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Emily Admin
Messages : 699 Date d'inscription : 11/07/2010 Age : 30
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 7 Déc - 21:13 | |
| - Ludmila et Friedrich, les origines:
Ludmila & Friedrich
SilverTown était calme en cette douce après midi de janvier. Le froid s’était bel et bien installé sur l’îlot tranquille, bordé par les flots de la Manche. Les oiseaux se faisaient rares, mais malgré cela, on pouvait toujours entendre le croassement des corbeaux volants au travers des manteaux du vent, sifflant sans cesse et secouant les arbres nus avec allégresse. L’un des sombres volatiles semblait fendre l’air avec plus d’agilité que ses compagnons et décida de se détacher du groupe l’instant de quelques cabrioles grisantes. L’oiseau piqua donc du nez sous le ciel d’un gris blanc aveuglant, remplit à craquer de neige qui menaçait de se déverser d’un instant à l’autre sur le village. Après quelques pirouettes aériennes impressionnantes, le corbeau se mit à voler de plus en plus bas, frôlant les toits de l’unique collège des environs. C’était l’heure de la fin des cours, et les abords de l’institut se mirent à devenir de plus en plus fréquentés, par les élèves qui se faisaient une joie de quitter leur salle de classe.
Un peu plus loin, deux petites têtes rousses avaient quitté l’agglutinement pour cheminer côte à côte en direction de leurs maisons respectives, que le corbeau se mit à suivre. Des éclats de rire s’échappaient de leur conversation. Une fille et un garçon. Ils devaient avoir 13 ans tout au plus. Friedrich, le jeune adolescent, avait une chevelure incandescente à peine croyable : ses mèches de cheveux étaient d’un rouge écarlate magnifique, à peine réel pour que l’on puisse croire cette couleur naturelle. De taille moyenne pour son âge, il pratiquait régulièrement course et sports de combat, ce qui le rendait plus fort que les garçon de sa classe. En plus de sa réputation de tempérament parfois violent, cela lui épargnait des confrontations ou les moqueries directes de ses camarades de classe. Ce qui n’était malheureusement pas le cas de Ludmila. Cette jeune fille frêle au regard grisâtre possédait également une chevelure de feu, d’un joli roux oscillant avec le blond sur de légères boucles. Elle avait une constitution maigrichonne et la peau d’une pâleur maladive. Sa faiblesse apparente en faisait une cible de choix pour devenir le souffre-douleur de toute sa classe, malgré son caractère souvent tempêtueux. Heureusement, dès le début de sa première année de labeur, Friedrich s’était interposé et l’avait prise sous son aile protectrice, réduisant drastiquement le nombre de douleurs imposées à la jeune adolescente. Depuis, les deux étaient devenus inséparables.
Tandis que l’oiseau couleur charbon voltigeait d’arbres en arbres, la conversation des deux enfants allait de bon train :
- Au fait, Friedrich, tu as pensé à la rédaction qu’il faudra rendre lundi, en français ? demandais Ludmila d’un ton espiègle.
- Bien sur ! Même si je n’ai aucune idée de ce que je ferai réellement comme métier plus tard, j’ai raconté que je serai un grand voleur ! Le plus grand de tout les temps, à vrai dire ! Répondit Friedrich, un sourire aux lèvres
Ludmila ouvrit des yeux grands comme des soucoupes, avant de donner une légère tape sur la nuque de son ami :
- Ca ne va pas ! Tu ne peux pas être voleur, voyons. C’est illégal !
- Et alors ? Ce n’est pas si grave ! A vrai dire, cet argument me donne encore plus envie de devenir le prince des cambrioleurs !
- Tu ne cambrioleras rien du tout ! Je t’aurai arrêté bien avant ! s’exclama la rouquine
- Toujours décidée à suivre les traces de ton père dans la police, on dirait, soupira le garçon, une pointe de déception dans sa voix.
Les deux adolescents emmitouflés dans leurs grands manteaux étaient arrivés devant une vaste étendue d’herbe brillante, givrée par le froid de l’hiver. Malgré le froid qui faisait rosir leurs nez et leurs joues, ils décidèrent de faire une pause dans leur chemin et de s’asseoir sur l’herbe, continuant leur discussion.
- Mais tu sais qu’il serait tellement fier de moi, je ne veux pas le décevoir ! Et puis, c’est quelque chose qui pourrait beaucoup me plaire, je pense.
- Je ne t’imagine pas travailler pour la police, Ludmila. Regarde tes bras et tes jambes. Tu es tellement faible que le premier bandit que tu affronteras te casseras en deux ! Ce serait dommage !
- Il n’y a pas que la force brute qui compte ! Et je ne veux pas être une inspectrice de police, mais plutôt… un genre de détective, tu vois où je veux en venir ? Traquer les méchants et les comprendre, pour mieux pouvoir les arrêter.
- Alors si moi je vole des bijoux de valeur à un riche avare pour te les offrir, tu me considèreras comme un méchant ?
A ces mots, Ludmila se mit à bafouiller
- Je… Non… Enfin, l’intention est jolie, mais… Mais c’est illégal ! Et puis de toute façon, tu ne seras pas voleur !
- Ahahah ! Je ne sais pas encore, disons que ce sera l’un de mes choix de secours, si jamais je rate mes études.
- Dans ce cas, il est hors de question que je te laisse te planter ! D’ailleurs, hop ! Rentrons vite, je te rappelle qu’il y a un contrôle d’histoire demain et il faut que tu ailles le réviser ! déclara la jeune fille en se relevant.
Et Friedrich la suivit, râlant un peu, mais heureux de voir son amie se préoccuper ainsi de lui. Il aimait beaucoup Ludmila et avait toujours craint que son affection soit à sens unique, mais fort heureusement, la jeune adolescente adorait tout autant passer du temps en sa compagnie. Il était son seul véritable ami, et même si elle fréquentait parfois d’autres groupes de personnes au collège, elle n’était jamais autant à l’aise et sereine que lorsqu’elle était en présence du garçon aux cheveux flamboyants. Alors qu’ils arrivèrent à un carrefour, le moment fut venu pour les deux amis de se séparer : Friedrich parti à droite vers les quartiers résidentiels proche du centre de l’île, tandis que Ludmila continua sa route vers la gauche, vers le port et les docks, suivie par le corbeau curieux.
La jeune adolescente arriva donc vers la plage, alors que le crépuscule l’accompagnait. Elle commença à longer le vieux port, un endroit à l’Ouest de l’île, déserté par les habitants en faveur du port neuf construit récemment à l’Est. C’était un lieu assez lugubre, envahi par les fantômes des bateaux et cadavres des anciens bâtiments, souvent en ruine et menaçant de s’effondrer d’un moment à un autre. Ludmila n’avait jamais craint cet endroit, qu’elle trouvait seulement calme et paisible. Alors qu’elle s’avançait entre les ruines, elle entendit des rires surgir derrière elle. Lorsque la jeune fille se retourna, elle n’aperçut personne. Elle continua donc son chemin, sur ses gardes. C’est alors qu’elle reçu un caillou derrière la tête et qu’elle entendit clairement qu’on l’apostrophait par « poil de carotte ».
Plus agacée par le manque d’originalité de ce terme plutôt que par la moquerie en elle-même, Ludmila fit volte-face et vit cette fois clairement ses ennemis. Il s’agissait d’une bande de cinq collégiens qui lui avait donné beaucoup de fil à retordre au cours des années précédentes, mais que Friedrich avait réussi à intimider. Hugo, Alice, Thibault, Damien et le leader de ce petit clan, Loïc. Enhardie avec les mois qu’elle avait passés en compagnie de son courageux ami, Ludmila osa soutenir leurs regards, là où auparavant elle aurait fuit à toutes jambes.
-Allez vous-en, fichez moi la paix, réussit-elle à articuler sans difficultés.
Ce fut au tour des adolescents agressifs d’être agacés, ayant du mal à supporter de ne plus apporter la peur, la colère ou la tristesse. Alice, la plus susceptible du groupe, attrapa un caillou et le lança, après avoir décocher une grimace moqueuse à la jeune rousse. Ludmila l’esquiva sans peine car elle était encore assez loin. Mal à l’aise, la jeune fille s’empressa néanmoins de faire demi tour tandis que des menaces inquiétantes commençaient à fuser derrière elle :
- Reste ici, sale sorcière ! Tu mérites la lapidation, pour être aussi laide !
- Et ben alors ? Il est où ton petit copain musclé ? Il t’a laissé tomber parce qu’il a bien compris que tu étais trop bête pour lui !
- Tu ne sers à rien ! Erreur de la nature, je suis sure que même ton père a honte de toi !
Sans même s’en rendre compte, Ludmila s’était mise à galoper pour essayer d’échapper à la marée de haine et de violence verbale qui s’abattait sur elle. « Ils mentent, ils mentent, ils mentent, ils ne savent rien, absolument rien de ce que je suis ou de ce que pense mes proches… » ressassait-elle sans cesse dans sa tête sous les croassement du corbeau qui l’accompagnait. Elle faisait des efforts surhumains pour ne pas lâcher une seule larme, elle ne gâcherait pas ces gouttes si précieuses pour cela.
C’est alors qu’une douleur vive la saisit à la jambe droite. Une pierre plus grosse que celles jetées auparavant venait de lui heurter le genou, la faisant trébucher et rouler sur le sol. Ses poursuivants la rattrapèrent rapidement. Après quelques coups assénés à la jeune fille à terre, ses poursuivants trouvèrent amusant de la traîner dans la carcasse du vieux phare, un endroit réputé pour être hanté par l’ancien gardien mort pendu dans son propre logement de fonction, dans lequel personne n’osait s’aventurer. Ludmila criait et se débattait, terrorisée par ce lieu qui semblait de plus en plus angoissant dans la nuit qui s’avançait à toute allure. Ils l’abandonnèrent donc là dans une pièce minuscule, réduite par l’effondrement des pierres avec le temps, et scellèrent l’entrée avec une large planche de bois, avant de s’enfuir en souhaitant à leur pauvre victime de passer une bonne nuit.
Au même moment, Friedrich s’apprêtait à rentrer chez lui lorsqu’un corbeau vint s’acharner à croasser à ses oreilles de manière répétée et intrigante.
D’abord terrorisée, Ludmila ne pu émettre le moindre son. Elle ne distinguait même plus ses mains tellement il faisait sombre, mais elle sentait les murs se refermer sur elle. Elle avait l’impression d’entendre en permanence les pas de l’ancien gardien dans l’escalier circulaire, et son souffle s’approcher d’elle. C’est à peine si elle osait respirer. N’en pouvant plus, elle se mit alors à hurler, à tambouriner sur la planche de bois ! « Que quelqu’un m’entende ! Sortez moi de là !!! » Espérait-elle de toutes ses forces. Et si jamais Loïc et sa bande décidaient de ne jamais revenir la sortir de là ? Qui pourrait la retrouver ? Son père avait beau être le chef de la police de l’île, arriverait-il à la sauver avant qu’elle ne meure de peur, de faim ou de froid ? Personne ne s’aventurait du côté du vieux phare… Et Friedrich ! Il s’inquièterait ! Il penserait qu’elle l’aurait abandonné… Elle hurla encore sans arrêt pendant une demie heure, puis se recroquevilla sur elle-même, et attendit…
Ludmila ignora combien de temps s’était écoulé lorsqu’elle entendit son nom être appelé. La première fois, elle se cru endormie, en train de rêver que l’on venait la secourir. Mais la seconde fois, elle fut certaine qu’on la cherchait ! Sans attendre, elle s’écria : « Je suis là !!! Je suis là !!». Des pas se rapprochèrent, ainsi qu’un faisceau lumineux, puis une voix plus distincte que la jeune fille connaissait bien :
- Ludmila !!!!
- Friedrich !!! Friedrich, je suis là ! Bon sang, comme je suis contente de t’entendre ! Je t’en supplie, sors moi de là !
Usant de sa grande force, l’adolescent réussi à déplacer la grande planche et accueillit dans ses bras son amie terrorisée. Après une longue étreinte, la jeune fille releva la tête en demandant :
- Oh, merci, merci… Comment m’as-tu retrouvée ?...
- Je poursuivais un corbeau, figure toi, et… Oh, je suis tombé sur les abrutis du collège, et je les ai entendu parler de t… Mais Ludmila ! Tes chev…
La jeune fille avait ouvert de grands yeux terrorisés, à la lueur de la lampe de poche, elle avait distinguée tant bien que mal des tâches rouges réparties sur les mains et le visage de Friedrich.
- Bon sang ! Mais tu es couvert de sang !! Qu’est ce qui s’est passé ?
- Loïc ne voulait pas me dire où tu étais, j’ai dû le faire parler.
- Tu as fait quoi ??...
Ludmila tremblait, à la fois inquiète et scandalisée par tant de brutalité de la part de son ami. Elle ne pensait pas qu’il serait capable de tant de violence, même pour la sauver. Tout ce sang la rendit de nouveau nerveuse. Les larmes s’écoulaient le long de ses joues creusées par l’anxiété.
- Ludmila, tes cheveux…
- Mais qu’est ce qu’ils ont mes cheveux, bordel ?? Demanda la jeune fille, à la limite de l’hystérie.
- Ils sont devenus blancs.
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Ven 16 Jan - 21:57 | |
| - Symphonie à la folie I:
Paris s’endormait lentement sous les bercements du crépuscule, le ciel écrasé par de lourds nuages rougeâtres. C’était l’heure où presque tous les employés avaient quitté leur bureau et peuplaient à présent bars et brasseries. Les corbeaux croassaient tandis que les voitures klaxonnaient, prises au piège dans les kilomètres d’embouteillages cernant la capitale. Dans l’une d’entre elle, une petite automobile bleue se fondant parfaitement dans la masse, se trouvait Ludmila et Sebastian.
Sebastian avait le même âge que son amie, à quelques mois près. Grand, plutôt musclé, le teint pâle et les cheveux blonds, il possédait également de grands yeux d’un bleu plus pur que le ciel, qu’il cachait parfois derrière une paire de lunettes lorsqu’il n’était pas sur le terrain. C’était un jeune homme de nature volontaire et déterminée, courageux et loyal. Un excellent policier, en somme ! Il refoulait néanmoins un tempérament violent et misanthrope, qu’il laissait s’exprimer lors des entraînement physique au centre d’entraînement. Ludmila avait trouvé en lui un binôme parfait ainsi qu’un ami remarquable dès qu’ils avaient dû coopérer pour la première fois lors d’une mission consistant à surveiller un criminel en liberté conditionnelle menaçant d’une récidive. Ils l’avaient arrêté quelques mois plus tard, l’empêchant ainsi de commettre de désastreux dégâts. Depuis ce jour, les deux jeunes agents s’arrangeaient presque toujours pour travailler ensemble, l’un accordant à l’autre une confiance irréprochable. C’était donc tout naturellement que Ludmila n’imaginait personne d’autre que Sebastian pour l’accompagner au cours de cette brumeuse affaire.
- Et moi je continue à penser que c’est une idée pourrie, grommela le jeune homme, les mains crispées sur le volant.
- Crois-moi, c’est parce que tu es relativement étranger au contexte initial de cette affaire. Après tout, c’est normal ! Tu sais, avec tout le respect et l’admiration que je te porte, même toi tu n’es pas capable de comprendre.
- Bien sur ! Personne ne peut saisir la subtilité des échanges avec ce pur psychopathe, à part bien entendu la grande Ludmila en personne. C’est parce que tu es sortie avec ce dégénéré que tu as obtenue ce genre de don ?
- Méfie toi de ce que tu dis ! J’ai assommé des gens avec des poêles à frire pour moins que ça.
- Essaye un peu, et je te défigure, c’est promis.
Ludmila sourit en silence. Elle aimait ce genre de discussion houleuse avec son ami, les trouvant vivifiantes, et le fait de lui parler évacuait le stresse qui augmentait petit à petit. La voiture prit un nouveau virage, s’engouffrant de plus en plus dans les rues de Paris trempées par la pluie.
- Mais tout de même, te donner un « rendez-vous », en plein cœur de la plus grande ville du pays… Il est au courant qu’il est l’ennemi public numéro 1 ?
- Oh oui, et il s’en délecte sans doute. Mais ne le sous-estime pas, s’il te plait. Il sait ce qu’il fait, il est intelligent.
- Et tu n’as pas peur ?
- Non.
Comme pour couper la conversation, la jeune inspectrice se tourna vers la fenêtre de la voiture et s’y accouda, soudainement intéressée par le paysage. Après quelques minutes de silence, alors que le véhicule longeait les abords de Notre-Dame, elle se décida à reprendre la discussion :
- Non, je ne le crains pas. Tu sais, nous nous connaissons depuis que nous sommes enfants. Nous avons été séparés quelques années lorsque j’ai dû venir ici faire mes études pour devenir inspectrice, mais je suis revenue à SilverTown aussitôt que mon diplôme me fut donné. Il était toujours là, et j’étais prête à l’aimer. Lui aussi. Nous avons donc vécue une année qui m’a semblée parfaite, nous nous sommes fiancé, et puis il est parti, en me laissant des cadavres sur les bras, de quoi m’occuper une vie entière. Mais aujourd’hui, il veut de nouveau me voir. Je savais bien que je lui manquerai. Et je suis même honorée qu’il promette de rendre l’une des plus précieuses pièce du patrimoine national en échange d’une simple entrevue officielle.
- En fait, je trouverai cela presque mignon, s’il n’y avait pas eu cette dramatique histoire de meurtres !
- Ne dis pas ça, je vais finir par croire que tu es encore plus barré que moi.
- Nous vivons dans un monde de fous, et tu es bien placée pour le savoir !
Les deux amis eurent chacun un rire, mais sans grande conviction. Une affaire délicate approchait, et chacun restait concentré sur les prévisions du déroulement des heures à venir. Sebastian respectait et vénérait le silence, il parlait très peu pour ne rien dire, mais les discussions qu’il entretenait avec Ludmila lui plaisaient, et ayant peur de gaspiller les derniers instants qu’il leur restait ensemble, le jeune homme reprit la parole :
- Le théâtre est à moins de cinq minutes maintenant. Et Miguel, toujours dans le Sud ?
- Toujours. Il n’est malheureusement pas encore très réceptif au climat, et je pense qu’il ne s’y fera jamais ! Les deux semaines de congés qu’il a reçu pour retourner dans sa région natale doivent lui faire un bien fou. Ainsi, il sera de bonne humeur, lorsqu’il rentrera !
- Il te fait confiance ?
- Bien entendu. Sinon, je ne serai pas ici.
