
-Celui du désire de liberté et de guérison. Mon imagination est malade, je le sais. J’ai besoin d’exorciser ce mal qui la ronge.
-Malade ? Ca t’étonne ? Ricane la panthère, Evidemment, on ne guérit jamais aucun mal en le laissant pourrir dans un coin, au contraire ! Il croît, jour après jour, et devient de plus en plus envahissant. Il dévore sans cesse, son appétit ne connaît aucune limite. Il s’est installé dans les limbes de ton esprit et a commencé à affecter ton imagination. Si tu veux la soigner tu devras t’y confronter cette fois, et non l’ignorer. »
Mes dents se serrent en entendant ce discours. Je sais que j’ai été stupide et lâche au part avant, mais c’était plus fort que moi, je n’étais pas prête à affronter tout ça ! L’arrogance et l’amertume du félin mécanique m’interpellent brutalement et je comprends que je ne peux plus faire marche arrière.
« - Qui es-tu ? lui demandais-je curieusement.
-Moi ? Je suis la Bête. Je suis ici depuis ton départ, sans but précis, tout en sachant précisément que je doit veiller à ce que cet endroit ne se détraque le moins possible, je suis une sorte de gardien. Mais tout est allé trop loin, trop vite. Comme un train qui déraille, beaucoup de choses ont commencé à s’emballer ici. Il était temps que tu arrives !
-Qu’est ce qui s’est passé ?
-Suis moi, tu sauras. »
Et la Bête commence à marcher en direction de la rangée d’arbres, dans un cliquetis de rouages incessant et de vrombissement de moteur. Je reste immobile quelques secondes avant de me décider à la suivre d’un pas prudent. Je me rends compte que les oiseaux se sont tus, que les quelques bruits de voitures que l’on entendait au loin ont disparu. Il n’y a plus que moi et l’étrange animal mécanique, qui commence à me raconter ce que je désirai savoir.
«-Avant tout ma chère je te recommande beaucoup de prudence, car l’endroit où tu vas arriver n’est plus aussi innocent qu’autrefois. Les merveilles que tu avais pu y rencontrer risquent maintenant d’être fortement corrompues. Attends toi à de grandes désillusions. Nous allons arriver dans une grande ville, ou plutôt un royaume. Le royaume des trois Princes. En effet ce monde est partagé entre trois frères, en trois zones de tailles égales. Le Prince de Glace, le Prince de Sang et le Prince de Cendre. Le Prince de Glace est le premier chez qui tu devras te rendre, car il se situe au début de ton imagination. Tu devras d’abord traverser son domaine pour te rendre chez le Prince de sang, puis chez le Prince de Cendre, le but final de ton voyage. Comprends tu ?
-Jusque là oui. Mais pourquoi ne pas directement me rendre chez le Prince de Cendre puisque c’est là que tout peut être arrangé ?
-Il y a deux raisons à ça, petite sotte. Premièrement les trois royaumes ont des frontières qu’il te seras quasiment impossibles à passer si tu ne convainc pas les souverains de les ouvrir pour toi. Le Royaume de Cendre se situant au fin fond de ce monde, tu seras obligée de passer par les deux autres avant. La seconde raison est que ce voyage ne te sera strictement d’aucune utilité si tu ne prends pas la peine d’explorer chaque recoin de ton imagination, qui pourront souvent être riches en indices concernant le remède de tous tes maux.
-D’accord, c’est compris. »
Je baisse la tête plutôt penaude, en sentant qu’une lourde tache m’attend ici, au fond de mon esprit, en tête à tête avec moi-même. Puis je regarde devant moi : c’est étrange, normalement on aura du arriver au bout du chemin depuis longtemps, mais nous n’en sommes même pas encore à la moitié ! Le chemin semble s’allonger indéfiniment. Il me semble aussi qu’il fait plus froid, que la température baisse de minute en minute.
« Je vais maintenant te dire ce que tu dois savoir sur le Prince de Glace. Avant ton départ, c’était un monarque juste et droit, très protecteur envers son peuple. Beaucoup de gens l’idolâtraient, on disait de lui que c’était un souverain parfait. Son royaume était serein et la criminalité extrêmement faible. La veuve et l’orphelin pouvaient dormir tranquille, car il veillait. Et puis… Il a sombré dans la paranoïa après que tu ais laissé ce monde à l’abandon. Une cruelle angoisse qui lui a fait perdre la raison. Il commençait à croire que ses ennemis étaient partout autour de lui, prêts à l’attaquer et à le détruire lui et son royaume. Les arrestations sont devenues de plus en plus nombreuses, et beaucoup d’innocents se sont retrouvés derrières les barreaux ou ont été exilés dans les terres du Princes de Sang (ce qui équivalait presque à une condamnation à mort). Aujourd’hui la milice est partout, oppressante, inquiétante. Les couvre-feux et les contrôles réguliers sont de rigueur là bas. On raconte que la psychose du souverain et la terreur des habitants sont telles qu’elles ont gelé l’atmosphère et que le Royaume et condamné à un hiver permanant. C’est cet enfer là que tu devras affronter en premier. »
J’écoute en silence, concentrée sur chacun des ses mots. Lui ? Un dictateur paranoïaque ? Mon esprit a vraiment disjoncté. Je vais devoir remettre tout ça dans l’ordre.
« Peux-tu m’en dire plus sur les deux autres Princes ? »
« Je te dirai ce que tu devras savoir sur eux le moment venu. Pour l’instant tu ne dois te concentrer que sur le Prince de Glace et son Royaume, compris ? »
J’acquiesce. Il commence à faire vraiment froid maintenant, mon souffle se change en buée et mes dents claquent, on dirait que la fin du sentier est proche maintenant, et se ne sont plus des maisons qui bordent le chemin, mais de gigantesques haies. Je lève la tête : les arbres n’ont plus une seule feuille et sont recouverts d’une fine couche de givre, le ciel est d’un blanc aveuglant. La Bête s’arrête devant le dernier arbre. Après celui-ci le chemin tourne vers la gauche. Je m’arrête à mon tour, la créature mécanique me regarde et me dit :
« Nous sommes arrivé. Suis le chemin de haies jusqu’au bout, il ne te reste plus que quelques mètres. Tu arriveras dans vieux un parc public en plein centre de la ville du Prince de Glace. Sur ta droite il y aura une vieille fontaine abandonnée dans laquelle se trouvera une pilule bleue. Avale-la et tu ne souffriras plus froid pendant une heure. Ca te donnera le temps de trouver un abri ou de quoi t’habiller plus chaudement. Ne fais rien qui puisse te faire remarquer pour l’instant, et souviens toi : prudence. Bon courage Emily.
-Attends ! Tu veux dire que tu ne viens pas avec moi ?
-Le froid est mauvais pour mes mécanismes, et puis c’est ton esprit. Tu peux donc te débrouiller seule. D’ailleurs, tu risques d’être très souvent seule face à toi-même… Mais si tu es vraiment perdue, si tu as besoin d’aide, regarde la Lune, et appelle moi."
Après cette dernière tirade, la Bête me jette un ultime regard, un regard presque humain dans lequel je crois déceler de la compassion, puis s’enfonce en plein milieu de la haie en face de moi avant de disparaître.
Je suis seule.
Seule face a une immensité que je ne connais pas, ou plutôt que je ne connais plus. Face à un monde qui autrefois était mien, mais où aujourd’hui je n’y suis qu’une parfaite étrangère. Je ferme les yeux, inspire un bon coup, serre les poings et continue mon chemin entre les remparts de buis givrés.
ACTE 1
CHAPITRE 1 - Spoiler:
« La ville de Glace est telle que je l’avais imaginée. Coïncidence ? Je ne crois pas. »
Lorsque je sors du chemin de buis, c’est un univers blanc et pur qui m’accueille. Enfin en apparence. Cette blancheur extrême me brûle les yeux tandis que mes doigts commencent à devenir bleus de froid. Cette atmosphère est aussi belle que dangereuse. Je reviens sur mes pas et me rends compte que le chemin d’où je viens n’est plus qu’une impasse. Plus le choix. Je m’avance dans le parc. Des arbres aux branches tordues de manières impossibles dorment dans un silence mortuaire près de quelques bancs, tous en piteux état. Aucun oiseau, mammifère ou insecte ne semble avoir investi les lieux. Des bosquets de feuilles grises recouvertes d’un fin duvet blanc jonchent le sol et un chemin de gravier serpente dans plusieurs directions. Tout autour du parc sont entassés des bâtiments de type victorien de hauteur variable et un grillage des plus raffinés enferme cet endroit, où je me trouve. Perdue dans ma contemplation du lieu, le froid mordant me ramène à la raison : Je dois trouver cette fameuse pilule avant de devenir une statue de glace ! Je me dirige donc vers ma droite, suivant les indications de la Bête, et découvre une petite fontaine murale. Je m’approche doucement et remarque effectivement une pastille bleu cyan qui m’y attend sagement. Je la saisis fébrilement, priant pour que ses effets soient réellement efficaces car le froid commençait déjà à me pétrifier, puis l’avale d’un coup. Une minute passe, puis deux, puis trois avant que je commence seulement à ressentir une légère vague de chaleur m’envahir. Je pousse un soupir de soulagement avant de recommencer à respirer normalement. Le froid disparaît petit à petit, me redonnant une liberté de mouvement correcte. Me sentant plus à l’aise je ne peux m’empêcher de saisir à main nue une grosse poignée de neige et de constater que cela me fait autant d’effet que de tenir une poignée de sable au creux de ma paume. Mon regard se pose de nouveau sur la fontaine de marbre, et un détail attire mon attention. Il semble que quelque chose ait été gravé sur le haut. J’entreprends de gratter la couche de givre qui cache l’inscription et découvre trois lettres que je connais bien.
« Parfait, au moins je suis sure d’être arrivée au bon endroit. »
M’éloignant de la fontaine, je décide d’arpenter le parc à la recherche d’une sortie potentielle. Je choisis de longer le grillage par la droite, persuadée de tomber tôt ou tard sur un portail. En effet, au bout de quelques minutes de marche, me voilà face à une énorme porte en fer noir, ornées de différentes arabesques avec au centre, une gravure magistrale d’un phénix aux ailes immenses. Je pourrai rester des heures à contempler cette œuvre imposante, mais les paroles de la Bête me reviennent en tête et je me rappelle que je ne dispose que d’une heure, et même moins maintenant pour me mettre à l’abris du froid meurtrier. Je saisis donc la poignée et la fait pivoter dans un grincement. Mais la porte refuse de bouger. Je recommence plusieurs fois, rien à faire, la porte reste close. Condamnée. J’hésite à appeler à l’aide, mais je me rappelle que je dois me faire la plus discrète possible. Sentant la panique naître entre mes entrailles, je recommence à suivre le grillage, tout en évaluant mes chances de l’escalader si jamais il n’existait pas d’autres sorties. Ce serait impossible : les barreaux étaient lisses et haut de trois mètres, je ne pourrai jamais grimper. Alors que j’allais de revenir à mon point de départ, je remarque que le grillage s’arrête net sur un grand mur de pierre, sûrement celui un bâtiment mitoyen au parc. Et tout le long de ce mur se dresse une plante énorme, impressionnante de force et de beauté, une plante qui semble être épanouie et en parfaite santé plongée dans cet hiver sibérien. Un rosier blanc. Ebahie devant tant de grâce, je mets un certain temps avant de me rendre compte que ce rosier et mon seul salut : ses branches robustes constituent une échelle de choix pour m’aider à passer le l’autre côté du grillage. Je m’approche de la plante afin de l’observer de plus près : les fleurs sont douces et délicates et leur couleur est aussi pure que la neige qui les entoure, les tiges les plus fines sont d’un vert tendre tandis que les plus épaisses sont presque noires et bardées d’épines monstrueuses ! Je recule, hésitante. Le dilemme est simple : une ascension pénible aux douloureuses promesses ou une mort à petit feu dans un parc à l’abandon où personne ne me retrouvera jamais. Je me décide rapidement et m’approche du rosier épineux en me rappelant que tout cela n’est que le début d’un long périple…
Le premier mètre fut douloureux, tout comme l’est le second et le sera sans doute le troisième. Les branches que j’attrape ont trop d’épines pour que mes paumes soient épargnées, et mes mouvements sont de moins en moins précis. Le sang rend mes mains poisseuses et glissantes. Les picots commencent à avoir raison de mes semelles et je les sens qui commenceront bientôt à s’attaquer à la chaire de mes pieds. Je maudits ce rosier blanc qui me torture de toute mon âme ! J’ose à peine un regard vers le sol. Les fleurs et la neige sont teintées du pourpre qui glisse le long de mes doigts. Je trouverai ça peut être beau si je ne souffrais pas autant. Le sang et les larmes continuent de couler et enfin, j’atteins le haut de la grille. Dans un dernier effort insoutenable, je passe de l’autre côté. Une fois ce mouvement fini, n’y tenant plus, mes mains lâchent et je chute dans un tas de neige de l’autre côté du parc. Le choc est rude et mes articulations grincent, mais ce n’est rien par rapport au long supplice qu’ont subit mes mains. Elles sont dans un état lamentable, parsemées de plaies et dégoulinantes de sangs. Je reste étendue dans la neige quelques minutes, incapable de bouger, les paumes contre la neige pour essayer des les soulager.
« Ces fleurs étaient mes alliées autrefois, des cadeaux. Jamais elles ne m’auraient autant blessée… »
Au bout de quelques instants, je décide de me relever, consciente qu’il ne doit plus me rester beaucoup de temps avant que l’effet de la pilule cesse. Mais avant, n’y tenant plus, je déchire deux pans de tissus sur ma jupe que je trempe dans la neige afin d’en faire des pansements de fortune pour mes mains meurtries. Avant de me détourner définitivement, je me rapproche de la grille et aperçoit un bouton de rose, avec plusieurs pétales teintes par mes soins, dépassant du grillage, comme s’il cherchait à se faufiler lui aussi en dehors de ce parc maudit. Sans réfléchir, je le cueille rapidement et le glisse dans l’une de mes poches.
CHAPITRE 2 - Spoiler:
« Mes souvenirs sont comme les pétales d’une fleurs : éparpillés aux quatre vents, ils n’ont plus aucune valeur. »
La ville est déserte. Il n’y a pas un chat. L’uniformité blanchâtre du ciel empêche d’avoir une idée de l’heure qu’il pourrait être. Je boite un peu, ma cheville droite a mal vécu la chute depuis le rosier infernal tout à l’heure, mais ça n’a pas l’air très grave. Je pense être arrivée dans un quartier résidentiel car je ne vois aucun magasin aux alentours. Les maisons ressemblent à des demeures victoriennes plutôt grandes et confortables, mais je ne vois aucune lumière à leur fenêtre et aucune fumée n’émane des cheminées. J’explore un peu, et aperçoit une grande statue au loin : elle représente un homme au visage dur, dans une pose théâtrale, une couronne sur la tête, une balance dans la main et une épée dans l’autre. Sur le socle est gravé « La Justice demande des sacrifices ». Plus loin dans cette rue je découvre plusieurs affiches de propagande placardées sur des murs scandant des propos douteux tel que « Dénoncer son voisin vaut mieux que mourir demain » ou encore « Avez-vous vraiment confiance en votre famille ? ». Juste à côté se trouve d’autres affiches vantant les mérites de la milice locale : on y voit des dizaine d’hommes vêtu de blanc, l’air grave et armés jusqu’aux dents, sur une autre on peut y voir un général chevauchant une sorte de mammouth qui écrase tout sur son passage. Ce monde commençait à être sévèrement détraqué ! Je comprends maintenant pourquoi les gens préfèrent rester cloîtrés chez eux en faisant le moins de bruit possible. Abasourdie par ce que je viens de voir, je décide de quitter cet endroit dans l’espoir de trouver un quartier un peu plus animé.
Alors que je parcours des ruelles qui se ressemblent toutes, la neige commence à tomber avec douceur dans mélodieux silence. C’est beau. J’avance encore un peu et je crois entendre un bruit. Je m’arrête pour tendre l’oreille : plus rien. Je continue à marcher, un peu plus prudemment, lorsque j’entends une nouvelle fois ce bruit, cette fois j’en suis sure : c’est un rire d’enfant ! Dans ce contexte de ville fantôme enneigée, ce genre de rire peut vite vous effrayer… J’entends le rire enfantin une seconde fois, plus distinctement, et cette fois-ci précédé par un bruit de boite à musique. Curieuse, je me mets à chercher la source de ce bruit, jusqu’au moment où je crois voir une ombre se faufiler au coin d’une rue. Je me mets à marcher de plus en plus vite pour la suivre, ma cheville refusant de courir. La petite silhouette me fait parcourir différentes ruelles, de plus en plus sombres et insalubres dans lesquelles la plupart des bâtiments ont été violements détruits, pour finalement s’arrêter dans un quartier sale, mais fréquenté. En effet, je vois d’autres silhouettes, plus où moins humaines, défiler sur le trottoir, entrer dans les bâtiments, en ressortir. Le fait de ne plus être seule me rassure un peu, mais ces gens me font plus penser à des fantômes errants qu’à des citoyens ordinaires… J’ai repéré le petit rebord dans un angle de rue où l’enfant que j’avais suivit jusqu’ici s’était assis, dos à moi. Je m’élance à sa rencontre. Visiblement ce doit être une petite fille, de part les long cheveux rouges qui lui tombait dans le dos. Arrivée à quelques mètres d’elle, je peux entendre distinctement la boite à musique qu’elle tient dans ses mains, et je l’entends se mettre à fredonner en cœur. Je décide de la prévenir de ma présence :
-« Bonjour ! C’est joli ce que tu écoutes.
La gamine se retourne, pas surprise pour un sous, avec un grand sourire et… Un œil en moins. En effet, la fillette est borgne, elle porte un cache œil blanc. Mais elle est aussi très mignonne, habillée comme à l’époque, ses cheveux écarlates et son teint de rose font ressortir à merveille son œil unique, d’un bleu profond.
-Merci. Moi aussi j’aime bien cette musique. Je ne savais pas que tu allais revenir.
-Comment ça ? Tu me connais ? Tout le monde est au courant que je suis revenue ici ? Demandais-je, à la fois surprise et inquiète de la réaction de l’enfant.
-Pas forcément. Moi oui, je te connais. Tu ne te souviens pas de moi ? C’est pourtant moi qui t’ai amené ici pour la première fois.
-Je ne sais pas, mes souvenirs sont confus… Comment t’appelles-tu ?
-July. »
Ce simple mot fait exploser dans ma tête un flot souvenirs trop longtemps enfouis dans les décombres de ma mémoire. Une terrible migraine m’assaillit brutalement et, prise d’incontrôlables vertiges, je m’assois près de la fillette qui me regarde avec étonnement. J’ai la tête pleine d’images du passé. Je revois cette ville, cette rue, pleine de gens rigolant aux éclats et discutant les uns avec les autres. Les maisons sont plus belles et l’ambiance moins sordide, quoique conservant un certain charme gothique. Les nuages sont d’un bleu gris agréable à regarder, et le vent est doux. Les visages de certaines personnes me sont familiers, d’autres pas. Il y a un lapin. Je reconnais même l’endroit où July et moi sommes assises actuellement, il s’agit du parvis de la boutique d’un barbier à l’honnêteté douteuse…
J’ai à peine le temps de reprendre mes esprits pour sentir les premiers tremblements. D’abord très faibles, juste des bruits lointains, et puis, de plus en plus proche. On sent la terre qui se met à trembler, quelque chose arrive, quelque chose d’énorme ! C’est July qui réagit la première en poussant un cri strident qui résonne atrocement dans la tête. Tout le monde commence alors à courir dans tous les sens, la panique est générale. J’ai l’impression d’être dans un cauchemar et les tremblements me martèlent la tête. Heureusement, July me prend par la main et me force à me relever.
« Cours par ici ! M’ordonne-t-elle en me montrant une direction, lorsque tu seras arrivée au bout de la rue, il y aura une trappe cachée par deux tonneaux factices ! Cache toi dedans et ne ressors que lorsque tu seras sure que la rue est déserte ! »
Après ces dernières explications rapides elle disparaît dans la foule. Très bien, il ne me reste plus qu’une chose à faire : courir ! Je me propulse comme je peux sur ma cheville foulée dans la rue indiquée par July. Les tremblements sont tout proches à présent, et j’entends également des grognements de chiens arriver vers moi. Je risque un coup d’œil en arrière et ce que je vois me pétrifie ! Dans le carrefour où j’étais assise il y a moins de deux minutes se tient à présent un mammouth gigantesque, piétinant tout sur son passage. Mais il n’y a pas que lui. Des cavaliers vêtus de blancs sur des chevaux tout aussi blancs l’accompagnent, galopant vers les pauvres gens s’enfuyant, ainsi que d’énormes molosses qui coursent également les fugitifs. En proie à une frayeur nouvelle, je redouble d’efforts pour accélérer ma course et atteindre à temps le bout de la rue ! Hélas, ma cheville ne le supporte pas et je tombe en avant, me rattrapant sur mes pauvres mains, qui sous le choc se remettent à saigner de plus belle. En me relevant, je constate avec effroi que deux énormes chiens, attirés par l’odeur du sang m’ont prise en chasse ! Je panique, cours et retombe une seconde fois. Alors que ma première chute avait été légèrement amortie par un matelas de neige confortable, celle-ci est un électrochoc car je sens réellement pour la première fois la morsure de la neige gelée sur ma peau : les effets de la pilule sont en train de s’estomper. Le froid brûle mes mains déjà endolories et je peine à prendre appuis dessus. Je n’arrive pas à me relever et me laisse tomber sur le sol, toute la partie gauche du visage dans la neige mordante. Je ferme les yeux lorsque le premier chien arrive à ma hauteur, espérant bêtement que cela puisse me rendre invisible d’une façon ou d’une autre. Je comprends que mon stratagème ne marche nullement lorsque que je sens un violent coup de griffes s’abattre sur mon bras droit, m’arrachant un cri de douleur. Le second arrive pour m’inspecter en grognant, puis les deux cabots se mettent à aboyer. Le froid me paralyse, je n’ai même plus la force d’ouvrir les yeux, mais mon oreille droite me permet encore de comprendre ce qui se passe. J’entends les chiens grogner, puis des sabots de chevaux s’approcher, ils sont deux ou trois. Leurs cavaliers parlent entre eux, mais mon esprit commence à être trop engourdi pour comprendre leurs paroles. Je sens qu’on s’approche de moi, qu’on attrape les mains et qu’on me les attache dans le dos, qu’on me soulève… Et puis c’est le noir total.
CHAPITRE 3 - Spoiler:
Je suis dans un train. Non, dans une sorte de bar, mais le paysage que l’on voit dans les fenêtres défile, défile… Peut être est-ce bien un train. Je ne comprends pas comment j’ai pu arriver ici. La pièce est agréablement décorée, meublée de couleurs à la fois vives et douces. Un lustre clinquant de cristal trône au plafond. Je suis assise sur un canapé et je sens le paisible roulis du train qui file sur les rails. Mais je ne suis pas seule. A l’autre bout de wagon, je vois plusieurs personnes parlant entre elles. De là où je suis, la discussion est inaudible, mais j’entends parfaitement les éclats de voix, les sons de piano et de verres brisés. Au bout de quelques minutes, une silhouette vient vers moi en courant, je la reconnais : il s’agit de July ! Elle me gratifie d’un grand sourire :
« - Allez viens ! Viens avec nous, on s’amuse bien ! »
Le ton est insistant et la gamine excitée comme une puce. Elle me prend la main. Sans trop réfléchir, je me lève et traverse la pièce à la rencontre de ces inconnus. Leurs visages sont brouillés et ils ne font pas trop attention à moi. Je crois apercevoir une fille entièrement vêtue de noir, une sorte de fossoyeur et un homme aux mains tranchantes essayer de jouer du piano… Soudain, une porte située au fond du wagon s’ouvre brutalement ! Je n’ai pas le temps me retourner pour voir celui qui vient de l’ouvrir, car le train émet un crissement horrible et bascule de ses rails. Tout s’emballe et le wagon tombe dans un chaos total. Hurlant de peur je ferme les yeux…
Et me réveille dans un cri d’effroi, tremblante de sueur. J’ai l’impression d’avoir un marteau dans le crâne et mes oreilles sifflent atrocement. Ma première pensée est de me dire que ce n’était qu’un rêve, mais c’est idiot : ne suis-je pas dans un rêve depuis le début ? Je réalise avec soulagement que le froid a disparu, mais l’atmosphère reste fraîche et humide. Je fais un effort pour ouvrir de nouveaux mes yeux afin d’analyser l’endroit où je me trouve. A première vue, il s’agit d’une petite pièce en pierre mal entretenue meublée d’une table, d’une chaise et d’un banc faisant office de couchette où je suis allongée, mais la présence de barreaux scellant l’unique fenêtre et la porte me fait vite comprendre que je me trouve dans une geôle. Je me relève péniblement pour me diriger vers la porte scellée. Des barreaux basiques, classiques mais solides et un peu tordus m’empêchent de voir ce qu’il y a sur les côtés, je ne peux voir qu’un imposant mur de pierre face à moi. Sur les murs de ma prison se trouvent des griffures et des dessins aussi maladroits que glauques fait de craies, de cendres ou de sang, témoignages sordides des précédents captifs. Alors que je retourne vers le banc de bois, il me semble voir quelque chose briller dans un coin de la cellule. Je m’en approche et me rend compte que c’est un éclat de miroir brisé qui se trouve là. Je le ramasse avec précaution, faisant attention à ne pas abîmer mes mains déjà fragiles. Je me regarde dedans, et constate avec surprise que mes cheveux ont pris une teinte blonde platine, presque blanche. J’en attrape une mèche du bout des doigts qui me confirme qu’ils ont bel et bien changé. Surprise, je m’inspecte de la tête aux pieds : tout est normal à part ma jupe en lambeau et mon manteau, dont la manche droite est déchiquetée. En passant mon regard sur mon bras droit, je remarque des traces de griffures qui lacèrent ma chaire. Sans doute le chien. A la vue de cette blessure encore fraîche, j’en conclu que cela fait peu de temps que je suis ici, bien que le mystère de mes cheveux m’inquiète encore un peu.
Bien. Maintenant que l’état du lieu, ma foi fort petit, est fait, je me dirige vers la fenêtre, beaucoup trop étroite à mon goût. Celle-ci offre une vue quelque peu limitée sur une cour en pierre fermée jonchée de petites tourelles entre lesquelles passent quelques faibles rayons de soleil. Je recule en prenant de plus amples respirations, l’endroit commence à devenir sérieusement oppressant. Le silence y est total, pas un bruit. J’en conclue donc qu’il ne doit y avoir qu’une seule cellule ici. Ou bien les autres sont désertes. Nerveuse, je décide d’aller m’asseoir sur la chaise, en face de la petite table. Une fois dessus, je me rend compte que celle-ci est affreusement bancale et pour cause : l’un des pieds a été scié d’au moins 5 centimètres ! Tant pis. Avant de me relever, je jette un dernier coup d’œil à la table et aperçoit qu’elle possède un tiroir. Sans attendre plus longtemps, je l’ouvre et distingue une silhouette sombre à l’intérieur. Je la prend dans ma main et me rend compte que c’est en fait une statuette en bois sculpté en forme d’aigle, sans doute réalisée à partir du morceau de chaise manquant. La vision de cet objet m’intrigue, bien qu’elle me mette également particulièrement mal à l’aise. L’atmosphère de cet endroit, d’apparence neutre et austère, commence à devenir particulièrement sordide ! Plus je regarde les murs plus les gribouillis hasardeux semblent devenir des schémas d’âmes torturées de manières plus inhumaines les unes des autres.