- Fais attention, cela pourrait facilement devenir délicat pour toi, ‘Mila.
- Qu’est ce que tu veux dire ?
- Tu sais très bien ce que je veux dire. Je vois certaines choses, figure-toi.
- Ah oui ? Et bien moi aussi, je vois ces choses là. Tu veux que l’on parle de Flore ?
- Je n’ai rien à voir avec Flore !
- Ce ne sont pas ce que disent les regards que tu lui lances, tes sourires après vos discussions, et la douzaine de photos volées d’elle que tu caches jalousement dans ton téléphone…
La voiture freina d’un coup sec, faisant voler brusquement les cheveux couleur neige de Ludmila.
- Nous sommes arrivés ! Tu as bien tout le nécessaire ?
- J’ai le talkie-walkie, le micro, un taser et mon sourire irrésistible, déclara la jeune femme en décochant ce dernier.
- J’ai bien peur que ce ne soit pas suffisant. Tu prends ça, annonça le policier d’un ton sans appel, lui présentant un revolver.
- Voyons, Seb’, tu sais bien que jamais je ne m’en servirai, surtout pas dans ces conditions.
- Je ne te laisse pas le choix, tu n’y va pas sans. Je ne serai pas loin, ne t’inquiète pas. Et il y a un fourgon garé à quelques rues d’ici, avec un régiment prêt à intervenir en cas d’urgence.
- Je sais, je sais… Soupira Ludmila. Et bien, j’imagine que c’est le moment, je ne voudrais pas être en retard. A tout à l’heure ! Et tout se passera bien, c’est promis, ne t’en fais pas.
Sur ce, la jeune femme tourna les talons. Après l’avoir déposée, la voiture de Sebastian s’éloigna et disparu dans l’une des rues voisines. Elle était désormais seule, face à l’immense Opéra Garnier de Paris. « Excellent choix, je n’ai jamais douté de tes goûts ! », pensa-t-elle à voix haute.
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 17 Jan - 22:35 | |
| - Symphonie à la folie II:
Sans hésiter, Ludmila se dirigea vers l’entrée du palais. Oui, ce bâtiment était également définit comme un véritable palais, et elle y rentrerait par la grande porte. Cet endroit était grandiose, une pure merveille d’architecture pour un lieu destiné à accueillir le meilleur des arts visuels et auditifs. Rapide et habile, elle se faufilait aisément entre les visiteurs venus admirer l’endroit ou assister à la représentation de ce soir. Dès qu’il le fallait, elle dégainait son insigne d’agent de police, qui lui permettait de progresser sans encombre le long des couloirs de l’immense bâtiment. Au bout de quelques dizaine de mètres, la jeune femme arriva devant le grand escalier. Il se scindait en deux parties, triomphant, imposant, bercé par la lueur des majestueuses lampes présentes sur les côtés. Ludmila l’emprunta avec un respect infini pour chacune des marches de marbre sculptées avec soin. A partir de la moitié de l’escalier, la foule s’intensifiait, constituée des futurs spectateurs de l’opéra. Alors qu’elle continuait son ascension, l’agent écarta le col de son manteau sous lequel était dissimulé un minuscule micro-émetteur. Tout en marchant, elle saisit avec précaution l’engin sophistiqué et, discrètement, l’accrocha à l’anse du premier sac à main à sa portée, murmurant un fatal « désolé ».
Délestée de cet appareil qu’elle trouvait décidément encombrant, Ludmila continua son chemin. Après les principaux escaliers, elle emprunta différents couloir plus sobres, monta étages après étages. Une poignée de personnes seulement étaient au courant des évènements se déroulant ce soir. Dans son message, McWood avait exigé que l’opéra soit plein comme à son habitude, ou il n’apparaîtrait pas. Les policiers avaient donc prévenu le strict minimum des agents et membres du personnel pour éviter tout mouvement de panique, prenant néanmoins le risque de laisser un criminel gambader dans un endroit fréquenté pendant quelques instants. La jeune inspectrice avait dû plaider un long moment pour que ses supérieurs acceptent une telle idée. Le marché imposé par Friedrich était très simple : en échange d’une entrevue avec Ludmila, il accepterait de lui rendre la couronne du roi torturé Louis XV, dérobé quelques semaines plus tôt au sein même du musée du Louvres. L’espoir inespéré de retrouver si facilement un tel trésor avait aidé les plus hauts responsables du pays à se décider, d’où la présence de la demoiselle.
Arrivée au dernier étage, sous d’imposantes poutres, la jeune femme longea des couloirs où se trouvaient quelques ingénieurs et artisans trop occupés à s’assurer du bon fonctionnement du théâtre ce soir pour faire attention à elle. Une grande représentation de musique classique allait avoir lieu, et les plus grands morceaux classiques seraient joués sous ses pieds durant les prochaines heures, les créations de Schubert, Mendelssohn, Mozart et bien d’autres encore leur feraient honneur. Un endroit apaisant, pensait-elle pour se rassurer. Elle débarqua sous la coupole principale, parée de ses courbures de bronze usé, où de nombreux cordages et rouages tissaient une toile gigantesque. Sur le bord, un escalier en colimaçon montait jusqu’au toit, sur lequel se trouvait une autre coupole, plus petite. Une ancienne salle de répétition des petits rats, depuis laquelle on pouvait dominer tout Paris. Le point de rendez-vous de cette fameuse entrevue.
Ludmila jeta un coup d’œil à sa montre : elle indiquait précisément 20h57, l’heure fatidique était dans trois minutes. Sans s’attarder plus longtemps, elle emprunta ce dernier escalier, et arriva sur les toits de l’Opéra. La nuit était presque totale et le ciel dégagé. La Lune scintillait de son premier croissant mais les étoiles, quant à elles, demeuraient invisibles, éclipsées par les lumières artificielles de la capitale. La vue était vraiment imprenable : tous ces toits gris s’étendant à perte de vue, irréguliers, les tours symétriques de Notre-Dame, la Seine, et de l’autre côté, Montmartre et sa Basilique du Sacré Cœur ! C’était à couper le souffle ! Mais la jeune fille n’eut pas le temps de s’extasier plus, car déjà, l’heure sonnait, les carillons retentissaient. Sortant le talkie-walkie de sa poche, elle l’actionna avant de déclarer :
- Je suis arrivée au point de rendez-vous, il refusera de m’ouvrir si je ne coupe pas toute communication, je vais donc être injoignable. Si je rencontre le moindre problème je tire. Mais laisse-moi une heure, d’accord ? Si dans une heure je ne suis pas redescendue ou si je n’ai pas repris contact avec toi, je te laisse monter avec ton équipe.
Sans même attendre la réponse de Sebastian, Ludmila déposa l’objet sur le sol, près des escaliers. Elle inspira fortement et se dirigea vers la porte de la petite coupole et posa la main sur la poignée. Cette dernière semblait peser une tonne ! Néanmoins, elle l’actionna en tremblant et poussa le battant lorsque raisonna le neuvième coup de cloche.
Le parquet de la salle était vieux et grinçant, sur les murs circulaires décrépits, des barres d’appui pour les danseuses étaient encore présentes, mais leur état laissait à désirer. Des cartons pleins de babioles et d’anciens accessoires de ballet jonchaient la salle. Un grand miroir brisé se tenait au centre de la pièce. Quelques mètres plus bas, la représentation venait de débuter, et c’était la septième symphonie de Beethoven qui ouvrait le concert, après une salve d’applaudissements. Au son des instruments, Ludmila avança dans la salle, infiniment nerveuse. Soudain, une voix se fit entendre :
- J’ai pris le temps de me procurer le programme, tu sais qu’ils jouent une valse de Strauss, ce soir ?
- Si tu penses vraiment que je suis venue ici pour dans… Commença à répondre la jeune femme, avant d’être coupée.
En effet, Friedrich sorti de derrière le miroir où il attendait calmement, un sourire sur son visage. Il portait un pantalon noir, ainsi qu’une chemise rouge sang, parfaitement assortie à ses cheveux, ce qui le rendait plutôt élégant. Aucune arme dans ses mains, ni aucune intention de nuire, apparemment.
- Ne fais pas un pas de plus. Tu as un micro ?
- Non, je l’ai enlevé avant d’arriver. Mes coéquipiers doivent en être fous de rage d’ailleurs, mais je pensais que ce serait plus prudent.
- Pour toi ou pour moi ?
- A ton avis ?
Friedrich émit un claquement de langue, comme à chaque fois qu’il était contrarié. Ce n’était pas du jeu de répondre à une question par une autre question. Mais soit ! Son regard se posa à présent sur la ceinture de Ludmila, à laquelle étaient accrochées ses armes :
- Même si je sais que tu ne te serviras jamais de ces choses là – je me demande bien pourquoi tu as pris la peine de les emmener, d’ailleurs ! – je te demanderai de me faire l’honneur de les retirer et de les poser à terre. Nous ne sommes pas à l’abri d’un accident, surtout avec ta maladresse légendaire !
- J’ai changé, siffla la jeune femme en se délestant de son taser et du revolver, mais comment pourrais-tu le savoir, puisque tu as décidé de cesser de me fréquenter.
- Tu aurais fréquenté un criminel, sérieusement ? Je n’ai fait que prendre les devants, cette histoire était vouée à l’échec et tu le savais, déclara Friedrich avec un soupir avant d’ajouter, et tu auras pu faire un effort pour la tenue, je t’ai donné rendez-vous dans un opéra, tout de même !
- Je ne suis pas venue pour le spectacle, sinon je serai en bas, dans les loges, à profiter pleinement du concert.
Le jeune homme souri de manière espiègle : il se doutait que pour Ludmila, même les meilleurs concerts du monde ne pourraient égaler ce moment privilégié à tous les deux.
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 28 Mar - 18:46 | |
| - Symphonie à la folie III:
- As-tu ce pourquoi je suis venue, au moins ?
D’un air las, Friedrich sorti d’un carton posé non loin de lui la couronne, trésor inestimable du passé, ornée d’une multitude de joyaux resplendissants. Une valeur inestimable. Après l’avoir contemplée quelques secondes, le jeune homme s’avança vers le miroir brisé qui reflétait son image multipliée. D’un geste impérial, il plaça l’objet sacré sur son crâne :
- Je suis tel Louis XV. Descendant légitime d’un dieu qui n’existe pas, aimé du peuple que je protège jusqu’à mes choix de liaisons jugées impardonnables, que j’ai moi-même toujours regretté, mais dont je ne pourrais jamais me passer. Tout comme moi, tu es légitime de la porter, je crois ! Conclu-t-il en lançant d’un geste désinvolte la relique vieille de plusieurs siècles à Ludmila.
- Non, je ne ferai pas cela, assura la jeune femme en rattrapant la couronne de justesse. Je ne le peux pas, ce n’est pas mon rôle. Ni mes plus fortes convictions. Friederich, ça suffit maintenant, tu dois te rendre aux autorités.
- Tu veux m’arrêter ?
- Non, je suis venue te donner un conseil. Sois tu choisis de disparaître, tu te fais oublier et tu conserves ta liberté… Sois tu te livres à la police si tu ne te pense pas capable de cesser toutes ces mascarades.
- Et si je ne veux ni l’un, ni l’autre ?
- Friedrich, je te laisse un choix simple.
- Tu parles d’un choix ! Ce n’en est pas un. Tu m’invites juste à me rendre calmement vers un avenir plus que sombre, et sous quel prétextes, hein ? La justice ? La moralité ?...
- Je ne veux plus que tu instaure le chaos et que tu mettes des vies en danger ! Ce que tu fais est grave ! C’est mal, et tu le sais !
Friedrich renversa sa tête en arrière et éclata d’un rire magistral et nerveux qui dura de longs instants, alors que commençait une célèbre musique de Prokofiev. Lorsqu’il s’arrêta, l’éclat dans ses yeux avait changé, et n’était devenu que plus déterminé, même menaçant. Sur la défensive, l’inspectrice attrapa un morceau de barre de fer qui trainait par terre, au milieu du capharnaüm, et se mit en garde, comme armée d’un sabre. Le jeune homme considéra ce geste avec un nouveau sourire.
- Ludmila, c’est vraiment toi qui me dis cela ?... Tu oses tenir ce discours alors que tu en brave toutes les belles convictions. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ta tête !! Tu dis vouloir m’arrêter d’une manière ou d’une autre, mais tout dans ton comportement prouve l’exact contraire ! Tu avais mille moyens de me capturer en arrivant ici, et tu les as exclus, les uns après les autres. Non, tu ne crains pas pour la justice, et encore moins pour la sécurité de ce monde. Non, à vrai dire, ta seule crainte… C’est de me voir derrière des barreaux.
Dans un cri de rage, Ludmila se jeta sur Friedrich. Ce dernier l’attendait, et dégaina rapidement son propre sabre afin de parer les premiers coups. Le fer et l’acier s’entrechoquèrent brutalement, formant une danse improbable et gracieuse sur la musique qui raisonnait sous leurs pieds. Les mèches blanches de la jeune fille tournoyaient avec violence tandis que son adversaire ne se contentait que de bloquer les attaques avec un semblant de facilité.
- Très bien ! Excellent, même ! Lançait Ludmila, des éclats de rire frénétiques dans la voix, Admettons que tu ais raison, parfaitement raison ! Que veux-tu entendre d’autre ? Que je suis prête à te suivre dans cette voie-ci, peut-être ?
- Avoue juste que tu continues à être folle de moi !
Ludmila envoya un coup terriblement brutal, que le jeune homme évita au dernier moment en se baissant. La barre de fer vint percuter le miroir brisé, le réduisant le verre en miette pour de bon.
- Tu m’as abandonnée ! Tu es parti du jour au lendemain, sans prévenir ! Je ne comprends toujours pas comment tu as pu me faire cela, traître !! Et après ton départ, mon nom a été traîné dans la boue ! J’ai été accusée de tous les maux et j’ai failli être renvoyée de la police ! Tu m’as rendu folle… Folle de rage !
Friedrich recula et observa les résidus du miroir étalés sur le sol avec une légère satisfaction dans le regard.
- Tu sembles avoir gagné en force… Voilà qui est intéressant.
- Je me suis entraînée jours et nuits, espérant des occasions comme celle-ci pour pouvoir enfin te donner une bonne raclée bien méritée, avant d’éventuellement envisager de te pardonner et t’apprécier de nouveau !
Et la jeune femme se jeta de nouveau sur son adversaire dans un tourbillon de violence, comme pour ponctuer ses mots. Le bruit des deux armes s’entrechoquant était éclatant et produisait un flot d’étincelles à chaque coup.
- Ah ! Mais si tu veux réussir à me battre un jour, il faudrait que tu apprennes d’abord à ne plus retenir tes coups ! Rétorqua Friederich.
Et il conclut sa phrase par un coup de poing qui frappa Ludmila au visage, l’envoyant se réceptionner dans un tas de cartons à l’autre bout de la pièce, dans un grand bruit de fracas. Le calme revint quelques instants, et la mélodie émanant du concert plus bas redevint audible. L’orchestre en était à présent au premier mouvement de la Sonate au Clair de Lune, et dans la plus haute salle de l’Opéra Garnier, plus personne ne bougeait. Néanmoins, un groupe de policiers sortirent de leur véhicule et commencèrent à courir en direction de l’entrée du théâtre. Perplexe, Friederich était resté debout et silencieux, observant son ancienne compagne qui ne bougeait plus, perdue entre les malles remplies d’anciennes robes et autres costumes de petits rats. Secouant la tête, il soupira :
- J’espérais bien mieux que cela, à vrai dire…
C’est alors que Ludmila se releva d’un bon, les yeux habités d’une lueur de furie, proche de l’hystérie, le sang coulant depuis ses lèvres blessées. Ses mèches blanches couvraient son regard empreint de folie passionnée. Dans un grognement, elle se jeta sur le jeune homme aux cheveux flamboyants, ignorant son arme, et lui rendit le coup qu’il lui avait précédemment assené.
- Je ne suis plus faible, alors ne fais pas l’erreur de me sous-estimer !! Tu veux qu’on s’amuse ?! Allons-y !
Récupérant son arme de fortune, elle s’acharna sur son adversaire avec hargne, mais Friederich parait tous ses coups. Ils semblaient tous les deux être à puissance égale.
- D’ailleurs, je dois te remercier ! Si je suis devenue aussi forte, c’est surtout grâce à toi et à tout ce que tu m’as fait subir !!
- Dans ce cas-là, c’est parfait ! Cela prouve que j’ai effectué un travail remarquable ! Tu es bien telle que je t’avais imaginée !
Ces phrases sonnèrent de manière assez insupportable aux oreilles de Ludmila et augmentèrent sa rage. D’un remarquable coup de pied dans les côtes, elle envoya le criminel heurter le mur le plus proche dans un grondement impressionnant. Elle était presque certaine que le lustre de la salle d’opéra avait dû en trembler. Satisfaite, Elle s’approcha de Friederich, étendu par terre, à moitié sonné, qui souriait de toutes ses dents.
- Navrée de te décevoir, mais la partie est finie. Et j’ai gagné, car c’est moi qui suis encore debout.
- Ne parle pas trop vite, ma chère.
Toujours souriant, il avait attrapé son sabre tombé à côté de lui et, d’un mouvement plus rapide qu’un battement d’aile, entailla profondément la jambe droite de Ludmila. Hurlant de douleur, la jeune femme tomba par terre, jurant et maudissant de tous les noms. Friederich s’approcha d’elle, mais de nouveaux bruits se firent entendre : ils venaient de dehors, sur le toit.
- Oh, ce sont tes camarades flics qui arrivent ! Je ferai bien de ne pas m’éterniser ici. J’espère que tu me pardonneras ce départ précipité !
Alors qu’il se dirigeait vers la fenêtre, son ultime échappatoire, la jeune inspectrice tendit le bras dans un pénible effort, et attrapa son revolver qu’elle avait posé à terre plus tôt.
- Non ! Je t’interdis de me laisser une nouvelle fois ! Reste ici, ne pars pas ! Soufflait-elle en le visant, les yeux plein de larmes.
Friederich sembla hésiter un instant, mais les policiers dehors commencèrent à donner leurs premiers coups dans la porte. Il fit donc volteface, ouvrit la fenêtre, et déclara avant s’y engouffrer :
- Vas-y, tire, si tu en es capable.
Tremblante, et le doigt sur la détente, Ludmila garda l’arme braquée sur le jeune homme quelques instant avant de finalement la retourner vers le ciel, vidant tout le contenu de son chargeur dans le plafond en hurlant et pleurant.