Les rayons du soleil disparaissent peu à peu derrière les remparts, laissant place à un crépuscule bleuâtre. Plus l’obscurité avance, plus cette pièce me semble être horrible. Cet endroit, encore empreint de son ancien locataire, est maudit ! Pourri ! L’air que j’y respire n’est que cruauté et poison car les murs se souviennent de tout, tout. Au bout d’un moment, n’en pouvant plus, je me lève vers la fenêtre et appelle à l’aide de toutes mes forces ! Mais personne ne me répond. Ma claustrophobie n’arrange rien à cela, et pour me calmer je me blottis dans un coin, la statuette de bois serrée dans ma main car je sais qu’il faut que je la garde. Elle est à moi.
La nuit ramène avec elle son vent de givre qui s’infiltre sournoisement entre les barreaux de la lucarne et me fait frissonner. Je passe une nuit infernale, entrecoupée de cauchemars et de réveils fiévreux causés par le murmure incessant des briques de pierre parsemées de sang séché.
L’aube arrive enfin ! Quand les premiers rais de lumière entre dans ma geôle je me sens mieux. Mais la peur quitte légèrement mon esprit pour laisser place à une colère amère, sans doute attisée par l’influence du lieu. En effet, je suis furieuse. Je sens monter en moi une haine fulgurante et une intense envie de cracher tout mon dégoût à l’égard de ce monde. Ce monde qui ne m’a fait aucun cadeau depuis que je suis arrivée ici ! Monde de désespoir et de décadence ! Le froid qui continu à hanter les lieux a vite raison de ma colère ardente, et je me calme un peu, ressassant simplement mes pensées dans mon coin de cellule, observant tour à tour mon bouton de rose et ma statuette dans chaque main.
Après plusieurs heures d’ennui macabre mêlées à un profond ressenti, une série de bruits métalliques attire mon attention, d’abord éloignés, puis de plus en plus proches. Des bruits de serrures qui s’ouvrent. Il y en a une dizaine, j’ai l’impression que quelqu’un s’amuse à ouvrir toutes les geôles du bâtiment une par une. Alors que je suis toujours blottie contre le mur sous la lucarne, une silhouette arrive par la droite de l’autre côté de la porte de ma prison. C’est un homme de taille moyenne vêtu d’un costume de milice un peu plus élaboré que ceux que j’avais pu voir au part avant. Sans doute un général ou quelque chose du genre. Alors que deux autres soldats beaucoup plus massifs et armés arrivent à leur tour, le général commence à ouvrir ma porte et me dit avec un air narquois :
« - J’espère que la chambre vous a plut. C’est rare que les crapules comme vous bénéficient d’un tel traitement de faveur, mais le Prince de Glace a dit que vous étiez spéciale ! D’ailleurs il veut vous parler ce matin. Si vous voulez bien nous suivre… »
Pendant que les deux balourds rigolent de l’humour douteux de leur chef, je regarde ce dernier avec l’assurance que si un seul regard pouvait tuer, il ne resterai plus de lui qu’un tas de cendres que je piétinerai avec allégresse. D’un autre côté, je suis extrêmement soulagée de quitter cet endroit et me lève sans chercher à discuter. Je passe donc la porte, soigneusement entourée des trois soldats écervelés, et constate avec stupeur que sur ma droite se trouve un grand couloir scellé tous les trois mètres par d’immenses grilles en acier ! C’était donc ça tous ces bruits métalliques : avant d’accéder à ma geôle il fallait déjà déverrouiller une dizaine de portes infranchissables. Un système de protection énorme ! Après que général ait finit de verrouiller la dernière porte, nous sortons à l’extérieur du bâtiment. Je prend la peine de me retourner et constate que de l’extérieur la prison ressemble juste à une longue maison en briques au toit de tuiles noires accompagnée de nombreux buissons de ronces tout autour. Enfin je remarque que sur la première grille de fer, tout en haut, est écrit en lettre d’acier l’inscription « Moon’s home ».
Je soupire, cet endroit était malheureusement bel et bien celui que je croyais.
CHAPITRE 4 - Spoiler:
A peine avons-nous quitté la petite cour qui entourait la prison où j’avais passé la nuit que nous arrivons devant de larges haies parsemées de roses blanches. Je frémis à la vue des fleurs me rappelant les dégâts que leurs épines avaient occasionnées à mes mains, encore souffrantes. Chacune d’elle évoque en moi une menace, d’autant plus que je les sait être le symbole de celui qui m’avait fait passer cette nuit dans la prison d’un monstre. Celui que j’allai rencontrer dans quelques instants. Le chemin de roses se poursuit sur plusieurs mètres. Bien que j’aie le sentiment qu’il fasse moins froid que la dernière fois, je suis quand même gelée au bout de quelques minutes de marche. Je constate néanmoins avec satisfaction que ma cheville va mieux et que je ne boite plus. Le général marche devant moi d’une allure rapide, tandis que les deux autres soldats ferment la marche, formant une barrière infranchissable entre les deux buis. La perspective d’une entrevue avec le Prince de Glace ne m’effraie guère pour l’instant, je suis bien trop énervée par mon expérience cauchemardesque pour être inquiète et je rêve d’entendre les explications de ses agissements !
Nous sortons enfin du chemin de haies pour arriver dans une immense cour enneigée. L’endroit est rempli de soldats qui patrouillent un peu partout. Sur ma gauche se trouvent d’immenses grilles semblable à celles que j’avais vu au parc, mais en beaucoup plus grandes, et parmi elles se dresse une porte colossale surveillée par d’innombrables gardes. Certains sont des chevaucheurs de mammouths comme celui que j’avais vu lors de l’attaque en ville, leur monture est vraiment impressionnante de puissance et d’immensité ! A ma droite se trouve sans doute le palais du souverain. Et quel palais ! Un bâtiment énorme, d’une symétrie et d’une droiture parfaite, fait de pierres blanches et lisses avec un toit de tuiles bleu pale. Une merveille architecturale, avec sur son parvis une multitude de sculptures de glaces représentant pour la plupart des animaux issus de milieux polaires. Les soldats me guident vers le palais d’un pas solennel, saluant leurs frères d’armes qui ne m’accordent aucun intérêt. J’ai l’impression quel le froid se dissipe un peu au fur et à mesure que nous nous rapprochons du bâtiment. Alors que je m’arrête pour observer un peu plus en détail la sculpture parfaite d’un caribou de glace, l’un des deux balourds me pousse violement en avant, ce à quoi je réponds d’un grognement de mépris.
L’intérieur du palais est aussi grandiose que l’extérieur : De larges miroirs de glace tapissent les murs et le sol est recouvert d’un tapis bleu royal. Des lustres de cristal magistraux pendent du plafond et reflètent de petits éclats de lumière. Je suis les gardes qui me conduisent de corridors en corridors, passant par de gigantesques salles de réception ou d’élégants boudoirs, toujours remplis de gardes qui veillent et surveillent. La température demeure supportable, bien que très froide pour moi qui suis légèrement vêtue. Enfin, nous arrivons dans une salle impériale recouverte d’un sublime dôme à travers lequel on peut voir le ciel, d’un gris froid et pâle. Au centre de la pièce siège un sublime trône apparemment sculpté dans la glace, recouvert de coussins bleus et de plumes de paon. Contrairement à ce que je pensais, la pièce n’est pas remplie de gardes, seuls quatre imposants guerriers veillent comme si leur vie en dépendait. L’endroit ne comporte qu’une seule porte, par laquelle nous sommes rentrée et tous les autres murs sont recouverts d’immenses tableaux du Prince de Glace, ce même Prince actuellement assis sur son siège royal dans une pose noble et fière, et qui me dévisage d’un drôle d’air. Les trois soldats qui m’escortaient s’agenouillent devant leur souverain tandis que je reste immobile à le regarder. Ses traits sont fins et son visage aurait pu être très beau s’il n’était pas aussi dur. Sa couronne d’argent, brillante comme la Lune, est placée avec soin sur ses cheveux d’un bleu pur. Il est vêtu d’un habit royal orné de pierres précieuses et d’une longue traîne en fourrure d’un blanc immaculé. Dans sa main droite, il tient un long sceptre orné de givre étincelant. D’un geste de la main, il congédie les soldats qui m’accompagnaient qui sortent respectueusement, et le bruit de la porte se refermant derrière eux résonne dans toute la pièce.
« - Enfin ma chère, te revoilà parmi nous ! Commence le Prince d’une voix suave, Je suis si heureux de te revoir ! Tu nous as manqué, tu sais ? Une si longue absence était bien cruelle de ta part.
Je ne me laisse pas amadouer par ses douces paroles et m’avance vers lui. Me voyant approcher, un guerrier s’interpose, mais d’un claquement de doigt le monarque lui ordonne de retourner à sa place. Il doit se souvenir que je suis aussi dangereuse qu’un chaton en colère.
- Ah c’est moi qui suis cruelle ? Dis-je d’un ton cynique, Depuis que je suis arrivée ici, il ne m’est arrivé que des choses cruelles ! J’ai découvert que vous étiez devenu un affreux dictateur paranoïaque, j’ai été attaquée par vos soldats sans aucune raison comme une bonne partie de la population civile, j’ai faillit mourir de froid, j’ai été traitée comme une criminelle et pour couronner le tout vous m’avez fait passer la nuit dans l’ancienne geôle de votre petit frère !!
Lorsque ma tirade est terminée, je ne suis qu’à deux mètre de lui et à deux doigts de lui balancer la statuette dans la figure. Mais il me reste encore assez de raison et de savoir vivre pour éviter ce geste déplacé. Le Prince de Glace, lui, me regarde d’un air froid et sévère, comme s’il n’avait rien à se reprocher.
- Comme c’est triste. Mais tout celà était nécessaire. Dis moi, quand tu étais dans cette fameuse prison, n’as-tu rien remarqué d’étrange ?
- Et bien à part une ambiance malsaine prête à couper à quiconque l’envie de sourire à jamais, non, rien d’étrange.
- Et étais-tu seule dans cette geôle ? Est-ce que l’ancien locataire y était toujours ?
- J’étais seule avec ma solitude, Moon avait l’air d’être parti depuis longtemps.
Après avoir prononcé ces mots, je me rends compte où le Prince veux en venir. Il frappe son bâton sur le sol et s’écrie :
- Bien entendu qu’il est parti et c’est ça le problème ici, sombre idiote ! Tu as fait une énorme bêtise en partant d’ici ! Tu l’as libéré ! Comment, mais comment as-tu pu faire ça ??
- Rien ne prouve que ce soit moi qui l’ai fait partir ! Et ça n’explique pas non plus le tyran que vous êtes devenu ! La fuite de votre petit frère n’a rien à voir avec tout ça !
- Mais ça a tout à voir avec ça ! Après sa cavale, Monsieur, non content d’avoir retrouvé sa liberté, a voulu un royaume comme ses deux frères ! Et c’est alors que nos deux Royaumes légitimes ont été mutilé au profit d’un troisième qui a émergé tout droit des enfers ! Le Royaume de Sang est une aberration que seule toi as pu permettre ! Je ne suis vraiment pas fier de toi.
- Et le Royaume de Glace alors ? N’est ce pas non plus une aberration ? J’ai vu vos affiches de propagande stupides et vos soldats terrifier des habitants innocents ! Et je dois dire que moi aussi je suis extrêmement déçue !
- La Glace est la seule réponse pertinente au Sang. Te rends tu comptes que mon voisin est un monstre assoiffé de meurtres qui héberge sans doute les pires criminels que ce monde ait jamais porté ? Tous ces hors la loi réunis dans un même Royaume, en toute liberté ne vont souhaiter qu’une chose : se venger du héros (moi) qui les a traînés en justice et les a mis derrières des barreaux pendant toutes ces années ! Je ne peux faire confiance à un peuple qui risque à tout moment d’être corrompu par ces truands.
Je reste immobile devant le Prince de Glace, abasourdie par tout ce que je viens d’entendre. Suis-je vraiment responsable de ce qu’y arrive aux Royaumes ? Bien sur, nous sommes dans ma tête. Mais il y a autre chose. Autre chose de bien plus sombre et plus incontrôlable qui a créé ce déraillement et je veux savoir quoi. Le souverain reprend la parole :
- Mais je suis extrêmement magnanime, comme tu le sais bien, alors maintenant que je t’ai passé un savon bien mérité et que je t’ai expliqué ce qui n’allait pas, je suis prêt à t’éclairer et à te dire ce que tu devras faire si tu veux que tout rentre dans l’ordre.
- Je vous écoute.
- Va voir le Prince de Sang et remet le à sa place.
- Merci, c’était prévu. Y a-t-il autre chose ?
- A vrai dire, pour l’instant je ne vois pas d’autre solutions pour permettre à ce Royaume de se défaire de ses chaînes.
Malgré l’intensité de la discussion, je sens que le froid ambiant n’a pas lâché son emprise sur moi et je commence à sérieusement m’affaiblir. Les paroles du Prince de Glace résonnent en écho dans ma tête. Les révélations de cette rencontre commencent à me faire sérieusement réfléchir, mais je sens mon cerveau trop fragile et préoccupé pour l’instant pour les déductions aiguisées qui m’attendent. Mon mal de crâne est tel que je commence à sentir un goût de sang prononcé dans ma bouche. Le Prince de Glace perçoit mon malaise et claque dans ses mains tout en s’adressant à son gardien le plus proche :
- Bien. La suite de cette entrevue peut attendre. Conduisez là dans un endroit où il fait plus chaud et où des domestiques pourront prendre soin d’elle. Cette pauvre enfant a besoin de repos », conclue-t-il d’un ton mielleux.
Et l’un des guerriers s’approche de moi afin de me reconduire vers la porte. Avant de suivre le soldat, je lance au prince un dernier regard plein de reconnaissance mêlée à de l’amertume. Puis je traverse la pièce sans me retourner, laissant claquer la majestueuse porte derrière moi.
CHAPITRE 5 - Spoiler:
Je me souviens, je me souviens… Je me souviens d’une soirée au coin d’un feu de bois chaleureux. Je me souviens d’un homme rassurant, d’un protecteur, d’un inspecteur prêt à tout pour faire régner le calme. Je me souviens de l’odeur du gin, de récits captivants et émouvants, de discours rassurants. Je me souviens de la compassion et de l’amitié. Mais mon souvenir se brouille en laissant place à un visage à l’expression tordue et cauchemardesque et une joue sur laquelle est tatoué une inscription que je n’ai pas le temps de lire… Je me réveille dans un râle désespéré, les mains crispées sur mon front et mes cheveux, les yeux remplis de larmes. Sublime et cruelle nostalgie ! Ne pas tourner le dos aux souvenirs, les assimiler, pour mieux les comprendre, se rappeler de ce qui cloche… Ne pas céder à la tentation de l’oubli, puisqu’on n’oubliera jamais. Après cette hystérie passagère, je cède finalement à la fatigue et tombe dans un sommeil de plomb. « - Debout ! J’ai à peine le temps de sursauter avant qu’une violente lumière n’envahisse la pièce. Aveuglée, je me cache sous la couverture tout en me demandant où je suis… Ah oui ça y est, je me rappelle : je suis toujours dans le château du Prince de Glace. Après mon entrevue, j’ai été conduite dans une sorte d’infirmerie où j’ai été prise en charge, puis où j’ai pu me reposer. Je me souviens avoir cauchemardé, mais j’ai l’impression de ne pas avoir dormi plus de dix minutes. La voix reprend : - Allez, debout, réveille toi ! Je t’ai laissé dormir une journée entière, j’estime que c’est largement suffisant. Un long périple t’attend et l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Quel réveil difficile ! Je crois reconnaître la dure voix du Prince de Glace et entre ouvre les paupières : c’est bien lui, en effet, en train d’ouvrir avec énergie tous les rideaux de la pièce un par un. Je suis étonnée de remarquer qu’il n’y a qu’un seul soldat dans la pièce, placé devant la porte. Me trouvant sans doute trop paresseuse, le monarque s’empresse de m’arracher ma couverture : - Allons, il faut se lever. Le jour où tu vas pouvoir enfin réparer tes erreurs est arrivé. - Si vous parlez de la fuite de Moon, je vous répète que je n’ai rien à voir avec cette affaire, grognais-je en me levant péniblement. -Et moi je te répète que je ne vois aucune autre explication possible. Alors que je m’étire soigneusement, le Prince de Glace, interpellé, attrape mon poignet gauche et le tire vers lui afin d’observer ma main, couverte de plaies commençant à cicatriser. Cette vision fait remonter en moi l’amertume de la veille. - Comment diable t’es tu fais cela ? Me demande-t-il. - Ca tombe bien, je mourrais justement d’envie de raconter comment je m’étais fait ces cicatrices…, répondis-je avec sarcasme en ramenant vivement ma main vers moi. Vos roses blanches ne sont plus si tendres et innocentes que ça, figurez-vous ! Et d’un pas décidé je me dirige vers l’une des fenêtres de la pièce, tournant le dos au monarque. Je me sens d’humeur massacrante à cause de ce réveil brutal, de plus, l’accumulation de souvenirs anciens et sensibles me donne la nausée. Et j’en ai plus qu’assez d’être traitée comme une petite fille par ce sois disant Prince de Glace. Depuis que je suis arrivée ici, j’ai été traitée des plus mauvaises façons. De quel droit peut-il à présent m’obliger à régler son problème ? - Ce qui est arrivé avec votre petit frère ne me regarde pas. Vous n’avez qu’à le chasser vous-même, si c’est ça que vous voulez. Je n’ai pas à obéir à vos ordres, je ne suis pas comme l’un de vos fidèles chiens de garde. Par la fenêtre j’aperçois des régiments de soldats marchant inlassablement dans la cour. Je m’attends à ce que le Prince de Glace s’énerve, mais rien. Juste un soupir, quelques pas et un bruit de draps froissés. Sentant les larmes me monter aux yeux et la rancœur brûler mes lèvres, je continue : - Et quand bien même cela serait ma faute, pourquoi vous aiderai-je ? Vous m’avez trahie et abandonnée tout comme votre autre frère. Donnez moi une seule bonne raison de ne pas vous détester… -Je sais que ton aversion est aussi grande que dévastatrice. Mais ne crois-tu pas que cela a assez duré ? Elle s’étend, se répand et fait souffrir depuis trop longtemps. Ses paroles me laissent de marbre. Ma colère, ma rancune et tous mes autres sombres sentiments sont légitimes. C’est à moi d’en faire ce que je veux. Je sens que je risque de m’énerver et décide de changer de sujet. - En parlant de votre autre frère d’ailleurs, qu’est-il devenu ? Il paraît qu’on l’appelle le Prince de Cendre maintenant. Pourquoi ne pas lui demander son aide pour renvoyer Moon en cellule ? Ensemble vous devriez faire le poids contre lui, non ? - Non, je ne peux pas demander ça à Walk. - Pourquoi ? - Il y a quelques années, quand tu es partie, il est devenu fou. Il est resté seul dans son royaume pendant des jours, à errer sur les toits de son palais en ruine qu’il avait lui-même détruit. Alors que le Royaume de Sang s’érigeait lentement, j’ai accouru pour le voir et lui demander son aide pour arrêter notre cinglé de frère. Mais sa seule réaction a été de craquer une seule allumette et de la jeter dans un immense tas de livre qu’il avait lui-même constitué. Le bûcher s’est vite transformé en incendie général, détruisant tout jusqu’à la Rivière Bleue, son unique frontière avec le Royaume de Sang. Depuis ce jour, il ne vit plus que dans des ruines poussiéreuses et abandonnées, seul. Voilà pourquoi on l’appelle le Prince de Cendre. Je me raidis à ces mots. Alors c’est vrai : tout a brûlé. Le feu a tout pris, tout est mort dans sa gueule ardente et impitoyable. Ce Monde est dans un état lamentable, emprunt d’une malédiction aussi puissante que désastreuse. Comment en suis-je arrivée là ? Comme en sommes nous arrivés là ? Je reste un moment à pleurer en silence devant la fenêtre, ressassant d’innombrables questions dont les réponses m’effraient. Dans la pièce règne un silence glacial. Enfin je me retourne et regarde le Prince de Glace. Il est assit sur le lit, le regard baissé et l’air abattu. C’est en apercevant sa détresse que je crois reconnaître l’homme que je connaissais autrefois, avant qu’il devienne un monarque tyrannique. Cette vision apaise un peu ma souffrance et me rassure, je m’avance vers lui : - Je suis désolée pour Walk. C’est d’accord, je vais aller voir Moon et essayer de remettre les choses en place. Je ne comprends pas tout ce qu’il se passe ici, mais il est grand temps que ça cesse. - Parfait, dit le souverain en se relevant, c’est exactement la réponse que j’attendais de toi. - Mais j’ignore complètement comment m’y prendre, je ne sais même pas comment j’aurai pu faire pour le libérer ! - Si tu ne le sais pas, lui il sait. Et il ne manquera pas de s’en vanter ! Parle avec lui et tu devrais comprendre. Je soupire. La perspective d’un face à face avec le Prince de Sang ne m’enchante guère, mais je n’ai pas l’impression d’avoir vraiment le choix. L’atmosphère s’est un peu réchauffée et la pièce baigne calmement dans les rayons du soleil matinal. Le Prince de Glace se dirige vers la porte d’un pas décidé : - Bon, à présent suis moi, tu ne peux pas te rendre au Royaume de mon frère dans cet état." Légèrement indécise, je lui emboîte le pas, escortée du garde qui ne lâchait jamais son souverain d’une semelle. L’ambiance froide et impérieuse de l’immense palais me semble un peu moins hostile, et je m’oblige à profiter de cet endroit quelque peu rassurant car je sais pertinemment que ce qui m’attend une fois que j’aurai quitté ce Royaume sera nettement moins accueillant.
Dernière édition par Emily le Mar 18 Juin - 18:36, édité 3 fois | |
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Feuille de personnage Points de folie: 177 Démence: (1/7) Expérience: (150/1000)
| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 16 Juin - 21:21 | |
| IMAGES Bloody Land "...Je grogne, lui montre les dents et le poignard étincelant de sang pour le dissuader d’avancer, mais l’animal aux bois majestueux ne fait pas attention à moi et continue son chemin, s’arrêtant au niveau du cadavre d’Heartless. Sur mes gardes, je ne le quitte pas des yeux, mais le cerf se désintéresse finalement de moi, se penche sur le corps sans vie et commence à donner de grands coups de mâchoires dedans, arrachant la chair et l’avalant rapidement..."MUSIQUES [left]Alice Madness Return, Moorgate Station https://www.youtube.com/watch?v=Uf0hRQcM_4Q Alice Madness Return, Vale of tears (Acte 1, Chapitre 2) https://www.youtube.com/watch?v=yIt8ti_LDkY Muse, Feeling Good (Acte 1, Chapitre 6) https://www.youtube.com/watch?v=jzGzGvlKZn4 Emmanuel Moire, Beau Malheur https://www.youtube.com/watch?v=VMow0HYHi0E Alice Madness Return, Madness (Acte 1, Chapitre 3) https://www.youtube.com/watch?v=rf3jqOv-WmY Adèle, Skyfall https://www.youtube.com/watch?v=DeumyOzKqgI Marilyn Manson, Sweet Dreams (Acte 2, Chapitre 2) https://www.youtube.com/watch?v=QUvVdTlA23w Le Château Ambulant, Theme https://www.youtube.com/watch?v=iLsRi2l24Fs Anastasia, Once upon a december https://www.youtube.com/watch?v=r1zamKoUREIBenjamin Biolay, Ton heritage https://www.youtube.com/watch?v=34geB57gzLsMuse, Unitended (Acte 2, Chapitre 3) https://www.youtube.com/watch?v=CJDAmXHHfuMHans Zimmer, Sherlock Holmes : A Game of Shadows, To the Opera https://www.youtube.com/watch?v=GEPP9G4gaSQLe Labyrinthe de Pan, The fairy and the Labyrinth (Acte 3, Chapitre 2) https://www.youtube.com/watch?v=VTds6WTkoJ4&list=PL4A4AC3EF9357FEBA
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| | | Emily Admin
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Feuille de personnage Points de folie: 177 Démence: (1/7) Expérience: (150/1000)
| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 18 Juin - 18:38 | |
| CHAPITRE 6 - Spoiler:
« J’ai toujours eu les yeux gris. C’est bien le gris, ça s’adapte à tout. » Alors que nous parcourons bon nombre de corridors, le Prince de Glace s'arrête devant une porte et me fait signe d'y entrer. La salle est une sorte de chambre contenant une immense penderie, pleine à craquer de vêtements. Deux domestiques présentes dans la pièce s'affairent à trouver quelque chose pour remplacer mes habits déchirés. La tenue qu’on me présente est une version simplifiée de l’uniforme de la garde royale : un haut blanc sans manche, un pantalon bleu marine, de grandes bottes blanches aux lacets argent ainsi qu’une longue cape de fourrure. Pour préserver mes paumes abîmées on me donne également une paire de grandes mitaines blanches et le haut de mon bras droit est pansé par un tissu blanc. J’ai gardé mon bouton de rose et la statuette en bois, qui sont de nouveau dans mes poches. Quand je me regarde dans le miroir, je ne me reconnais pas : cet accoutrement me donne l’air d’une guerrière déterminée, mais d’immenses cernes mangent mon visage, d’une pâleur cadavérique, et mes cheveux anormalement clairs sont en bataille. Une fois habillée, je rejoins le Prince de Glace dans la pièce principale. Il m’y attend et un domestique se tient à côté de lui avec une épée et un bouclier : -" Et bien l’uniforme te va à ravir ! A présent viens prendre le reste de ton équipement, dit-il en me désignant les armes. -Eh, je n’ai pas l’intention d’embrocher votre frère. Vous n’allez quand même pas me faire porter ça ? - Ma chère, c’est dans le Royaume de Sang que tu vas. - Et alors ? Je ne suis pas un soldat, ni une héroïne de guerre. Je ne sais absolument pas me servir de ces trucs là. En plus ça pèse une tonne, ça ne fera que me ralentir ! Dis-je en soulevant péniblement l’épée. -Tu n’as pas conscience des horreurs qui t’attendent la bas : tu vas avoir besoin de te défendre ! -Ca ne m’effraie pas. Et si vous tenez tant à ma sécurité, envoyez moi une escorte ! - Mes soldats sont inefficaces hors de mon Royaume. C’est ce froid extraordinaire qui les rend puissants et protecteurs. Se ne sont que des défenseurs, je ne peux pas les envoyer sur le territoire de mon frère. Tu dois y aller seule. - Très bien, mais ce sera sans ces armes. De toute façon je n’ai pas l’intention de me battre. - Ce que tu peux être bornée, soupire le Prince, très bien. A présent suis moi. J’accompagne donc le monarque à travers différentes pièces du palais, toutes plus belles et majestueuses les unes que les autres. A travers les fenêtres j’aperçoit le ciel : les nuages sont moins épais, on peut même voir du bleu azur à certains endroits. Enfin, nous arrivons dans ce qui semble être une grange immense : je constate que se sont les écuries du palais. Les robes de tous les chevaux sont claires et d’une pureté éclatante. Le Prince de Glace me conduit devant un enclos dans lequel se tient un cheval blanc comme la neige. -Je pense qu’une monture pourra t’être utile pour le voyage, avec lui tu iras plus vite jusqu’au palais de Moon. - Délicate attention, Full, je vous remercie. Alors que je m’affaire à harnacher correctement l’équidé qui m’a été confié, le souverain du Royaume de Glace, qui était parti inspecter tous les pensionnaires de l’écurie, revient vers moi. Il marche silencieusement à côté de moi lorsque j’amène le cheval à la sortie des écuries. Une fois sortis du bâtiment, nous nous retrouvons sur une grande place dans la cour du château, depuis laquelle on surplombe une grande partie de la ville du Royaume de Glace. Au loin le ciel semble se teinter de rouge sang, sans doute une illusion d’optique. Après un moment de contemplation, le monarque se retourne vers moi et me regarde d’un air grave : -Tu sais, je te suis vraiment reconnaissant de bien vouloir effectuer cette tâche pour moi, c’est très gentil de ta part. - Mais de rien, ce n’est pas comme si on m’y avait obligée, lâchais-je d’un ton à la fois sarcastique et espiègle. - D’accord, d’accord, je t’ai forcé la main. Mais c’est pour notre bien à tous, comprends-tu ? - Oui, c’est parfaitement clair, répondis-je tout en enfourchant ma monture. -Je te recommande quand même beaucoup de prudence, j’ai l’impression que tu sous-estimes gravement les dangers qui t’attendent là bas. Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur. Je tiens également à m’excuser pour l’accueil que tu as reçu en arrivant ici, j’ai sans doute été un peu dur, je reconnais que ce climat arctique a trop gelé mon cœur. J’espère sincèrement que tu me pardonneras. J’écoute soigneusement ces paroles, attentionnées, fraternelles, qui font remonter en moi des souvenirs bien lointains. Je fixe l’horizon pourpre et menaçant qui se dessine au loin, et d’un ton rêveur et malicieux, répond la seule phrase que je me sens capable de prononcer :
- Vous savez, Full, la première fois que je vous ai aperçu, dans votre salle du trône… Il m’a bien semblé que vous dormiez. » Et sans attendre la réaction du Prince de Glace, je talonne mon cheval, qui après une brève ruade s’élance dans la neige vers les grilles grandes ouvertes du palais. Je traverse un grand nombre de rues enneigées à toute allure, la vitesse que me procure ma monture est grisante ! Beaucoup d’habitants s’écartent avec crainte sur mon passage : à cause de mon nouvel accoutrement ils doivent voir en moi l’un des dévoués soldats du despote qui les oppresse. Mais je m’en fiche. Je ne suis focalisée que sur ce qui m’attend dans le prochain Royaume et je ne quitte pas des yeux le ciel d’un rouge pur, comme si les étoiles avaient saigné toute la nuit. Je file, je file à toute allure et rien ne m’arrêtera ! Qu’il est bon de sentir cette sensation de puissance et de liberté totale après tant de souffrances et d’oppression ! Un sur trois. J’arrive alors devant une immense muraille, férocement gardée. Elle semble infinie, faite des pierres les plus dures et les plus résistantes qu’on ait pu trouver. Alors que je m’approche de l’unique et énorme porte de ce rempart démesuré, celle-ci commence à grincer et les deux immenses battants pivotent, m’ouvrant la magistrale porte de sortie du Royaume de Glace. Je ne fait même pas ralentir ma monture et m’engouffre dans cette ouverture sans me retourner. Le froid est beaucoup moins mordant à présent. Doucement, je fait redescendre mon cheval au pas. Je suis prête pour le Royaume de Sang. Et je me sens bien.