- Symphonie à la folie IV:
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, le criminel avait disparu et les policiers venaient de faire irruption dans la pièce. La première chose qu’elle aperçut fut le visage furieux de Sebastian, rivé sur elle. D’un geste violent, il attrapa l’arme qu’elle tenait et la jeta au loin, avant de lui saisir le bras, la soulevant vers lui :
- MAIS QU’EST-CE QUI T’ES PASSÉ PAR LA TÊTE, LUDMILA CERA FOCE ?!!
- Ne me hurle pas dessus, répliqua la jeune femme en question, ce n’est en aucun cas comme ça que tu auras des réponses ! Et bon sang, lâche-moi !!...
Sans faire attention au sang qui coulait de la jambe de son amie et qui se répandait sur le sol, le policier aux cheveux blonds essaya de reprendre son calme et continua :
- Tu sais combien de temps il m’a fallu pour me rendre compte que tu te foutais de ma gueule, hein ? Comment as-tu pu me prendre pour un abrutit à ce point ?! Je te donne un micro, un flingue et ma confiance, et toi, tu fous tout en l’air !! Quand le directeur sera au courant de tout ça… Comment tu penses pouvoir t’en sortir, cette fois ??
- J'ai la couronne.
Tout en désignant le tas de cartons sur lesquels était posée la précieuse relique, Ludmila essayait vainement de se dégager de l’étreinte de son collègue, oubliant presque sa jambe blessée.Les deux autres policiers s’emparèrent précieusement de l’objet sacré, avant de sortir sur le toit à la recherche de McWood. Sebastian lui, restait furieux.
- La couronne n’était qu’un prétexte. Le véritable but de cette opération était de coincer ce criminel ! Je te faisais confiance, je pensais que tu allais coopérer, pas que tu le laisserais fuir. C’est d’ailleurs grâce à cela que j’avais réussi à convaincre le grand chef de te laisser y aller !
Ce fut au tour de Ludmila d’entrer dans une violente colère :
- Vous vouliez piéger Friederich et vous ne m’avez rien dis ?! Comme oses-tu me parler de confiance après cela !
- ‘Mila, il était évident que tu n’étais pas prête à nous aider de ton plein gré sur cette affaire. Mais je ne pensais pas que tu irais si loin ! Et si tu n’es pas avec nous, c’est que tu es avec lui.
- C-comment peux-tu dire cela… balbutia la jeune femme, Tu n’as pas le droit d’être aussi absolu.
- Je ne parle pas de mon jugement, mais de celui de tes supérieurs, ou même des autres gens en général, des civils que tu es sensée protéger ! Comment vont-ils réagir s’ils apprennent que pour la troisième fois consécutive, McWood t’a filé entre les doigts ? Tu crois vraiment qu’ils ne te considèrent plus comme la fiancée du démon ? Réveille-toi, si tu continues ainsi, ta carrière est finie.
Ludmila senti des larmes perler aux coins de ses yeux et Sebastian la releva. Elle ne put retenir une plainte lorsque sa jambe droite se redressa, mais son camarade n’y fit pas attention et l’entraina vers la sortie. Boitant, elle implora son ami de ne pas la forcer à marche si vite. Il rétorqua sèchement :
- Je t’interdis de te plaindre, après ce qu’il vient de se passer. Ce qu’il t’est arrivé, tu l’as cherché. Alors maintenant, tu assume les conséquences de tes conneries, et en silence. Et s’il t’a blessé aussi facilement, c’est que ton entrainement et ta capacité au combat sont encore loin d’être satisfaisants.
Ces paroles étaient au moins aussi douloureuses que la blessure par arme blanche qu’elle avait reçue quelques minutes plus tôt. Son binôme pouvait parfois se révéler d’une froide cruauté qui irritait la jeune femme, mais elle savait pertinemment qu’en agissant ainsi, il lui rendait service. Les douces paroles ne sont pas celles qui forgent le plus le caractère et l’esprit. Serrant les dents, elle commença alors le long chemin pour quitter l’Opéra, théâtre de ce début de soirée mouvementé.
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 28 Juin - 19:07 | |
| - Les prairies Maudites - Sofie Jusell:
Résumé de Kathia & Wolfgang (II) - qui paraîtra peut être un jour!
Kathia amena le mouton qui devait être sacrifié à Wolfgang, mais celui-ci le refusa. A la place, il se révéla. Les deux jeunes gens s’aimèrent autant qu’ils se haïrent, sans pour autant cesser de se fréquenter. Leur liaison demeurait secrète mais passionnée. Or, un jour, Wolfgang disparut. Kathia souffrit de son absence avant de découvrir qu’elle était enceinte. Elle hésita longuement entre rejeter l’enfant, qui ne serait qu’une source de problème, ou le conserver. Elle opta pour la seconde option, afin de garder à jamais un souvenir de l’amour de sa vie.
Une petite fille naquit donc un soir de Novembre dans le plus grand scandale. Tout le monde ignorait qui pouvait être le père, et l’enfant était le portrait craché de sa mère. A un détail près. Ses pupilles étaient d’un rouge sang.
Sofie était le genre d’enfant ayant compris rapidement qu’elle ne s’adapterait jamais à l’univers qui l’entourait. Pour trouver un épanouissement complet, c’était l’univers qui devrait s’adapter à elle. Excellent dès le plus jeune âge dans les activités créatives, elle se révéla un talent naturel pour le dessin. Elle se moquait bien d’avoir des amis et passait ses journées entières à griffonner sur le papier, s’inventant des mondes et des amis imaginaires. C’était une gamine plutôt loufoque, avec un gout prononcé pour la bagarre, prenant l’habitude de se battre avec tous ceux qui osaient la regarder comme s’ils la rabaissaient. Elle prenait un malin plaisir à cogner et à emporter la victoire sur des adversaires des fois beaucoup plus grands qu’elle. Souvent vêtue de bleu pale, elle tressait ses cheveux roux en une seule et longue natte, prenant soin de laisser dépasser quelques mèches. Elle était obsédée par les oreilles, les siennes comme celles des autres.
Durant son adolescence, Sofie commença à recevoir des visions, perçues comme des hallucinations. Il s’agissait là d’un sombre héritage, témoignage de ses origines qu’elle ignorait encore. Dans ces apparitions, elle voyait un jeune homme, encore et toujours le même. Ayant souffert de l’absence d’un père, elle avait pris l’habitude de mépriser les hommes et pensait pouvoir se passer totalement d’eux. Mais celui-ci l’intriguait terriblement. Elle brûlait de le connaître mieux, de le rencontrer, mais tout ce qu’elle possédait, ce n’était qu’une image hantant son esprits dès que ses yeux se fermaient. Les mois passèrent, et elle devint de plus en plus imprévisible et dérangée, les gens du village la considéraient comme détraquée. De toute façon, ces pauvres hères avaient pris l’habitude de cracher sur toutes les filles de la bergerie, qu’ils considéraient maudites et démoniaques. Sofie n’était que le résultat de générations passées à côtoyer le démon.
Quand elle n’écumait pas les rues en quête de bagarres qu’elle pourrait semer, elle passait son temps enfermée dans sa chambre à peindre. Et ses peintures représentaient toujours la même chose : l’homme de ses rêves. Elle le dessinait avec de plus en plus de précision, le nez presque collé à sa feuille, respirant les essences colorées, les laissant envahir ses poumons et se mêler à son organisme. Son esprit s’embrumait à la térébenthine, et l’inhalation régulière des peintures achevait de la faire sombrer dans une folie de plus en plus colorée.
Vers ses seize hivers, elle commença à se prendre de passion pour les armes, surtout les plus explosives. Elle adulait les détonations, le bruit de la détente d’un fusil, la fumée qui dansait après la libération d’une balle. Elle s’entraina régulièrement. Dès qu’elle détruisait parfaitement une série de cibles, on pouvait la voir ranger son arme, se lever, et se mettre à danser comme si elle était accompagnée d’un cavalier imaginaire. Mais si on arrivait voir à travers ses yeux, on constatait qu’elle n’était pas seule, son mystérieux ami voltigeait également sur les débris de son carnage, la faisant tournoyer dans une valse violente et folle. En plus de son caractère, son apparence dénotait de plus en plus avec celui des filles de son âge. En effet, alors que les adolescentes de son entourage commençaient à se voire parer des attributs féminins voluptueux, Sofie conservait une apparence très juvénile. Maigrelette et plate, ses bras et ses jambes fins comme des bâtons étaient néanmoins dotés d’une agilité fascinante. Sa longue tresse rousse flamboyait, en accord avec ses yeux d’un rouge sanguin et son sourire carnassier. Elle portait à ses bras des mitaines de cuir noir et des bottes bardées de sangles et de ferrailles ornaient ses jambes.
Elle abandonna l’école, sachant que cette institution ne lui apporterait rien de nécessaire pour son avenir. Au grand désespoir de sa famille, Sofie passait son temps libre à errer dans les champs, s’entraînant à manier les armes, et au village où, toujours en solitaire, elle se frottait à quiconque la cherchait. Le soir, elle restait jusque tard à la taverne, où elle goûtait aux meilleures bières et aux meilleures préparations du chef Boris. Ce dernier appréciait la présence de l’adolescente dans son établissement, car elle cognait sans difficulté les racailles et assurait une protection au restaurant. En échange de ses services, le tenancier la laissait boire et manger à l’œil ce qu’elle désirait. Et ironie du sort, Sofie n’appréciait rien de plus que le goût des côtes d’agneaux.
Sa relation avec sa famille était devenue catastrophique. Elle n’adressait plus la parole à ses oncles et ses tantes depuis des années, et quant à sa mère, elle se murait dans un silence profond en voyant sa fille grandir. Sofie quittait la bergerie aux aurores et n’y rentrait que pour s’enfermer dans sa chambre, couverte de peintures de son mystérieux ami sous lesquelles elle pouvait s’endormir sereinement, le sourire aux lèvres et ses armes dans les bras, telles des peluches. Elle avait barricadé ses fenêtres et ajouté un verrou à sa porte pour pouvoir vivre dans l’obscurité et la solitude la plus complète. Elle n’avait pas besoin de contacts extérieurs, elle avait appris à faire sans. Ses pistolets étaient ses plus fidèles compagnons, et son meilleur ami, son confident ultime avec qui elle pouvait discuter des nuits entières demeurait cet homme dont elle ne connaissait que le visage. Elle savait qu’un lien spécial les unissait, ils avaient les mêmes goûts du carnage et de la démesure.
Un soir, en rentrant au domaine familial, Sofie trouva la porte de sa chambre entre-ouverte. Scandalisée et furieuse, elle entra en trombe, pointant son arme favorite sur l’intru. Elle fut légèrement déstabilisée lorsqu’elle remarqua qu’il s’agissait de sa mère, la douce Kathia, larmoyante et les bras chargés des dessins de sa fille.
- Oh, ma chérie… Je… Où as-tu connu cet homme ?...
- Je ne l’ai jamais rencontré, répondit Sofie en souriant et rangeant son arme. C’est mon ami imaginaire ! Le seul qui me comprend et qui m’aime !! Maintenant, Maman chérie d’amour, fais-moi plaisir, repose mes jolis dessins et laisse-moi en paix !
- Sofie... Il s’agit de ton père.
La jeune fille éclata soudainement d’un rire démentiel. Elle n’avait pas de père et n’en avait jamais eu. Elle maudissait celui qui s’était enfuit, la faisant bâtarde, refusant de la prendre sous son aile. Jamais elle n’aurait voulu en entendre parler, et maintenant elle apprenait que celui qui accompagnait chacun de ses instants était la représentation de son ennemi juré. Les portraits qu’elle peignait depuis le début étaient bien ceux de Wolfgang. Alors que la lumière d’une démence encore plus destructrice s’alluma dans ses yeux, elle arracha des mains de sa mère toutes ses peintures et s’enfuit. Ce fut la dernière fois qu’on l’aperçut à la bergerie.
Elle courrait droit vers le village, lançant ses dessins dans les airs et perçant les feuilles d’une balle avant qu’elle ne retombe sur le sol. Elle visait les yeux, la bouche, la gorge de cette apparition maudite tout en ricanant. Elle trouvait dans son destin une sorte de fatalité qui la rendait joyeuse malgré tout ! Lorsqu’elle arriva au village, il était déjà tard, et tous ses dessins étaient partis en fumée. C’est alors qu’à un coin de rue elle aperçue une nouvelle fois son ancien ami. Avide de vengeance et de jeu sanglant, elle visa et tira entre ses deux yeux. L’homme s’effondra et Sofie éprouva une certaine satisfaction : c’était la première fois que ses armes servaient véritablement à quelque chose. Mais un cri retenti à sa gauche. Un nouveau Wolfgang ! Sans lui laisser le temps de plus avancer, elle dégaina à nouveau et visa la bouche. Il ne la laisserait donc jamais en paix ? Les cris se firent de plus en plus nombreux et ses visions accoururent de partout. Un pistolet dans chaque main, Sofie mitraillait sa hantise, faisant mouche à chaque coup. Elle combattait partout, si bien dans les ruelles que sur les toits. Elle testa ses grenades, son immense fusil et ses couteaux sur la chair de son rêve devenu cauchemar. Lorsque le dernier tomba au petit matin, elle se sentie mieux que jamais. Attrapant le visage agonisant de son père entre les mains, elle eut un petit sourire et l’embrassa sur le front et dessina une rose sur le sol avec tout le sang qui avait coulé.
Sofie quitta alors son village natal couverte de sang, laissant derrière elle la plus grande hécatombe d’innocents que la région n’ait jamais connu.
Et à l’abri des arbres de l’immense forêt de la montagne, le Loup achevait la contemplation de la folie insidieuse qu’il avait déclenchée en décidant d’apparaître un après-midi à une bergère bornée, sans savoir que c’était cette même folie qui causera sa perte.
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 19 Juil - 18:41 | |
| - Ludmila - L'Entraînement:
Ludmila se rendit à la salle d’entraînement pour la première fois environ dix-huit mois après l’affaire McWood. Après un an passé à la clinique à recoudre grossièrement les troubles qu’avaient engendrés cette affaire, on l’avait laissée reprendre sa place de détective de police, à condition qu’elle soit correctement encadrée. Ayant une confiance parfaite en Sebastian, c’était lui qu’elle avait désigné pour veiller sur elle. Ils avaient donc recommencé à collaborer, mais après une intervention qui avait mal tourné, où Ludmila s’était retrouvé en fâcheuse posture et avait failli y rester, le jeune homme n’avait pas supporté de voir son amie aussi impuissante et s’était juré de l’entraîner, pour qu’un tel scénario ne se reproduise jamais.
Ludmila s’était donc décidée à apprendre à se battre. Lorsqu’elle avait mis un pied dans la salle d’entraînement, elle ne s’y était immédiatement pas sentie à sa place. C’était une fille frêle, à la limite de la maigreur, sans aucun atout physique particulier. Si elle savait s’amuser et danser avec un katana, cela restait très amateur et la jeune femme avait toujours compté davantage sur son intelligence que sur sa force pour se tirer de situation délicate.
Sebastian était une force brute, et lors d’un combat, il avait tendance à s’enflammer beaucoup trop vite. Il manquait de maîtrise, ce qui le rendait puissant mais aussi plus maladroit. Il demeurait néanmoins redoutable. Ravi que sa binôme ait accepté de s’entraîner, il l’avait conduite tout sourire devant le punching-ball, l’invitant courtoisement à lui asséner le premier coup. La jeune fille regarda sa cible septique, sans pour autant se lancer.
- Et bien, tu te décides ? S’impatientait Sebastian
- Et si je n’avais pas envie de me battre finalement ? C’est vrai, cogner, frapper, ce n’est pas quelque chose de très recommandable, surtout pour quelqu’un comme moi. Il me semble plus sage d’apprendre à éviter les combats, de ne pas céder à la brutalité et…
- Tu sais ce que tu es, Ludmila ? Tu es une bombe à retardement. Une foutue bombe chargée, à la limite du débordement. Et si tu te contiens trop longtemps, tu vas exploser. Et ce ne sont pas les autres que tu détruiras, mais toi-même. Tu es particulièrement instable ces derniers temps, c’est un miracle tu sois sortie aussi rapidement de la clinique, je n’ai pas envie de te voir y retourner. Alors fais-moi plaisir, tape dans ce coussin. Fais-le au moins pour te défouler si apprendre à te défendre t’indiffère tant que cela.
A ces mots, les yeux de la jeune fille s’écarquillèrent et sa bouche s’entre-ouvrit. Elle s’apprêtait à répliquer, les sourcils froncés, lorsqu’elle se ravisa. Levant légèrement la main, elle souffla un « D’accord » presque inaudible qui s’acheva en sourire à la fois adorable et effrayant. Elle fixa le punching-ball, prépara ses poings, et frappa de toutes ses forces.
Il s’avéra que le jeune homme avait vu juste. Ludmila se révéla d’un tempérament particulièrement violent et destructeur. C’était la première fois qu’elle avait véritablement l’occasion d’exprimer sa colère en toute légitimité. Les douleurs d’enfances, d’adolescences et même les plus récentes remontaient jusque dans ses poings, cognant avec hargne le bois, les mannequins d’entraînement, et parfois même la chair. Même le sang ruisselant sur ses phalanges n’entamait pas la détermination nouvelle installée dans ses yeux. Elle trouvait dans les combats une sorte de thérapie, de défouloir immense et nécessaire dont elle ne pouvait plus se passer. L’intensité de sa violence et sa rage dans cette salle n’avait d’égal que sa douceur et sa délicatesse qu’elle retrouvait dès qu’elle la quittait. S’en était même déstabilisant pour ses collègues, qui depuis quelques temps découvraient la jeune femme sous de si différentes facettes.
Mais même si elle progressait assez rapidement au fil des mois, elle restait d’un niveau bien inférieur à celui de ses adversaires, déjà bien entrainés depuis des années. De ce fait, elle enchaînait régulièrement les échecs, obstacles et difficultés. Et Sebastian ne l’épargnait pas. Régulièrement, elle décidait de se confronter à son ami, qui la maîtrisait et l’envoyait à terre avec une facilité déconcertante, ne la laissant à peine l’effleurer. Lorsqu’elle montrait les premiers signes de fatigue et de découragement, il lui demandait :
- Alors, tu abandonnes ?
- Tu ne veux pas me ménager de temps en temps ?
- Tu as vraiment besoin d’être ménagée ? Ne me fais pas croire que tu es faible.
Ces phrases piquaient généralement Ludmila dans son égo sensible et lui administraient une nouvelle dose d’énergie et de furie.