ACTE 2 CHAPITRE 1 - Spoiler:
Au fur et à mesure que j’avance, le paysage autour de moi change peu à peu, du blanc éclatant je passe au rouge sanglant. La neige et les bâtiments se raréfient, au profit d’une terre pourpre et de plantes desséchées. La température est douce à présent, et le temps semble orageux. Le soleil est caché par de monstrueux nuages rouges, si rouges que je m’attendrai presque à ce qu’ils fassent pleuvoir du sang. Les quelques bâtiments que je croise ne sont plus que des ruines enchevêtrées des ronces hostiles, qui donnent à l’endroit un air de cimetière de géant à l’abandon. J’aperçois au loin une forêt noire qui se dessine, formant une couronne sombre et menaçante sur cette terre de haine. Alors que je m’avance dans ces décombres, il me semble entendre des bruits suspects tout autour de moi. Interpellée, je regarde partout espérant trouver la source de ce son, quand soudain un grognement distinct se fait entendre. Je m’apprête à talonner ma monture pour m’enfuir, lorsque, en haut d’une tourelle à moitié détruite, j’aperçois une silhouette que je connais : La Bête. Ses rouages tournent à toute allure et de la vapeur s’échappe de son crâne. D’un bon agile et impressionnant, le félin mécanique saute à terre et s’approche de mon cheval, sa tête lui arrivant au garrot. Ses yeux écarlates et ses crocs argents brillent comme jamais. D’un air impérial, cette créature que la nature a voulu artificielle commence à grogner dans un fracas mécanique : « - Eh bien, Camille, quel plaisir de te revoir… Tes cheveux étaient plus foncés lors de notre dernière rencontre. - Et lors de notre dernière rencontre, tu m’appelais Emily. -Emily, Camille, Ludmila, Alice… Du moment qu’on sait à qui on s’adresse, les noms n’ont plus tellement d’importances, non ? - Pour moi si, c’est important, dis-je en ordonnant à ma monture de recommencer à avancer. - Bref passons, tu veux bien. Ton séjour chez le Prince de Glace s’est bien passé ? Demanda La Bête tout en me suivant. - Tu n’as même pas idée… - Ne te plains pas trop. Ce que tu viens de vivre n’était qu’un avant-goût comparé à ce qui t’attend maintenant. D’ailleurs, je remarque tu n’as aucune arme sur toi, alors que tu t’apprêtes à entrer dans un champs de bataille plus qu’impitoyable. Soit tu es complètement inconsciente, soit tu es suicidaire. En entendant ces nouvelles mises en garde tout en voyant la forêt sanglante se rapprocher, ma belle assurance commence à diminuer. Je commence à regretter les armes proposées par le Prince de Glace, puis je me revois soulevant l’épée avec difficulté : non, ça n’aurait rien changé du tout à mes chances de sortir indemne de cet endroit. La Bête s’ébroue dans une secousse de rouages avant de reprendre : - Comme je me doutais un peu que tu ne prendrais pas de précautions, je me suis permis de t’amener ceci. Alors que l’automate finit sa phrase, je vois un bras mécanique émergeant de sous ses côtes me présenter un poignard dans son fourreau, de taille moyenne, léger et finement ouvragé. - Prends-le, m’ordonne La Bête, et fais moi le plaisir de le garder près de toi. Je ne pense pas qu’il soit superflu. Je prends l’arme dans les mains et la regarde intensément. Une lame pour blesser, pour mutiler, pour tuer. Une lame que j’observe avec autant de fascination que de dégoût. Sans attendre plus longtemps, je remets la dague dans son étui, l’accroche autour de ma taille et silencieusement, je prie la Lune pour ne pas avoir à m’en servir. La présence de la bestiole de métal est rassurante, mais je sais qu’elle ne restera pas longtemps à mes côtés, hélas. -Maintenant, je vais te parler un peu du Prince de sang et de son Royaume. Comme tu le sais sans doute, cet endroit n’existait pas avant ton départ. C’est peu après qu’il a commencé à se développer, en plein cœur de ce monde, empiétant sur les deux Royaumes voisins. Une énorme forêt se trouve sur ces terres, une forêt noire, effrayante, traîtresse. Tout dans ces lieux n’est qu’hostilité et cruauté pure : la terre se nourrit du sang qui coule, les arbres de la chaire des cadavres qui tombent à leur pied, quant à ses habitants… - Quoi ? Dis moi s’il te plait ce à quoi je dois m’attendre, demandais-je d’un ton impatient et inquiet. - La plupart des ‘’humains’’ vivant dans ses lieux sont d’anciens criminels détenus autrefois dans le Royaume de Glace, car la plus grande prison de ce pays s’est très vite retrouvée dans la zone contaminée par le Royaume de Sang. Les racines noires qui émergeaient de la forêt maudite se sont emparées de ce bâtiment, ont brisé les portes, tordu les barreaux des cellules, permettant ainsi à la plupart des détenus de s’enfuir. Heureusement, cette progression demeurait assez lente, ce qui permit au Prince de Glace de rapatrier les habitants proches en lieux surs et de faire ériger une imposante muraille pour empêcher les criminels d’entrer dans sa ville. Ils se sont donc retrouvés libres dans le Royaume de Sang. Les plus sanguinaires, fidèles à leur nature, commencèrent à tuer les plus faibles d’entre eux, les simples voleurs, les innocents condamnés par erreur, abreuvant ainsi la forêt de la mort qu’elle chérissait tant. Les survivants de ce carnage ne sont que les meurtriers les plus féroces et les plus cruels. Ils errent dans la forêt, traquant leurs proies et attendant patiemment de que le Prince de Glace leur envoie de nouvelles victimes, les citoyens qu’il croit corrompus. - D’accord… Il y a-t-il autre chose ? - Il y a aussi des animaux dans cette forêt. Enfin, ce sont plus des monstres que de simples bêtes, tous carnivores, affamés et insatiables. Bien qu’ils ne possèdent pas la cruauté des humains, ils tuent tout même tout ce qui bouge pour soulager leur appétit dévorant. Et bien sur, il y a le Prince de Sang. Dire de lui qu’il est fou serait un doux euphémisme. Créé à partir de haine pure et de tout un concentré de sentiment noir, il n’a jamais connu ni compassion, ni pitié. Il vit pour tuer et s’en amuse cruellement, comme un enfant s’amuse à écraser les vers ou à arracher les ailes des papillons. Il n’a aucune limite. Il joue dans cet immense terrain de jeu qu’on lui a donné, il joue le jeu cruel de la mort dans lequel il est le maître. Personne n’est aussi imprévisible que lui, ce le rend particulièrement puissant et effrayant. Peur, Pleurs, Douleur, Horreur, voilà ce qui attend tout ceux qui croisent son chemin. Lorsque le discours de La Bête s’achève, je suis courbée sur mon cheval, la tête dans les mains, en proie à une migraine terrible. Le soulagement que j’aurai connu en quittant les terres du Royaume de Glace n’aura été que de courte durée ! De nouvelles images indescriptibles mais violentes se bousculent dans mon crâne et une terrible angoisse se loge dans mon ventre. Je voudrais faire demi-tour, ne jamais être venue ici, mais je ne peux pas. J’ai peur de ce qui m’attend, j’ai peur de ce que je vais faire, j’ai peur de ce que je vais voir ou devoir endurer. Je me reprends, et relève la tête et aperçois La Bête qui me regarde silencieusement. - Mais ne t’en fais pas, grogne-t-elle doucement, nous sommes dans ton esprit après tout, je suis sure que tu devrais t’en sortir. - Sincèrement, je n’ai pas du tout l’impression d’être dans un endroit que je suis sensée contrôler ! - Personne ne contrôle son imagination, encore moins ses rêves. Sur ces paroles, la panthère mécanique s’éloigne de quelques pas, me laissant continuer seule vers l’impressionnante et terrifiante forêt. Avant de se détourner complètement, elle pousse un nouveau grognement et déclare : - N’oublie pas la Lune, surtout.
Et La Bête se met finalement à galoper dans un bruit clinquant pour disparaître dans la brume naissante. Encore une fois, elle me laisse seule, seule face à l’Enfer. Un enfer qui me parait plus menaçant, plus dangereux et plus rouge que jamais. L’enfer du Royaume de Sang.
CHAPITRE 2 - Spoiler:
Mon beau cheval blanc marche au pas. Un pas lent et saccadé, un peu hésitant. Nous sommes à l’orée de la forêt, devant les tout premiers arbres, noirs comme le charbon, comme s’ils étaient pourris de l’intérieur. Des ronces couleur ébène courent à leur pied, comme des serpents épineux figés. Je me penche sur ma monture et flatte son encolure pour la rassurer et l’inciter à avancer dans la forêt : « Tout doux, tout ira bien. ». Comme j’aimerai en être sincèrement persuadée ! Mais il n’en est rien. Alors que je m’avance, l’aura terrible du lieu s’infiltre dans les pores de ma peau, contamine mon sang et brûle mes os. Mon regard se pose sur des crânes, des fémurs et même des cages thoraciques dénués de chair, entreposés au pied des arbres, piégés par les racines. Sur certaines branches d’un arbre sont accrochés des oiseaux pendus : corbeau, rouge-gorge ou roitelet, tous on le bec ouvert vers le ciel et les yeux exorbités. Sur l’arbre voisin, se sont des écureuils et des lapins qui ont subit le même sort. Ces visions me font frémir, me forçant à imaginer les esprits torturés et sadiques responsables de ces atrocités. Entre ces différentes visions d’horreur, je remarque sur ma droite un passage dégagé de ronce qui semble facile à emprunter. Je décide de faire avancer mon cheval dans cette direction pour accéder à l’intérieur de la forêt. En approchant, je remarque que ce passage est entouré de deux énormes arbustes, menaçants, dominants, écrasants. Des plantes à la fois impressionnantes, belles et redoutables. Des rosiers rouges. J’arrête ma monture un instant afin de les observer. Leurs fleurs sont sublimes, d’un rouge bien trop pur pour être innocent et aux pétales délicats. Leurs branches noires et épineuses, semblent assez souples. « Il est hors de question que je les touche, celles là. » pensais-je en gardant un goût amer du souvenir que m’avaient laissée les roses blanches du Royaume de Glace. D’un coup de talon, je demande à mon cheval de s’avancer dans le passage de roses, et nous pénétrons dans la forêt. La luminosité baisse soudainement, étouffée par le feuillage dense des arbres autour de nous. Alors que nous sommes presque arrivé à la sortie du chemin entouré par les rosiers, mon cheval pousse un hennissement brutal et commence à se ruer, me secouant violemment. Manquant de tomber, je m’accroche frénétiquement aux rennes et me retourne pour voir ce qui ne va pas. Et ce que j’aperçois me glace le sang ! Les branches des rosiers ont commencé à s’animer, elles ondulent et frémissent comme des serpents en colère ! L’une d’elle s’est entourée à la patte arrière gauche du cheval tandis qu’une autre s’attaque à la droite. Ce chemin était un piège ! Avant que je puisse réagir, une dernière ruade de mon destrier me jette à terre, hors de portée du buisson tueur. Le choc de la chute me coupe le souffle, mais je me relève bien vite, consciente du danger. Les hennissements du cheval sont de plus en plus désespérés. Affolée, je dégaine vite mon poignard et fonce vers le rosier démoniaque. Je donne des coups hasardeux dans les branches qui tombent en versant un liquide carmin. Mais hélas, elles repoussent trop vite et trop nombreuses pour que je puisse être efficace. Je vois le cheval blanc couché sur le sol, se débattant vainement, les branches épineuses se serrant sur lui comme les anneaux d’un boa creusant de longs sillons rouges sur sa robe blanche. Je continue de tailler les branchages, refusant d’abandonner ! Mais hélas mes efforts sont inutiles. Les hennissements se sont tus. Le corps du cheval a presque entièrement disparut sous la mer de branches noires qui s’abreuvent à présent de son sang. Complètement horrifiée, je recule sans comprendre ce que je viens de voir. La scène s’est déroulée tellement vite. L’odeur de la mort et du sang récent abordent mes narines et me donnent la nausée. Je suis tremblante et je respire difficilement. Je mets un moment avant de me décider à m’éloigner vraiment de l’endroit maudit, où cet animal est mort, par ma faute. Je n’aurais jamais du venir ici, jamais ! Et je m’élance dans le cœur la forêt sombre, sans volonté ni but, à part celui de fuir le plus loin possible de ce rosier, je suis meurtrie, écœurée par son acte ! Les bois sont sombres, peuplés d’arbres noueux aux branches torturées et aux feuilles pourpres. Je cours dans les flaques de sang, piétine des os qui craquent. Je croise des formes plus ou moins humaines pendues ou crucifiées aux arbres, mutilées ou aux orbites creuses, une flèche entre les deux yeux ou un sabre dans le cœur. Toutes ces horreurs me terrorisent au plus haut point et commencent à m’essouffler. Je pense que je vais devenir folle. N’en pouvant plus, je m’arrête pour reprendre ma respiration, haletante. Je ferme les yeux un instant, croyant pouvoir échapper à l’atmosphère morbide du lieu, mais mon esprit prend le relais et m’affiche des images du passé, images troublantes, dérangeantes, de plus en plus précises… Je vois des couteaux, aussi affûtés que des rasoirs, qui fusent vers moi et j’entends un cri perçant ! Je rouvre brusquement les yeux pour chasser ses images qui partent en fumée, mais l’écho du cri, lui demeure. Ce n’était pas un cri sauvage ou menaçant, mais un cri de détresse humain et plutôt féminin. Interpellée, je choisis de me diriger dans la direction du bruit, qui semble être très proche. Les cris sont de plus en plus terrifiés et deviennent implorants, et ils sont accompagnés d’un rire… D’un rire cruel et intraitable. Cachée derrière un buisson, j’aperçois enfin la source de ces bruits : une fille qui ne semble guère plus âgée que moi est prise entre les griffes d’une créature à l’apparence d’un homme noyé. Je n’ai pas le temps d’analyser plus clairement la scène, ni de détourner le regard, avant de voir la main du monstre plonger dans la poitrine de sa victime et de lui arracher le cœur d’un geste brusque, dans un bruit atroce d’os et d’organes éclatés ! Je retiens de justesse un cri de stupeur et manque de faire un malaise. Je ne réalise pas ce que je viens de voir, il l’a tuée. Tuée de sang froid et par pure cruauté. Tuée parce qu’il en avait envie. Cette injustice de loi du plus fort me retourne les entrailles. En plus d’être choquée et complètement terrorisée, je suis aussi révoltée par la scène à laquelle je viens d’assister. Cet être cruel mériterait le même sort. Tremblante, j’ose regarder de nouveau dans la direction de l’assassin. Le cadavre le la fille gît sur le sol, un trou béant et sanglant au milieu de la poitrine. L’homme lui est immobile, il ne bouge plus. Je me demande ce qu’il attend, lorsque je vois son regard planté dans ma direction : il m’a vu ! Dans ses yeux brille une étincelle mauvaise, et son nez commence à humer l’air à la façon d’un carnivore. Effrayée et désespérée je sors ma dague de son fourreau et cache ma main armée derrière ma cape. Une course poursuite ne me laisserait aucune chance, tout comme un affrontement direct. Ma seule issue est la ruse. Je commence à reculer doucement tandis que le tueur avance vers moi au même rythme. Je suis tellement apeurée que mon instinct de survie me fait passer dans un état second afin d’atténuer mon stress. Plus rien ne compte pour moi à part la mort de cet individu. Le meurtrier se rapproche, ses vêtements sont couverts de sang, sa démarche est sure comme celle d’un félin en chasse. Il est anormalement grand et maigre. Ses mains sont grandes et puissantes, inhumaines, et ses doigts sont ornés d’ongles aussi tranchant que des scalpels. Ses cheveux dégoulinants sont plaqués contre son visage et son cou, ses dents brillent légèrement et ses yeux sont avides. Je devine ce qu’il pense : il est ravi de se retrouver si facilement face à une proie éprise de terreur, trop pétrifiée pour essayer de s’enfuir, faible, fragile et impuissante. Comment pourrait-il s’en méfier ? Il n’est maintenant plus qu’à quelques centimètres. Il ne semble pas faire attention à ma main droite dissimulée sous ma cape. Sur de lui, il se penche sur moi, effleure ma gorge de l’un de ses ongles et me murmure d’une voix implacable et rauque : « - Je suis Heartless… Et je vais prendre ton cœur. Son haleine infecte sent la mort, la chair pourrie et le sang séché à plein nez. Tremblante de frayeur, je ressers mes doigts sur le manche de ma dague. La vision du meurtre atroce de la jeune fille repasse en boucle dans ma tête, je réentends les cris, je revois le sang. Et de nouveau le dégoût, la fureur et le désir de vengeance m’envahissent. - Je n’en suis pas sure… » Et d’un mouvement maladroit, mais brusque, je relève ma main droite et enfonce le glaive entre ses côtes. La colère m’accompagne et à ce moment précis, je trouve que mon geste est juste. Œil pour œil et dent pour dent, et je me sauve la vie en prime. La créature réagit en poussant un hurlement sauvage et se cambre violemment. Et ma lame glisse dans la chair, suis la courbe des os de la cage thoracique, déchire le pectoral puis sans doute un poumon et, lorsque je l’enfonce jusqu’à la garde, crève le cœur. Le sang gicle et m’éclabousse jusqu’au visage tandis que Heartless se jette en arrière, le glaive toujours planté dans la poitrine. Il se tord dans tous les sens, poussant des râles de colère et de douleur ! J’en profite pour m’éloigner et essuyer le sang que j’avais dans les yeux et qui m’aveuglait. Soudain, le tueur cesse de bouger, tombe sur les genoux, et dans un dernier grognement sourd s’écrase sur le sol, répandant à son tour son fluide vital sur cette terre maudite. Je reste plusieurs minutes debout, incapable de bouger, fixant d’un air inexpressif le cadavre qui gît à mes pieds, à quelques mètres seulement de sa dernière victime. Quand je me persuade qu’il ne se relèvera plus, je décide de me rapprocher du corps sans vie. Je me penche sur lui : ses yeux sont figés dans un regard cruel et sa bouche dans un sourire fou. Le sang coule toujours doucement depuis sa blessure dans laquelle mon arme est restée. D’un geste mécanique, je m’empare du manche de mon poignard et retire mon arme de se corps pourris, tremblante d’émotions qui m’étaient jusque là inconnues. L’adrénaline retombant, je commence à m’effondrer en larmes. Je me laisse tomber le long d’un arbre, le glaive serré contre ma poitrine, sanglotant entre deux gémissements. Soudain, un craquement de branches se fait entendre. En alerte, je me redresse et guette les environs, l’arme au poing. Je vois une forme imposante émerger du bosquet en face de moi : il s’agit d’un cerf ! Ou du moins, un animal qui lui ressemble beaucoup. Le quadrupède possède effectivement la plupart des caractéristiques du cerf, excepté le fait qu’il est plus gros et que son ventre est creux, comme la plupart des félins. Je grogne, lui montre les dents et le poignard étincelant de sang pour le dissuader d’avancer, mais l’animal aux bois majestueux ne fait pas attention à moi et continue son chemin, s’arrêtant au niveau du cadavre d’Heartless. Sur mes gardes, je ne le quitte pas des yeux, mais le cerf se désintéresse finalement de moi, se penche sur le corps sans vie et commence à donner de grands coups de mâchoires dedans, arrachant la chair et l’avalant rapidement.
Etonnée, mais soulagée que le cerf ne soit pas mon ennemi, je me décrispe légèrement. Je me rassois dans le creux de l’arbre, pleurant doucement, perdue dans mes pensées, accompagnée par l’immonde bruit de mastication de la bête se remplissant l’estomac.
CHAPITRE 3 - Spoiler:
Je l’ai tué. J’ai tué… Comment ai-je pu faire ça ? Je suis complètement paumée. Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis recroquevillée contre cet arbre. Quelques minutes ? Quelques heures ? J’ai perdu la notion du temps. Le cerf est parti comme il était venu, sans se préoccuper de ma pauvre personne déboussolée. Je n’ai pas osé le suivre. Je ne veux pas bouger d’ici, j’ai trop peur de croiser de nouveaux monstres aussi traumatisants que celui que je viens d’affronter. Je n’ai plus de courage, je veux que ça s’arrête… Cet endroit draine tout espoir et je me sens seule, si seule dans cet instant de détresse profonde. Après de nouvelles heures passées sans bouger, j’arrive à saturation et décide finalement de me lever et de me remettre à marcher. Je passe à côté du cadavre de Heartless, ou plutôt de se qu’il en reste, et de sa victime sans les regarder. Je veux juste passer à autre chose, et oublier tout ça. Oublier ! Comme si c’était possible ! Je marche tout droit, sans savoir où je vais. Je ne fais même plus attention aux détails macabres qui ornent ma route. Je devine le crépuscule approchant, car la forêt commence à perdre la légère luminosité qui l’habitait. Plus rien ne me choque, ni m’effraie dans cet endroit maudit, et je marche dans cet enfer, me sentant presque à ma place parmi les monstres et bête qui y règnent. Tout est confus dans mon esprit. Les flash-back reviennent sans arrêt, me harcelant sans cesse, mais je ne les chasse pas. J’essais de les comprendre : ils m’effraient et m’attendrissent à la fois… Un homme torturé, qui n’a d’autres raisons pour vivre que de tuer. Un homme qui m’a menacé mais qui m’a écouté parler. Un homme qui disait des choses affreuses mais en même temps de nombreuses vérités. Quelqu’un dont le point vu sur le monde était si différent qu’il en devenait extrêmement fascinant… Alors que je marche toujours droit devant dans une sorte de triste torpeur, j’arrive dans une clairière de terre délaissée par les arbres. L’endroit est calme et silencieux et le crépuscule atténue le rouge violent que portait la forêt pendant la journée. Une accalmie dans cet endroit de terreur et de désespoir. Je lève la tête vers le ciel et aperçois, dans une percée de nuage sanglant, la Lune. L’astre céleste vient de commencer son ascension pour son voyage de la nuit et sa forme croissante lui donne l’air d’un sourire étincelant dans le ciel orangé. Cette Lune en qui j’avais placée toute ma foi et mon estime. La voir me rassure mais renforce aussi ma colère, elle me semble tellement injuste ! Epuisée, je me laisse tomber à genoux dans la clairière et commence à crier en direction du ciel : « - LUNE ! N’en as tu donc pas marre de te moquer de moi ? Regarde ! Regarde ce que je suis devenue ! J’étais ton adoratrice, et maintenant je ne suis plus qu’une meurtrière couverte du sang d’un autre ! Pourquoi t’acharnes-tu ainsi sur moi ? Qu’ai-je donc fait de si horrible ?... Pourquoi m’as-tu abandonnée ? Pourquoi ?... » Les larmes coulent encore. Je jette le poignard sur la terre et penche la tête dans mes mains. Le vent fait doucement murmurer les arbres et des oiseaux s’envolent vers le soleil couchant. Je voudrais crier encore et encore pour condamner cette trahison qui me brûle le cœur, mais je ne prends pas le risque d’attirer d’éventuels prédateurs jusqu’ici et choisis de me taire. Je sens la fatigue monter en moi et m’envahir lentement. Les émotions ressenties ces dernières heures ont épuisée toutes mes forces et ma tristesse est assommante. Je ramasse mon couteau et m’allonge sur la terre, attentive au moindre bruit. Mais je me sens tellement mal que plus grand-chose n’a d’importance pour moi, je me fiche de courir le risque de m’endormir ici, sous la lumière de la Lune, et d’être réveillée par le grognement avide d’une bête sauvage ou d’un humain cruel. Je ne veux qu’un instant de répit, m’évader d’ici dans un sommeil profond et sans rêve. La Lune veille, sur une petite maison dans laquelle je me trouve en compagnie d’un criminel, le seul que j’ai appris à respecter parmi tous ces vauriens. Je n’ai pas peur, je me sens intouchable. Je le taquine tandis qu’il me répond avec véhémence, comme deux enfants qui se chamaillent. Je revois des cadavres qui m’offusquent et me remémores des paroles qui me touchent en plein cœur. Je ressens la cruauté enfantine, presque fascinante, qui émane de ce personnage tellement exceptionnel… C’est un hurlement de loup lointain qui me réveille en sursaut ! Oubliant ma tristesse, mon instinct de survie reprend le contrôle de mon corps et je me lève d’un coup, le glaive en main, observant avec méfiance chaque arbre aux alentours. J’ignore combien de temps j’ai dormi, mais il fait à présent nuit noire dans la forêt, les nuages cachent toujours les étoiles. Inspectant la clairière où je m’étais assoupie, j’aperçois une masse sombre couchée à une dizaine de mètres de moi. Intriguée, je la regarde : je suis sure et certaine qu’elle n’était pas là quand je me suis endormie. Je m’approche, aucun son n’émane de cette chose qui semble être sans vie. Avec surprise, je constate qu’il s’agit d’une sorte de bête, hybride entre le loup et l’ours, qui gît sur la terre, un couteau profondément enfoncé dans la nuque. Je frissonne, me demandant comment cet animal a-t-il pu se retrouver ici ! Il n’a pas pu recevoir la blessure puis venir agoniser ici, car la manière dont le couteau est planté laisse supposer que la bête est morte sur le coup. Je sais ce que ça veut dire : quelqu’un m’a sauvé la vie, car sans son intervention j’aurai sans doute été dévorée par cet animal. Surprise, je ne crois tout de même pas trop à cette théorie, car nous sommes dans un lieu où la pitié et la compassion n’existent pas, je l’ai bien compris.
Etant parfaitement réveillée, je décide de quitter la clairière où je suis bien trop exposée pour me réfugier dans la forêt. De nuit, tout est aussi silencieux et inquiétant que le jour, mais l’obscurité dissimule à mes yeux les choses sordides qui peuplent cet endroit : ce Royaume est tellement effrayant que la peur du noir n’est rien à côté. Mes yeux s’adaptent petit à petit aux ténèbres pour me permettre de voir où je vais, mais il fait encore trop sombre pour que je distingue les horreurs fixes qui se tiennent tout autour de moi. Tant mieux, je préfère deviner ces horreurs plutôt que les voir clairement ! Et je m’enlise de plus en plus dans ces bois angoissant, espérant trouver rapidement le palais du Prince de Sang.
CHAPITRE 4 - Spoiler:
Je marche à tâtons dans la forêt toujours aussi sombre, entourée d’arbres aux formes indescriptibles. Alors que je peine à savoir où je vais, je crois apercevoir de la lumière droit devant moi. Une source lumineuse puissante et oscillante. Cette vision rassurante m’attire et je continue de marcher dans sa direction. J’arrive à quelques dizaines de mètres de la lumière et réalise que c’est en fait un feu de camp dressé en plein milieu de la forêt ! La lumière se déplace doucement sur les arbres aux alentours, au rythme des flammes. Après avoir bien regardé et écouté autour de moi pour vérifier qu’il n’y avait personne dans le coin, je m’avance près du foyer flamboyant. Le feu est beau et me fascine, je profite de la chaleur, sans oublier à quel point il peut être dangereux. Soudain, j’entends un craquement derrière moi. Je n’ai pas le temps de me retourner car on m’attrape brutalement les bras et je tombe par terre ! Étourdie, j’entends des ricanements : -"Tu vois, Simili, je t’avais dis que ça marcherai encore le coup du feu de bois ! Ils sont tellement prévisibles ! Déclare une première voix. - Je dois bien avouer que tu as raison… Alors, qu’est ce que c’est que ça ? Demande la seconde. On me relève brutalement, mes mains toujours derrière le dos, m’interdisant d’attraper mon arme. Je ne saisi pas encore tout ce qui se passe tellement l’embuscade était violente. Relevant la tête, j’aperçois deux silhouettes masculines, la première est plutôt petite et trapue mais assez musclée et armée d’une arbalète, tandis que la deuxième est grande et svelte. Je ne vois pas du tout celui qui est dans mon dos, je devine juste qu’il doit être très grand et qu’il ne lui faudrait pas beaucoup de mal pour réussir à briser mes poignets si l’envie lui venait ! Les deux criminels me dévisagent à la lueur du feu et le plus grand s’approche. Cheveux brins, barbe parfaitement taillée, très beau visage ; dommage qu’il soit complètement défiguré par une expression malsaine et l’inscription de son nom sur la joue en lettre raffinée. - Mais c’est l’uniforme de la garde royale ! S’écrit-il, Full nous envois ses propres soldats à présent, et des filles, qui plus est ! J’entends les deux autres ricaner de plus belle ! Ne supportant pas cette situation odieuse, j’oublie toute prudence et rétorque : - Oui effectivement je viens du Royaume de Glace. Full te souhaites le bonjour Simili, il a hâte que tu retournes croupir derrière ses barreaux ! Je ne vois pas la gifle arriver. Le choc est terrible est mes oreilles bourdonnent ! Je sens le goût du sang couler dans ma bouche. A moitié sonnée, je sens Simili qui m’agrippe le col et me tire vers lui, l’air furieux, me menaçant de son poing. - Je vais te faire regretter tes derniers mots, espèce de sale petite insolente ! - Non arrête ! Ne la touche plus ! Intervient le second homme qui était resté à m’observer. -Je vais me gêner, La Flèche ! Elle aura le droit à un traitement de faveur qu’elle n’oubliera pas, même après sa mort ! - Mais Simili, c’est la fille de l’avis de recherche !! A ces mots, mon agresseur baisse son poing et regarde son compagnon d’un air contrarié : - Tu en es sur ? Montre moi la photo ! Alors La Flèche pose son arbalète et sors de l’une de ses poches un papier qu’il déplie soigneusement, puis la retourne vers son complice. Je l’aperçois vaguement, mais Simili m’attrape le menton puis place la feuille à côté de mon visage, regardant successivement l’un et l’autre. - Tu vois ! S’écrit l’homme à l’arbalète, C’est la même ! Enfin, le sang et les hématomes en moins. - Merde, c’est vrai ! Fulmine Simili en rendant la feuille à son partenaire, puis il se retourne vers moi, menaçant, Et c’est donc toi qui as tué Heartless, hein ? Répond ! - Oui, lâchais-je dans un râle douloureux. Un nouveau coup attaque mon visage, plus puissant que le premier, qui m’arrache un gémissement et me fait cracher du sang. - Simili arrête !! Le Prince de Sang a précisé qu’il ne voulait pas qu’elle soit trop abîmée ! -"Pas trop" est une notion très abstraite pour moi… Répond le tueur, sortant un couteau rétractable de sa poche. - Moon le saura si on va trop loin ! Ignorant La Flèche, l’assassin professionnel m’attrape les cheveux et me force à incliner la tête en arrière. La vision du couteau me terrifie ! Simili place la lame sur mon cou et susurre d’une voix mielleuse : - J’aurai pu faire de toi un mannequin tellement réaliste… Mais avant je t’aurai cousu les lèvres pour qu’aucune autre offense ne puisse sortir de ta petite bouche… Je ferme les yeux. Mon cœur bat affreusement vite et je tremble d’angoisse. Je me débats un peu, mais les mains accrochées à mes bras resserrent leur emprise, m’obligeant à rester tranquille. Enfin, après d’interminables secondes, Simili abaisse son couteau et le remet dans sa poche en s’éloignant de moi. - Bon, pas de temps à perdre ! Déclare-t-il, Direction le palais. Plus vite on arrivera, plus vite le Prince de Sang lui réglera son compte ! - Et on aura la récompense ! S’exclame la Flèche. - La seule récompense intéressante sera de voir cette garce se faire massacrer par notre cher Moon. L’Obscure, ne la lâche surtout pas, je te rappelle qu’elle est responsable de la mort d’Heartless ! L’homme qui se tient derrière moi éclate d’un rire sombre et caverneux et me pousse pour que je me mette à avancer tandis que les deux autres criminels ouvre la marche. J’ai l’impression que ma tête va exploser et ma mâchoire me fait terriblement souffrir. Ce Simili me terrorise ! La situation est extrêmement délicate et j’ai très peur de ce qui risque de m’arriver. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas vu le Prince de Sang et je commence à appréhender notre future rencontre.
CHAPITRE 5 - Spoiler:
Les heures qui s’écoulent sont les pires que je n’ai jamais connues. Si seulement je ne m’étais pas approchée du feu ! Je m’en veux tellement d’être tombée dans le piège si facilement : me voilà maintenant à la merci de trois criminels terrifiants. L’Obscure, La Flèche et surtout Simili, qui m’a fait passer un sale quart d’heure, m’emmènent d’un pas ferme vers le château de leur souverain. A la lueur de leurs torches, la forêt me semble plus cruelle que jamais. L’écorce des arbres prend la forme de visages effrayants, chaque buisson ressemble à une bestiole monstrueuse et les ombres qui nous entourent sont difformes et menaçantes. Je suis paniquée et j’ignore combien de temps nous allons continuer à marcher. La forêt est toujours la même, un vrai labyrinthe ! -Tu dois te demander comment nous faisons pour nous orienter, hein ! Me lance Simili d’un ton moqueur, C’est si simple, regarde ! Il s’arrête devant un arbre et pointe sa torche dessus afin de mieux l’éclairer. Mon cœur remonte dans ma gorge : sur l’arbre sont cloués des doigts, plus ou moins décomposés, qui forment l’inscription « Château dans 500 m » suivit d’une main complète pointant une direction. Simili se délecte de mon effroi et sourit cruellement : - Quand le Prince de Sang aura fini de s’occuper de toi, je me ferai un plaisir de découper tes jolis petits doigts pour les rajouter à cette collection ! Je déglutis et respire péniblement tellement ma peur et mon angoisse sont grandes. Je n’en peux plus ! Je voudrais m’enfuir, courir le plus loin possible de cet endroit maudit ! M’évader, verrouiller la porte et ne plus jamais y retourner ! Pourquoi, mais pourquoi suis-je revenue ici ??! Ce monde, en plus d’être terrifiant au plus haut point, réveille en moi des souffrances anciennes qui déchirent mon cœur et broient mon âme. Par pitié, tranchez moi la gorge, que je me réveille et qu’on en finisse ! Laissez moi partir, je veux que tout cela cesse !! Je ne sens même plus mes douleurs physiques tant la douleur morale est grande ! Mes ailes, autrefois si belles, ont été déchirées et brûlées. J’ai l’impression que mon cœur n’est plus qu’une plaie douloureuse et amère qui envahit tout mon être… Je suis… Je suis… Je ne sais même plus ce que je suis ! Je sais juste que je me trouve dans un état on ne peut plus pitoyable, complètement rongée de l’intérieur. Je voudrais crier mon mal à la face de ce monde, mais je suis tellement faible et seule que je n’en ai pas la force. Enfin, après un moment de marche nous apercevons le palais du Prince de Sang. Magnifique et ténébreux comme son Royaume… Perdu en plein milieu de la forêt, c’est un immense château torturé, composé d’une dizaine de tours, tordues dans tous les sens, comme les innombrables têtes d’une hydre. Des pierres noires comme le charbon ou pourpres ont servi à bâtir l’édifice, le long desquelles s’accrochent de gigantesques rosiers grimpants, les mêmes que ceux que j’avais croisé à l’entrée de la forêt. Sur le parvis du palais s’étend une mare de sang pur, qu’il faut traverser à l’aide d’un petit pont en fer grinçant pour arriver devant deux énormes portes écarlates. Lorsque nous arrivons devant, les deux battants s’ouvrent dans un grincement sinistre. Le sombre bâtiment n’est éclairé que par quelques chandeliers fixés aux murs, mais qui suffisent néanmoins à faire ressortir toute l’atrocité du lieu. Des tableaux gigantesques représentant des figures cauchemardesques couvrent les murs. Des chaînes couvertes de sang séché pendent du plafond, et les branches des démoniaques rosiers rouges s’infiltrent entre les pierres, se répandant dans le palais. L’endroit est lugubre et parait à l’abandon. Après quelques minutes à arpenter ces couloirs sinistres, nous arrivons enfin dans a salle du trône. C’est une salle gigantesque et mieux éclairée que le reste du château. Des tapisseries représentant des scènes de meurtres sont accrochées un peu partout sur les murs. Par les quelques fenêtres à barreaux présentes dans la pièce on peut apercevoir le ciel d’un noir d’encre. Au centre se trouve le trône : il est énorme, fait de tissus rouges et noirs et des dizaines de couteaux y sont plantés sur les cotés. Tout autour, des dagues et toutes sortes d’autres objets tranchants pendent également du plafond, suspendus par de fines chaînes en acier. Mais contrairement à ce à quoi je m’attendais, le siège royal est vide. Le Prince de Sang ne semble pas être dans la pièce. - Moo… Commence Simili, mais vite interrompu par son complice qui lui donne un vif coup de coude dans les côtes, …Je veux dire Prince de Sang, nous avons attrapé ce que tu cherchais ! Aucune réponse ne vient mais un rire mécanique se fait entendre, résonnant dans toute la pièce. Soudain, une forme tombe brusquement du plafond, à quelques mètres de nous et se réceptionne parfaitement sur ses pieds. Lorsqu’il se relève, je le reconnais immédiatement : c’est le Prince de Sang. Il ressemble tant à son frère, en un peu plus jeune, et avec un visage beaucoup moins sérieux ! Ses habits sont éclaboussés d’un sang aussi rouge que ses cheveux et aux moins trois couteaux affûtés comme des rasoirs sont accrochés à sa ceinture. D’un air faussement étonné, il me dévisage un instant avant de déclarer d’une voix onctueuse :
- Je ne vois ici qu’une vilaine fille qui a fait quelque chose d’affreux… Où est donc passée ma douce et innocente Emily ? Je soupire, exténuée par la douleur et les émotions macabres que j’ai ressenties pendant le trajet. D’un air faible et las, je réponds : - C’est pourtant bien moi. Vous ne me reconnaissez pas ? - Je t’en prie, ma mignonne, prend donc la peine de te regarder dans une glace, je ne suis pas sur que tu te reconnaisses toi-même ! Lance-t-il d’un ton moqueur tout en rejoignant son trône. Tout en prononçant cette phrase, il fait un signe à Simili qui s’approche de l’une des tapisseries présentent sur le mur et la fait pivoter, faisant apparaître un imposant miroir. Le Prince de Sang dit vrai. Ce que je vois dans mon reflet est loin de ce à quoi j’ai toujours pu ressembler : Je suis maculée de sang des pieds à la tête, sur mes joues et sur mes cheveux ! Je suis également couverte d’hématomes, cadeaux de la fureur de Simili. Mais ce qui me choque le plus, c’est l’expression de mon visage, à la fois abattue et désespérée. Dans ce miroir, j’ai également l’occasion d’apercevoir le visage de l’homme qui me maintient les bras depuis tout à l’heure : il est immense et vêtu de noir de la tête au pied, sa peau et ses cheveux sont extrêmement sombres. Le monarque s’assoit sur son siège orné de lames et commence à jouer avec l’un de ses couteaux. Son regard mauvais est à présent planté sur La Flèche et Simili, à qui il s’adresse d’une voix grinçante : -Très bien, vous venez de me prouver que vous n’êtes pas que des incompétents en me rendant ce service, c’est pourquoi dans mon immense clémence, je vais vous laisser partir de ce château vivant. Considérez cela comme votre récompense. Allez-y, vous pouvez partir ! Frustrés d’être congédiés ainsi et se sentant dupés, les deux criminels se mettent à grogner et commencent à sortir leurs armes. Mais deux couteaux jaillissent à une vitesse incroyable : le premier se fiche dans le mur, à quelques centimètres de l’oreille gauche de la Flèche, tandis que le seconde se plante en plein milieu de la main droite de Simili ! - DEHORS !!! Hurle le souverain avec véhémence ! Et sans hésiter, les deux vauriens se ruent en dehors de la pièce, comme des hyènes idiotes et affolées. La porte claque et les bruits de leurs pas s’éloignent. Seul l’Obscure n’a pas bougé et le Prince de Sang le regarde à présent avec un sourire enfantin : - J’aurai besoin d’être seul avec la demoiselle, tu veux bien nous laisser un instant ? Tu n’as qu’à m’attendre devant le château et quand j’aurai fini, on jouera à chat perché ! D’accord ? Le géant recule en souriant, me rendant enfin ma liberté de mouvement, et après avoir adressé un signe amical au souverain, sort tranquillement de la salle du trône.
Nous ne sommes plus que tout les deux dans la pièce et il y règne un silence de mort. Le Prince de Sang et moi nous dévisageons mutuellement, comme de vieux ennemis qui ne s’étaient pas vu depuis longtemps…
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Ecrits d'Emily Lun 24 Juin - 2:11 | |
| CHAPITRE 6 - Spoiler:
Seuls dans son immense palais macabre, Moon et moi nous observons comme deux fauves dans une arène, sans déclarer le moindre mot. C’est finalement le Prince de Sang qui ouvre le bal en premier : - Et bien, mon lapin, c’est vraiment plaisant de te revoir ! Et ça à l’air réciproque en plus ! Déclare-t-il tout en avançant vers moi, un sourire crispé affiché sur les lèvres. J’imagine que c’est ça être "content" ! Je le regarde d’un air méfiant. Le voyant se rapprocher, je place ma main droite sur le manche de ma dague par réflexe. En voyant mon geste, le souverain s’arrête et éclate d’un rire rouillé ! -Ahahah ! Je ne sais pas si ton geste est plutôt absurde ou drôle ! Lance-t-il en se remettant marcher vers moi, Ne sois pas stupide et donne moi ça, avant que tu ne fasse une nouvelle bêtise avec. Moon est à présent tout près de moi, la main tendue attendant que je lui remette mon glaive. Ses yeux fixés sur moi sont d’un rouge flamboyant. Ma main est crispée sur le manche de mon arme. Voyant que j’hésite, le Prince de Sang s’impatiente et commence à taper du pied. Je cède : - D’accord, d’accord, le voilà ! Et je tends mon propre couteau au psychopathe devant moi. C’est à se demander qui est le plus fou des deux ! Le souverain l’attrape vivement et l’admire sous tous les angles avec attention. Son regard se reflète dans l’acier de la lame, il a l’air aussi fasciné qu’un gamin qui découvre ses cadeaux de Noël. - Où t’es tu donc procuré cette petite merveille ? -Vous ne le saurez pas, je protège mes sources, dis-je, sur la défensive. - Ah, attention Emily, lâche Moon tout en pointant le glaive vers moi, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué je ne suis plus dépendant de mes frères ! Ce qui signifie également que tu n’es plus aussi invulnérable que la dernière fois… Alors tâche de ne pas trop m’énerver ! En entendant ces mots, un vague frisson d’inquiétude me parcourt, mais curieusement, je reste relativement calme. J’ai conscience d’être devant le seigneur de ce Royaume impitoyable et sanglant, quelqu’un de cent fois plus cruel que Simili, quelqu’un qui tue comme il respire, mais pourtant, à mes yeux il a plus l’air d’un jeune enfant insouciant et farceur. Devant mon expression confuse, il sourit et jette ma dague derrière son dos, qui va se ficher parfaitement au centre de son trône en déclarant : - Mais bon, passons. Que penses tu de cet endroit ? Il est formidable, n’est ce pas ? -Effectivement, c’est le mot. Formidable… En tout cas ça doit vous changer de la prison de chez Full. Un couteau fuse en me frôlant l’oreille, me faisant sursauter de peur. Décidément, il n’a pas perdu ses bonnes habitudes ! - Tu n’as aucune idée de comment c’était là bas ! Rugit-il, me menaçant d’un autre couteau. - Ah vous croyez ? Regardez ça ! Rétorquais-je en lui lançant la statuette que j’avais gardée sur moi jusqu’ici. Moon l’attrape au vol, puis l’inspecte un moment. Quand il relève la tête, un nouveau sourire forcé orne son visage, un sourire qui terrifierait n’importe qui. - Et après Full ose dire de moi que je suis cruel… Quelle ironie ! - Vous n’êtes pas tout à fait un saint non plus, il faut dire ce qui est, répliquais-je. Je voudrais tellement lui en vouloir. Lui en vouloir comme j’ai pu en vouloir à ses frères après leur trahison. Mais malgré le danger permanent en sa compagnie, je ne peux m’empêcher d’entrer dans son jeu d’enfant capricieux. J’avais oublié à quel point il était spécial ! - Oui, c’est vrai… Dit-il sur une voix effrayante, Mais tiens, ça me fait penser que moi aussi j’ai quelque chose à te rendre ! Et à son tour, il met la main dans sa poche, en sort quelque chose et me le lance. Je rattrape et ouvre ma main pour savoir de quoi il s’agit. Je reste sans voix : c’est un pendentif en chaîne noire délicate ornée d’une pierre rouge. Ce collier me rappelle tellement de souvenirs, trop de souvenirs, ravivant ma migraine coutumière. Je peine à le garder dans la main. - Je… Je l’avais perdu… - Et je l’ai retrouvé ! Maintenant, sois gentille et remet-le à sa place, autour ton frêle petit cou. - Non. Non. Ca suffit. La douleur vive dans mon crâne me rappelle tout ce que j’ai enduré pour arriver ici, et un simple pendentif ne me le fera pas oublier. Je me reprends un peu, il n’est pas question que je me laisse amadouer. Même si je n’aime trop décevoir Moon, je ne porterai pas ses couleurs sanglantes autour du cou. Le Prince de Sang me regarde bizarrement, comme s’il n’avait pas compris ma réponse : - Comment ça « Non » ?... Demande-t-il d’une voix dangereusement calme. - Non, Moon, je ne porterai pas ce bijou, expliquais-je fermement. Le visage du Prince de Sang s’assombrit brusquement, et ses lèvres s’étirent en un mauvais sourire. Inquiète de sa réaction, je recule de quelques pas et guette les mouvements de ses mains en espérant qu’il ne lance pas de couteaux. - Mais ma chère, on ne refuse pas un cadeau. Et puisque tu es si entêtée… Moon s’avance doucement, l’air intraitable. Il est très effrayant, mais je refuse de céder à son chantage d’enfant gâté aussi facilement. Soudain, le sol commence à trembler légèrement sous mes pieds et certaines dalles commencent à bouger. Des branches épineuses commencent à émerger de la terre, faisant exploser les plaques de pierre qui les recouvraient. Vives, elles s’emparent de mes bras du poignet jusqu’au coude. Surprise, je lâche le collier qui va rouler à quelques mètres devant moi, s’arrêtant au pied du dangereux souverain. - …Tu vas avoir le droit de goûter à mes roses exceptionnelles ! Ne sont elles pas magnifiquement blessantes ? Ricane-t-il d’un ton féroce. - Oh mais je ne les connais que trop bien ! J’étais à peine arrivé dans votre Royaume qu’elles ont sauvagement tué le cheval que m’avait offert Full ! Sifflais-je en espérant que les branches n’allaient pas se resserrer plus pour me saigner. - Sache que tout ce qui entre dans mon Royaume est à moi, et c’est comme ça ! Que ce soit un objet, un animal ou un humain ! Tout en parlant, Moon se baisse pour ramasser le collier que j’avais fait tombé l’observe un moment et s’avance vers moi en déclarant sévèrement : - Alors maintenant, puisque tu ne veux pas le faire toute seule, je vais t’accrocher ce pendentif moi-même. D’un pas rapide et agile, il se glisse dans mon dos et noue le bijou derrière ma nuque. Le contact de la pierre rouge sur ma peau me brûle, comme si mon corps refusait de porter ce poids, riche en nostalgie et en souvenirs cruels. Je pousse un râle de douleur que Moon ignore royalement. - Tu n’es qu’une petite ingrate, moi qui voulais simplement te… Te remercier pour ce Royaume que tu m’avais donné, déclare-t-il à voix basse. Cette phrase me fait brusquement réaliser ce pourquoi j’étais là ! Toutes les épreuves endurées dans le Royaume de Sang m’avaient fait perdre de vue mon objectif premier : connaître les origines de sa création afin de pouvoir le maîtriser. D’un air innocent, je regarde Moon qui revient devant moi, et demande : - Que voulez vous dire par là ? Vous insinuez que je suis responsable de l’arrivée du Royaume de Sang ici ? Je ne vous crois pas ! - Je ne l’insinue pas, je l’affirme ! Tu es belle et bien la principale responsable de la naissance ce petit bijou de cruauté et de monstruosité, mon agneau ! C’est d’ailleurs une histoire très drôle ! Veux-tu l’entendre ? S’écrit le Prince avec un enthousiasme débordant. Le fixant avec suspicion, je hoche la tête, à moitié inquiète et impatiente d’entendre le récit du criminel. - Tout cela à commencé il y a deux ans, quand mes deux hypocrites de frères, que tu appréciais tellement, on lamentablement chutés de ton cœur après leur trahison, j’ai été placé sur un piédestal ! Tu avoueras tout de même, que de part ma nature déjà amorale et cruelle, c’est moi qui t’ai le moins déçue. A l’apogée de ta souffrance, je valais bien plus que ces deux rigolos réunis ! Je l’écoute avec attention, analysant chacune de ses phrases. Je commence à comprendre où il veut en venir… Moon s’approche de moi et m’attrape le menton, me relevant le visage vers le sien et me murmure d’une voix suave : - Alors maintenant, petite chérie, regarde moi dans les yeux, et ose me dire que durant ces dernières années je n’ai pas été celui de nous trois pour lequel tu as eu le plus d’estime ! Sans attendre ma réponse, il me lâche et reprend son récit en sautillant partout :
- Inconsciemment, tu m’as libéré, tu as jugé que je méritais ma part du Royaume, non seulement parce que ton esprit endommagé a appris à apprécier mon âme incomplète et tordue, mais aussi pour punir mes frangins de leur lâcheté et de la peine qu’ils t’ont fait. Comme c’est adorablement mignon et touchant ! J’aurai trouvé ça juste stupide et mièvre si cela ne m’avait pas permis l’obtention de mon Royaume. Et quel Royaume, mademoiselle, quel Royaume ! Toute la sublime noirceur de ton esprit est concentrée ici. Ta haine et tes morbides pensées ont forgé mon palais, que je trouve particulièrement à mon goût. Tu as un fort potentiel de destruction, tu sais. Si tu étais un peu moins bornée de morale, de compassion et de tous ces bons sentiments inutiles, nous aurions pu être d’excellents compagnons de jeu !