Au bout de six mois d’entrainement, elle lui assena son premier coup. Et elle savait que ce n’était pas du genre de Sebastian de feindre la faiblesse pour la laisser gagner. Jamais. C’était une victoire totale. Pourtant, lorsque son poing s’était écrasé contre la mâchoire de son adversaire, elle n’avait ressenti que peine et désolation. Elle s’était immédiatement précipitée sur le jeune homme pour s’excuser, qui lui avait retourné une droite mesurée en déclarant, hilare :
- Ahaha ! Sacrée ‘Mila ! Tu comptes vraiment t’excuser pour chaque coup que tu donneras ? Tu voudras aussi demander pardon aux meurtriers lorsque tu leur passeras les menottes ?
- Non ! S’exclama-t-elle en se massant la joue, mais avec toi c’est différent, je ne veux pas te faire mal.
- Mais ce n’est pas moi que tu frappes, déclara Sebastian en rigolant de plus belle, non, là, je suis ton adversaire. Fais-moi plaisir, lorsque nous sommes face à face, oublie celui que je suis, sinon tu ne te donneras jamais à fond. Et si cela peut te rassurer, ton coup m’a fait autant d’effet qu’une piqûre de moustique !
Et Ludmila continuait, s’acharnant encore et encore. La rapidité de son apprentissage ainsi que la technique qu’elle développait lui valut de nombreux compliments qui la flattaient. Mais elle ne profitait jamais de ces éloges bien longtemps, car Sebastian était constamment aux aguets concernant la progression de son « élève ». Selon lui, les éloges n’étaient guère propices à la réussite, et il n’existait pas de mots plus dangereux que « Bon Travail ».
- Si un jour je te surprends à te vanter ou à paresser en arrêtant de faire des efforts pour progresser, je te briserai en deux, menaçait-il d’une façon à la fois bienveillante et féroce.
Dans le courant de l’hiver qui suivit, Sebastian et Ludmila virent leur binôme séparé, le jeune homme ayant été affecté dans le département maritime de la police de l’île. Cette promotion avait attristé les deux amis, mais la jeune fille avait insisté pour que son collègue l’accepte, refusant de son côté avoir à choisir un nouveau binôme. Malgré leur postes séparés, ils purent tout de même continuer à se combattre plusieurs jours par semaine.
Et l’entraînement devenait de plus en plus difficile et Sebastian impitoyable. Ses nouveaux coéquipiers ne le satisfaisaient guère et n’étaient à ses yeux qu’une brochette de bons à rien, tire-au-flanc et partisans du moindre effort, ce qui avait pour effet de l’énerver prodigieusement. L’un des nombreux défauts du jeune homme étant la colère et la mauvaise humeur facile, il laissait Ludmila subir ses humeurs tempétueuses lorsqu’ils se battaient. Mais la douce jeune fille savait comment calmer son ami. Après l’entraînement, elle l’emmenait sur les collines, bercées en permanence par le vent venu du Nord. Là, ils s’asseyaient et étaient tous les deux capables de refaire le monde durant des heures. Cette complicité fusionnelle n’en demeurait pas moins fraternelle, mais cette capacité qu’ils avaient à se comprendre mutuellement en surprenait plus d’un. Même Miguel, le compagnon de Ludmila, ne cernait pas aussi parfaitement certains aspects de la personnalité de la jeune inspectrice. Le jeune policier était également la seule personne à qui elle acceptait de parler calmement de Friedrich, même s’il s’autorisait parfois à la juger sévèrement à ce sujet.
Grâce à Sebastian, Ludmila devint donc au fil des années une redoutable combattante, maîtrisant ses adversaires avec de plus en plus de facilité et d’efficacité. Elle devint également une véritable artiste du katana, devenue sa véritable arme de prédilection. Ses capacités cérébrales avaient également grandi, grâce aux nombreux cas qu’elle avait résolu sur l’Île d’Argent et quelques mois plus tard, ce fut la police française elle-même qui proposa Ludmila de venir travailler à Paris. « Là où elle ne pourrait plus jamais s’ennuyer », lui avaient-ils promis.
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 2 Aoû - 20:27 | |
| - Sofie/J.I. partie I:
La ville, c’est cool.
Bien plus cool que la campagne, en tout cas ! Comment ai-je pu vivre loin de toutes ces montagnes de bâtiments, de ces constructions malades, boursouflées, pleines de vitres à exploser et de poutres à briser ?! La ville, c’est aussi tous ces habitants, ces petites fourmis bien rangées qui courent partout, comme des sardines suffoquant hors de l’eau. Et parmi eux, il y à la plus grosse, le Roi des Sardines en personne : J.I.
Perchée sur le toit d’une maison à plein d’étages, je m’amuse à hurler :
Jeeeeeeeeeeheeeeeeeeeeee !!!
Un 10, un 9. Indice, un œuf ? Non, ce n’est définitivement pas mon genre. Ahahahahaaaaa ! J.I., personne ne sais vraiment qui c'est, même moi ! Et pourtant j’en connais, des choses ! Mais allez savoir, J.I. n’aime pas montrer son vrai visage, voilà pourquoi il doit vraiment être affreux. Un monstre, une loque. Ou alors il est trop beau pour être vrai. Tout ce que j’affirme, c’est que je suis mieux que lui. Et que je vais lui rendre une petite visite ce soir.
Sautant de bicoques en bicoques, car c’est très agréable de se déplacer ainsi, je fais des bonds de plus en plus improbables, me rapprochant de plus en plus près de la plus grande de toute les baraques de la cité : Le Palais des chapardeurs ! Ces vrais, tous ces incroyables crétins ne font rien d’autres que de se foutre des autres et leur voler un tas de trucs, comme par exemple leur argent ou leur dignité en les utilisant comme de vulgaires outils. Quand c’est les autres, ça ne me dérange aucunement, à vrai dire, je trouve même cela marrant ! Mais J.I. c’est à moi que tu t’en es pris, et ça, c’était une erreur monumentale !
J’éclate une nouvelle fois de rire en dégainant mon premier flingue, Xanax, comme j’aime l’appeler (car c’est sur lui que je peux compter pour soigner mes troubles délirant ou ma phobie sociale <3), et commence à tirer une fois en l’air ! Il faut que les Chapardeurs sachent que j’arrive ! Sinon, ce n’est pas drôle ! Je ne fais jamais dans la discrétion, moi ! Ne soyez pas jaloux, je n’y peux rien si ma vie est un spectacle ! J.I., je te faisais confiance, tu sais ? Je pensais vraiment que travailler pour toi serait quelques chose de très épanouissant pour moi, et ça l’a été. Mais j’aurais tout de même préféré que tu ne me traite pas comme ton chien ! C’est vrai ! De quel droit as-tu pu te moquer ainsi de moi ? Tu as voulu me dresser, sale rat des bois !!
J’arrive devant la porte, et les gardes sont déjà aux abois. Tralala. Xanax commence ses délicieux ravages, et voilà qu’ils tombent comme des mouches, le bruit des détonations couvrant leurs cris. J’apprécie. Je n’ai pas de temps à perdre avec cela. D’un coup de pied, j’ouvre la porte qu’ils gardaient et découvrent les renforts à l’intérieur. Je ne suis pas déçue ! J’appelle les renforts de mon côté et sort le petit cousin de mon premier ami, un pistolet plus léger, mais aussi beaucoup plus précis. Ses balles sont légères et explosent dès qu’elles atteignent leur cible pour un effet encore plus dévastateur. Dans toute cette agitation, j’aperçois le Baron, alias l’un des lieutenants de J.I. C’est un homme plutôt grand et fin, plutôt habile de la gâchette, mais pas autant que moi ! Il est également connu pour sa capacité à fumer un paquet de cigarettes en moins d’une heure, ce qui lui a coûté une voix rauque et une hygiène dentaire déplorable. Je soupire. Comme à son habitude, Monsieur est bien trop lâche pour venir m’affronter lui-même et laisse la tâche à ses sbires ! Mais J.I., viens !! La panique a besoin d’être semée dans ton cœur ! Je serai l’ennemie intouchable mais coriace, instigatrice du chaos dans ta forteresse si bien rangée ! Je tire en rafale, voltigeant entre les balles ennemies et me planquant derrières des piliers lorsque l’occasion se présente.
- Tu ferais mieux de te rendre, pauvre tarée ! Tu ne vas pas tenir longtemps ! Hurle le Baron, la clope toujours au bec.
Non, mais oh ! Pour qui il se prend celui-là ?? Il n’en sait rien, c’est la toute première fois que nous nous affrontons – et surement la dernière, en ce qui le concerne ! <3 -. Agacée, je m’assoie en tailleur derrière un bureau en marbre renversé. Oui, j’arrête de tirer. Oui, je boude, tout à fait. Il me doit des excuses. En plus il m’a appelée « pauvre tarée », alors que je n’ai aucun problème financier. Ahah.
Comme prévu, puisque je ne donne plus de signe de vie, les premiers sous-sbires viennent me chercher, s’approchant de la table. Ils sont bien trop proches à présent pour que je daigne gaspiller des balles pour eux. Rapidement, je dégaine mon Joker, un couteau au manche vert et à la lame sur laquelle j’ai dessinée de petits yeux noirs. Lorsque la pointe de la lame est trempée dans le sang, le nom de mon arme prend tout son sens ! Je les tranche les uns après les autres, me dégageant un espace vital assez confortable. Moins il y a de monde autour de moi, mieux je me porte. J.I., tu pensais vraiment m’attraper avec ces guignols ? Gros naze ! Mais je suis comme la fumée, très cher ! Explosive, Déroutante, Toxique.
Rugissant de joie, j’arrive près du Baron, à présent seul et abandonné par ses comparses, trop médiocres. Il tente une manœuvre désespérée pour m’arrêter, mais c’est raté ! Je lui crache une balle dans chaque épaule et genoux, prenant bien soin de l’immobiliser. J’accorde toujours un intérêt particulier aux lieutenants de J.I., m’appliquant à les torturer un peu. Je ne fais pas cela par plaisir, loin de là ! J’espère simplement décourager ainsi les éventuelles personnes désirant rejoindre les rangs de cette vipère. Pourquoi l’aider lui ? Qu’est ce que cette personne a de plus que moi, hum ? Les oreilles percées ? C’est dégueulasse. Blasée, je retire le paquet de cigarette de sa poche et en allume une. J’observe un instant l’objet se consumer. Fumer c’est mal, comme disait Kathia.
- Je ne comprends vraiment pas l’intérêt que tu portes à cette chose infecte, déclarai-je en secouant la tête, faisant virevolter ma longue tresse.
- S… Sale garce… Petite conne… Mon boss va te massacrer.
- Justement ! Quand j’évoquais la chose infecte, je parlais de lui ! Gloussais-je dans un grand sourire !
Et sans aucune once de remords, j’approche le côté incandescent de la clope et lui fais un joli dessin sur le visage avec, le laissant hurler à s’en arracher les poumons. J.I., j’arriiiiiiiiiive <3
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 23 Aoû - 23:28 | |
| - Prologue:
Peu de temps après l’apparition de McWood à l’opéra Garnier, la fuite de ce dernier avait rendu les plus hauts dirigeants de la police française fous de rage. Ludmila avait été conduite devant Edgar Craw qui l’avait convoqué dans son bureau afin de lui passer un savon. Encore sous le choc de cette dernière confrontation, l’inspectrice peinait à s’exprimer de façon claire. Alors que les propos incohérents et quasiment psychotiques de la jeune femme commencèrent à sérieusement jouer avec les nerfs du directeur, ce dernier frappa brutalement du poing sur la table. - Vous jouez un jeu dangereux. La conversation que vous avez eue avec Friedrich ce soir-là est inconnue de tous. Si vous n’aviez rien à vous reprocher, vous auriez mieux fait de garder votre micro sur vous, lança-t-il sèchement… Je pourrais tellement facilement vous mettre en état d’arrestation pour complicité. En vérité, je ne rêve que de cela, et je ne suis pas le seul.A ces mots, le directeur Craw tourna l’écran de son ordinateur vers Ludmila. La page internet ouverte était celle d’un cyberjournal spécialisé dans les affaires criminelles les plus sanglantes et croustillantes. En haut de l’article figurait une photo de de la jeune femme aux cheveux blancs sous laquelle on pouvait lire clairement « Les Aliénés à qui nous confions nos vie ». La jeune consultante fit une grimace en lisant la ligne assassine et se mit ironiquement à se tordre étrangement les doigts. - Aliénée… Dites, Mr Craw, vous pensez que Friedrich est contagieux ? Vous pensez qu’il ait pu m’influencer suffisamment pour me pousser à rejoindre un chemin… Peu recommandable ?Elle parlait lentement, un peu comme une enfant qui ne sait plus réellement comment employer certains mots, qui cherche son vocabulaire. Elle avait surtout la bouche pâteuse comme si apercevoir cet article de journal avait été aussi agréable que de boire un litre de sang. - Cela semble évident, non ? Mais ce qui m’intrigue, c’est pourquoi est-ce qu’il aurait besoin d’une complice ? Il a déjà réussi à faire tout ce qu’il voulait seul, je ne pense pas qu’il ait besoin d’aide, c’est un grand garçon. A moins qu’il prépare un nouveau coup, beaucoup plus gros, cette fois… Il lui faudrait quelqu’un qui puisse l’épauler, quelqu’un en qui il peut avoir confiance, quelqu’un qui, il n’y a pas si longtemps était très proche, quelqu’un qui travaille dans la police… Vous voyez où je veux en venir ?Ce fut au tour de Ludmila de s’agacer. Claquant vivement de la langue pour exprimer son désaccord, elle se leva brusquement. - Comme vous l’avez dit, Friedrich n’a pas besoin pour faire ses petites manigances, il se débrouille déjà très bien. Non, Friedrich… Friedrich cherche tout simplement un compagnon de jeu... La jeune femme esquissa un sourire méthodique en prononçant ces mots. Je trouve cette adversité épanouissante, pour tout vous dire. Bien entendu, vous préféreriez que je sois complètement de son côté, cela arrangerait beaucoup le scénario pré-établi que vous mijotez depuis des années. Mais non, je ne suis pas sa complice idéale, nous ne sommes pas Bonnie et Clyde, vous pouvez laisser vos fantasmes se tarir. je n’ai jamais rien su de ce que préparait mon fiancé, et je l’admets encore aujourd’hui, il m’a dupé. Vous ne pouvez pas m’inculper de complicité.Elle s’interrompit quelques secondes, le souffle comme coupé. D’un instant à l’autre, un sourire d’accablée naissait sur son visage, pour disparaître aussitôt tandis qu’elle caressait de ses doigts fins le dossier de sa chaise. Edgar Craw était persuadé qu’elle n’était pas tout à fait saine, mais était-ce à cause de la blessure infligée par le passé, ou cela venait-il de la nature profonde de la jeune femme. De quel côté était-elle ? - Tous ces… Meurtres. Ces cinq vies arrachées. Si j’avais pu les empêcher, bien entendu que je l’aurai fait. Je fais des cauchemars, vous savez… Et les premières années j’ai reçu de puissantes hallucinations. Les victimes de Friedrich revenaient me hanter, Alice, en particulier.- Parlons-en d’ailleurs, de ces meurtres. Si cela ne vous dérange pas, j’aimerai que nous discutions de tout ce qu’il s’est passé du 4 mars au 4 septembre 2011. Je veux votre version des faits, et uniquement votre version. Racontez-moi tout ce qu’il s’est passé pendant ces 6 mois.Et Edgar Crow sorti une petite feuille pliée en quatre sur laquelle il était griffonné maladroitement une liste de 5 noms : . Denis Serre
. Iracebeth Grieff
. Roland Marshall
. Norman Spleen
. Alice Milow En regardant la liste, Ludmila ne put refouler un sentiment de malaise dérangé et dégluti. Il y avait des choses enfouies qui n’était guère sage de remuer. Cela faisait si longtemps. - Fort bien, Mr Craw. Puisse cela vous ouvrir le chemin vers la vérité.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 1 Déc - 15:15 | |
| - Ting:
Ting. C’est une idée, une histoire, un sentiment, Idéaliste, pour moi, il est là depuis si longtemps. Né d’émotions partagées, de deux voix sous les tilleuls Grande folie à deux, que je dois maintenant vivre seule.
Ting. Quand je m’évade, comme souvent, dans mon esprit Il y a des choses que je suis seule à contempler Nulles ne sont ma propriété, je ne les ai pas créés. Grandiose mais insatisfait, leur architecte les a fuies.
Ting. J’ai le plus beau des royaumes, à mes yeux, la perle. Indirectement, j’en suis devenue souveraine. Noces de sang dans un chant de merle Grouillant de vices, de blessures et du poison dans mes veines.
Ting. Je sens mon âme tordue comme une gouttière Incandescent barreau de fer sur lequel chante le cristal. Noir de geai ou vert de jade, qu’importe la couleur impériale Glorifiée et adorée d’une élégante crinière.
Ting. Comme il est bon de se sentir accompagnée, Imaginer que notre vision est partagée, comprise, acceptée. Ne détourne pas les yeux, regarde ! Regarde notre monde Grand, beau, inimitable, c’est ce que nous avons créé.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 12 Juin - 22:26 | |
| - Le Destin Perdu:
Elle est là. Elle court partout, le fracas de ses pas fait s’élever la cendre dans les airs. C’est stupide, elle ne fera que s’aveugler, ainsi. Peut-être est-ce que qu’elle souhaite, finalement. Peut-on, en inhalant la cendre, être habité par l’essence de ce qui a brûlé ? Peut-être bien. Cela expliquerait les pensées confuses. Chaque infime poussière est un fragment de ce qui a été, autrefois, avant de se faire dévorer par la folie et la destruction. Les particules de cendre se rassemblent en de légers tourbillons, créant un mouvement continu et grisant parmi tout ce vide. Tonnerre. Le tonnerre s’invite à la fête. Pour l’instant il est encore loin, mais c’est comme une musique qui commence tout doucement. Il est certain qu’elle se fera rattraper par le tonnerre. Même si elle atteint le bout de ce monde.
Ce monde en forme de boucle sans fin.