CHAPITRE 7 - Spoiler:
Je suis dans un parc. Pas n’importe quel parc : c’est le parc du le Royaume de Glace, par lequel je suis arrivé dans mes Merveilles. Mais il est différent, aucune trace de neige ne règne en ces lieux, mais une pluie diluvienne tombe du ciel. Des voix attirent mon attention et je me dirige vers l’entrée du parc. A la hauteur de l’immense porte ornée d’un phénix, celle qui m’avait été verrouillée lors de mon retour dans ce monde, se trouve une adolescente en larme. Ses longs cheveux blonds tombent en cascade le long de ses épaules et sur sa robe bleue. Sa main est posée sur une clé, dans la serrure de la porte. Un animal, une sorte de grand loup gris, se tient à ses côtés et lui parle. Je m’approche, ils ne semblent pas se rendre compte de ma présence, comme si je n’étais qu’un fantôme, et que je contemplais qu’un souvenir à la troisième personne. Curieuse sensation. J’entends la jeune fille sangloter :
-Non, je ne pourrai jamais faire ça… C’est trop dur…
-Réfléchis ! Rester ici ne peut rien t’apporter de bon. Ferme cette porte à clé une bonne fois pour toute, s’impatiente la créature.
-Je ne comprends vraiment pas comment ça pourrait m’aider à aller mieux…
-Je sais que ce n’est pas facile, mais si tu réussis à partir, tu n’en deviendras que plus forte. Avec le temps, tu apprendras à te forger une armure qui te protègera de toutes ces souffrances inutiles, et plus rapidement que tu le penses.
-Tu en es sur ? Je ne souffrirai plus ?... Demande la gamine d’une voix tremblante.
-Bien sur ! Grogne la bête, Tout cela est derrière toi, maintenant, et l’avenir te tend les bras. Ce n’est qu’une page à tourner, une étape à passer. Cela te parait tout un drame car ta blessure est récente, mais tu t’en remettras vite ! A condition, bien sur, de ne plus jamais revenir ici.
-Plus jamais ? Mais pourquoi ?
-Si un jour tu décides par je ne sais quelle folie de retourner dans ce monde, ton armure explosera ! Tu seras la proie de souvenirs douloureux, de rancoeurs oubliées et tu auras mal, comme tu as mal en ce moment même ! Ouvre les yeux ! Ce monde n’est plus fait pour toi à présent, tu dois dire adieux aux Merveilles et retourner dans la réalité.
Réalité ! Ce mot me fait frémir tellement il me semble absurde en ce moment même. La pluie redouble d’intensité et des coups de tonnerre se font entendre. Indécise, l’adolescente garde sa main sur la clé sans la tourner. Son regard se durcit et sa voix devient amère :
-Quelle trahison… Je suis tellement blessée… Et ma colère, que deviendra-t-elle ?
-Ce sentiment est comme le feu : brûlant et destructeur. Mais rassure-toi, lorsqu’il n’est pas entretenu, il se meure, comme toutes les flambées.
Le couteau qui passe à quelques centimètres de mon cou pour aller se ficher sur le mur dans un bruit acéré me sort soudainement de mes souvenirs torturés. Mon regard quitte le vague pour se retrouver sur les dalles couvertes de sang séché qui pavent le château du royaume effroyable où je me trouve. D’un air las, je relève la tête et aperçois le Prince de Sang, visiblement contrarié.
-Emily ! S’exclame-t-il brusquement, Je suis très vexé que tu m’ignores ainsi ! Je viens de te faire une révélation des plus théâtrales, et tu ne réagis même pas !
-Je vous aurais bien applaudit pour ce merveilleux discours, mais… J’ai les mains prises, lâchais-je en remuant faiblement mes bras entre les ronces et feignant un regard admiratif.
-Tu sais que tu mens aussi mal que tu assassines ? D’ailleurs je n’aurai jamais imaginé que tu puisses être une tueuse, même une mauvaise !
En entendant ça, mon sang commence à s’agiter dans mes veines et mes dents se serrent. Je ne suis pas une tueuse ! Le fait que le Prince de Sang ait osé me définir comme tel me rend furieuse et me met hors de moi !
-C’était de la légitime défense !! M’écriais-je avec rage.
-A d’autres ! Tu te cherches des excuses, comme tous ces pauvres petits tueurs de pacotille qui n’ont pas le courage d’assumer leur acte, comme les justiciers par exemple ! La vérité c’est que tu as tué, point final. Alors, ça fait quoi de détruire une vie ? Tu as aimé ça ? Me demande-t-il en s’approchant, un sourire sournois collé au lèvres.
-Certainement pas ! Je ne suis pas un monstre comme vous ! Ce fut la pire épreuve de ma vie et jamais je ne recommencerai !
-Je me doutais que tu n’étais pas faite pour ça. Rien qu’à voir la façon dont tu l’as tué : une lame dans le cœur, c’est d’une banalité criminelle ! Ca devrait être punit par la loi ! D’ailleurs, je suis la loi, ici ! Et je déclare qu’à partir de maintenant, quiconque tue de manière banale subira la peine capitale !
Et Moon continue de débiter un charabia impossible aussi absurde que surprenant sur sa nouvelle loi, tout en déambulant dans la pièce. Mais je ne l’écoute que d’une oreille, car quelque chose dans ses paroles m’a interpellé : comment as-t-il pu savoir que j’avais tué Heartless d’un couteau dans le cœur ? D’ailleurs comment as-t-il pu savoir que j’avais tué Heartless tout court ? L’esprit confus, je demande :
-Attendez une seconde, comment êtes vous au courant de cette histoire ? Je ne pense avoir laissé de trace de ma présence sur la scène du crime, en plus le cadavre d’Heartless a été à moitié dévoré par un cerf. Comment avez-vous deviné que…
-Je n’ai rien deviné du tout ! M’interrompt le Prince de Sang, j’étais là, c’est tout.
-Comment ??
-Oui, j’étais là Emily. A vrai dire, je n’ai pas arrêté de te suivre depuis que tu es arrivée dans mon Royaume ! C’était drôle de te voir courir comme une âme en détresse dans ma forêt noire. J’étais tout le temps sur tes traces et tu n’as rien remarqué, j’aurai pu te tuer tranquillement sans que tu rendes compte de rien.
Je reste bouche bée, persuadée qu’il se moque de moi. Si j’avais su qu’il était si proche de moi depuis le début, je n’aurai pas pris la peine d’affronter toutes les terribles épreuves qui se sont présentées à moi ! Quand je pense à tout ce que j’ai du endurer pour le trouver alors que ce fou était juste sous mon nez !!
-Je t’ai un peu étudiée, continue Moon en sortant de sa poche un petit livre relié de cuir, et j’en ai profité pour noter dans mon carnet toutes les choses absurde que tu as pu faire ! Alors, voyons, voyons… « Emily pleurniche après avoir tué », « Emily gronde la Lune », « Emily pleure encore ! »…
-Mais pourquoi ? Pourquoi avoir attendu que j’arrive à votre palais avant de m’adresser la parole ? Ca n’a pas de sens !
-Depuis quand les choses on un sens ici, hein ? Je voulais que nôtre tête à tête se passe dans mon château, je trouvais ça plus… Convivial ! Et puis tu pleurais tout le temps, alors te suivre commençait à être lassant. Je suis donc rentré et j’ai lancé un avis de recherche, pour être sur que quelqu’un te trouve et t’amène ici dans les plus brefs délais. Je ne pouvais pas compter sur le fait que tu trouve ton chemin toute seule : tu est tellement paumée ! Tu aurais mis des semaines avant d’arriver ici, et je n’aime pas attendre !
CHAPITRE 8 - Spoiler:
«Seuls les sauvages résistent à la douleur pour prouver leur qualité. » Le Chat du Cheshire, A.M.R.
Oh… Comme je voudrais l’aplatir sous les décombres de son cher château ! Ce que j’entends là me rend folle de rage ! Cet homme n’est qu’un gamin immature et capricieux ! Je repense à la mort du cheval, au sang que j’ai fait couler, au calvaire que j’ai vécu entre les mains des brigands, aux promesses de tortures de Simili… J’aurai pu échapper à tout ça ! Mais ce Prince de Sang a préféré me regarder me jeter dans la gueule du loup et profiter du spectacle ! J’ai l’impression de n’avoir été qu’un objet de divertissement, un pantin avec lequel joue un enfant aux idées démoniaques. C’est plus que je ne peux le supporter !
-Vous n’avez rien d’un Prince, Moon, criais-je hors de moi, vous êtes juste un rat assis sur sa montagne d’ordures ! Un monstre assoiffé de sang, de meurtre et de toutes autres sortes d’atrocités ! Vous n’êtes qu’un sauvage et un manipulateur ! J’espère que vous vous êtes bien amusé, parce que maintenant c’est termin…Aïe !
Je sens les épines de roses se resserrer sur mes bras, s’enfonçant peu à peu dans ma peau. Mais je n’y fais pas attention, tellement je suis en colère ! Je continue de crier et de vociférer pendant un moment, jusqu’à ce que la douleur devienne insupportable et me réduise au silence. Le Prince de Sang est resté face à moi, à m’observer les bras croisés avec un sourire narquois.
-C’est bon ? Tu es calmée petite furie ?
En guise de toute réponse, sentant la colère s’estomper légèrement après cet accès de rage, je lâche un soupire et baisse la tête. Je ne veux plus le voir, lui et son air moqueur qui se rit de moi depuis le début. Je l’entends faire quelques pas :
-Et bien, déclare-t-il, ce que tu peux être bruyante ! Je préférai quand tu pleurais, au moins c’était silencieux et ça ne m’énervait pas autant.
Je continue de fixer les pavés, essayant d’oublier la morsure des piquants dans ma chair. Soudain, je sens les branches se détacher de ma peau et me libérer. Soulagée, je me dégage rapidement du rosier maudit et passe ma main sur mes coupures pour essuyer le sang qui s’en écoule, tout en me retournant dos au Prince de Sang. Alors que je frotte mes bras, j’entends sa voix, très proche, murmurer :
-J’aurai du laisser ce loup te croquer un bras ou une jambe avant de l’abattre. Ca t’aurait sans doute rendue moins coriace...
Je ferme les yeux. Alors c’est lui qui m’avait sauvé la vie plus tôt, quand je m’étais endormie dans la clairière. Moon, ou l’art de me faire tomber, puis de me ramasser gentiment pour pouvoir me faire chuter de nouveau, et ainsi de suite. Toujours ce même manège infernal. Il n’empêche que cette révélation m’attendrie : il m’a tout de même défendue contre l’un des dangers les plus menaçants de son Royaume. Je me retourne et lui fait face :
-C’était vous. Vous m’avez sauvé la vie !
-N’allons pas jusque là, réplique-t-il en haussant les épaules, Disons que je t’ai plutôt « maintenue » en vie, pour que nous puissions avoir cette enrichissante petite discussion !
-Allez vous admettre que votre geste était bienveillant ?
-Bienvei… quoi ?? Non, ne raconte pas n’importe quoi, je ne sais même pas ce que ce mot veut dire !
Je lâche un léger sourire en le regardant. C’est vrai qu’il n’a pas changé depuis tout ce temps. Mon animosité envers lui fond comme neige au soleil, aussi rapidement qu’elle était arrivée. J’en oublie même le pendentif, pendu autour de mon cou qui se rappelle à moi par un léger picotement. Je pousse un soupire de nostalgie puis me détourne du Prince de Sang et commence à marcher dans la pièce, en direction de la porte par laquelle j’étais rentrée. Cette entrevue a assez durée et je commence à arriver à saturation du Royaume de Sang :
-D’accord, très bien, déclarai-je, En tout cas je pense que notre discussion est arrivée à son terme. Vous m’avez dit tout ce que je voulais savoir. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, il faut que je m’en aille, mon voyage n’est pas fini. C’était un plaisir de discuter avec vous, Moon.
Une fois ma phrase terminée s’écoule quelques secondes de silence, suivies d’un rire… D’un long rire insupportable grinçant et sarcastique. Ce rire me fait tellement frémir que je reste figée sur place, incapable d’avancer d’avantage alors que je n’ai qu’une envie : me ruer hors de la pièce et quitter cet endroit maudit ! Je me retourne et regarde le Prince de Sang, un sourire fou et démesuré sur le visage :
-Et où veux tu donc aller Emily ? Ma forêt te manque déjà ? Me lance-t-il avec un regard cruel.
-Votre Royaume n’est pas le seul dans ce monde, figurez-vous ! Rétorquais-je, Je dois me rendre au Royaume de Cendre.
-Le Royaume de Cendre, comme son nom l’indique, est un Royaume… Couvert de cendres ! Et c’est d’un ennui, il n’y a plus rien là bas ! Que voudrais-tu y faire, à part tacher tes habits ?... Oh je sais ! Tu vas vouloir retourner voir mon voleur de frère !!!
Moon a prononcé cette dernière phrase avec démence inquiétante. Déterminée, je fais mine de ne pas l’entendre et recommence à marcher vers la porte, le long du mur de tapisseries morbides. Un premier couteau vient m’interrompre une première fois, clouant ma cape à l’un des tableaux :
-Tu ne devrais pas aller là bas, c’est sans intérêt depuis que tout a brûlé. Tu aurais vu l’incendie ! Une flambée monumentale, destructrice, impardonnable ! C’est l’une des rares choses que j’ai trouvé aussi belle que le meurtre, tu peux me croire !
Ignorant ses paroles, j’essaie de retirer l’arme, sans succès. Refusant de m’attarder ici, je défait donc la cape et la laisse à l’abandon, prisonnière du poignard. Mais à peine ai-je fait quelques pas qu’un nouveau couteau vient se planter à quelques centimètres de ma nuque, loupant de peu mes cheveux courts.
-Renonce, Emily ! Menace Moon en fulminant, Ce Royaume n’est plus du tout celui que tu as connu ! De ton petit paradis autrefois si agréable et rassurant, il ne reste rien de plus que des ruines et de la poussière étouffante ! Tout est parti en fumée, tu n’as plus rien ! Plus rien !
Ses mots m’atteignent et me blessent, mais je fais l’effort de ne pas les laisser me hanter et continue mon chemin jusqu’à la porte. Alors qu’il ne me reste plus que quelques mètres, une douleur violente et aigue m’attaque au niveau de la jambe gauche et me fait tomber ! Je pousse un cri de douleur et lorsque je regarde ma cuisse, j’aperçois avec horreur une dague plantée dedans. Sans attendre, j’attrape le manche de l’arme et la retire de ma chair dans une plainte déchirante. Encore sous le choc, je regarde le Prince de Sang s’approcher d’un regard larmoyant de douleur et de haine.
-Tu ne m’as pas laissé le choix. Je me suis montré on ne peut plus clément avec toi, mais là tu vas trop loin ! Parlons un peu de mon frère, ce soi-disant Prince de Cendre, veux-tu ? Tu penses peut être qu’il est resté à t’attendre dans son palais ruine pendant ces deux années, hein ? Que vous allez vous retrouver, vous expliquer et que tu vas réussir à lui pardonner, parce que c’est pour ça que tu es revenue !? Et bien moi ça m’étonnerai beaucoup, et je vais t’expliquer pourquoi : Walk n’en a plus rien à faire de toi ! Il t’a rayé de son esprit comme on chasse une mauvaise pensée ! Envolée la Emily ! Il ne t’adressera jamais la parole, tu n’existes plus pour lui.
CHAPITRE 9 - Spoiler:
« Lune y es-tu ? M’entends-tu ? Que fais-tu ?... Et toi, que fais-tu ici ? Es-tu en train d’essayer de fuir la Réalité dans tes Merveilles ou tentes-tu désespérément de noyer tes Merveilles dans la Réalité ? »
Jamais je n’aurai pensé que Moon me poignarderait réellement. Haletante, j’observe la plaie causée par le couteau : le tissu de mon pantalon est nettement déchiré et du sang coule lentement le long de ma jambe jusque sur le sol. La souffrance est brûlante. La douleur de la blessure se mêle à celle de ses propos. Ce qu’il dit est horrible et m’affecte encore plus que les dégâts engendrés par son arme. Walk… C’est impossible. Le Prince de Sang s’abaisse à mon niveau en s’asseyant et jette un coup d’œil à ma blessure. Je lui lance un regard foudroyant et serre les poings :
-Vous… Vous mentez, haletais-je.
-Réfléchis par toi-même, si Walk tenait encore à toi, tu crois vraiment qu’il t’aurait laissé parcourir cet enfer seule, sans venir à ton secours ? La vérité, c’est qu’il se fiche pas mal de ce qui peut t’arriver !
-Taisez-vous, vous n’en savez rien ! Vous n’avez pas le droit de dire ça !
-J’ai tous les droits ! Je sais, ça doit faire mal de se rendre compte qu’il t’a oublié… Mais bon, il parait que ça s’appelle la "mémoire sélective" ! Déclare-t-il avec un sourire cruel.
Je le giflerai si seulement il pouvait ressentir la douleur ! J’avais oublié que cet homme pouvait être un véritable bourreau psychologique quand il s’y mettait. Moon observe mon silence un moment sans bouger, puis se relève finalement avec un air satisfait.
-Tu ferais mieux de rester ici. Lâche-t-il, Crois-moi, mêmes les pires horreurs de mon Royaume valent mieux que la déception fatale qui t’attend là-bas. Pourquoi te torturer à retourner dans ce cimetière ? Tu es tellement fragile, jamais tu ne t’en remettras une seconde fois. En revanche, ici, dans ce sombre Royaume, tout est… "vivant", intense ! Tu ne seras jamais déçue, ni lassée par cet univers. Ecoute-mo…
-Non ! L’interrompais-je, Votre Royaume de Sang n’est pas pour moi ! C’est un monde de mort et de destruction permanente ! Je ne peux pas rester là, je ne veux pas ! Je dois aller au Royaume de Cendre.
-Ah, Emily… Toujours aussi naïve. Tu sais pourtant où ça te mène, d’écouter ses petits sentiments ! Non ? Ton amère expérience ne t’as donc pas suffit ?
Si je ne connaissais pas Moon, je pourrai presque penser qu’il s’inquiète pour moi, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Pourquoi ferait-il ça ? En tous cas, je ne veux pas rester ici, captive de ma haine, de ma violence et de ce fou à lier ! Rassemblant mes forces, je commence à bouger ma jambe abimée : la douleur est grande, mais pas assez insupportable pour m’empêcher de me relever. J’arrive à faire un pas, puis deux, puis le Prince de Sang passe devant moi en appuyant sa main sur mon épaule gauche, ce qui a pour effet de mettre en péril l’équilibre précaire sur lequel je me tenais, et de me conduire à une chute pitoyable quelques secondes après. J’ai à peine fait un mètre. Je ne pourrai jamais partir d’ici. Je relève péniblement ma tête des pavés ensanglantés et aperçois le souverain debout, accoudé sur la fenêtre du mur d’en face, qui me regarde de la façon dont un chat observe une souris blessée. Derrière lui se tient la Lune et son sourire mystérieux brodés dans le ciel entre deux nuages. Cette dernière scintille et fait rougir le ciel trop sombre dans cette nuit d’encre. Poignante vision. Soudain, un éclair de lucidité me traverse l’esprit ! Je sais ce que je dois faire, je sais comment partir d’ici, comment fausser compagnie à Moon. Je ne sais pas si ça marchera vraiment, mais je dois essayer. Continuant de fixer l’astre lunaire, je prononce quelques mots, assez bas pour que le Prince de Sang ne les comprenne pas. Intrigué, ce dernier s’approche en me regardant avec suspicion :
-Que marmonnes-tu donc ? Tu n’en as pas marre de râler depuis que tu es ici ? Demande-t-il d’un air exaspéré.
-Je suis désolée Moon, mais je vais vraiment m’en aller maintenant…
Le cruel Monarque éclate d’un rire moqueur assez élaboré, et continue de s’avancer l’air menaçant. Alors qu’il n’est plus qu’à quelques mètres de moi, un rugissement agressif se fait entendre derrière la porte de la salle. J’ai à peine le temps d’être surprise que cette dernière vole en éclat, projetant des morceaux de bois et de fer dans toute la pièce. Le choc est terrible et je cache ma tête entre mes bras pour ne pas être touchée par l’un des projectiles. Lorsque le silence revient, je risque un regard autour de moi : une partie de la salle est jonchée de débris, le Prince de Sang se tient un peu plus loin de moi, indemne, fixant la masse émergeant du nuage de poussière où se trouvait la porte il y a quelques secondes. La Bête. Elle a fait vite ! L’animal mécanique s’ébroue brusquement, regarde les alentours, puis s’avance vers Moon en faisant grincer ses rouages :
-Mes respects, votre Majesté. Veuillez pardonner cette intrusion, mais j’ai un devoir à accomplir.
L’air visiblement légèrement surpris, le Prince de Sang ne cesse de balancer son regarde entre la panthère robotique et moi. Finalement, il croise ses bras en abordant un sourire de fou et me poignarde du regard :
-Emily ! Espèce de petite tricheuse… Murmure-t-il d’un ton calme particulièrement effrayant, Ainsi donc, tu t’entêtes et tu préfères ignorer mes mises en garde…
Je le regarde avec inquiétude, effrayée par sa réaction et son regard menaçant. Soudain, la créature s’approche et se penche sur moi, plusieurs bras articulés se déplient de ses mécanismes, m’attrapent délicatement pour me poser sur son dos qui se modifie légèrement pour former une monture confortable. Impressionnée, je m’accroche avec une légère panique aux côtes de métal de La Bête. De légers bruissements se font entendre derrière moi, et lorsque je me retourne, j’aperçois avec stupeur qu’un mur de roses et de ronces est en train de recouvrir le trou béant créé par la destruction de la porte. La Bête fait volte-face et se retrouve devant le dangereux mur végétal qu’elle commence à lacérer, insensible à la morsure des épines. J’entends le Prince de Sang pousser un cri de frustration et de rage :
-Tu as tort, tellement tort de faire ça, idiote !! Tu le regretteras ! La tristesse et la désolation te ramèneront ici, et tu viendras pleurer à mes pieds !! Et tu paieras ta trahison !
-Oh oui je reviendrais ! Nous avons encore beaucoup à nous dire, Moon, lâchais-je faiblement, en guise de conclusion.
Et la Panthère mécanique se met à galoper hors de la pièce, dans un bruit chaotique de machinerie et de couteau qui ricochent sur ses os de cuivre. Les couloirs du château et leur décoration macabre défilent, mais je n’y fait pas attention, je suis trop occupée à penser aux dernières phrases de Moon, qui s’attaquent lentement aux miettes d’espoir qui erraient dans mon esprit tourmenté.
CHAPITRE 10 - Spoiler:
« Je serai là, aussi souvent que je le pourrai, mais je suis occupée à ramasser les morceaux brisés de la vie que j’avais avant… »
Installée comme je peux sur la panthère mécanique, je vois les arbres de la forêt sanglante défiler sous mes yeux. L’automate ralentie la cadence, sans doute pour accorder une accalmie au fracas de ses rouages surchauffant. Autour de nous tout est calme, on n’entend rien, à part le bruissement du vent dans les feuilles rouges sang. La nuit s’efface lentement, rendant le ciel de moins en moins sombre. Ma jambe blessée me lance régulièrement, me rappelant que j’ai peut être commis une erreur en prenant ainsi la fuite. D’un air las et inquiet, je me penche sur l’encolure de la Bête et lui demande :
-Où m’emmènes-tu ?
-Au Royaume de Cendre, bien évidemment ! Où penses-tu aller ? Répond vivement celle-ci.
Cette pensée me serre le cœur. D’un coup, l’angoisse me saisit, les scénarios les plus tristes et les plus malheureux que je pourrai vivre dans ce Royaume se dessinent dans ma tête. Les phrases de Moon me harcèlent sans cesse. Peine, désolation, douleur… Je pousse un soupir de résignation :
-…Fais demi-tour, s’il te plait, ce n’est plus la peine…
-C’est ce qu’a dit le Prince de Sang qui te tracasse, n’est-ce pas ?
-Oui… Non !... Je ne sais plus ! Lâchais-je dans un ton plaintif, Je ne sais pas si je suis prête pour ça ! Tout mon courage s’envole… Je ne veux plus souffrir et j’en ai assez de pleurer. J’ai peur. Moon doit avoir raison, il n’y a rien à faire au Royaume de Cendre.
-Arrête de te plaindre et fais fonctionner le peu de sens logique qu’il te reste : ne pense tu pas que c’est parce que tu es une menace pour lui et son Royaume que le Prince de Sang voulait te garder ici ? Si tu vas dans le Royaume de Cendre et que tu en sors apaisée, c’est ta haine et son Empire qui vont s’affaiblir, et ça ne lui fera pas plaisir, crois-moi.
Je reste muette. C’est vrai, je n’avais pas pensé à ça. Devant mon silence, la Bête continue :
-Comprends-le, au fond il a peur d’être de nouveau enfermé, il n’a jamais été aussi puissant, il n’a pas envie que ça s’arrête.
-Alors il m’a bel et bien raconté n’importe quoi ! Il mentait n’est-ce pas ?
-Je ne dirai pas qu’il mentait complètement, mais plutôt qu’il exagérait les faits. Il est maintenant temps que je te dise ce qui t’attend au Royaume de Cendre.
Je me redresse, plus attentive que jamais, légèrement tremblante et nerveuse à l’idée de ce que je vais bientôt entendre. L’automate commence à raconter dans un bourdonnement de ferrailles :
-Comme tu le sais, on l’appelle le Royaume de Cendre car c’est un Royaume qui a été entièrement détruit par le feu. Ce n’est plus qu’une ruine. Là-bas, tout est gris, sans couleur ni saveur. La suie recouvre presque absolument tout. Aucun être vivant, humain ou animal ne s’aventure là-bas, dans ce monde vide où presque plus rien ne vit. Quant à son monarque… Personne ne sait ce qu’il est devenu, il parait qu’il ère dans les décombres de son Royaume, à moitié fou et amnésique… Enfin, ce ne sont que des rumeurs, puisque personne n’est jamais aller vérifier.
Je respire profondément, essayant de mettre mon angoisse de côté pour me concentrer sur le but ultime de mon voyage dans ce monde : guérir. Si je fais demi-tour, tous mes efforts dans les Royaumes de Sang et de Glace n’auront servi à rien, et j’ai enduré beaucoup trop pour le permettre !
-Il y a également un vieil ennemi à moi qui traine dans les parages… Quelque chose qui n’a rien à voir avec le Royaume de Cendre, mais je sais qu’il se tapis là-bas. Il m’attend… Je pense que tu auras, hélas, l’occasion de le rencontrer.
-De qui s’agit-il, demandais-je prudemment.
Mais la Bête ne me répond pas. Elle s’est arrêtée et semble être sur ses gardes, ses rouages ne font plus un seul cliquetis. Le silence est total. Soudain, une hache tournoyante vient se planter dans un arbre proche dans un son brutal ! La Bête se remet immédiatement à galoper à une vitesse secouante ! Nous sommes poursuivis ! Je ne sais pas par qui, ni par quoi, mais nous ne sommes pas encore hors de danger ! Les affreux habitants du Royaume de Sang peuvent nous atteindre à tout moment ! Après quelques secondes de course affolante entre les ronces et les arbres, nous arrivons au bord d’une falaise haute de quatre ou cinq mètres, au pied de laquelle dévale une rivière d’un bleu insolent. Derrière celle-ci se trouve une immense terre, perdue dans le brouillard et jonchée de débris : le Royaume de Cendre. La panthère mécanique s’arrête au bord tandis que les bruits de poursuite se font toujours entendre au loin :
-Courage ! Grogne-t-elle, et surtout, n’abandonne pas en chemin.
Et l’animal de ferraille réalise une ruade parfaite, me propulsant par-dessus son corps, tout droit dans le torrent azur. Je suis si surprise que je ne crie même pas pendant la chute ! Le contact avec l’eau est brutal. D’abord choqué par l’impact et la violente différence de températures, mon corps reste tétanisé et s’enfonce doucement dans les profondeurs. Ma peau s’habitue lentement à la froideur de la rivière et par réflexe mes yeux s’ouvrent, et je me retrouve face à l’ambiance poétique des abysses. Tout est un bleu si pur, si cristallin, si calme… Tout est si serein par rapport à la surface, si chaotique. La lumière de l’aurore se reflète dans les courants harmonieux, traçant de doux sillons d’argent onduleux. Des poissons aux écailles brillantes nagent groupés dans une chorégraphie parfaite. Je reste fascinée à contempler ce décor, oubliant ma peur, les secondes semblent se changer en heures. J’oublie… J’oublie pourquoi je suis ici, j’oublie l’angoisse qui me tiraille… J’oublie mes Merveilles. Soudain, un pincement dans ma poitrine me fait reprendre conscience de la dangerosité de la situation : l’oxygène me manque ! Je dois remonter ! Je ne peux pas finir ici, avec ces poissons ennuyeux et monotones qui ne font que nager les uns derrières les autres. C’en est trop, j’étouffe ! Je vais perdre connaissance si je ne remonte pas à la surface ! Dans un effort mêlé à une panique profonde, je rassemble mes dernières forces, fait abstraction de la douleur de ma jambe gauche, et commence à nager vers la surface. Enfin dans un mouvement désespéré, j’émerge de l’eau en prenant une immense respiration tant désirée !
Après quelques brasses chaotiques et maladroites, j’arrive à atteindre la berge et me hisse hors de l’eau. Ma vision est troublée par les éclaboussures et par les dépenses d’énergie trop importantes par rapport à mes capacités physiques. Le ciel rosé me semble être d’un blanc aveuglant et je ne distingue plus aucune couleur, mis à part les traces rouges de la forêt sanglante qui persistent. Par crainte que les vauriens qui m'aient prise en chasse essayent de m'atteindre depuis la falaise, je me cache derrière ce que je pense être un énorme rocher. Les minutes passent, je n'entend plus rien. Épuisée, je ferme mes paupières, et m'allonge sur le sol, trempée et grelottante. Bienvenue au Royaume de Cendre.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 13 Juil - 9:45 | |
| ACTE 3
CHAPITRE 1 - Spoiler:
« Mes Merveilles sont à moi. Personnes ne me les fera jamais oublier ou m’obligera à les quitter. Je les ai dans la peau, dans le sang. »
Premier jour.
Oh, ma tête… J’ai l’impression d’avoir dans le crâne un marteau qui prend mon cerveau pour une enclume. Le moindre petit mouvement rend la douleur encore plus grande, et des étoiles commencent à danser devant mes yeux. J’ai l’impression d’avoir du coton dans les oreilles. J’inspire lentement et décide de rester allongée encore un peu, bien que ma position soit inconfortable. Mes habits sont trempés et couverts de suie, j’ai le dos rouillé et ma jambe ne se fait pas oublier. Je me sens faible. Doucement, je rouvre les yeux, pour contempler le pays en ruine qui s’avance devant moi. Je ne distingue pas grand-chose, à part quelques masses sombres qui émergent d’un brouillard dense et tenace. Cet endroit est un véritable no man’s land. J’écoute. Il n’y a rien, pas de bruit, pas de chant d’oiseaux, pas de bruissements, même pas un léger souffle de vent. C’est si vide. Je peine à imaginer que je me trouve vraiment dans l’endroit idyllique que j’ai connu. Au bout de quelques minutes, je me résous enfin à me lever péniblement, les vêtements humides collés à ma peau et la tête lourde. Je fais quelques pas maladroit, ma blessure m’obligeant à boiter.
Je commence l’exploration du Royaume de Cendre. Je marche droit devant moi, droit vers le brouillard inquiétant, sans ressentir d’appréhension, juste une amère curiosité. Je grelotte, encore transie par mon plongeon dans la rivière. Je passe devant des maisons en ruine, des lampadaires brisés, le sol est jonché de morceaux de pierres, de verre ou de bois calcinés, en plus de la cendre. Ce terrain chaotique rend ma progression compliquée, mais qu’importe, je ne ralentie pas. Je croise des arbres, ou plutôt leurs cadavres, complètement brûlés aux racines noires comme du charbon. La destruction qui a eu lieu ici a été sans modération. Rien n’a été épargné. Ma mémoire déraille. Je ne ressens pas de haine, ni de tristesse, seulement une grande incompréhension et un début de folie pure. Comment ai-je pu en arriver là ? Chaque débris, chaque mur, m’est légèrement familier et libère en moi un flot brutal d’images floues et éphémères, héritage maudit d’une période que j’ai un jour voulu effacer.
Un éclat bleuté sur la droite de mon champ de vision attire mon attention, et je me rends compte qu’il s’agit de l’une de mes mèches de cheveux, tout juste secs. Je l’attrape entre mes doigts pour vérifier : mes cheveux sont devenus bleus. Sans doute teintés par l’eau de la rivière, je ne vois pas d’autres explications logiques. Ah mais oui c’est vrai, il n’y a rien de logique ici !
M’avançant de plus en plus dans la brume parmi les décombres, j’aperçois au loin des silhouettes qui me semblent humaines. Mais elles ne bougent pas. Je m’approche : ce sont des statues de granit, positionnées autour d’une table, assises, accoudées, masculines et féminines. Immobiles, figées en plein mouvement comme si leur temps à elles s’était arrêté, elles semblaient être en plein moment convivial, parlant les uns avec les autres. Leurs corps sont parfaitement ouvragés, d’un réalisme frappant, mais leurs visages sont ravagés. Ils ont été détruits, brisés à coup de marteau, ce ne sont plus que des surfaces de pierre illisibles et chaotiques. Je trouve cette ambiance effroyablement belle, et plus encore. Ce que je ressens ici est un mélange complexe entre de l’admiration, de la colère et de la crainte. A quelques mètres de la scène se trouve une grande forme flottant légèrement au vent. Interpellée, je m’approche et constate qu’il s’agit en fait d’une longue robe gris bleutée et d’un voile suspendus aux branches d’un arbre consumé par les flammes.
Ah, la robe de mariée. Bien sur. Toutes les pièces du puzzle se mettent lentement en place.
Néanmoins contente de trouver quelque chose de sec et de plus agréable à porter, je quitte mes habits trempés pour revêtir la robe. Sans scrupule, je déchire des bandes de tissus du voile pour m’en faire de nouveaux pansements. J’en profite pour inspecter ma jambe blessée : la plaie est petite, mais profonde et de légers sillons de sang continuent de couler. Après un haut-le-cœur, j’applique un large morceau de voile dessus. Je me doute que ce genre de blessure nécessiterait des points de sutures, mais je sais que je n’aurai jamais assez de courage pour me les faire seule et puis, je ne dispose d’absolument rien sous la main pour ce genre d’opération. Anxieuse, je décide de rester assise quelques instants au pied de l’arbre pour me reposer, contemplant les silhouettes figées qui se perdent dans le brouillard traître, avant de me remettre en marche vers d’autres ruines inidentifiables. Avant de partir, je m’arrête devant mes anciens habits que j’avais laissés au pied de l’arbre, les fouille et en ressort le bouton de rose blanche aux taches rouges, imbibé d’eau, qui commence lentement à s’ouvrir.
Cela fait déjà plusieurs heures que j’ère dans les décombres de mon passé. La solitude de ce monde me pèse. Depuis que j’y suis entré, je n’ai rien croisé de vivant. Ce lieu n’est qu’un cimetière, et je me sens moi-même devenir petit à petit un fantôme invisible et désespéré, ce genre de fantôme qui hante les lieux qui l’ont condamné.
Alors que je commence à croire que je tourne en rond, j’aperçois, perdu dans la brume, une forme noire, intrigante, semblables à un entremêlement de gracieuses arabesques. Je m’avance lentement et découvre qu’il s’agit en fait d’une grande plante sombre. Le rosier noir. Je me demande comment cet arbuste a pu résister aux flammes. Les branches et les épines sont d’un noir charbonneux. Les fleurs sont belles, mais semblent si fragiles. Je m’approche : elles ne dégagent qu’un parfum de fumée. Je tends ma main vers la plus proche, et lorsque l’un de mes doigts l’effleure, la rose s’effrite et tombe en poussière. Troublée, je lâche la fleur que j’avais dans la main, qui vient s’écraser dans les cendres de sa sœur. Ces roses noires sont intouchables, éphémères. Ce spectacle me serre le cœur. Après avoir récupéré ma fleur, je recule un peu, de peur que mon souffle suffise à détruire le rosier, me contentant seulement de l’admirer. Je reste plusieurs heures assise à quelques mètres de la plante, fascinée, observant la courbure de chaque branche, le relief de chaque épine, les pétales de chaque fleur, profitant le plus possible de cette beauté qui peut s’effondrer à tout instant. Je trouve cela tellement unique, tellement inégalable, irremplaçable. Perdue dans ma contemplation, je fais tournoyer la petite rose banche entre mes doigts, et remarque finalement qu’aux côtés des tâches de sang que j’y avais laissé se trouvent à présent des traces de cendres couleur ébène. Et la fleur devient tricolore : blanc, rouge, noir. Je souris avant de la passer dans mes cheveux, dans lesquels je la fixe habilement, à la manière d’une cocarde.
La luminosité baisse de plus en plus et je devine le soleil qui se couche dans un silence de brume. Je me sens fatiguée, mais j’ai peur du sommeil. Je sais que ma mémoire profitera de ma somnolence pour faire ressurgir des images que je crains d’affronter de nouveau. Je ne veux plus dormir, je voudrais rester là toute la nuit, à contempler sans relâche la complexité de ce rosier noir que j’admire tant.
CHAPITRE 2 - Spoiler:
« Mes Merveilles étaient dissimulées dans mon esprit, comme des barils de poudre hautement inflammable oubliés dans un coin. Il y a deux ans, je suis partie, effondrée, accablée, blessée. Je m’étais promis de ne plus revenir. J’ai passé deux ans loin de tout cela, loin de ces Merveilles. Je pensais les avoir oubliées, avoir réussi à m’en passer, même si je savais que lorsque j’étais seule, que je laissais mon esprit vagabonder dans les limbes de mon imagination, il me ramenait toujours ici. Et il aura suffi de quelques mots, de quelques phrases de Novembre pour faire jaillir une simple étincelle qui mit le feu à la poudre de mon âme, forgeant à partir de restes d’amour et de haine une nouvelle façon de voir ce monde et ces personnages que je considère avec une admiration et un respect insolent ! »
Deuxième jour.
Je dors. Non je ne dors pas, je vois. Je vois et je me rappelle. Les violons grincent de manière belle et plaintive. Il y aurait tellement de chose à décrire… Ce que je vois est plus dur à exprimer que tout ce que j’ai ressenti dans les autres Royaumes, même dans le Royaume de Sang. Ce que je vois me fait perdre les mots. Des fantômes dansent dans un nuage de brume quasiment translucide. Les silhouettes sont floues, leurs expressions illisibles. Ephémères, je ne les aperçois que quelques secondes avant qu’ils s’effacent dans un nuage de fumée.
Mes paupières s’ouvrent d’un coup et je me réveille brusquement, mais sans sursaut. Je reste fixe, immobile, pétrifiée. J’étouffe, mais respirer me fait mal : j’ai l’impression que mes poumons vont faire exploser ma cage thoracique. Mais en fait c’est mon cœur qui cogne et qui proteste. Je tente de me calmer en régulant ma respiration. Je me redresse doucement et me retrouve face à l’immensité brumeuse du Royaume de Cendre. Et je regarde ce pays avec adversité et tendresse. Tout ici est paradoxal, et cette accumulation de sentiments complexes trompe mon ennui et me rend plus vivante que jamais. Je m’apaise un peu. Mes yeux fatigués se perdent dans le vague de cette harmonie grisâtre.
Je décide de reprendre la route abandonnant à regret mon beau rosier noir. Mais il me reste encore beaucoup à explorer. Les cendres grises m’accompagnent partout, virevoltant légèrement à chacun de mes pas boitillants.
Cet endroit n’est pas totalement désert. Depuis un moment que je l’arpente, je remarque que de petites bêtes ont élus domicile dans ces ruines : les araignées. Les araignées sont présentes partout. Au début on ne les voit pas, un peu comme les champignons, mais une fois qu’on en a remarqué une, les autres apparaissent naturellement, si bien qu’on s’aperçoit qu’on en a une juste sous le nez ! Elles sont présentes dans les décombres, patientes sur leurs toiles de soie ultrafine. Heureuses, elles ont trouvé l’endroit rêvé, où personne ne viendra les déranger. Bien que je n’éprouve pas pour elles une affection particulière, ces chasseuses passives me fascinent plus qu’elles me repoussent. Je m’arrête devant une épeire de taille moyenne, occupée à concevoir sont piège d’argent entre les basses branches d’un arbre mort. Ah, vraiment, existe-t-il un spectacle plus captivant que celui d’une araignée tissant méticuleusement sa toile ? Inlassable et méthodique, répétant ces gestes que seul son instinct lui a dicté. Nous avons beaucoup à apprendre des insectes.
Alors que je continue mon chemin entre toutes ces ruines qui se ressemblent, je tombe sur une toile gigantesque, inquiétante, perlée de suie. Construite à un mètre du sol entre deux morceaux de murs à moitié effondrés, elle doit bien faire ma taille ! Je n’ose même pas imaginer la taille de la bestiole qui l’a érigée, j’en ai des sueurs froides ! Mais il y a quelque chose, vers la droite de la toile, à la hauteur de mes yeux, qui attire mon attention en brillant légèrement. Un objet scintillant est emmêlé dans cette soie traîtresse. Continuant d’observer le filet d’argent, je lève la tête et aperçois la maîtresse de cette œuvre, tapie sur le mur de droite, attendant les douces vibrations qui lui annonceront que son appétit pourra être rassasié. Mon sang se glace et mon corps se fige dans une peur muette, comme s’il refusait de réaliser ce que mes globes oculaires étaient en train d’enregistrer : l’araignée est énorme ! Elle mesure au moins vingt centimètres, pattes non comprises ! Son corps est noir et bombé, avec quelques reflets bleus, et ses pattes, ses pattes ! Je pense que c’est cela qui me terrorise le plus chez cette créature, déjà parce qu’elle en a huit, et puis parce qu’elles sont immenses, recourbées, pointues comme des aiguilles, bref, dangereuses ! Ma fascination est très vite détrônée par l’effroi, et à ce moment, je ne veux qu’une chose : partir en courant ! Mais il y a cette chose dans le coin de la toile qui brille et qui m’hypnotise. Je ne suis pas si loin après tout, je n’aurai qu’à tendre le bras, l’arracher et m’enfuir… L’araignée n’aura jamais le temps de réagir assez vite. Je relève la tête : regarder cette créature me met déjà mal à l’aise, alors imaginer un contact physique… Brrr ! J’en frissonne. Mais tant pis, il y a cette chose à moi dans cette toile. Je déteste attendre avant d’agir. Je n’aime pas hésiter des heures, ni me tourmenter en me demandant si c’est une bonne idée ou non. Je dois récupérer cet objet et je vais le faire maintenant, tant pis pour l’araignée. Avec un hurlement pour me donner du courage, je jette ma main sur la toile, attrape l’objet et le retire vivement en bondissant en arrière, me cassant la figure à la même occasion à cause de ma jambe blessée. L’arachnéen réagit, bien entendu, et parcoure rapidement sa toile de haut en bas, arrivant à la hauteur du trou dans sa toile occasionné par mon geste. Effrayée par sa rapidité et à terre, j’attrape un morceau de fer dans les décombres et espère que la bestiole n’aura pas l’affreuse idée de descendre de son piège et de s’avancer vers moi. Mais il n’en est rien. L’araignée constate l’absence de proie et avec des gestes las mais précis comme une machine, s’affaire seulement à réparer sa toile. Je me sens soudain particulièrement ridicule et ressens même un curieux sentiment de culpabilité vis-à-vis de l’animal absorbé par sa tâche. Je me relève péniblement, laissant tomber la barre de ferraille dans la cendre.
« - Je… Je suis désolée. Je ne voulais pas briser ton travail… »
Oui, je fais la conversation aux araignées, tout le temps. Mais la bestiole m’ignore royalement et une fois son œuvre réparé, remonte vivement se cacher, à l’affut. Je reste quelques minutes immobile, guettant le moindre mouvement, de peur de voir une nouvelle araignée surgir du brouillard. Et puis mon regard tombe sur mon poing dans lequel se tient l’objet que je viens d’arracher à la toile. Lentement je déplie mes doigts : entremêlé de fil de soie et de poussière de cendre, c’est un roitelet de cristal que je tiens dans ma main. Cet objet abandonné à ma douce folie fait surgir de nouveau une mélancolie de soie et des souvenirs enfouis. Cet objet est si beau, si pur, cadeau et témoin de sentiments anciens. Une légère pluie de cendres commence à tomber du ciel, interrompant ma contemplation. On dirait qu’il neige. Lentement, je tourne les talons et quitte cet endroit, à la fois maudit et effrayant, mais aussi beau et fascinant.
CHAPITRE 3 - Spoiler:
« - Parle moi un peu de tes problèmes. Quelle est leur nature ? De quoi as-tu peur ? - Je vais vous simplifier la tâche : je n’ai aucun problème. »
Je me suis éloignée des araignées. Cela fait maintenant un moment que je marche dans les méandres de mon passé, le roitelet de cristal dans la main. C’est calme et silencieux, comme d’habitude, et la pluie de cendres s’est arrêtée. Soudain, j’aperçois une grosse masse qui se dessine dans la brume. Prudente, je m’approche doucement. Je constate qu’il s’agit d’un animal, d’un loup, plus précisément. Curieusement, il ne semble pas sauvage, son attitude est plutôt calme, mais son regard est dur. Ce canidé est particulièrement grand et son pelage est gris, en harmonie parfaite avec les ruines couvertes de cendres qui l’entourent. Je remarque également plusieurs bosquets de roses noires éphémères présents aux alentours, que je regarde avec tendresse. Alors que je tente d’approcher de l’un d’eux, l’animal m’interrompt brusquement de sa voix rauque :
- Ne fais pas un pas de plus, Emily. Ton voyage s’arrête ici. Grogne-t-il d’un ton plutôt menaçant.
- C’est le Prince de Sang qui t’envois ?
- Non, certainement pas. Je suis venu de moi-même et je suis ici pour te ramener « à la maison ».
- Comment ça ? Je ne suis pas chez moi là ? Suis-je dans le cerveau de quelqu’un d’autre ? Demandais-je d’un ton ironique.
En observant un peu plus longuement la créature, je me rends compte qu’elle m’est familière. Oui… N’était-ce pas elle qui était à mes côté lorsque j’ai quitté mes Merveilles, il y a quelques années ? N’était-ce pas à elle que j’avais promis de ne plus revenir ? Le loup frappe le sol de sa patte en déclarant d’un air grave :
- Tu n’es pas à ta place. Cette mascarade a trop duré. Allez rentrons.
- Oui… C’est cela, mon petit loup. Déguerpit et rentre, comme tu sais si bien le faire. Tu es au courant que la fuite n’est qu’un moyen peu habile de reporter quelque chose d’inévitable ?
En entendant cette voix mécanique que je connais parfaitement, je me retourne brusquement et aperçois La Bête qui émerge du brouillard, toujours aussi impériale et impressionnante.
- Toi ! J’aurais dû me douter que tu te pointerais ! Rugit le loup gris avec mépris. Tu n’en as pas marre de semer le trouble avec tes méthodes et tes conseils aussi inutiles qu’aberrants ?
- Bien sûr… Et ce n’est pas toi qui lui as dit que tout allait s’effacer avec le temps ? Réplique la Bête en me désignant de la tête, Efficace comme méthode, ça t’a fait gagner deux ans. Je suis admiratif !
- C’était nécessaire ! Il faut de la volonté pour oublier.
- Oublier quoi ? Ce qui nous plait ? Ce qui nous rend créatif ? Ce qui nous rend vivant et libre ?
- Ce qui fait souffrir ! Tu en as fait une droguée.
- Ah oui ? Mais moi je ne suis là que pour proposer une solution de secours à l’ennui médiocre que propose ton monde.
- Elle risque de perdre véritablement le goût des choses réelles ! Elle ne pourra jamais se cacher ici éternellement ! Elle doit apprendre à se passer de toi et de ton monde qui lui a déjà fait trop de dégâts.
L’ambiance du Royaume de Cendre a changé. Le monochrome de gris a laissé place à une lumière rouge orangée, légèrement agressive. Le vent s’est levé, faisant voltiger la suie de plus en plus haut. Certains morceaux de ruines se sont même décidés à défier les lois de la pesanteur en se détachant du sol pour commencer à léviter. Curieux phénomène à l’arrière goût d’apocalypse.
- Ne fait pas l’idiot, nous pourrions très bien cohabiter, je suis aussi légitime que toi.
- La balance ne sera jamais stable ! Et en ce moment, c’est toi qui monopolises tout son esprit ! Te rends-tu seulement compte des conséquences dans la réalité quand c’est toi qui a la barre ?
- D’accord, je dois avouer que je suis responsable de certains dommages collatéraux, mais sans grande importance.
- Pour l’instant ! Mais continue comme ça et nous finirons dans le meilleur des cas à l’hôpital, et dans le pire à l’asile !
- Tu ne penses pas exagérer un peu, là ?
Je me sens tellement perdue. Chacun des arguments des deux partis me semble juste, je ne sais pas qui soutenir, qui blâmer. J’en suis rendue à observer simplement les deux créatures s’affronter moralement. Le chat contre le chien, la mécanique contre l’organique, le rêve contre la réalité. Cette intense confrontation me file une migraine atroce ! Je commence à trembler un peu, nerveuse, me sentant complètement impuissante face à ce qui est en train de ce passer, avec cette horrible impression que je fonce droit dans le mur. Et à ce moment là, le loup se retourne vers moi et lâche d’un ton tranchant :
- Tu n'aurais jamais dû découvrir ce monde !
Et d’un violent coup de patte, l’animal réduit en cendre l’un des bosquets de roses noires. Mes roses noires, mes petites fleurs fragiles et jolies, tremblotantes sous la brise de suie… Ca fait mal. Larmoyante, je me baisse et m’assoie dans le tas de poussière noire que j’effleure des doigts. Je me sens écorchée vive. La Bête n’a pas bougé, mais le ronflement de ses moteurs s’est intensifié.
-C’est pour ton bien, grogne le loup gris en me contemplant d’un air sévère.
-MAIS JE NE VEUX PAS ALLER BIEN !!!
J’explose.
Est-ce qu’on va me laisser tranquille, oui ?!! Ce qui est bien ici c’est mal, et ce qui est mal est bien ! Je sais ce que je veux et ce que je ne veux pas ! Je suis grande maintenant, personne n’a à prendre de décision à ma place, sous aucun prétexte ! Il se peut que j’aie des prédispositions pour l’addiction, certes. On m’a également dit que j’avais des tendances autodestructrices. Et alors ? Je vais bien, merci, retournez à vos affaires, et par pitié, fichez-moi la paix ! Je ne passerai pas ma vie à me cacher. Mon imagination n’est pas une bibliothèque que l’on peut trier ou ranger à sa guise ! On ne brûle pas ses souvenirs !! On ne rejette pas sa vraie nature !
Je me sens folle de rage, au bord de l’hystérie. Ce ne sont plus de simples brises qui soufflent sur la plaine de cendre, mais des bourrasques de plus en plus violentes. Insensible à ma réaction, le loup gris se dirige vers un autre buisson de roses de façon menaçante. Alors qu’il s’apprête à détruire de nouveau, je vois la Bête se jeter sur lui dans un grognement clinquant ! Les deux créatures se battent dans un fracas assourdissant, parsemé d’éclat de boulons et de sang. La panique m’envahie : qu’est ce que je suis en train de faire ? Tout devient insensé et violent, furieux, incontrôlable ! Je dois me calmer ! J’ai de la cendre sur les mains… Et mon roitelet… Les morceaux de ruines qui dérivaient à quelques mètres du sol commencent à s’écraser brusquement dans des bruits assourdissants, rendant la zone encore plus dangereuse et dévastée. L’un des projectiles d’une taille imposante tombe non loin de moi, me propulsant par terre, m’assommant à moitié. Sonnée, je décide d’aller rejoindre la Bête et son Némésis pour interrompre leur affrontement chaotique sans tarder ! Longeant les bâtiments en ruine pour éviter les projectiles, je retrouve les deux adversaires, toujours en plein combat. Alors que je m’avance vers eux, un immense morceau de décombre percute la bâtisse devant laquelle je me trouve, une ancienne chapelle je crois, qui me tombe littéralement dessus. Bruit assourdissant, choc, douleur, noir. Puis plus rien.
CHAPITRE 4 - Spoiler:
« Sartre affirme que l’enfer c’est les autres. La phrase est brillante, mais je crois qu’elle reflète plus un état d’âme qu’une vérité universelle. Je veux bien admettre que les autres nous rendent la vie insupportable… Mais ils peuvent aussi être nos compagnons de paradis. Pour moi l’enfer c’est le néant. Un endroit sans mes amis, sans musique, sans paroles qui stimulent l’imagination, sans beauté qui exalte les sens… » Blacksad, L’enfer, le silence
La confiance est comme une chevelure : extrêmement facile à couper, on peut tout perdre d’un coup. Pourtant, doucement, elle repoussera toujours.