La glace peut-elle brûler ? Apparemment pas. Elle continue de courir. Ses souliers dérapent parfois sur les pavés verglacés. Le tonnerre bat à un rythme à la fois effréné, joyeux et désespéré. Un peu kitch aussi, parfois. Une symphonie de la dernière chance, un peu lors d’une scène épique, un combat final, une ultime confrontation. Des pans de bâtiments monumentaux s’effondrent sur sa trace, comme si le sillon de sa course était suivi de très près par une destruction inéluctable. Ou alors c’est elle, la maudite abrutie, qui casse tout. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Que son destin était spécial et tout tracé parce qu’elle avait eu le malheur de tomber sur trois pauvres lettres écrites dans le coin d’un bus ? Tu veux que je te dise ? Le hasard s’est bien foutu de ta gueule ! Ahahah ! C’est hilarant. Vraiment. Il n’y a plus que la neige qui tombe, puisque les murs s’y mettent aussi. Il parait qu’il y a du bon dans la destruction, qu’après l’apocalypse, il y a toujours un renouveau bienvenu. Moi je ne crois pas qu’après tous ces fracas il y a aura grand-chose. Et elles ne sont pas contentes du tout, les roses. C’est surement la dernière choses qui résistera ici. Elles sont féroces, hargneuses, et habitées par une redoutable volonté de vivre. Elles s’accrochent à tout pour ne pas sombrer dans les failles du désespoir, objet, constructions ou même êtres vivants, enfonçant leurs ronces sans pitié dans la chair de leur proie pour se hisser hors des gouffres. Ce sont des cauchemars à part entière, dignes d’un film d’horreur, habités par la douleur et la colère. La colère, oui ! Comme je les comprends. Celle qui court aussi, je crois qu’elle est en colère. Entre deux fracas du tonnerre et de briques effondrés, on peut entendre ses cris de fureur et de détresse qui ressemblent à un genre de « OU ES-TU ??!!! ». Oui, je dis que c’est elle qui crie ainsi. Je me désolidarise complètement, même si c’est hypocrite. J’en ai assez de la regarder se comporter de manière débile, je crois que je ne l’assume plus entièrement. Comme les dédoublements de la personnalité sont pratiques ! Et ses cris se perdent dans le vide. Il n’y aura strictement personne pour lui répondre. Quelle pitié. C’est moche.
Mais c’est loin d’être à la hauteur de l’horreur qui nous attend au prochain et dernier chapitre.
C’est le rouge. C’est le sang. C’est la mort. Chouette. Ces terres sont bien plus grandes que la dernières fois, à mon humble avis. La destruction et le vide total font bien trop peur, et sont contraires à tous les principes de survie. Mieux vaut choisir la colère, la haine, la peur et la terreur plutôt que le néant. Je la vois qui se jette dedans à corps perdu, distançant les crevasses qui se formaient sous ses pieds, continuant à appeler en pure perte. Les ronces noires des roses rouges sortent de partout. Elles sont si belles, je voudrais les embrasser. Les arbres se fissurent, tout comme l’espace et le temps. C’est un miracle que ce monde existe encore, je ne sais même pas par quoi il est retenu. Un gramme d’espoir encore, peut-être, toxique, et qui ne tardera pas à être annihilé. Tout cela n’a plus aucun sens ! En a-t-il seulement eu un, une fois ? Elle voudrait se laisser porter par son vent désolé, réussir à se relever et en faire un havre sublime. Mais elle ne le pourra jamais. Elle a trouvé ce qui est au-delà de toutes ses forces. Elle a trouvé ce qui peut l’anéantir, la désoler, la briser. Son inacceptable. Et sa course se fait plus lente, moins rageuse, juste boiteuse. Ce n’est pas juste. Ce n’était pas comme cela que tout devait se terminer. Pas du tout. Pas au pied d’un trône et d’un royaume désert. Pas en pleurant, en se laissant mourir, dans le pathétique de très haut niveau. Elle a perdu.
...
Allez, laisse-moi. Laisse-moi de la place, que je puisse avec toi pleurer ce destin perdu.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 6 Aoû - 0:18 | |
| Je me voyais princesse, souriante au jasmin, dans une sérénité de soie… Mais aussi certainement que passaient les printemps, Mes atours ternissaient sur mon cœur diminuant.
À l’instant du crépuscule, quand s’annonce la nuit Les larmes coulent, silencieuses, couleuvres hors de leur nid. Chaque soir, je contemple et j’esquisse ces curieux instants Chaque soir, je revis le procès de mes dix-sept ans
Où sont donc mes Merveilles, mes étoiles et mes chéris ? Où sont les mures amères et les roses glacées de minuit ? Je vous cherche dans chaque son, chaque histoire, chaque rime Espérant sentir votre âme au cœur d'une phrase anodine La mésange, le corbeau et l’adorable roitelet Volent d’un souffle commun au dessus de l’enfant que j’étais
Et qu’il m’est insupportable de parler de ces temps au passé, Ce serait comme avouer au destin que son jeu est gagné ! Que les roses sont mortes, que nos esprits ont vieilli Que la tendresse que j’apporte ne peut se changer qu’en ennui...
Les vagues de violences viennent envahir mes veines, Victoire d’une guerre injuste et d’un amour en peine Comme une épine en piquée s’acharnant au dessus de mes songes Privée de tout remède contre cet odieux mal qui me ronge.
Mais dans cette mélancolie aussi brutale qu’insolente Je sens poindre la beauté sous les cendres de la misère ardente Ce passé qui pesant sur mon cou et mes épaules forge Une parure de reine, qui parfois serre un peu trop ma gorge. Oh mais combien je l’accepte pour le meilleur et pour le pire D'être infidèle à mon reste, pour préserver mes beaux souvenirs
Si j’avais su enfant, la difficulté d’être heureux J’aurai peut être pu rêver un petit peu mieux Maintenant que je regarde le monde, des éclats de verres dans les yeux. | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 18 Oct - 18:10 | |
| Merveilles II - Prologue:
Je suis fatiguée. Je suis fatiguée, mais je vais bien, merci. Les pieds dans la neige, je regarde le flot d’une cascade qui se cristallise petit à petit dans la glace. Cette eau, vide de tous poissons, est claire et pure. Le pâle soleil des régions froides se reflète dans chaque gouttelette qui ose dévier de sa trajectoire initiale, éclaboussant gentiment la berge, l’habillant d’une nuée de paillette. Autour de moi, des sapins bleus recouverts de poudreuse s’élève vers le ciel. Je ne sais plus à quel moment je suis arrivée ici. C’est le même sentiment que lorsque l’on passe dans le monde des rêves. Je suis là, et c’est tout ce qui compte. Et je me sens particulièrement bien. Je regarde mes mains, elles semblent parfaitement normales. Légèrement bleutée par le froid, peut-être, et mes phalanges grincent un peu.
Je sens soudain que l’une des poches de mon manteau est plus lourde que l’autre. Doucement, le glisse ma main gauche entre les morceaux de tissu, pour en sortir un petit objet merveilleux, qui me confirme avec exactitude que je suis de retour. Oiseau de cristal. La dernière fois que je t’ai vu, je t’avais arraché aux griffes d’une terrible araignée, et maintenant, tu es mien de nouveau. Pourquoi es-tu la seule chose qu’il me reste de mon dernier séjour ici ? Es-tu la clé qui me permet de me rendre dans ce monde, petit roitelet ? Alors que je regarde la petite statuette translucide sous tous les angles, je laisse passer quelques rayons de soleil à travers elle. J’ai l’impression qu’il fait moins froid, et que les oiseaux sont soudainement plus bavard, comme si mes sens s’éveillaient petit à petit. Amusée, je garde la figurine entre mes doigts et commence à marcher le long du fleuve. Je regarde à l’horizon : le royaume de glace n’est pas très loin, effectivement.
Je me surprends à marcher d’un pas plus léger, presque sautillant. Le vent est doux, la neige ne mord pas. Ce monde ne m’est pas hostile. Je maîtrise. Rien à voir avec ma dernière visite ! L’hiver a pour moi une saveur de renouveau, d’une douce nostalgie. Je crois même entendre les ailes des abeilles vrombir ! La nature est belle, fraîche, et incroyablement calme. Je me sens apaisée. Toujours le long du fleuve, un rocher délaissé par la neige me tend les bras, m’invitant à m’agenouiller dessus afin de pouvoir approcher de l’eau. Je me sens bercée d’insouciance. C’est tellement agréable que j’en ai parfois l’impression qu’il s’agit d’une illusion ou d’un piège, mais je m’en moque bien. Des papillons passent devant mes yeux alors que je me penche sur la rivière. Je ne peux résister à y plonger la main. Elle est gelée, mais guère douloureuse ! C’en est même vivifiant. Tout ce qu’enregistre mes yeux est beau, ici. Et je sens que je peux le rendre encore plus beau. Il suffit que j’y pense pour qu’un plan de magnolia pousse à mes côtés, et que ses fleurs éclatent de couleurs. Il suffit que mon regard se pose sur un gravillon au fond de la rivière pour que ce dernier se change en carpe argentée. Est-ce une prodigieuse vallée, un rêve lucide ou encore une hallucination bienveillante ? Je ne peux pas le savoir. Je lève les yeux. Il y a des épées d’argent qui volent dans le ciel, côtoyant sereinement les nuages d’encre bleu marine, qui commencent à pleurer sur le blanc immaculé de la neige. Il y a les roses, bien évidemment. Elles sont douces et aimable, comme un matelas végétal, et vienne me tenir compagnie, effectuant des spirales et des arabesques à ma volonté. Ce sentiment d’avoir un pouvoir spécial est complètement grisant. Alors que je me prélasse dans ce nouvel état très confortable, il me semble entendre un grincement mécanique qui arrive, troublant légèrement ma quiétude.
« Tu t’amuses bien ? »
Il s’agit de la Bête. Légèrement moins impressionnante que dans mes souvenirs, cette panthère mécanique faite de rouages, de cuivre et de fil d’or s’avance vers moins d’un air nonchalant. Ces yeux éclairés par deux grandes ampoules dégagent toujours le même air à la fois hautain et las, propre à tous les félins. Je suis immensément heureuse de la revoir. Je sais qu’elle est de bon conseil, qu’elle m’a aidée à plusieurs reprises, et que c’est elle qui veille sur cet endroit, lorsque je ne suis pas là. Cela me fait sourire :
« Oh oui ! Incroyablement bien ! C’est génial, tu as vu ? Tu as vu ce poisson ?! » M’exclamais-je en attrapant une carpe à paillette qui passait dans la rivière pour la mettre sous le nez de mon amie.
« C’est scandaleusement fantastique » Me répond-t-elle, en reluquant la bestiole, qu’elle décide de gober d’un coup de mâchoire.
A moitié choquée, je recule d’un pas, mais je ne peux retenir une expression d’admiration lorsque l’automate recrache soudainement le poisson par l’un de ses tuyaux, pour le renvoyer directement à l’eau. Ce monde me plait tellement !
« Laisse les poissons de côté, veux-tu ? J’ai des choses à t’expliquer. Le monde évolue, même lorsque tu n’es pas là ! »
Oh, nous allons repartir pour de longues minutes de briefings complets, sur les règles de bases des lieux. La cartographie globale a sans doute été bousculée au grès des caprices des trois Princes, et peut être qu’il y a de nouvelles choses à découvrir ! Mais contrairement à ma dernière « grande » visite, je n’ai pas délaissé ces lieux, ces dernières années. J’y suis repassée, plusieurs fois. J’ai fait vivre des lieux, même en restant seule. J’ai continué à construire des havres, des jardins dans l’ombre, œuvrant avec silence et application. Je sais m’en occuper. Je ne compte pas laisser la Bête m’assommer de ces explications condescendantes et me parler comme à une gamine. Je roule sur mon rocher, tendant la main pour effleurer les libellules :
« Peut-être ai-je négligé mon implication ici, ces derniers temps, mais je me souviens de tout. Je suis toujours surprise, à la fois émerveillée et amère de considérer le nombre de souvenirs ici qui demeurent intacts, maintenant que cela fait des années qu'ils se sont créés. Je suis effrayée de ne pas voir le temps passer. J'ai l'impression d’être dans une réalité parallèle tant il y a de souvenirs, de mots, de choses anodines que j'ai ancrée tellement fort dans ma mémoire qu'ils ne faiblissent même pas. Donc une part de mon monde n’a aucun secret pour moi, mais il est vrai que certaines zones de sa logique m’échappent, et sont indépendantes de ma volonté. Je t’écoute. »
« Tout d’abord, félicitations ! Je suis contente que tu te sois rendue compte que tes Merveilles sont avant tout de ton monde, et pas juste un enfer inconnu et hostile que tu dois subir. Je comprends que l’on puisse être perdu dans sa tête, mais si elle devient un territoire de peur et d’angoisse, c’est triste.»
« C’est une question de contexte, et tu le sais très bien. »
« Mais tu vas être contente, l’endroit s’est calmé depuis la dernière fois. Le Prince de Glace s’est ressaisit et a retrouvé la raison, quand bien même il reste relativement paranoïaque vis-à-vis des frontières qu’il partage avec son frère. D’ailleurs le Prince de Sang fait moins de bruit qu’avant. Si cela continue, il deviendra peut-être aussi silencieux que celui de Cendre ! »
« Je n’espère pas. L’univers est plus distrayant lorsqu’ils sont là. A quoi bon construire tout ceci, si rien ne peut l’influencer, le changer, l’embellir… »
« Le briser. »
« Tais-toi. Tu es vraiment un très mauvais psy. D’ailleurs, puisque je peux faire ce que je veux à présent, je ne me demande si je peux faire cela aussi… »
Je me concentre, et fixe le crâne de la panthère mécanique. Ceci est mon imagination, je peux tordre les choses à ma guise, les remodeler selon mes goûts et mes envies. Je peux rendre l’herbe violette, et les nuages solides. Et je peux faire cela. Lentement, deux excroissances de métal émergent au-dessus des yeux de mon interlocuteur. Elles grandissent, se courbent et se dessinent, tels deux traits d’encre complexe, pour finalement former une immense ramure de cerf. Je suis fière de mon œuvre. La Bête elle, secoue la tête. Cela n’a pas l’air d’être à son goût, tant pis ! Je retourne à ma contemplation des insectes volants, tout en recommençant à jouer avec mon roitelet de cristal dans les mains. Entre deux râlements, j’entends l’animal mécanique demander avec surprise :
« Mais… Où as-tu trouvé cela ? »
« Ca ? Répondais-je avec calme, Je l’ai récupéré au Royaume de Cendre, lors de mon dernier passage officiel ! »
« Il est dit dans le murmure du vent, que le Royaume de Cendre aurait été bâtis sur des mines de cristal tellement pur, qu’elle en possèderait des propriétés exceptionnelles. Certes, la cité a été ravagée par un incendie, mais il serait peut être alors possible de la faire renaître à nouveau ! »
« Les dégâts du feu se laisseraient donc amadouer par une si jolie petite pierre taillée ? »
« Tu sais que cet oiseau n’est pas n’importe lequel ! Sa valeur symbolique possède une telle force. Tu devrais essayer de le ramener, là où il né, au cœur de la Cité. Peut-être sera-t-il capable de faire fonctionner la magie des souvenirs. »
Je suis allée au Royaume de Cendre, et il n’y avait pas le moindre éclat d’espoir dissimulé sous l’épais manteau qui recouvre à présent la ville. Mais soit. Je garde ses paroles en tête, en essayant de ne pas me faire trop d’illusions. Toujours allongée sur le rocher, je laisse tomber ma main gauche dans l’eau, tandis que la droite se repose dans la neige, le roitelet dans son creux. Le ciel se couvre légèrement, les oiseaux volent bas. Il me semble sentir que la température de l’eau augmente. Je me tourne du côté de la rivière : un filet de sang parfaitement discipliné y circule, tel un serpent aquatique. Je retire vivement ma main et me tourne vers la Bête pour lui poser une question, mais cette dernière a disparu, elle s’est évanouie sans ses cliquetis de métal. Surement pour aller bouder ses nouveaux apparats. Je regarde au loin, en amont du fleuve. Je me demande où il prend sa source. Pas trop loin, je l’espère.
- Chapitre 1:
Après cette m’être reposée encore quelques minutes au bord de l’eau, je décide me relever et de marcher jusqu’à l’entrée du Royaume de Glace. Les portes des remparts de la Cité sont grandes ouvertes, de ce côté-ci, ce qui ne me pose donc aucun problème pour entrer. J’arrive donc sur très grande place, déserte, entourée de maison, avec en son centre une immense fontaine gelée.
Alors que je m’avance près de cette fontaine de glace, je sens que ma poche s’agite. Je n’ai pas le temps de vérifier ce qu’il se passe, qu’un oiseau s’en échappe ! Le roitelet. Il a pris vie ! Je le vois voler devant moi, nullement cristallisé ! Il piaille, heureux, exécute de jolies arabesques dans l’insouciance la plus totale. Et ce n’est pas tout. Partout où l’oiseau passe, la neige fond. Les murs frôlés par le volatile perdent leur usure comme par enchantement. Les statues retrouvent leur éclat d’antan, les pavés redeviennent droits, le verre brisés des fenêtres se reconstitue. Petit oiseau, est-ce que tu serais réellement capable de réparer ce qui a été brisé ? Je songe aux merveilles qu’il pourrait accomplir au Royaume de Cendre, et c’est magnifique. Je dois absolument me rendre là-bas !
Et je me mets à détaler dans les ruelles. Mon nouvel ami, ayant parfaitement compris mes intentions, me précède, rendant ma course plus belle, plus lumineuse, plus folle. Je me sens complètement grisée ! Je laisse mon imagination s’emballer complètement. Un lierre bleu turquoise pousse sous mes pas, et recouvre les murs que mes doigts effleurent. Les lilas apparaissent dans des explosions végétales, et les enluminures en fer forgé raffiné glisse tout autour les bâtiments. Le pouvoir de l’oiseau combiné au mien donne des résultats incomparables ! Nous sommes si hauts, si légers ! Personne ne peut nous atteindre, nous avons transcendé absolument toutes les règles, toutes les bases les plus élémentaires de ce monde ! Le reste de l’univers peut bien être jaloux de nos prouesses !
A bout de souffle, je fais une pause dans une rue, histoire de récupérer un peu. L’oiseau lui, ne semble pas fatigué du tout, mais se pose tout de même sur ma tête. Cela me fait rigoler, et apaise mon cœur ! Je tourne la tête sur ma gauche, et aperçoit les murs du château royal. Je crois qu’une petite visite s’impose ! Les abords du château sont surveillés, mais les gardes semblent tolérer ma présence. Ou peut-être suis-je invisible à leur yeux, j’ai l’impression qu’il ne me regarde même pas. Cela tombe bien, je n’avais pas envie d’interagir avec eux !
Je sens le vent devenir plus fort que d’habitude. Je crois qu’une tempête menace. Je vois des nuages sombres, presque violacés, à l’horizon. Même si elle semble lointaine, elle a l’air incroyablement dangereuse et destructrice. Cela m’a tout l’air d’être un typhon, ou une dépression du même genre.
Je laisse mes pas hasardeux me guider dans le vent, et arrive sans presque m’en rendre compte devant le labyrinthe de haies pourpres qui entoure la prison de ce domaine. Je fais signe à l’oiseau de rentrer à l’abri dans la poche de mon manteau. Ce n’est pas un endroit pour lui, et de toute manière, je doute qu'il puisse quoique ce soit pour ce lieu sinistre. Je marche à petit pas dans le bâtiment abandonné. Même vide, il est lugubre. La lumière y est grise, avec des reflets verts et bleus. A ma grande surprise, je n’éprouve absolument aucun sentiment de malaise. Cet endroit qui, auparavant, avait pu m’effrayer à m’en blanchir les cheveux ne me pose plus aucun problème. Certes, la vue de la cellule sanglante ne m’apaise pas non plus, mais je me sens franchement… Amusée. Je scrute avec le moindre petit graffiti ornant les murs, incapable de me souvenir précisément qui les a créés. Le propriétaire original, ou moi. C’est confus. Je me tourne vers la seule lucarne de la pièce pour apercevoir des ronces ramper à l’intérieur. J’entends également un son de cloche incroyablement clair, alors que mes oreilles me donnent la sensation de se boucher. Et lorsque je ferme les yeux, je suis assaillie de flashs violents, de phrases assassines, et d’acier menaçant.
« Emily. Cela te tiens tant à cœur de faire une escale ici lorsque tu viens me voir ? »
C’est le Prince de Glace qui vient de me sauver d’une vision tortueuse. Je reconnais sa voix. J’ouvre lentement les yeux. Ma vision est trouble mais se corrige vite, et la silhouette en face de moi se précise. Ses cheveux sont d’un bleu plus terne que la dernière fois, tirant presque vers le brun, et ses vêtements sont plus simples. Malgré cela, il ne manque toujours pas d’air. En dépit de la porte grande ouverte, je m’avance vers lui en restant dans la cellule, pour lui parler de derrière les barreaux :
« Je dois avouer que la dernière fois, c’était avec un peu moins de sentimentalisme. »
« Je pensais que connaître ses maux aiderait à mieux les combattre. Sois proches de tes ennemis, comme on dit. »
Je m’approche encore plus, l’une de mes mains sur les barreaux.
« Est-ce que j’ai l’air d’avoir gagné une guerre, ou même une simple bataille ? » Déclarais-je avec un sourire presque agressif.
« Tu es revenue en un seul morceau, on peut considérer cela comme une victoire. »
Je ne peux m’empêcher de lâcher un certain rire. Pauvre Full ! Il ne comprend pas que les dégâts les plus insidieux sont ceux que l’on ne détecte pas au premier regard. Mais c’est vrai que cela aurait pu être pire. Ça peut toujours être pire !
« Alors peut être que vous devriez songer à vous lancer dans le crime, vous aussi, pour mieux appréhender ceux que vous traquez ! Et s’il faut devenir le miroir du mal pour le comprendre, n’ayez surtout pas peur d’aller trop loin. »
J’ai prononcé ces derniers en murmurant presque. Je me sens nerveuse, et encore confuse. Encore les flashs. Je ne réfléchis pas trop avant de parler. Les mots sortent de ma bouche presque en même temps que ma pensée défile.
« Toujours ce problème d’empathie, à ce que je vois. »
Sa remarque m’arrache un nouveau rictus. Je m’éloigne en lui tournant le dos.
« Vous aviez dit : Va, va Emily. Va voir le Prince de Sang et remet le à sa place. Vous saviez l’enfer dans lequel vous m’avez envoyée, et ça ne vous a même pas fait frémir. Vous m’avez regardé perdre pied du haut de votre tour d’ivoire et vous n’avez rien fait pour m’aider. Ça, c’est un véritable problème d’empathie. »
Je sens une amertume démesurée lorsque je repense au Royaume de Sang. Je revois les roses destructrices, le meurtre d’Heartless, la folie de Moon, et ma jambe qui me lance dans mon imagination. Et curieusement, je me rends compte que ces expériences restent troublantes sur le long terme. L’amnésie est sensée assainir l’esprit, mais ça ne prend pas sur moi. Je sens chaque épreuve tatouée sur ma peau, directement reliée à mon esprit et mes agissements. Telle une éponge, j’absorbe tellement la douleur sans jamais la confier qu’elle finira un jour par faire partie de moi. Je vois le Prince de Glace s’avancer un peu :
« Je te demandais simplement de l’aide, et tu as accepté. Pour moi, pour toi. Pour Walk. Mais peut-être ai-je eu tort, c’est vrai. C’était surement trop prématuré et tu étais trop faible pour une tâche d’une telle ampleur. Et j’ai été aveugle de ne pas concevoir que si tu pouvais raisonner mon frère, il pourrait te « raisonner » aussi… »
Je résiste à l’envie de claquer brutalement la porte de la cellule par une simple pensée violente. Comment ose-t-il me définir comme faible alors qu’il n’a jamais mis les pieds là-bas ?! Comment ose-t-il insinuer que je me suis fait manipuler comme un simple pantin ? Je recule. Je ne suis pas devenue folle, je suis en pleine possession de mes moyens, et bien moins faible qu’avant. Et je compte bien le prouver ! Serrant, les poings, je me décide à faire de nouveau face au Prince de Glace, et commence à marcher pour sortir de la cellule.
« Full, suivez-moi… Je vais vous montrer pourquoi j’ai décidé de revenir. »
- Chapitre 2:
Accompagnée du Prince de Glace, je sors de la prison abandonnée dans pas saccadé. L’air frais de l’extérieur me fait un bien fou et me remet un peu les idées en place. Je me rends compte que l’atmosphère viciée et dérangée de ce bâtiment m’avait paru presque normale, et cela me fait frissonner. Il y a des choses auxquelles on ne s’attendait pas à s’habituer. Je me tourne vers mon interlocuteur et déclare d’un ton affirmé :
« Lors de mon dernier voyage ici, j’ai réussi à aller jusqu’au Royaume de Cendre, et j’y ai retrouvé ceci. »
Je sors de ma poche le roitelet, qui s’était de nouveau cristallisé. Une fois dans la paume de ma main, la petite créature reprend vie, puis s’envole. Décrivant de jolies spirales dans le ciel, elle redescend en piqué vers le sol, et la neige qu’elle frôle disparait instantanément. Le volatile se dirige vers le parvis du château, là où se trouvent les sculptures d’animaux gelés. Les gardes ne peuvent s’empêcher de sourire sur son passage. Chaque statue de glace effrayante sur laquelle l’oiseau se pose fond lentement, la remplaçant par un parterre de fleur.
« C’est un souvenir de Walk qui a échappé aux flammes. Il me rend petit à petit les capacités qui m’ont permis de créer ce monde. Grâce à lui, je sens mon imagination retrouver sa puissance d’antan. Ne me dites pas que je suis faible, je pourrais bientôt désosser votre château pierre par pierre, si je le désirais. »
Complice, le roitelet revient vers nous pour se percher sur ma main. Je ne peux m’empêcher de lui prodiguer quelques caresses du bout des doigts, qu’il semble apprécier. Après cette démonstration, je me retourne vers le Prince de Glace.
« Et grâce à lui, je compte aller au Royaume de Cendre pour y remettre de l’ordre, et réparer ce qui a été brisé. Nous pourrons sans doute faire des miracles ! Et même si je sais que pour cela, je devrais à nouveau repasser par le Royaume de Sang, cela ne me pose plus aucun problème. »
« C'est une mauvaise idée. »
Un sourire mi-surpris, mi-agacé s’affiche sur mon visage tandis que je laisse mon ami l’oiseau reprendre sa forme de statuette avant de le ranger dans ma poche. Je ne comprends pas sa réaction.
« Vous pouvez m’expliquer, Full ? Je ne comprends pas votre manière de raisonner. Vous ne rechignez pas à m’envoyer dans la gueule du loup lorsque je suis sans défense, mais lorsque je possède un pouvoir démesuré, là vous préférez me savoir en sécurité. »
« Je ne remets pas en cause ta force, mais ce serait une erreur que de te croire toute puissante. L’excès de confiance rend toujours particulièrement vulnérable. Surtout que tu ne peux pas agir sur tout. Mes frères et moi-même, par exemple. Tu ne peux pas nous contrôler. Et nous avons un pouvoir tout aussi fort que le tiens. C’est un pouvoir qui est partagé en parts égales, et il y aura toujours des choses qui se produiront indépendamment de ta volonté. »
Le souverain reste pensif et regarde à nouveau les changements causés par l’oiseau qui ont affecté sa demeure.
« Et je ne te cache pas non plus que cela ne me fait pas plaisir de te savoir voler à la rencontre de Moon avec de telles capacités. J’imagine déjà la bagarre destructrice et démesurée que vous pourriez vous livrer. »
« Vous avez peur pour votre frère ? Rigolais-je, Je n’ai aucune intention de l’abimer, si cela vous rassure ! Je ne ferai que passer. Mon état d’esprit est le même que la dernière fois. Je ne veux pas me battre contre lui. »
En revanche, je ne sais pas si je saurai être clémente si je croise d’autres habitants du Royaume de Sang. Je me souviens que certains d’entre eux m’avaient fait vivre un cauchemar, lors de mon dernier passage. Il serait plus prudent pour eux de ne pas croiser mon chemin ! Full lève la tête et regarde à l’horizon. Ces yeux semblent perdus dans le vide, hésitants entre la douleur et la tristesse l’espace d’un instant, avant de finalement se reprendre et retrouver son air imperturbable.
« De plus, as-tu fait attention à ces énormes nuages là-bas ? Demande-t-il en me désignant la tache violette, presque rouge qui orne le bord du ciel, Il y a dehors une tempête qui se prépare depuis un moment déjà. Un typhon, il me semble. Elle est déjà passée il y a quelques temps, et je pense qu’elle revient, plus dévastatrice encore. Et tu ne pourras rien contre elle. Elle est en dehors de tout ça, inatteignable, infatigable, inarrêtable. »
Une nouvelle fois, je me sens vexée autant qu’amusée. Tempête ou pas tempête, qu’est-ce que cela change ? Du moment que je continue de marcher, déterminée, droit vers mon objectif, tout va bien.
« Je n’ai pas peur du vent, mais c’est gentil de vous inquiéter. »
« Ta détermination n’a pas changé. Dit-il dans un faible sourire. Soit, si c’est ce que tu souhaites, je ne serais pas l’obstacle de ton dessein. Je ne ferais que te recommander la plus fidèle des prudences. Je vais prendre congé, j’ai à faire. S’il te plait, passe me voir, avant de t’envoler pour le Royaume de Sang. J’aurai des informations plus précises à te divulguer. »
Après avoir acquiescé, je regarde le monarque s’éloigner dans la poudreuse. Il est moins froid que dans mon souvenir. Pendant un court instant, il m’a semblé presque fragile.
Je m’assois dans la neige, pensive, songeant à la suite de mon voyage. Je vais devoir retourner au Royaume de Sang. C’est vrai que je l’ai décidé avec désinvolture, mais mon dernier voyage dans ses contrées a indéniablement laissé en moi de profondes cicatrices. Je dois vérifier quelque chose. Certaines des statues de glaces ont été épargnées par le vol du roitelet. J’en fixe une, sculptée à l’apparence d’un menaçant caribou de glace. Une créature à l’air bien trop féroce pour être un simple herbivore polaire. Il me rappelle l’animal qui était venu se repaître du corps d’Heartless. Quel genre d’animal est-il pour profiter ainsi de ma démence ? Je me concentre du mieux que je peux, et demande aux roses de sortir de sous la terre, en émettant un doux sifflement. Elles s’exécutent, tels des serpents dociles, et commencent à enlacer la bête de glace. Je sens ce contrôle grisant. Ce n’est pas un plaisir lié au fait de pouvoir retirer une vie, mais plutôt lié au fait d’avoir la sensation de rendre la justice. Dans la violence. Sous l’impulsion d’une simple pensée, la pression des ronces autour de leur proie devient si forte que cette dernière explose en morceau. Un cheval était mort de cette manière, sous mes yeux. Les criminels qui croiseront mon chemin risqueront de connaître le même sort, s’ils ont l’intention de me perturber dans mon objectif.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 24 Oct - 15:24 | |
| - Chapitre 3:
Lorsque je passe devant la sculpture détruite sans pitié, je n’éprouve pas vraiment de remords. En même temps, ce n’était qu’un amas de gouttes gelées, dénué de la moindre trace de vie. Ma compassion est grande, mais je n’arrive pas encore à m’identifier à l’eau. Peut-être que cela arrivera un jour, et alors, je serai effondrée de culpabilité pour chaque larmes qui quittera mes orbites pour s’écraser misérablement sur le sol.
Je traverse le château sans trop m’attarder. Je crois reconnaître les pièces, et je sens savoir instinctivement où aller. J’entre alors dans une pièce imposante, mais relativement petite par rapport à la démesure de ce palais. Le Prince de Glace est à l’autre bout, assis à son bureau. Affairé sur une montagne de papiers, il a plutôt l’air d’un chef d’état solennel que d'un tyran narcissique. Sans relever le nez de ses lignes qui ont l’air plutôt ennuyeuses, il s’adresse à moi, ayant probablement entendu le léger, mais perceptible, grincement de porte :
« Alors, Emily, parle moi un peu de ce qui s’est passé chez mes frères, lors de ton dernier voyage. L’on m’a raconté que tu avais eu des ennuis au Royaume de Sang – ce qui n’est guère étonnant ! Mais je suis au courant pour Heartless. Je sais aussi que c’était de la légitime défense, du moins, j’ose l’espérer. »
« Est-ce que vous me croyez capable d’assassiner quelqu’un de sang froid ? »
« Je te crois douée pour t’adapter et survivre à ce qui t’entoure. Et bien entendu que tu serais capable de tuer au cas où ta vie en dépendait, comme le ferait n’importe quel bon flic, finalement. Ne te formalise pas pour ce criminel. Du moment que sa mort ne t’a pas fait ressentir une joie intense, il n’y a pas à s’inquiéter ! Il me marque une pause, me regarde un instant, un sourcil relevé, Tu as ressentis une joie intense ? »
« Non. Seulement de la justice. »
Le Prince de Glace sourit et recommencer à griffonner sur sa paperasse. Je puise dans ma mémoire en parfait état les souvenirs de mon dernier passage dans le Royaume de Sang. Je revois, entre divers moments violents, la colère de son souverain lorsque je l’ai abandonné.
« La dernière fois, Moon ne voulait pas me laisser partir. Je crois qu’il avait peur que mon voyage au Royaume de Cendre lui fasse perdre du terrain dans cet endroit. Il m’a semblé qu’il n’aimait pas partager. »
« En effet, Moon est tenace, comme le lierre. Il grandit vite, s’insinue partout, et est extrêmement difficile à décrocher. Il prend déjà tellement de place, et seulement parce que tu l’as décidé. Tu ne devrais pas lui accorder tant d’importance. »
« C’est drôle, mais pourtant, je n’ai pas envie d’oublier quelqu’un qui m’a poignardé. »
« Est-ce que tu lui en veux ? »
« Un peu, oui. Je suis en colère à cause de tout ce qu’il m’a fait subir, comme tout être humain normalement constitué réagirait. Mais je ne lui en veux pas autant que je peux en vouloir à Simili, ou aux autres. Je pourrais lui pardonner de m’avoir malmenée. »
« Moon, Simili. Quelle différence entre les deux ? Pourquoi l’un mérite-t-il ta clémence plus que l’autre ? »
« Je ressens pour Moon quelque chose que je ne ressens pas pour tous les autres criminels qui m’ont abordée. »
« Quoi donc ? »
Je ne peux m’empêcher de soupirer en relâchant mes mots, tellement une part de moi les trouve absurdes :
« En plus de l’attachement ? De la gratitude. »
« De la gratitude ?!! Enfin, Emily, on n’éprouve pas de la reconnaissance envers quelqu’un qui nous a blessé ! »
« Moon est votre frère, nous sommes tous proches. La haine et l’amour sont des sentiments extrêmement similaires, tout n’est qu’une question de point de vue. Et j’ai beau ne pas être d’accord avec un bon nombre de ses choix, il n’empêche que lui et son Royaume de Sang m’aident à me canaliser. »
Je souffle un instant, regarde par terre, et continue avec la désagréable impression de devoir me justifier d'un trait de caractère terriblement humain.
« Chacun d’entre nous a une partie sombre, et je suis parfaitement lucide quant à la part qu’occupe la mienne. Et la présence de votre frère dans ce monde l’entretien et la rend légitime. Et même si tout ce qui en découle est terrible, horrible, je peux au moins la laisser s’exprimer quelque part, sans la contenir. Je l’ai compris lorsque j’ai réussi à déceler la beauté des arbres ensanglantés, et la grâce qui émanait des roses épineuses. Le Royaume de Sang n’est pas une aberration, Full. Il est nécessaire pour moi. »
« Et bien. Je comprends mieux à présent pourquoi ton esprit lui est si fertile. J’aurais dû me douter que la fascination du macabre combiné à une compassion naïve était le cocktail parfait pour qu’il s’éclate. Tu le rends coriace. Et il te rend comme lui. »
Non, non. Ce n’est pas ça. Je me prends la tête dans les mains, en appuyant sur mes arcades sourcilières du bout des doigts. Je relève la tête, comme si me frotter un instant les yeux m’avait aidé à voir légèrement plus clair dans le fond de ma pensée.
« Je vous ai pourtant répété que je n’avais aucune envie de massacrer quiconque, ni de semer le chaos. Je n’ai pas changé de comportement depuis que nous nous côtoyons. Je suis juste réceptive à son univers. Et je le laisserai croître, tout en le contrôlant, j’en suis capable, maintenant. Et qui sait, je pourrais peut-être l’influencer, aussi. Après tout, nous sommes amis. »
« Il ne peut y avoir d’amitié avec quelqu’un qui ignore ce concept, Emily. Vous êtes à mille lieux d’avoir une relation amicale. Vous n’avez qu’un lien de distraction à distraction. Et personne, je dis bien PERSONNE, ne contrôle Moon. »
Pourquoi est-ce que je ressens soudainement l’envie de me fracasser le crâne contre son bureau ? Est-ce parce que, malgré tout, je sais pertinemment que Full a fatalement raison ? Alors pourquoi, au lieu de me raisonner, je sens mon sang bouillonner ? Pourquoi est-ce que je suis de plus en plus souvent en colère ? Je ferme les yeux. Depuis le début de notre discussion, j’ai l’impression d’être cernée par des masses sombres qui apparaissent dans le coin de mon champ de vision. Mais dès que je tourne le regard vers elles, elles disparaissent.