Troisième jour
Quand j’ouvre les yeux, la première chose que je vois, c’est ma main. Ma main gauche, criblée de plaies commençant à s’effacer, avec mes ongles, rongés par le stress et l’anxiété dont je ne me débarrasserai jamais. Je fais bouger lentement mes doigts, sans trop de problème. C’est lorsque je passe au poignet puis au coude que les choses se compliquent : mes articulations sont au supplice, rouillées et douloureuses ! J’ai l’impression d’être passée sous un train. Mes muscles grincent, assaillis de courbatures violentes. Mes spinaux protestent et me soutiennent avec peine lorsque je me redresse. Nous sommes au beau milieu de la nuit, l’obscurité règne, mais mes yeux commencent à s’habituer à la pénombre. Le calme semble être revenu dans mon imagination, comparé au chaos qui y régnait lorsque j’ai perdu connaissance. Alors que je m’apprêtais à faire l’état des lieux, ma douleur à la jambe se réveille péniblement. Je dirige donc mon regard vers la blessure qui m’envahit depuis quelques jours et remarque avec surprise qu’elle est refermée, aidée de fil maculé de rouge. J’ai été soignée ! Durant mon inconscience, une âme bienveillante a pansé mes plaies et a guéri mon mal, que j’étais incapable de chasser toute seule.
Etonnée mais rassurée par cette découverte, je me relève et tente quelques pas maladroits avant de regarder autour de moi. Je connais cet endroit. La Lune est haute dans le ciel, et si lumineuse, même derrière les nuages de cendres. Sa lumière éclaire avec douceur les ruines particulières dans lesquelles je me trouve. Un canapé, vieux, mais confortable dans lequel j’étais installée quelques instants auparavant trône au milieu d’une pièce délabrée, couverte de poussière. Des coffres pleins à craquer, de tailles variables, jonchent le sol et leurs gueules parfois entrouvertes laissent apercevoir de délicats objets aux reflets scintillants. Au plafond, des lustres en cristal dégradés par le temps luisent faiblement sous la caresse lunaire. Des tableaux finement ouvragés couvrent les murs à moitié effondrés et un grand tapis de soie abîmé s’étend sur le plancher jusqu’à l’autre bout de la pièce. Le mur du fond, quant à lui, n’est plus, laissant place à un immense trou béant. Je m’avance vers ce perchoir offrant une vue grandiose sur la ville fantôme qui semble dormir dans un sommeil paisible, mais quelque peu mortuaire.
Et je pleure. Je ne pleure pas parce que je suis triste. Enfin, si, peut être un petit peu. Mais je pleure parce que les souvenirs étouffants viennent d’être libérés, parce que la symbolique est belle, parce que j’ai retrouvé le sens qui manquait à ma vie, même si il a changé. Oui mon armure a explosé, mes réserves se sont effondrées.
Je vis maintenant sur un fil d’équilibriste, car si je bascule trop d’un côté ou de l’autre, mon mental chute et me plonge dans la démence. Je ne dois absolument plus jamais laisser la réalité et les Merveilles s’affronter de nouveau, les conséquences de leur adversité sont beaucoup trop néfastes à mon goût et endommagent mon pauvre cerveau. Mais pour rien au monde je ne renoncerai à l’un des deux. C’est comme ça. Je suis quelqu’un de simple, malgré tout. Ah ! Comme je l’apprécie, cet oasis de paix et de créativité. Une bouffée d’air pur et d’émerveillement. Un petit trésor que je garderai en moi pour toujours.
A l’instar de son frère, le Prince de Sang, Walk est peut-être dans les parages, à m’observer caché dans les ruines, à guetter une réaction. Peut être même est-il juste au dessus de moi en ce moment même. Mais je ne lève pas la tête afin de vérifier cette théorie, persuadée d’avoir tort. Ou peut être ai-je peur d’avoir raison, peut être ai-je peur qu’il soit là, de me retourner et de me retrouver face à ses yeux. J’ai peur de ce que je pourrai lire dedans ou bien ce qu’il pourrait déchiffrer dans les miens. Après tout ce temps… Une légère brise souffle sur le Royaume de Cendres, soulevant des vagues de poussière éphémères. Cet endroit est paisible comme un cimetière, mais pour moi, sa beauté mélancolique n’a aucun égal. Aucun endroit sur terre ne vaudra le charme de ces Merveilles, aussi hostiles puissent-elles être parfois. Envoûtée par cette ambiance sombre et sublime, j’en profite pour murmurer quelques phrases aux ruines endormies, et peut être aussi aux créatures cachées dans les parages :
« Comment ai-je pu vous abandonner ? Comment ai-je pu vous oublier ? Vous êtes fascinants et uniques. Jamais rien ni personne n’égalera ce que vous dégagez, ni ce que je peux ressentir avec vous. Mon esprit ne pourra jamais vous chasser. »
Un sentiment de chaleur envahit doucement mon coeur et mon âme, installant en moi une sensation de sérénité que je connais trop peu. Je reste accoudée sur le rebord du mur, contemplant la Lune énorme, comme dans mes rêves, qui joue à cache-cache derrière les nuages sombres. Je croirai presque apercevoir les étoiles. Je pourrai rester ainsi pendant des heures, à admirer l’immensité du ciel sans même que la fatigue ne m’atteigne. L’atmosphère est si douce, si calme. Cet endroit a beau être emplit d’une nostalgie profonde, la beauté que j’arrive à trouver à la situation l’emporte, et je me sens plutôt bien.
La Bête peut être rassurée et le loup peut bien grogner, je ne suis pas prête d’abandonner mes Merveilles de nouveau.
- Divagation 1:
Pourquoi tu ne chantes plus ?
Insouciante le matin, martyre l’après midi, démente le soir ! Toujours le même refrain ! La vie est une grande chanson parsemée de petits couplets de ça et là. Et la nuit ? La nuit je dors, la nuit je cauchemarde, la nuit je rêve! Il parait qu’avec le temps on apprend à aimer ses bourreaux. Ce n’est pas mon cas. Même les eaux du Léthé n’ont pas voulu de moi. Je n’aime pas le thé, c’est l’une des plus grandes frustrations de ma vie. Il ne faut pas confondre ses adversaires et ses ennemis. Mes vrais ennemis sont ceux qui n’ont pas d’imagination, et qui de ce fait veulent bannir la mienne. Les adversaires eux, l’acceptent. Après tout, l’adversité est un jeu, non ? Les meurtriers reviennent toujours sur la scène du crime. Tous comme des machines ! Plus ou moins élaborés, certes, mais des machines tout de même. Le corps humain est une machine avec ses rouages d’os et ses câbles de muscles. L’esprit lui ne se limite pas à ça ! Oh, pardon, votre Altesse ! Je suis humaine ? Oui, je sais, c’est là mon moindre défaut. Les humains sont cruels. Les enfants aussi, tout le monde le sait, mais tout le monde les adore ! Alors la cruauté est pardonnée quand on adore, c’est ça ? Je ne sais plus, je crois que j’ai oublié ma leçon.
- Divagation 2:
La réalité n’est qu’une cage dorée. Oiseau, oiseau, bel oiseau, comment fais-tu pour tolérer un tel enfermement ? Tes ailes sont tellement grandes, tellement belles ! N’as-tu jamais songé à goûter à l’immensité grisante du ciel ? Moi si, hélas… Parfois on ouvre ma cage et je m’évade. J’ai l’ivresse, oui l’ivresse. Et puis la chute est rude et des ombres sans pitié m’enferment de nouveau. Mais je ne retombe pas toujours. Autrefois, je virevoltais plus longtemps ! Je suis même montée haut, si haut… Et je me suis brûlée les ailes. Ce fut douloureux. Mais je n’ai rien compris ! Car encore aujourd’hui, je m’entête à vouloir rejoindre le soleil, à voler en compagnie des anges fragiles et intouchables ! Je n’ai pas d’inspiration : c’est juste mon âme qui hurle lorsque je suis enfermée, qui gémit, qui veut s’exprimer, qui veut se libérer. Et elle est beaucoup trop infernale pour que je puisse la contenir. La cage dorée me brûle, m’étouffe, m’étrangle !
Ouvre-moi ! Ouvre-moi ! Ouvre-moi… Ne m’oublie pas là…
Et voilà que le loup grogne. La cage lui convient à lui ? Ce n’est pas un loup alors, c’est un chien ! Un brave toutou, satisfait de son état de prisonnier ! C’est moi qui devrais grogner contre lui. Dépendante. Trop vulnérable pendant un certain temps. Cet état me rendrait presque servile. Enchaînée par désir de liberté ! Quelle ironie ! C’est magnifique, vous ne trouvez pas ?
Alalala… En ce moment, je donnerai si cher pour mon ivresse… Mais ça ne dépend pas de moi.
Dernière édition par Emily le Sam 14 Sep - 12:55, édité 7 fois | |
| | | Emily Admin
Messages : 699 Date d'inscription : 11/07/2010 Age : 30
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 16 Juil - 23:10 | |
| L’Appel de la Lune Poème à 10 vers. C’est si fort, si beau, si éphémère Le présent de la nature, Jeu d’ombres et de lumière Du crépuscule jusqu’à l’aube claire. Chat ou rat, tous sont d’un sombre gris Et s’inclinent devant la seule qui resplendit. De toute ton âme et de tout ton cœur Là-bas, les yeux vers les hauteurs Souris, oui, souris à la nuit. . | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Jeu 18 Juil - 5:34 | |
| [R.1 ; P.1 ; M.26] pourrai [R.2 ; P.5 ; M.28] [R.3 ; P.2 ; M.4] [R.4 ; P.4 ; M.7] [R.1 ; P.5 ; M.1] toujours
[R.3 ; P.1 ; M.47] machine [R.2 ; P.4 ; M.8] [R.3 ; P.5 ; M.61] [R.2 ; P.4 ; M.52] [R.3 ; P.1 ; M.35] ronronne
[R.4 ; P.2 ; M.66] enfin trouvé [R.2 ; P.3 ; M.4] adversaire [R.3 ; P.1 ; M.5,6,7,8] !
Esprit [R.1 ; P.5 ; M.33] esprit, [R.4 ; P.1 ; M.2] [R.2 ; P.4 ; M.42] est ouvert. - Spoiler:
On dirait bien qu'il manque des mots...
*Il faut d'abord trouver la clé, la source, là où il faut chercher.
*R = réponse ; P = Paragraphe ; M = Mot
*Les dialogues comptent bien évidemment comme des paragraphes.
*Concernant les mots, ceux composés de deux mots avec une apostrophe (= l'adorais) comptent seulement pour 1, tandis que ceux avec un tiret (= appelle-moi) comptent bien pour 2. Bien sur, quelques uns méritent d'être légèrement modifiés pour être accordés avec leur nouveau sujet.
Bien, je crois que tout est dit! Rendez vous sur la vieille boite pour la clé. Bon courage, Sherlock.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Jeu 18 Juil - 12:03 | |
| C'était long et ardu, mais finalement, je suis satisfait d'avoir réussi à retrouver ces mots perdus dans leur forêt noire. - Spoiler:
Voilà ma réponse, Moriarty.
"Je pourrai m'amuser avec toi pour toujours La machine qui rouillait en moi ronronne J'ai enfin trouvé un adversaire plus intéressant que jamais! Esprit contre esprit, le jeu est ouvert."
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 5 Aoû - 21:26 | |
| - Le morceau de piano:
J’ai essayé de jouer du piano. Oui, j’aime bien. Et puis il parait que j’ai l’oreille légèrement musicale, même si je suis très très loin d’être un génie. Je suis une ignorante de la musique, incapable de lire la moindre partition, inculte de toutes les gammes ou du solfège. Mais j’ai vu des gens le faire, j’ai vu leurs mains se déplacer sur le clavier, j’ai vu leurs doigts appuyer en rythme sur les touches. Moi aussi je peux le faire. J’ai regardé, j’ai regardé, j’ai regardé, et puis, j’ai essayé, j’ai essayé, j’ai essayé. D’abord main droite, puis main gauche. C’est simple pourtant, il suffit de répéter le même geste, encore et encore, et encore. J’ai passé des heures à enregistrer ses simples gestes, vociférant à chaque erreur, entraînant sans arrêt mes mains sur le même ballet insensé. Je veux réussir à jouer cette musique, tout de suite. C’est redondant, harassant, énervant, mais je le veux. Je veux sentir chaque note s’envoler de l’instrument et savoir que c’est moi qui l’ai libéré. Je veux sentir la mélodie cristalline se glisser dans mes veines. Je veux réussir à construire quelque chose d’invisible, impalpable, mais qui existe quand même ! Je veux être capable de faire ça ! Je veux être capable de faire naître des émotions avec ce maudit piano ! Voilà que ça prend légèrement forme, d’une main ou de l’autre. Mais maintenant il faut synchroniser les deux. Mais est-ce possible ? Non ! Mon cerveau n’y arrive pas ! Mes nerfs se détraquent ! Mes mains n’arrivent pas à être indépendantes l’une de l’autre, je n’y arriverai jamais ! Des jours, des nuits, des larmes ! J’en ai eu des crampes ! C’est simple pourtant ! Stupide main gauche, pourquoi ne veux-tu pas t’émanciper de ta sœur ? Suis ton chemin, je t’en supplie ! Enfin, ô jour tant attendu, je réussi à faire plier cet obstacle. Mes deux mains font leur propre danse, un peu maladroite, sans se préoccuper l’une de l’autre ! Et j’y arrive ! Ca y est je l’ai fait.
C’était il y a trois ans. Malgré l’absence de support régulier, mes mains n’ont jamais été amnésiques. Elles ont retenue le seul morceau que j’ai réussi à apprendre, qui reste gravé dans ma mémoire chaotique. Et j’espère ne jamais l’oublier. Je sais jouer un tout petit peu de piano <3
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 7 Sep - 23:30 | |
| Il est tard, j'ai de la fièvre et j'ai besoin de vider mon sac sur une partie de ma vie. Pardonnez moi de le faire ici, mais je n'ai nul part ailleurs où aller. Donc ça va parler de moi, je vous conseille de passer votre chemin si vous n'êtes pas intéressés. Merci de votre compréhension =) - Black Sheep:
Il était une fois, un vilain mouton noir. Enfin, pas si vilain que cela finalement, Juste avec un physique et un caractère différents, Mais des détails qui suffisent à attirer les déboires.
L’histoire commence dès le plus jeune âge Dans la cour de l’école, théâtre des atrocités Quand une enfant préfère noircir des pages Plutôt que de jouer à la princesse des fées. De toute façon cette enfant n’a rien pour elle Nulle à la balle au prisonnier ou à la marelle Pas spécialement intelligente, Ni véritablement intéressante Juste en décalage, peut être un peu paumée Pensant que la vie est un dessin animé.
Le prochain chapitre est celui du collège Ou plutôt celui du monde des pièges Jungle mêlant les bourreaux et leurs martyrs Malgré tout, je restais naïve et gentille « Tu es tellement immature, ma pauvre fille ! » Pardon ? C’était maintenant qu’il fallait grandir ? On dirait bien que mon esprit a loupé le train, Me laissant toute seule sur le quai. Les filles populaires en avaient de la chance, Entourées d’amies et de garçons. Moi, je n’arrivais pas à me faire une raison Mais il fallait se rendre à l’évidence : Les autres enfants ne m’aimaient pas. Je passais donc la plupart du temps seule, Avec mon imagination comme seule compagnie. Les récréations n’étaient pour moi que des heures d’ennui Que je tuais, cachée dans les livres de la bibliothèque.
A mi-parcours des quatre années de bagne, je rencontrais Néphéliane. Et Néphéliane… Néphéliane elle était parfaite. Resplendissante dans ses habits multicolores, Les moqueries des autres lui passaient au-dessus de la tête Elle m’a appréciée, complimentée, m’apprenant à m’aimer. Alors, la fille aux habits noirs et celle aux vêtements arc-en-ciel Devinrent inséparables. Seules contre le monde entier. Une situation vue comme un jeu, malgré son apparence cruelle. Lorsque l’une tombait, l’autre était là pour la soutenir. A deux, on a l’impression de moins souffrir.
Mais elle est partie. Elle s’est envolée sans prévenir un jour dans le ciel. Un jour de fête nationale pour la France entière, jour maudit pour moi.
Peu après, je débarquais au lycée Alors que l’obscurité s’emparait lentement de mon âme Cet environnement était moins hostile, avec plus de liberté Mais restait pour moi un endroit sans charme. Rapidement, en cours de littérature On me diagnostiquait des prédispositions pour l’écriture Et le dessin dans les marges des cahiers, Mais mes princesses d’autrefois étaient maintenant couvertes de sang. Malgré tous mes efforts pour m’intégrer, Côtoyant toujours les mêmes personnes depuis la primaire Je restais invisible, inexistante à leurs yeux. Inintéressante. Je n’ai vraiment pas demandé grand chose ! Juste un regard, des paroles, de la considération ! N’y a-t-il vraiment personne pour m’accorder de l’attention ? Et bien, c’est que je ne dois sans doute pas la mériter… Je tombais alors dans une mélancolie poudrée Je devins la fille aux poignets rayés, (C’était ridicule je sais, mais parfois on ne sais pas ce qu’ont fait.) Mais au moins, ça intriguait les langues de vipères Trop heureuses d’avoir un nouveau sujet sous les dents, Ces mêmes commères qui, lorsqu’elles remarquaient Un dessin morbide qui de mon classeur dépassait Me demandaient : « Camille, tu es sure que tout va bien ? » Bien sur que tout va bien ! Gardez votre hypocrisie ou votre bonne conscience pour vous, Finalement je n’en veux plus ! J’m’en fous! Et puis que j’aille bien ou mal, ça vous est bien égal ! Vous êtes juste attirés par cette malsaine curiosité du malheur des autres Qui fait de vous des êtres humains. Ce n’est pas votre faute.
J’avais enfin compris que tout ça ne servait à rien, Qu’il fallait que j’arrête d’essayer d’être comme eux Je n’avais que deux vraies amies dans cette masse L’une avait une maladie aux jambes qui l’empêchait de marcher normalement, Je m’occupais d’elle, prenant soin que jamais son moral ne casse, La seconde était anorexique, une maladie causée en partie Par les incessantes et insupportables moqueries De ceux que nous appelions nos camarades de classe ! Nous étions officiellement le « club des trois » Mais dans notre dos, nous étions les phénomènes de cirque « La malade, la dépressive et la gothique ».
Un peu plus tard, toujours enfermée dans ma scolarité, Je découvrais un monde merveilleux, enchanté, Une sorte d’oasis, forgé de sentiments sombres et d’amour des monstres J’ai vu que je n’étais pas seule, qu’on pouvait me comprendre ! Que des gens m’appréciaient sincèrement pour ce que j’étais. Que je pouvais être aimée.
Ce sentiment fut confirmé lorsque j’obtins, enfin, Mon droit de passage vers les études supérieures. Arrivant dans une nouvelle école, pleine de nouveaux visages Et tous ses gens ouverts d’esprit, avec qui j’avais en commun La même passion, les mêmes ouvrages Et sans doute aussi la même histoire ! J’ai découvert avec surprise que je pouvais être intéressante Que je plaisais, que l’on appréciait ma compagnie ! Ces gens qui voulais devenir mes amis ! Ils ne se moquent ni de mes vêtements, ni de mon allure ! Je suis appréciée pour ce que je suis, et je ne suis plus ignorée ni esseulée. C’est alors que je voulu crier à tous ceux qui m’avaient blâmée et blessée pendant toutes ces années :
VOUS AVIEZ TORT !
Et pourtant aujourd’hui encore, devant mon miroir Je pleure. Je pleure en repensant à cette enfance brisée Aujourd’hui encore, dans ma chambre le soir Je plains. Je plains celle que j’ai été. Je ne m’attache plus les cheveux, car mes oreilles me semblent difforment. Et sur les photos, j’ai du mal à sourire car mes dents me font toujours honte. Et parfois encore, il m’arrive de maudire mes bourreaux ! De souhaiter qu’ils souffrent, qu’ils soient torturés Démembrés, brûlés, écrasés, étouffés Par des assassins ou des monstres sans pitié. Mais ce sentiment ne dure qu’une seconde Car ma compassion arrive et me gronde. « Tu sais ce que c’est que la douleur. Si tu as une once d’humanité, tu ne souhaiterais ça à personne. »
Hélas, elle a raison, comme toujours.http://www.madmoizelle.com/to-this-day-151065
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| | | Devil
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 8 Sep - 10:21 | |
| Olalalala comme je te comprends ! J'ai l'impression que moi aussi j'aurais pu écrire quelque chose comme ça... hélas, j'en suis encore au lycée, encore 2 ans à tirer...triste.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Jeu 27 Fév - 0:14 | |
| A la lumière de la Lune A la lumière de la Lune, je pense à toi tous les soirs. Les souvenirs me transpercent comme des lames de Glace La réalité des faits me pousse à craindre le noir Et à redouter le moment où les rêves font surface. A la lumière de la Lune, Ludmila crie tous les soirs. Hystérique et psychotique, rongée par le désespoir Submergée par les cauchemars qui ont le goût du Sang Sous les yeux de Miguel, qui jamais ne comprend … A la lumière de la Lune, Emily pleure tous les soirs. Espérant en vain un miracle, mais restant à attendre N’importe quoi, un bref message, ou juste ton ombre Cendre Seule face aux ruines, avec ses sentiments dérisoires. | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 2 Mar - 14:28 | |
| Des fois, je me demande ce que je fais là, je me demande pourquoi. Pourquoi je suis partie, et pourquoi je suis revenue ici. Et la réponse, c’est que… - Je t'adore:
Je t’adore, Comme le Joker adore Batman J’ai besoin de toi pour avoir du talent En propageant ma folie pyromane Forgeant de mon point de vue insolent Un univers oscillant avec maîtrise Entre le chaos et l’ordre sage Entre la passion et la rage Entre l’entente et la traîtrise.
Je t’adore, Comme L adore Kira Qui est le mystère de sa vie Et qui, fatalement, le perdra Car toute intrigue a un prix. Oh, et cette chaîne nous l’avons aussi Tissée par les rêves et les souvenirs Se renforçant pour les années à venir Pour que jamais je ne t’oublie.
Je t’adore, Comme Cathy adore Heathcliff Comme si j’avais été faite pour vous trouver Toi et ton monde tellement addictif, Et que le destin s’amusait à nous séparer. Ô, mon seul idéal qui jamais ne s’effacera Je voudrais seulement te décrire Combien mon âme est prête à sourire Quand tu es là, près de moi.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 20 Avr - 22:54 | |
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La fille qui dessine des roses, elle a les larmes cendrées. Son corps refuse de grandir, elle se sent piégée. Piégée d’un monde auquel elle n’appartiendra jamais.
La fille qui dessine des sirènes nage dans une mer de déveine. Elle qui aimait la différence et l’étrangeté de porcelaine, Donnerait maintenant cher pour ressembler aux humaines.
La fille qui dessine des violons, elle a l’âme qui s’évade. Pour tenter de palier à son esprit malade. Elle ne veut plus souffrir et cherche l’escapade.
La fille qui dessine d’autres filles souffrant avec le sourire. N’arrive même plus à essayer de se mentir. Je me demande si un jour, elle pourra de nouveau rire…
La fille qui te dessine, elle voudrait juste t’avouer Combien son être se répare lorsqu’elle vient te parler. Combien son âme souffrante est grandement apaisée. Combien elle se sent forte quand tes mots viennent l’enlacer. Combien elle te remercie d’être à ses côtés. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 21 Avr - 13:49 | |
| Comme L adore Kira Qui est le mystère de sa vie Et qui, fatalement, le perdra Car toute intrigue a un prix.
ah death note ! que de poésie ! que tu écrit bien.... |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 23 Juin - 22:57 | |
| Le Prince de Brume Il y a dans la vallée un petit village, Il y a, sous le village, un grand étang Recouvert par la brume, bassin aux cent mirages Que tout le monde croit maudit depuis la nuit des temps.
Et moi, à l’étang noir, j’y vais toujours pieds nus, J’y vais depuis longtemps, j’en suis toujours revenue J’y vais surtout le soir, quand viens poindre la Lune, J’y vais lorsqu’il est tard, pour voir le prince de Brume.
J’attends sur la berge, là ou le vent souffle fort, J’attends sans me plaindre, sans regrets ni remords Avec les merles et les corbeaux comme calme compagnie Jusqu’à ce que j’entende, doucement, dans l’eau, un bruit.
C’est la barque du prince brumeux, émergeant du brouillard. Lorsque je l’aperçois, tout mon être se réveille C’est comme si, quelques secondes avant de le voir Je n’étais qu’une figure de cire, plongée dans un cruel sommeil
J’accours alors l’accueillir, sur son embarcadère, Espérant qu’il va bien, qu’il ne manque de rien Prenant soin de son âme qui, avec le temps, m’est devenue si chère Le guidant sur la rive en lui tenant la main.
Là, assis dans l’herbe, nous pouvons parler, parler tranquillement ici bas. Il me raconte son monde, au-delà du mur de brume, Toutes ces terres mystérieuses que je ne connais pas Et qui pourtant, je le sais, m’appellent à servir leurs coutumes.
Et malgré la beauté des mots et des images qui s’en dégagent Parfois j’ai le cœur qui brûle De me rendre compte que lorsqu’il part comme un mirage C’est mon âme toute entière qui hurle.
Et mes larmes sont le plus beau des colliers Que je ne pourrais jamais t’offrir. C’est à la fois beau et malheureux D’être triste quand tu n’es pas là.
Je voudrais saigner de l’injustice Pour la voir fuir de loin de moi, Je voudrais pleurer de l’amertume Pour la voir couler de mes yeux.
Mais le désespoir sais rendre les armes lorsqu'il le faut, Et lorsque je te vois remonter sur ton bateau, Je ne fais que penser à la prochaine fois Où il reviendra accoster près de moi.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mer 23 Juil - 20:19 | |
| - La Fille au Monstre:
Tu es la fille qui sert le Monstre Celle qui traîne entre les griffes du meurtrier A la robe brodée de soie vert pommier Salie par le sang et déchirée par les ronces.
Sorcière ! N’as-tu donc pas honte De choyer ainsi cette vipère ? Ce vaurien, qui réduit en poussière Les règles que la Justice remonte.
Tu n’as pas le droit de l’aimer. Fais-tu alors cela par pitié ? Méfie-toi, simple petite païenne, Il te dévorera comme le ferait une hyène.
Comment osez vous, sans même le connaître L’insulter de la sorte, le mépriser. Vous êtes aveugle, dépourvu d’intérêt, Tout aussi passionnant qu’un mouton allant paître.
Lui, il a l’ambition des Rois de l’Ouest, Et la détermination de l’Erlkönig, Vous comprendrez qu’auprès de lui, je reste C’est plus fort que moi, il m’intrigue.
Et il n’est pas que la brute que vous imaginez, Il est aussi doué d’une certaine sensibilité, Il sait aussi bien faire couler le sang Que des larmes des plus beaux sentiments.
Ce sont là les paroles d’une aliénée Bien plus atteinte que je ne le pensais ! Tu es l’avocate de l’instrument de la mort Il t’arracherait le cœur, tu le défendrais encore.