« Qu’est-ce que je dois faire, alors ? Rester ici, à ne rien faire, et à attendre que le temps passe, et que le passé s’efface ? Nous sommes dans un monde spirituel, les risques sont légers. Au pire, ce sera juste un jeu, une distraction, comme vous dites. »
« Je ne te demande pas de rester assise ici, sans rien faire. Si tu veux passer voir Moon, soit. Mais je t’en conjure, ne le provoque pas. Ne joue pas avec lui, jamais tu ne gagneras. Tu ne feras que te perdre un peu plus, et ce ne sera drôle que pour lui. Va dans son sens, et ne le contrarie plus. »
Je ne dis rien. Dans leur concept, le calme et la patience sont des notions qui me semblent largement abordables. Mais dans la réalité, il n’en est rien. Je me connais, je sais que je sus un baril de poudre, près à exploser à la moindre étincelle. Surtout en ce moment. Et quand bien même je l’apprécie, Moon ne mérite ni mon calme, ni ma patience. Je vais vraiment devoir faire des efforts. Secrètement, je rêve que le Prince de Sang en fasse aussi, des efforts, et que nous puissions nous retrouver en toute courtoisie autour d’une tasse de thé, sur une nappe brodée de fils écarlates, décorée de carcasses d’agneaux.
- Chapitre 4:
A la vue de la mine gravement sérieuse du Prince de Glace, je renonce à répondre à ses recommandations par une blague sinistre et cynique. M’asseyant sur la chaise qui faisait face à son bureau, je déclame d’un air calme et sur de moi :
« Je ne vous ferai pas de promesses que je ne pourrai pas tenir. Néanmoins, je vous promets de ne pas déclencher les hostilités la première. »
Je peux sentir que cette réponse ne le satisfait pas entièrement, mais c’est malheureusement tout ce que je suis capable de lui offrir. Il me retourne un soupire, regardant son stylo d’un air perplexe. Alors que je m’étais plongée dans la contemplation des enluminures en forme chamoix de qui ornaient son plafond, je l’entends reprendre :
« Et concernant Walk ? »
Surprise par le côté très direct de la question, je ramène instantanément mon regard vers mon interlocuteur, essayant de ne pas trahir ma surprise, et un léger malaise. Je n’ai pas envie d’aborder ce sujet avec Full. J’ai trop peur qu’il m’apporte des nouvelles de mauvais augure au sujet de son frère.
« Walk ? Mais je désire simplement le revoir. Et je pense que lui au moins, il n’essayera pas de me jeter un couteau dessus. Enfin, je l'espère ! »
Le regard à la fois calme et sévère du souverain m’intime de lui dévoiler mes intentions plus en détail. Je soupire légèrement et continue.
« Je veux le retrouver. C’est important, j’ai tellement de chose à lui dire. Et j’ai l’espoir qu’il se montre, cette fois. Même si avant je dois reconstruire sa cité entièrement, cela ne m’effraie pas. »
« Et tu as envisagé la possibilité que, même après tous ces efforts, il ne se montre pas ? »
« Oui. Je ne l’obligerai pas à se montrer, et ce sera un message très clair. Mais au moins, j’aurai la certitude d’avoir tout tenté. Et je pourrai peut être redevenir en paix avec moi-même. »
Je le regarde acquiescer, mais il se tait. Il ne doit pas en savoir plus que moi, pour rester aussi taciturne à ce sujet. Quoiqu’il en soit, je dois clore cette discussion. Une route longue et éprouvante m’attend, et je dois la faire tant que ma motivation est intacte. Sinon, je n’en aurai plus le courage.
« Bon. Et bien si c’est tout ce dont vous vouliez parler, je pense que je vais pouvoir y aller! » Lançais-je avec un sourire exagéré et les yeux écarquillés, me relevant de ma chaise.
« Reste assise, s’il te plait, ce n’est pas fini. »
Je me fige, puis inverse mon mouvement pour me rassoir sur ma chaise. S’il n’avait pas utilisé la formule "s’il te plait", je n’aurai peut-être pas été si coopérative. Mais j’ai apprécié la manière dont ces quelques mots lui ont fait perdre de sa froideur. Je remets mes mains sur les accoudoirs et lui fait signe que je suis disposée à l’écouter à nouveau.
« Je t’ai parlé de la tempête, qui gronde au-dessus de nos têtes. Et bien ce n’est pas une tempête ordinaire, elle ne me plait pas du tout. Elle… Me rend dingue. Quand elle approche, je me sens impuissant, et incapable d’être heureux, dans un état proche de la mort. C’est comme si toute la noirceur du monde venait envahir mon cœur. Et je ne parle pas d’une noirceur de terreur, comme celle qui anime le Royaume de Sang. C’est une noirceur destructrice, mais impartiale et inanimée. Comme les trous noirs aspirent des univers entiers, celle-ci aspire mon essence et ma raison d’être petit à petit, mais sans aucun désire de chaos ou de folie. Cette chose, c’est le rien. C’est le néant profond. »
« Dites-moi ce que je dois faire pour la chasser d’ici. », déclarais-je, en réagissant immédiatement.
Le Prince de Glace éclate alors d’un rire cristallin, où s’entrechoque la tristesse sincère, et le désespoir.
« C’est là que la situation devient dramatique. Tu n’y peux rien, Emily. Rien. Rien du tout. »
Ah oui ? Alors je devrais la regarder tout détruire sans rien faire, alors qu’elle est chez moi ? C’est hors de question. Cette nouvelle ligne à l’équation ne me plait pas du tout, et je me sens commencer à bouillonner à nouveau. Je crois que le roitelet dans ma poche doit sentir cette nervosité, car le voilà qui s’agite dans ma poche. Je le laisse sortir pour l’observer faire le tour de la pièce. Le regarder m’apaise beaucoup. Tout est tellement plus beau, plus calme, plus simple, là où il passe. Je voulais m’énerver, mais je me sens à présent plus détendue. Je me relève calmement, avant de me pencher sur le bureau du Prince de Glace :
« Alors, écoutez-moi : une tempête, c’est avant tout du vent. Et si vous croyez que c’est une chose qui m’effraie, ou qui m’empêchera d’avancer, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Il est hors de question que je renonce à me battre uniquement parce que vous me dites que je n’y peux rien. Je ne m’avoue pas vaincue d’avance. C’est mal me connaître. »
Je me détends. Je ne dois pas laisser cette mauvaise nouvelle envahir mon cœur, sinon, j’agirai de façon désespérée, et je risque de commettre des erreurs. Mais cela m’énerve tout de même grandement lorsque l’on me dit que les ténèbres sont à ma porte et que je n’ai pas de quoi les faire déguerpir. Je n’ai jamais été très douée pour encaisser la frustration ou me résigner. Et puis, cela fait peur. Je rappelle à moi mon petit roitelet, qui vient se poser sur mon épaule, dans un concert de petits piaillements cristallins. Il m’aide à me reconcentrer sur mon objectif : le raccompagner au Royaume de Cendre, et retrouver Walk. Tout le reste est tellement secondaire, et rien ne sera assez fort pour me barrer la route. Ni Moon et son Royaume de tourmente, ni la tempête écarlate et soi-disant invincible.
Je remerciement poliment Full et quitte son bureau. Il m’a souhaité bonne chance. C’est vrai que j’en aurai besoin. Mais je suis contente de l’avoir revu, même si il était un peu changé. Il était comme habité par une fragilité peu coutumière. Je me demande si je contemple l’œuvre du typhon, au loin. Je m’arrête le long d’un couloir, et me poste à une fenêtre pour observer mon nouvel adversaire. Il ressemble à une nappe foncé, sans forme ni couleur définie, changeant continuellement d’aspect, hésitant entre le rouge, le noir et le violet. Il borde l’horizon du royaume, comme l’écume borde les plages, attendant la marée montante pour gagner du terrain. Je sens les paroles du monarque de Glace écraser mes côtes. Et s’il disait vrai, s’il y avait des batailles que l’on ne pouvait gagner ? Je reste pensive un instant, laissant mon roitelet voler un bout à l’autre du couloir, rendant à chacun de ses passages les pierres des murs plus brillantes, et les tableaux plus impériaux.
- Chapitre 5:
Je quitte le château d’un pas décidé. Je me mets à trembler un peu, à cause du froid ambiant. Sans me retourner, je me dirige vers les remparts du royaume, cette limite qui signe la frontière entre la glace et le sang. Les gardes me laissent passer sans encombre, et je me retrouve une nouvelle fois dans ce qui ressemble plus à un no man’s land qu’à un véritable territoire. Les lieux sont toujours jonchés de bâtiments sinistres, de ruines abandonnées qui se perdent peu à peu dans la poussière et le sang. Une fois à bonne distances des murs, je laisse mon roitelet s’échapper de ma poche pour qu’il s’envole dans le ciel. Je sais qu’il va me guider pour rejoindre son royaume légitime, je n’ai pas le droit de me perdre dans ce dédale sanglant. Heureux d’avoir quitté son état de cristal, il commence à voler si vite que je dois courir pour le suivre. Je me mets donc à détaler, ne le quittant pas des yeux.
Je suis à bout de souffle lorsque j’arrive à l’orée de la forêt. Je m’arrête. Je dois faire une pause, sinon, je vais m’effondrer. Le roitelet semble l’avoir compris, puisqu’il se perche sur l’un des premiers arbres du bois rouge. Alors que je reprends peu à peu ma respiration, je relève la tête, profitant de cette instant de répit pour observer un peu autour de moi. Ce que je ressens à propos du Royaume de Sang est indescriptible. Tantôt détestables, tantôt admirables, les arbres sombres ont une majesté inégalée et les spirales de leurs branches sont hypnotisantes. Je retrouve avec émotion cette porte de roses, cette brèche dans les ronces, que j’avais empruntées lors de ma première venue ici. Sans aucune peur, malgré l’horreur de mes souvenirs, je m’y avance, et plonge dans le cœur de ce monde.
Je ne ressens aucune douleur, ni aucune folie. Juste une mélancolie, aussi profonde que belle, une tristesse poétique et intense. Une puissance démesurée, presque divine semble courir dans mes veines, lorsque les roses rouges m’approchent. Je vois une branche de ronces serpenter sur le sol, reptile végétal qui s’avance vers moi. Lentement, je les laisse grimper le long de mes jambes, allant jusqu’aux épaules, puis les laisse s’enrouler délicatement autour de mes bras. Leurs épines ne me blessent même pas. Et lorsqu’elles atteignent mes mains, ces plantes font fleurir un bourgeon dans chacune de mes paumes, que je contemple un moment. Il y a tant de douceur dans leur agissement, par rapport à la dernière fois. Je me demande si cela est dû à la présence du roitelet, perché au-dessus de nous. Redeviendront-elles hostiles, s’il s’absente ? Oh, je t’en prie, ne m’abandonne pas.
Soudain, les ronces noires se retirent presque poliment, alors qu’une silhouette animale blanche s’approche, sortant de derrière les arbres. Et je l’aperçois, le cerf albinos. C’est comme si il était resté là pendant des années, à m’attendre. Son pelage est toujours aussi clair, et ses yeux sont rouges comme le sang. Des roses écarlates sont accrochées à ses bois, le parant de la plus belle des manières. Il est à la fois monstrueux et magnifique. De par son attitude calme et respectueuse, je comprends à présent qu’il s’agit d’un allié. Je le laisse venir près de moi, le laisse poser son museau au creux de ma main. L’animal est fiévreux, je le sens instable, mais dénué d’agressivité envers moi. Je comprends son regard avide lorsqu’il lorgne des carcasses, et commence à saliver. Cet animal est dévoré d’appétit de sang. Avec un triste sourire, je prends conscience qu’il se souvient certainement aussi bien de moi que je me souviens de lui.
« Je suis navrée si tu as faim, mais n’espère plus recevoir d’offrande de ma part. »
Le cerf albinos émet un bruit de déception, mais reste à côté de moi, docile. Il ne m’en veut pas, et il sait qu’il m’est redevable, pour la dernière fois. pour avoir fait d'Heartless l'un de ses meilleurs repas. J’ignorai que certaines créatures de ce royaume avaient un sens de l’honneur ! Sur un simple regarde de ma part, il s’agenouille devant moi afin que son garrot soit à ma taille, se proposant ainsi comme destrier. Je le remercie et prend place sur ma nouvelle monture. La vision du monde décorée de ses bois blancs me plait beaucoup ! Je vais ainsi pouvoir suivre la course de mon oiseau plus efficacement qu’avec mes deux jambes. Je regarde le roitelet reprendre son vol joyeux sous la cime des arbres.
« Toi, je t’intime de rester hors de portée de toutes les créatures de ce royaume. » Pensais-je relativement fort.
J’ai peur que la première bête venue voit en lui une proie de choix, et se rue sur lui. Même ce cerf en serait capable, puisque la faim le tiraillait. Je regarde le haut des arbres d’un air inquiet. Heureusement, lors de mon dernier passage ici, je ne me souviens pas avoir aperçu d’oiseaux maléfiques, et mon ami vole avec une rapidité déconcertante. Il semble réellement intouchable.
La course au milieu de la forêt devient de plus en plus effrénée. Les arbres filent et défilent dans un rideau pourpre, qui parfois prend des teintes grises, ou verdâtre en fonction des zones. Nous passons devant un marais de braises, des collines parsemées de chairs. Le cerf saute au-dessus d’une rivière devenue entièrement ensanglantée. Tout ici est affreux, mais organisé d’une manière élégante et raffinée. Cette nouvelle forme d’art me laisse perplexe. La forêt commence à se faire de plus en plus dense autour de nous, et les lieux s’obscurcissent. Il y a tellement d’arbres, tellement d’obstacles potentiels que ma monture est obligée de ralentir son rythme pour ne pas nous blesser. D’un pas rapide, nous continuons notre chemin.
Je n’aime pas l’idée de ce ralentissement soudain. Même si ces ténèbres me paraissent moins hostiles qu’il y a quelques temps, je n’oublie pas que je me trouve dans un lieu extrêmement dangereux, où chaque rencontre pourrait être mauvaise et dévastatrice. Je me sens vulnérable. Je crois apercevoir des ombres se mouvoir entre les arbres, pour nous cerner petit à petit. Je pense surtout que la peur commence à m’envahir. Je ferme les yeux, en me persuadant que de toute manière, quoiqu’il arrive, je peux me défendre. Soudain, je sens instantanément l’allure du cerf reprendre de la vitesse. Mais nous ne sommes pas sortis du bois pour autant ! A-t-il senti ma peur d’être attaqué plus aisément ? Peut-être. Mais peut-être n’est-ce pas la seule raison également ! Je tourne la tête sur ma gauche, et distingue très sérieusement une silhouette sombre qui nous talonne. Paniquée, je me cramponne au cerf qui file comme une flèche pour échapper à notre poursuivant. Au bout de quelques secondes de course seulement. Je sens un choc incroyablement brutal et tombe à terre. Je roule sur plusieurs mètres, la tête dans les bras, et m’arrête sur un tas de feuilles rouge sang. Je me relève rapidement, prête à faire face à cette nouvelle menace en montrant les crocs.
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| | | Emily Admin
Messages : 699 Date d'inscription : 11/07/2010 Age : 30
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mer 2 Nov - 17:01 | |
| - Chapitre 6:
Les sens en alerte, je regarde partout autour de moi. Le cerf a disparu, j’ose espérer qu’il a pris la fuite. J’hésite un instant à faire de même. J’entends mon roitelet. Il est resté dans les hauteurs, et vole en cercle autour de moi, comme inquiet. Des branches craquent. Une silhouette sombre, de taille humaine se détaille d’entre les arbres. Je vois la forme émerger du brouillard. C’est… Simili.
« Alors comme ça, tu es revenue. C’est une surprise ! Tu sais, c’est rare, les victimes qui reviennent si vite sur les lieux de leur agression… »
« Moi aussi, je suis surprise. Par le fait que tu m’ais attaqué tout seul. Où sont tes deux gorilles ? Ils se sont fait corriger comme le pauvre Heartless ?»
Malgré l’euphorie de provoquer mon ennemi, je parviens à rester calme. Je ne dois pas perdre le contrôle. Je n’ai pas de poignard pour me défendre, cette fois, mais mon pouvoir est une arme bien plus puissante. Je repense à tout ce qu’il a fait. S’il approche, il va vraiment saigner. Je le regarde rigoler.
« Ah ah, non. J’ai juste omis de les prévenir que je t’avais aperçu. Ce moment avec toi, je vais en profiter tout seul. »
Son assurance me fait trembler de manière imperceptible. Il me dégoûte réellement. Je sers les poings. Tu vas voir le plaisir que tu vas te prendre dans la gueule, tu ne vas pas comprendre. Moi-même je ne comprends pas ce désir ardent de t’arracher la trachée avec les dents. Un goût de sang envahit ma bouche. Je crois que je me suis mordue la langue de rage. Simili fait un pas vers moi, alors que j’en fais instantanément un en arrière pour ne pas réduire la distance qui se trouve entre nous.
« Heartless avait commis l’erreur de te sous-estimer. Ne t’attends pas à ce que je reproduise la même faute. Je sais exactement de quoi tu es capable. »
« Tu n’en sais rien !! Tu ne sais rien du tout ! Ne m’approche pas !!! »
Je regarde tout autour de moi. Je vois le roitelet perché sur une branche très haute, inatteignable, et remue un peu. Il sait que je ne veux absolument pas qu’il s’en mêle. De toute manière, ce n’est qu’un petit oiseau, il ne va pas me sortir de se pétrin en agressant mon adversaire à petits coups de becs ! Je vois Simili sortir calmement un couteau et le conserver dans sa main droite. Pour ma part je n’ai aucune arme concrète. Juste mon imagination, et une haine difficilement contrôlable.