Comment peux-tu encore regarder ton reflet Ton visage aux joues tachées de pourpre frais ? Toi qui ne jurais que par ta liberté, Tu te l’es faite magistralement confisquer.
Entendez, Entendez-vous pauvre fou ? Les étincelles ardentes de ma loyauté Sans chaînes ni liens, j’acquiescerai à tout Surtout si auprès de lui il me demande de rester.
Ses plumes ont besoin de moi pour être recousues, Son âme a besoin de moi pour être comprise. J’aime apercevoir son sourire sous la brise Comme l’on contemple un oiseau perdu.
Inconsciente idiote ! Cela ne durera pas. Fais un seul pas de travers et tu verras, Ses armes se retourneront contre toi Et pas une des tes supplications ne l’arrêtera.
Peut être ou peut être pas, mon cher, Malgré ces promesses, je garde mon caractère Et même mes insolences passagères Ne m’ont pas value la moindre morsure de ses serres.
Dans ce cas, ne viens surtout pas pleurer Lorsque de son intérêt, il t’aura chassée Et que tu ne seras plus que pour lui, Une ennuyante petite souris.
Aucun pardon ne sera accordé A celle qui avec l’horreur a fraternisé. Et tu erreras seule à nouveau Avant d’être dévorée par ses corbeaux.
Qu’il en soit ainsi, je demeure sereine, Mon Prince a juré, mon Prince a promis De ses mots adorés, de ses mots chéris Qu’il ne me laissera jamais seule dans la peine.
Dès lors, la douleur de votre mépris Ne m’affecte plus et m’indiffère. Je suis prête à me mettre à dos la terre entière Pour rester aux côtés de mon cher ami.
| |
| | | Yume
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Jeu 24 Juil - 11:43 | |
| ...C'est....beau. Juste magnifique ! ( PS: tes ex camarades de classe sont les plus gros abrutis que le monde ai porté è.é ) | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 5 Aoû - 23:17 | |
| Une histoire que j'ai brusquement eu envie d'écrire, à la suite de plusieurs rêves mélangés et plutôt marquants. Je prévois peut être une suite, comme l'indique le titre! - Les prairies maudites - première partie -:
Il était une fois, dans de lointaines contrées, une jeune bergère possédant un troupeau de moutons. Elle n’en avait pas loin d’une centaine. Tous gras et pleins de santé, ces animaux pourtant appétissants n’étaient pas destinés aux abattoirs, mais élevés pour leur lait revigorant dont les vertus étaient connues de tous les villages aux alentours, ainsi que pour leur laine, que la bergère passait des heures à tisser afin d’en confectionner les plus beaux habits de la région. La jeune femme choyait plus que tout ces bêtes, qui lui apportaient un équilibre sain et prospère. Pas le moindre petit agneau, ni le moindre bélier rabougri n’était épargné de ses soins et de sa tendresse. Elle avait pris l’habitude d’accompagner chacun de ses moutons de leur naissance jusqu’à leur dernier souffle de vie. Tous les matins, elle se levait à l’aube, désireuse de savoir comment se portaient ses protégés frisés, puis, après une inspection des plus minutieuses, elle ouvrait en grand les portes de sa grange afin d’emmener son troupeau paître sur les collines verdoyantes du pays.
En une après-midi orageuse, la bergère, rêveuse, s’aventura plus près qu’à son habitude à l’orée de la forêt, ses dociles compagnons la suivant à la trace. Les bruits de leurs bêlements enthousiastes vinrent aux oreilles du plus grand loup des bois, qui rodait aux alentours, et l’odeur alléchante des herbivores grassouillets lui chatouilla immédiatement les narines. Ne pouvant résister à l’appel d’un tel festin, le maître de la forêt se hâta de suivre le parfum qui l’enivrait ainsi, lui qui, depuis des semaines, ne se nourrissait plus que de maigres lapins. Il se mit donc à suivre le troupeau, dénombrant une quantité incroyable de proies, toutes aussi appétissantes les unes que les autres. Marchant tapit derrière les buissons de houx, il remonta jusqu’à la tête du cortège où se trouvait la bergère. Ces moutons avaient donc un maître, pensa-t-il, intrigué. Malgré la cruauté et la sauvagerie dont il faisait souvent preuve, le loup était loin de se considérer comme un voleur, préférant laisser cette basse besogne à son cousin le renard. Il possédait plutôt une magistrale fierté et aimait se comporter comme un prince, habité d’un certain sens des manières. En plus, il désirait s’amuser. C’est pourquoi il décida tout d’abord de se présenter à la bergère.
Lorsque l’animal féroce sortit de sa cachette avec l’assurance du chasseur, la jeune femme resta un instant pétrifiée d’effroi. Il y avait de quoi, le grand loup ne portait pas son titre uniquement pour son panache : il était aussi haut qu’un cheval, les pattes ancrées dans le sol telles de gigantesques et implacables épées. Ses griffes étaient luisantes et quelques crocs dépassaient de sa gueule, pourtant close. A cette vision, les moutons se mirent à bêler de terreur. Ignorant leurs cris implorants, le roi des bois s’adressa à la bergère :
« Salut à toi, jeune humaine. C’est un bien beau troupeau, que tu mènes là ! Je te félicite pour avoir réussi à obtenir d’aussi belles bêtes, elles sont de loin les plus appétissantes que j’ai pu croiser tout au long de mon immense vie. Je suis sincère, elles sont magnifiques ! Je t’en serais reconnaissant si tu acceptais de m’en céder quelques unes. »
Pendant ce discours qui se voulait flatteur et rassurant, la demoiselle resta de marbre, encore plus horrifiée par les propos qui venaient d’effleurer ses oreilles. Devant tant de réticence, le carnivore continua :
« Allons donc, je veux bien croire que ce ne doit pas être de très bonne augure pour toi, mais vois-tu, mon estomac crie famine, et tes bêlants et toi vous trouvez sur mon chemin. Mais rassure-toi, je ne décimerai pas le fruit de tes années de labeur ! Non, étant donné que tu as accomplis un merveilleux travail dans l’élevage de ces bêtes, une seule suffira à combler le vide que je ressens dans mes entrailles. Aussi, je te laisse choisir le morceau de chair que tu désires m’offrir. »
Le loup acheva sa phrase d’un sourire sans appel. Il savait bien que rien n’était plus cruel que ce qu’il était en train de demander. Qu’il était monstrueux d’ordonner un tel choix, mais il désirait avant tout se faire servir. Après tout, c’était lui le roi. Il s’assit donc, impatient de découvrir lequel de ses moutons la bergère allait décider de lui sacrifier. L’animal savait également que les humains étaient faibles et lâches. Il les méprisait et répugnait le temps où ces derniers avaient osé le chasser de ses terres dans la vallée, l’obligeant à se retrancher dans les sombres forêts des montagnes. Mais, contrairement à ses attentes, la jeune femme ne bougea pas. Elle ne semblait plus pétrifiée de peur, mais plutôt indignée par le choix que lui imposait le loup. Le visage dur, elle conservait son attitude rebelle, décidée à ne pas céder au jeu sournois de son interlocuteur. Le maître des bois, contrarié par autant d’audace, commença à se faire plus insistant :
« Ne me fais pas attendre trop longtemps ! Je te préviens que ma faim grandit au même rythme que le nombre de minutes qu’occupe ton silence. Donne-moi vite ce mouton avant que je ne t’en réclame d’autres ! »
« Jamais je ne vous céderai un seul de mes animaux. » Finit-elle par déclarer.
Autant d’assurance et de refus de son autorité plongèrent le loup dans une colère sombre et menaçante. Poussant un rugissement de mécontentement, il s’avança d’un air dangereux vers celle qui le défiait :
« Comment oses-tu me refuser cela, à moi, le Roi de la forêt ? Pourquoi protéger ainsi de faibles créatures, qui ne sont là que pour me servir de dîner ? Ton comportement est contraire à toutes les lois établies par la chaîne alimentaire, petite sotte ! Ainsi, pour sauver ces pauvres vies dénuées d’intérêt, tu serais prête à me laisser mourir de faim ? Allons, ne fais pas de bêtises. Un mouton, ce n’est rien, tu en as tant d’autres ! Un de plus ou un de moins, cela ne change rien ! »
Malgré les crocs de la bête à quelques centimètres de son visage, la paysanne ne cédait pas. Elle refusait catégoriquement de désigner elle-même lequel de ses protégés servirait de pitance à ce monstre. Après tout, rien ne l’obligeait à obéir. Agrippant le bâton qui lui servait d’habitude à gravir les collines, elle le brandit courageusement en direction du loup, prête à frapper s’il s’approchait d’un seul de ses moutons.
« Vous n’êtes un tueur cruel et sournois. Et vous n’êtes pas si maigre que cela ! L’écureuil et le pic-vert m’ont conté vos exploits, et il va sans dire que de tous les animaux de la forêt, vous êtes de loin le plus redoutable des chasseurs. Vous n’avez pas besoin que je vous nourrisse. Tout ce que vous souhaitez, c’est vous amuser à mes dépends et affirmer votre autorité en me demandant de sacrifier l’un de mes moutons adorés. Vous êtes peut être le seigneur de la forêt, mais vous n’avez aucun droit sur ces terres qui sont miennes. Je ne vous dois rien, même pas un brin du pelage de mes agneaux. »
Ces mots gonflés d’audace, de fierté et d’imprudence firent bouillir le sang de l’animal sauvage, touché en plein cœur de son orgueil et de sa souveraineté. Fulminant de colère, il décida pourtant de ne rien laisser paraître. S’il laissait exploser sa rage maintenant, cela pourrait tout gâcher. Le loup prit donc soin de se contenir, se jurant secrètement que cette insolente aurait la punition qu’elle mériterait très bientôt. D’une voix calme, il lui offrit une ultime chance :
« Ceci est le dernier avertissement, petite. Apporte-moi un de tes moutons ou tu le regretteras toute ta misérable vie, j’en fais le serment. »
« C’est non. », répondit l’entêtée sans sourciller.
La bergère savait qu’elle était arrivée à un point de non-retour. Si elle esquissait la moindre hésitation, la moindre faiblesse, le carnivore se jetterait sur elle et lui ferait payer son arrogance. Elle devait donc rester forte et ne montrer aucune crainte dans son regard déterminé. Le grand loup, quant à lui, ruminait intérieurement. Il aurait pu se ruer sur la jeune femme, planter ses crocs dans sa gorge et la décapiter en un seul claquement de mâchoire, exécutant ainsi celle qui osait s’opposer à sa suprématie. Mais même une telle mise à mort ne rembourserait pas l’affront de sa rébellion. Avec un dernier regard terrifiant et rempli de promesse de douleur à l’égard de sa nouvelle ennemie, le maître des bois disparut dans sa forêt obscure comme il en était apparu, sans émettre le moindre bruit.
Dès que le grand loup eu complètement disparu, la jeune bergère comprit que ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’il ne revienne se venger. Effrayée et paniquée, elle rassembla tous ses moutons qui frémissaient de terreur et de confusion en apercevant leur maîtresse dans un tel état. Sur le chemin du retour, la pluie se mit à tomber violemment, et le vent souffla, plus agressif que jamais. Ressassant les paroles du loup impérial, la jeune femme tourmentée comprit qu’elle avait peut être commis une grave erreur. Mais elle ne pouvait guère regretter son geste, sachant pertinemment que jamais elle n’aurait eu le courage de sacrifier un seul de ses moutons. Cela lui aurait brisé l’âme et le cœur que de mener à la mort l’un de ses innocents protégés.
Après de longues minutes de marche effrénée, la bergère et ses bêtes arrivèrent enfin à la ferme, sous la menace d’une tempête imminente. D’une rapidité affolante, la jeune gardienne enferma ses animaux dans leur étable qu’elle verrouilla à double tour, demeurant sur ses gardes à chaque seconde, puis courut s’enfermer dans sa bâtisse. Depuis l’intérieur, par les grandes fenêtres, elle guettait les horizons, redoutant d’apercevoir le terrible loup. Elle ne bougea pas de son perchoir, angoissée, fixant les collines sans boire, ni manger, ni dormir, malgré les heures qui défilaient. Le soleil se couchait lentement et la Lune prit le relai pour veiller sur la pauvre bergère, dont le visage pourtant si doux était devenu d’une pâleur maladive. Le sommeil la rattrapa au petit matin. Malgré la peur qui la consumait, la jeune femme se surpris à se laisser aller à de légères somnolences, de plus en plus longues. Refusant de céder à la fatigue, elle se débattait encore. Lorsqu’elle aperçut les premiers rayons du soleil, une légère vague d’apaisement vint envahir son esprit. Le loup n’était pas revenu, tout compte fait. Espérant être hors de danger, elle lutta encore une heure ou deux avant de finalement s’évanouir de d’épuisement contre le rebord de sa fenêtre.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle ne réalisa pas immédiatement que le pire c’était déjà produit devant ses paupières closes. En effet, après quelques bâillements, un sursaut d’angoisse rappela à la jeune femme l’anxieuse situation qu’elle vivait. Brusquement, elle braqua son visage sur la fenêtre, et c’est avec la plus pure des horreurs qu’elle constata que la porte de sa grange était ouverte ! Tremblante, elle se leva et se mit à courir. Elle pleurait déjà une rivière lorsqu’elle descendit les escaliers de sa maison, prête à sortir dehors et découvrir ce qu’elle imaginait. Désespérée, elle avançait de plus en plus lentement vers l’étable où il y avait quelques heures dormaient paisiblement ses petits moutons. Lorsqu’elle arriva devant la porte grande ouverte, elle s’effondra. L’abominable rouge sang recouvrait tout l’intérieur du bâtiment. Le sol était jonché de cadavres laineux, tous éventrés ou égorgés, la mort recouvrant implacablement tout cet endroit maudit. Les meurtres avaient été soigneux, et une seule blessure de patte ou de crocs avaient suffi pour ôter la vie des animaux. Ils n'avaient été nullement dépouillés de leur chair, leur assassin les avaient tué sans la moindre intention de les dévorer. Alors que la bergère pleurait et lâchait des cris déchirant de désespoir en pataugeant dans le sang de ses bêtes, un faible bêlement se fit entendre tout au fond de la bergerie. La jeune paysanne releva la tête. Dans l’un des coins de la bâtisse, trois silhouettes se tenaient encore debout sur leurs pattes, bien que leurs laines soient maculées du sang écarlate de leurs anciens congénères. Une brebis, un bélier et un agneau. La jeune femme se demandait comment avaient fait ces trois animaux pour échapper au massacre, lorsque la voix caverneuse du grand loup se fit entendre derrière elle :
« Je t’avais prévenue, et tu n’as pas voulu m’écouter. Contemple donc ton œuvre, celle de ton arrogance et de ta faiblesse. Avec le refus d’un simple sacrifice, tu as condamné la totalité de ton troupeau. Ceci est tout ce qui attend celui qui ose défier la loi du plus fort. La tristesse, la douleur et la mort sont les seuls trophées que tu récolteras pour m’avoir affronté. Mais cela ne s’arrête pas là. Je t’ai laissé de quoi pouvoir reconstruire cet élevage que tu aimais tant. Mais, tous les ans, en souvenir de cet évènement et pour que tu retiennes ma leçon, tu devras venir à la forêt et m’apporter en pâture le plus beau et le plus gras de tes moutons. Si tu manques à l’appel, je reviendrai ici et recommencerai le même carnage que celui qui s’est déroulé aujourd’hui, sois en certaine. »
Abattue et agenouillée dans le sang, la bergère n’était plus capable d’émettre la moindre objection. L’horreur qui s’était déroulée ici lui avait coupé tout espoir, toute vivacité. On lui avait tout pris. Le coup porté à son égard avait été beaucoup trop grand et trop destructeur pour qu’elle puisse s’en relever. Satisfait de voir ce devoir accomplit, le grand maître des bois se contenta de ce silence en guise de victoire et reparti se tapir dans la forêt obscure dont il avait émergé, pour semer la mort et le désespoir.
Quelques heures après son départ, la jeune bergère trouva enfin le courage de se relever pour aller chercher ses trois moutons rescapés, avant de sortir en refermant les portes de la grange pourpre, ses larmes de détresse se diluant dans le sang de ses rêves de justice déchiquetés.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 14 Sep - 22:31 | |
| - Les prairies maudites - Kathia & Wolfgan (I):
L’incident de la bergerie retenti sur tous les alentours. Partout, on sut très rapidement que l’élevage de la bergère avait été décimé. Par qui et pourquoi, cela resta un mystère pour le commun des mortels. La jeune femme avait beau crier au loup, raconter en pleurant à qui voulait bien l’entendre que ses bêtes avaient été assassinées par un prince des forêts, les villageois restaient septiques. En effet, les moutons avaient été simplement mis à mort et non dévoré, ils n’imaginaient pas les animaux capables de commettre des actes de pure barbarie. A vrai dire, la majorité des paysans du village pensaient secrètement, mais surement, que ces animaux avaient été tués par la main de l’homme. Les plus tordus d’entre eux allaient même jusqu’à affirmer que c’était la bergère elle-même qui avait massacré ses bêtes, dans un acte de folie furieuse.
Mais, même après cette tragédie, la vie fut obligée de reprendre son cours normal. La bergère repris son élevage, tant bien que mal, et continua de construire sa vie. Quelques années plus tard, elle se maria et, au fil du temps, eu trois filles, qui eurent à leur tour trois filles. La bergerie continua de prospérer et fini même par s’agrandir, accueillant dorénavant des chèvres ainsi que des oies et des poules. Toute la famille demeurait dans la bâtisse, devenue immense avec le temps, au fur et à mesure que naissaient les enfants.
La pionnière de la troisième génération s’appelait Kathia. Elle était l’aînée de la seconde fille de la bergère. C’était une jeune fille pâle à l’apparence frêle, fragile comme une brindille, pliant sans cesse devant l’effort, mais ne rompant jamais. Ses cheveux étaient d’un châtain clair et cendré, parsemé de mèches légèrement rousses et ses yeux étaient du même vert d’eau que ceux de sa grand-mère. Comme tous les enfants, elle passait ses journées à l’école et aidait à la ferme lorsqu’elle revenait. Elle aimait se rendre utile et passait beaucoup de temps à prendre soin de ses sœurs et de ses cousines, sachant pertinemment qu’en tant qu’aînée, c’était elle qui devrait servir d’exemple. De caractère, Kathia était douce, mais conservait une volonté de fer, fruit de l’héritage qui coulait dans ses veines. Elle était également assez naïve et candide, persuadée que le bien existait en chaque être vivant. Mais une part d’elle, enfouie au plus profond de son âme d’innocente semblait être un potentiel refuge de noirceur. La voyante du village qui avait coutume de lire l’avenir de chaque enfant dans le cœur d’un chou avait d’ailleurs prédit que la jeune fille connaîtrait un destin douloureux, malmenée par la folie et la passion. Comme à toutes ses autres petites-filles, la bergère avait conté à Kathia sa mésaventure passée. Elle avait scrupuleusement mis en garde chacune d’entre elle sur les dangers des bois et du souverain qui régnait sur ces terres. Jamais, ô grand jamais, elles ne devraient s’en approcher, sous peine de ne connaître que le malheur et la détresse.
Un jour d’automne, l’année de ses 17 ans, sous la beauté de l’or de la forêt, Kathia décida de rentrer de sa journée d’étude en passant par les collines, longeant ainsi les bois. Elle emprunta ainsi les chemins mille fois foulés par le bétail allant paître en ces lieux. Les collines étaient si belles et le temps si bon ! Enivrée par la beauté de la nature à laquelle elle était grandement sensible, la demoiselle s’assit sur l’herbe afin de contempler l’orée de la jolie forêt. Soudain, à quelques mètre d’elle, la jeune fille aperçu un mûrier sauvage aux fruits parfaitement noirs et brillants. Ne résistant guère à la tentation, elle s’approcha du buisson, et plongea la main dans ces ronces afin d’en cueillir les fruits et de les déguster un à un. Le toucher de la jeune fille se répandit dans tout l’arbuste jusqu’à ses racines qui vibrèrent silencieusement, alertant ainsi toute la forêt de la présence d’un intrus sur son territoire. Et c’est ainsi que le grand loup aperçut Kathia pour la première fois. Il était arrivé vers le buisson de mûres avec la rapidité du vent et le silence du ruissellement de l’eau. La jeune fille n’eu même pas conscience de sa présence, continuant à déguster ces fruits délicieux. Lors de ses premières secondes d’observations, le grand prince de la forêt cru à une nouvelle provocation de sa vieille ennemie, la bergère, avant de s’apercevoir qu’il ne s’agissait nullement d’elle. Voulant en savoir un peu plus, il avança son visage à travers le feuillage. Alertée par le bruit suspect du bruissement des feuilles, Kathia releva immédiatement la tête, le regard braqué sur le visage du loup. Mais elle ne le voyait guère. Le roi des bois était un tel as dans l’art du camouflage qu’il était également passé maître dans l’art de l’illusion. Là où la jeune fille croyait distinguer des branchages et des feuilles, il s’agissait en fait des crocs et des poils de la bête. Elle ne l’apercevrait que lorsque ce dernier l’aurait décidé. Alors qu’elle lui faisait face, le grand loup reconnu dans ses yeux l’éclat de caractère de celle qu’il l’avait défié. Il ne faisait plus aucun doute que cette fille était bel et bien l’une des descendantes de la bergère ! Il soupira. Les humains étaient décidemment incorrigibles, méprisables. Il décida alors de punir cette audacieuse enfant, mais, puisqu’elle n’avait pas de moutons grassouillets sous la main, il allait devoir opter pour un autre stratagème. Et il allait une nouvelle fois s’amuser à tourmenter sa victime. Usant de ses nouvelles capacités d’illusionniste, le maître de la forêt changea radicalement d’apparence, se transformant en jeune humain séduisant. Alors que Kathia s’était relevée et commençait à s’éloigner, le grand loup, dissimulé sous son apparence de bipède, sorti de derrière un arbre, interpellant l’imprudente :
- Saviez-vous que c’est une propriété privée ici, mademoiselle ? Vous avez bien de la chance que le loup le soit pas dans le coin, car soyez-en certaine, si le loup y était, il vous mangerait ! Prononça-t-il d’un sourire carnassier mais séduisant.
- Oui, on m’a dit qu’il était dangereux d’approcher de la forêt. Mais rassurez-vous, je ne fais que passer, je n’approcherai pas plus.
- Ahah ! Je plaisante, ne vous inquiétez pas ! Je m’appelle Wolfgan, et cette forêt est un peu comme ma demeure.
Le grand loup se présenta ensuite en tant que bûcheron. Il s’inventa une vie en un claquement de doigt. Il avait suffisamment observé ses insolents coupeurs d’arbres pour connaître par cœur leurs habitudes et inventer ainsi un récit des plus crédibles. Kathia buvait ses paroles, intéressée et captivée par ce nouvel individu. Il était différent des autres garçons du village, avec lesquels elle avait du mal à discuter. Wolfgan était si compréhensif, si intrigant, si parfait. Elle avait l’impression qu’ils venaient tous les deux du même monde, qu’ils s’étaient connus et reconnus, qu’ils avaient cheminés ensemble durant mille vies, et qu’ils venaient seulement de se retrouver aujourd’hui. La naïve jeune fille ne croyait que peu au destin, mais elle était pourtant certaine que cette rencontre scellait le début d’une nouvelle et grande histoire. Le maître de la forêt, quant à lui, riait intérieurement, comprenant sans peine qu’il avait déjà attrapé le cœur de son interlocutrice. Quel moment grandiose que celui où il lui dévoilerait sa véritable apparence, lorsqu’il lui apprendrait sournoisement qu’elle s’était éprise d’un monstre - comme le disait les hommes ! -.
Cette première rencontre dura de longs instants, et ne fut interrompu que par le crépuscule approchant, lorsque Kathia réalisa qu’elle devait rentrer chez elle sur le champ, sous peine d’inquiéter ses proches. Elle eut beaucoup de mal à dire au revoir à son nouvel ami, mais promit qu’elle reviendrait le voir le lendemain, à la même heure. Wolfgan promit à son tour de l’attendre, au même endroit. L’arrivée tardive de Kathia à la bergerie ne sembla pas inquiéter démesurément sa famille, car ils avaient l’habitude de ses promenades tardives. Mais c’est lorsqu’ils la virent chatonner et virevolter tout en nourrissant les oies et les cygnes que ses parents, oncles et tantes s’interrogèrent plus sérieusement sur les raisons de son absence. Il va sans dire que l’amour naissant dans le cœur de la jeune fille se voyait à des lieues et des lieues !
Le lendemain, Kathia trépignait d’impatience durant toutes les longues heures qui la séparaient de Wolfgan, comptant chaque minute et chaque seconde avec minutie. Dès qu’elle fut libre de ses obligations, elle se rua vers la forêt, à l’endroit même où elle avait rencontré le mystérieux garçon la veille. Et il était là, patiemment assit sous un sureau. Tout sourire, la jeune fille s’installa à côté de lui et ils reprirent leur discussion de la veille. Ils parlaient de tout, de ce qu’ils aimaient, de ce qu’ils détestaient. Au début, le loup laissait principalement parler Kathia, car il était curieux de découvrir le genre d’esprit qu’elle possédait. Mais lorsque cette dernière lui posait des questions, il se montrait méfiant, et pour ne pas se trahir, dissertait plutôt sur la beauté qu’il trouvait à la nature qui l’entourait, et au mépris qu’il possédait pour les hommes du village. Il pouvait parler pendant des heures du chant des rivières auprès desquelles il avait grandi, du murmure de chacune des pierres de ses terres, de la symphonie argentée du vent dans les branchages des arbres majestueux. Et la jeune fille l’écoutait avec adoration.
Les jours s’écoulèrent, les semaines, puis les mois. Kathia venait voir Wolfgan à l’orée de la forêt presque tous les soirs. Au fur et à mesure que l’automne progressait et que les arbres perdaient leurs vêtements d’or et de feu, le grand Loup des bois se surprit à éprouver quelques pincements réguliers lors des départs de la demoiselle. L’approche de l’hiver et l’allongement de la nuit raccourcissait cruellement le temps qu’elle pouvait lui accorder, et malgré les chauds habits qu’elle portait, Wolfgan ne pouvait s’empêcher de remarquer qu’elle tremblait déjà de froid au bout des premières minutes de discussion. Pourtant, jamais elle ne manqua un seul de leur rendez-vous. Il savait qu’elle était parfaitement attachée à lui, et que le moment idéal pour lui avouer la vérité arriverait très bientôt. Mais curieusement, cette nouvelle n’éveilla en lui aucun sentiment d’allégresse ou de délicieuse vengeance, seulement un goût amer et quelques peu déplaisant. Il se reprit en se secouant brusquement : il était le Maître absolu des bois, il savait ce qu’il voulait, il avait tout ce qu’il désirait ! Il n’allait pas laisser ses certitudes être remisent en cause pour si peu. Bientôt arriverait le printemps et la date fatidique : celle du sacrifice du mouton qu’il avait maintenant imposé depuis cinquante ans sur la bergerie.
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