Il bondit, me laissant tout juste le temps de me jeter sur le côté pour l’esquiver. J’atterri contre un arbre, et malgré ma réception plutôt maladroite, je retrouve mon équilibre rapidement. Je suis focalisée sur son morceau d’acier et je me concentre. Simili. Tu es chez moi. Tu ne peux juste pas gagner. Alors qu’il fond à nouveau sur moi, je plisse les yeux. Je réalise alors que, plus je regarde Simili, plus je fais attention aux détails, à son attitude, à ses mouvements, plus il me semble lent. Comme si une observation précise avait le pouvoir de geler le temps. Ses faiblesses me sautent aux yeux, je comprends soudain la façon dont je dois me comporter. Avec plus de facilité, j’évite la morsure de son poignard. J’en profite pour accompagner mon esquive d’une première gifle résonnante. « Je t’en dois encore une autre ! » Le regarder chuter dans un tas de feuilles, une trace rouge sur le visage, ça n’a pas de prix. Je ne lui laisse pas l’occasion d’attaquer de nouveau. J’attrape un bout de boit qui gisait à terre et lui assène un coup sur la tête pour l’empêche de se relever rapidement. Je dois y aller avec beaucoup de force. Ma vision se brouille et mes muscles se transcendent. Mais au bruit, je comprends que ce n’est pas assez, et que je n’arriverai jamais à le maîtriser de la sorte. Je change de technique me reculant d’un bon de Simili, chancelant. Je regarde la terre à ses pieds, et y exprime toute ma violence, espérant très fort réussir à récidiver l’exploit que j’avais effectué au Royaume de Glace. Cela marche ! Des plants de ronces surgissent du sol et maîtrisent Simili. Le voir affaibli stimule ma rage et ma joie de prendre le dessus. Je fonce vers mon ennemi pour lui asséner un nouveau coup, plus fort. Il faut en finir !
Complètement aveuglée par l’adrénaline, je lui assène coups sur coups avec mon bout de bois. Il n’y a pas de mot pour définir cette fureur qui m’habite. Le frapper avec violence est la seule chose que je dois faire. J’ai l’impression que mes actions se déroulent au ralenti, que je peux contempler les gouttes de sang voler dans les airs pendant de longues secondes, avant qu’elles ne retombent au sol. Il a essayé de me faire du mal ! Il m’a méprisée ! Il avait des projets horribles, et aucune pitié dans ses yeux. C’est lui ou moi. C’est comme avec Heartless… C’est comme quand… STOOOP. Alors que j’allais lui asséner un coup encore plus violent, j’entends à nouveau le chant de mon roitelet, qui est revenu voltiger à mes côtés. Ma vision récupère de ma netteté, et je me retrouve face au visage tuméfié et sanguinolent de Simili. Je réalise alors qu’il a peut-être eu son compte. Serait-ce vraiment utile d’aller plus loin ?... Je n’arrive plus à le regarder en face, et je baisse les yeux.
C’est en voyant la quantité de son sang s’écouler sur le sol, que je prends conscience que nous en avons tout de même beaucoup en nous. Je ne peux m’empêcher de regarder le bout de mes doigts, et de m’imaginer les centaines de petites veines dans lesquelles ce dernier coule à flot. Je ne sens secouée de légers tressautements, je crois que je suis au bord du malaise. Je décide de courir loin, très loin d’ici, abandonnant Simili entre la vie et la mort. Mes jambes me portent à peine et je manque de tomber à chaque pas. Je vois le ciel devenir de plus en plus rouge, il commence à gronder et le vent se lève. Les premières gouttes tombent, et elles sont écarlates. Les arbres saignent à leur tour, déversant un gigantesque flot de liquide carmin, pour former un véritable tsunami. Qui me submerge entièrement.
. . . . . . . . . . .
Je suis réveillée par un mal de tête insupportable. L’arrière de mon crâne me lance, comme si je m’étais brûlée. Je crois que j’ai eu une absence. Je me souviens de Simili. Les flashs de violence avec laquelle je l’ai brutalisé me sautent au visage. Je tremble et pousse un cri. Je n’arrive pas à croire que j’ai fait cela. Mais au moins, il est en vie. Je ne suis pas allée trop loin. Nous devons être quittes, en quelques sortes. J’ouvre les yeux pour découvrir l’endroit où je me trouve. Je suis allongée sur un banc, dans ce qui semble être les ruines d’un bâtiment très grand, remplit de colonnes et de voutes. Je n’arrive vraiment pas à me souvenir de comment je suis arrivée ici, comme si mon esprit avait décidé d’effacer une partie de ma mémoire immédiate. Je regarde mes mains : elles sont immaculées. Des taches de sang couvrent mes habits, mais il y en a moins que dans mon souvenir. Je me relève doucement, et crois comprendre dans quelle sorte d’endroit je me trouve. On dirait une chapelle. Ni trop grand, ni minuscule, cet endroit semble avoir grandement souffert des outrages du temps. Tous les vitraux ont été brisés, les statues sont partiellement détruites et les bougies ressemblent plus à de petits monticules de cires mêlés à la cendre. Des roses rouges ont envahi l’endroit, grimpant le long des sculptures murales comme le lierre.
Je ne vois pas mon roitelet ! J’aurais tellement voulu qu’il soit près de moi. Le fait d’ignorer où il se trouve m’angoisse énormément. Néanmoins, je sens qu’il ne lui est rien arrivé, et qu’il n’est pas loin. Mais je dois vite partir à sa recherche ! Je me lève de mon banc, et regarde tout autour de moi. L’endroit est vraiment en piteux état, le plafond est à moitié écroulé et le sol de l’allée centrale est couvert de tâches de sang. Je ne peux m’empêcher de penser à la splendeur dont cet endroit devait être paré, lorsqu’il n’appartenait pas au Royaume de Sang. Il n’empêche que la noirceur est un style qui lui va plutôt bien aussi, je suis forcée de l’admettre. Je me dirige vers l’allée centrale pour commencer à explorer l’endroit.
Mes pieds foulent le tapis pourpre. Je fais mon premier pas tout doucement, en direction de l’autel que je voudrais aller observer. Mais je n’ai pas le temps d’en faire un deuxième. Le son de l’orgue explose dans toute la bâtisse, faisant rater à mon cœur un battement. Une fois le choc de passé, je crois reconnaître la marche nuptiale de Mendelssohn, jouée avec plus d’agressivité que d’ordinaire. Chaque note est un supplice, un mélange de surprise, de crainte et d’amusement. Parce que je sais pertinemment qui est installé au clavier, et que sa maîtrise de l’humour noir est irrésistible. Je suis incapable de me retourner, ni d’avancer. Je ne trouve rien de mieux à faire que de rester figée en plein milieu de cette chapelle, à écouter les sons cet instrument me poignarder sereinement l’âme et remuer mon cerveau.
- Chapitre 7:
"Tous les chagrins peuvent être supportés, si on les mets dans une histoire." Hannibal.
Que ce morceau semble durer une éternité. Hors de question de continuer à avancer dans l’allée centrale sous cette musique sarcastique. Je me sens raillée, et si je n’avais pas vidé la totalité de mon agressivité sur Simili, je serai sans doute énervée. Mais là, je n’ai même plus la force de me mettre en colère. Dans une immense lenteur, je parviens à me retourner, pour faire face à l’orgue gigantesque qui crache ses notes, les unes après les autres. L’instrument est gigantesque, et remarquablement bien conservé par rapport au reste du bâtiment. Je pense que mon visage doit exprimer un mélange d’appréhension et de contentement. Lentement, je m’avance vers la balustrade depuis laquelle provient la musique. Cette dernière est toujours aussi assourdissante, mais je sens que la mélodie touche à sa fin. La dernière note est la plus longue, et celle-ci semble infinie. On dirait que l’organiste s’est endormi sur son clavier. Alors que je commençais à ne plus le supporter, le bruit s’arrête net, suivit par un long silence.
Je penche la tête, guettant la présentation du musicien, après cette formidable prestation. J’en oublie même un instant les règles de politesse, et me rattrape immédiatement avec de timides applaudissements. Je n’ose rien dire encore. Le bruit de mes paumes s’entrechoquant résonne dans toute la chapelle, meublant un peu ce silence glaçant. Soudain, un objet s’élève dans les airs, lancé depuis le balcon de l’orgue pour arriver vers moi. Par reflexe, je tends les mains et l’attrape. C’est lisse, et encore chaud, c’est… Un cœur humain. Très bien ! Horrifiée, je le laisse tomber à mes pieds avec un cri.
« Tu es complètement malade ! »
« Franchement, Emily. Que serait un bon organiste sans… Organes ? »
Je n’ai pas le temps d’identifier la source de cette voix que j’aperçois le Prince de Sang bondir de la balustrade pour atterrir devant moi. Je lui fais face, à moitié sur mes gardes. Contrairement à son frère, qui était légèrement du souvenir que j’avais de ma dernière venue ici, Moon n’a absolument pas changé. Il est toujours le même, avec sa chevelure écarlate et son sourire jusqu’aux oreilles. Je reste immobile. Je sais que je l’ai un peu déçu, la dernière fois, en quittant son royaume plutôt que prévu, et je m’attends à ce qu’il me le reproche. Ses dernières paroles n’étaient pas très tendres. Il attend peut être des excuses. Avec une pointe d’appréhension, je déclare :
« Bonjour Moon. Crois-le ou non, je suis contente de voir, aujourd’hui. »
Le Prince de sang n’a aucune réaction. Il se contente juste d’avancer lentement. Il s’arrête, à un peu plus d’un mètre de moi.
« Oh, moi aussi, je suis… Content. »
Il prononce ce dernier en écrasant allègrement le cœur que j’avais laissé tomber à mes pieds. Je déglutis. Est-ce que Moon serait capable de ressentir de la rancœur ? Je commence à m’avancer vers lui, je suis prête à faire le premier pas.
« Je comprends très bien que tu sois fâché suite à… La dernière fois. Mais il fallait que je le fasse. Est-ce que tu compr… »
Je suis soudainement bloquée dans mon avancé par une pousse de ronce qui vient s’enrouler autour de ma cheville, puis me tire brusquement pour me faire tomber. Je lève la tête vers Moon. La froideur avec laquelle il me regarde est terrorisante.
« Compr ? Et qu’est ce que je suis sensé compr ??! Que Emily-la-traitresse est revenue à nouveau pour sauver le monde ?? »
« Tu n’as pas à m’en vouloir parce que je suis partie ! Déclarai-je en me relevant, tremblotante, Je suis désolée d’avoir dû le faire si brusquement, mais je voulais vraiment aller au Royaume de Cendres. Je… Ne pouvais pas rester ici éternellement. »
« Tu confonds toujours vouloir et pouvoir. »
Le Prince Sang a un rire moqueur. Il me tourne le dos, comme s’il allait faire demi-tour et me laisser de nouveau seule. Je l’interpelle :
« Attends ! J’ai gardé ton collier… »
Il fait soudainement volte-face, comme si ce détail l’avait intéressé. Pour me justifier, je sors le pendentif de mon col pour l’exposer à sa vue. Il le toise sans aucune conviction.
« Cette babiole ? Il ne m’est plus d’aucune importance, ce collier. Suis-moi, j’en ai un autre pour toi. »
Ca déclaration me surprends et m’attriste. J’espérai que cela m’aiderait à me faire pardonner, qu’il comprenne l’importance que je lui accordais, même si je ne pouvais pas toujours être présente. Je prends conscience que cela va être compliqué. Les larmes me montent aux yeux. Moon m’attrape par le bras. Je suis tellement secouée que je n’ai pas la force de résister. Il m’emmène vers l’autel, et quand bien même je trouve cette scène insupportable, je décide d’encaisser, sans faire de vagues, pour ne pas envenimer la situation. Alors que nous progressons dans l’allée, les ronces commencent à envahir le plafond de l’église. Elles s’allongent et se tordent, telles des lianes. Je ne comprends pas très bien ce qu’elles font. Alors que je regarde à nouveau droit devant moi, j’en remarque une, plus longue que les autres, descendue juste devant l’autel, pour se nouer délicatement, à la façon d’un nœud coulant. Il s’agit d’une potence. Je m’arrête net, croyant à une hallucination.
« Allons, Emily, ne me dit pas que tu ignorais le traitement réservé aux traitres ? » Sourit le Prince de Sang.
Cette fois, s’en est trop. Je mobilise toute mes dernières forces pour me dégager de l’emprise de Moon. Il est devenu encore plus fou qu’il ne l’était auparavant. Ou alors il est vraiment très en colère. Des larmes commencent à embuer mes yeux. Je ne suis pas une traîtresse ! Et je ne mérite pas ça ! Je parviens à lui échapper le temps de faire quelques pas en arrière, mais il me saisit l’autre poignet sans aucune difficulté.
« A l’instar de Judas, Pazzi et autres célébrités, c’est un passage obligé, ma chère. »
« Tu bluffes ! Tu as horreurs des cordes !! » Criais-je en me débattant.
« Pas lorsque je tiens l’une des extrémités, et que de l’autre se balance un joli cadavre de renégate non-assumée ! » Ricane mon interlocuteur en continuant de tirer ma main.
Je continue à crier et à remuer dans tous les sens, malgré le peu de force qu’il me reste. L’injustice et l’horreur de la situation me donnent une énergie nouvelle. Mais Moon demeure imperturbable, et insensible à ma détresse. Je laisse mes jambes se dérober sous moi, pour ne devenir qu’une masse hargneuse et immobile, mais mon tortionnaire parvient tout de même à me trainer par terre en s’en amusant. Moi ça ne me fait plus rire du tout. Je ne réalise pas que le Prince de Sang désire réellement m’exécuter. Je n’arrive même pas à retenir des sanglots enragés lorsque l’anneau de ronces descend autour de ma gorge. Je ne veux pas connaître cela, c’est trop horrible ! Dans un dernier effort mental, j’essaye de leur ordonner de se retirer, mais le pouvoir de Moon est plus fort. Elles ne m’obéissent plus.
« Une dernière volonté ? »
« Tu n’es qu’un enfant susceptible ! Je ne t’ai jamais abandonné ! J’ai continué à prendre soin de cet endroit ! Regarde les plantes, et les jardins qui n’ont jamais cessé de croître. Tu n’es pas le seul responsable de tout cela ! »
« Mais oui, bien sûr ! Répond Moon, comme s’il ne m’avait même pas écouté, Et quand tu es partie, c’était seulement pour aller me chercher des pains au chocolat ! Tu es pathétique, et tu n’assume même pas tes choix. Je t’avais dit que tout ce que tu méritais, c’était la pendaison mentale. Donc puisque tu n’as aucun ultime souhait, nous pouvons y aller. »
Je sens les ronces se resserrer autour de mon cou, et me tirer vers le haut. Je suffoque, et les agrippe à la main. Les épines se plantent dans ma chair, et le sang commence à dégouliner sur mes vêtements. Cette fois-ci, c’est fini. Personne ne viendra… Full et Walk sont beaucoup trop loin… Mes pieds quittent le sol. Je m’attends à perdre connaissance, mais soudain, la corde lâche, et je tombe à terre, reprenant mon souffle en haletant ! Le rire complètement dingue et euphorique du Prince de sang résonne dans toute la chapelle. Par reflexe, je me dégage des ronces. Je voudrais presser ma main contre les plaies pour empêcher le sang de couler, mais mon cou est tellement endolori que le moindre contact est insupportable. Je rouvre les yeux, et découvre Moon, tout seul, tordu de rire dans l’allée centrale :
« Ahahaha !! Comme tu as eu peur ! Tu aurais dû voir ta tête !! Ta frayeur et ton agonie étaient sublimes ! Je le vois faire semblant de s’essuyer une larme de rire – Moon ne pleure jamais, il avait dû voir cela dans un film - Je m’étais rarement amusé ainsi avec toi ! »
Je me sens tellement choquée que je ne sais même pas comment réagir. D’un côté, je suis furieuse. Je ne peux m’empêcher de saisir des morceaux de ronces gisant à mes pieds pour les lui lancer à la figure, ce qu’il esquive sans problème. Mais de l’autre, je me sens tellement "soulagée" qu’il ne m'en veuille pas au point de me tuer. Il avait l’air tellement en colère… Je croyais que nous avions passé un point de non-retour, où cet individu pourrait devenir définitivement destructeur pour moi.
- Chapitre 8:
Au fur et à mesure que je reprends mon souffle, je me rends compte que je peux recommencer à parler. De manière haletante, je lâche :
« Tu… Tu ne veux pas me tuer ? »
Le Prince de Sang a un petit rire hautain. Un petit rire qui m’énerve beaucoup. Je crois qu’il va me pousser à bout, s’il continue.
« Evidemment que non ! Te tuer équivaudrait à abréger tes souffrances, et ce n’est pas ce que je souhaite. Et puis, une fois morte, tu risques d’être beaucoup moins réceptive à ce genre de blague. Je préfère continuer à faire semblant, c’est drôle aussi. »
Ca dépend pour qui. Je secoue la tête, j’ai l’impression d’émerger d’un cauchemar, tout en restant dans un cauchemar. En temps normal, cela me ferait plaisir de rester avec Moon, et d’échanger un peu en sa présence. Mais je sens qu’il est d’humeur beaucoup trop hostile. Je ne compte pas rester dans ses griffes, à me faire torturer à petit feu. Je dois à nouveau lui fausser compagnie. « Oh, mais quelle idée de génie Emily ! » Me souffle ma conscience. Et elle a raison : c’est parce que je l’ai abandonné une première fois qu’il est dans cet état. Mais c’est un casse-tête pour moi. Je ne peux pas me plier à tous ses caprices ! Je dois me répéter encore et encore que je n’ai rien fait de mal, et qu’il est le seul responsable de sa colère, pour ne pas être tentée de céder à son chantage.
Une idée germe dans mon esprit. Je demande si, même s’il ne ressent pas de la douleur, Moon pourrait être assommé. Certains bancs de la chapelle sont en morceau, et de larges bouts de bois gisent à terre. Je ne suis vraiment, vraiment plus d’humeur à être martyrisée. Lentement, alors que le Prince de Sang est reparti dans un monologue aussi dingue que cruel, prenant une statue de la vierge Marie comme interlocutrice, je me dirige vers les morceaux de bois, si précieux à mes yeux. Je m’arrête net lorsqu’il se retourne brusquement :
« Et c’est ainsi que meurent les pauvres bébés caïmans-hiboux ! Mais si, tu connais cette espèce de plumeux à grandes dents ! Les plus faibles sont dévorés par leur propre maman, lorsqu’elle ne les trouvent pas assez obéissants ! »
J’acquiesce, les yeux écarquillés. Je pense à ce que j’ai l’intention de faire, et je ne suis vraiment pas fière de moi. Cela peut sembler absurde. Moi qui prône en général la loi du talion, je ne devrai avoir aucun scrupule à lui faire une bosse sur le crâne. Je devrais même aller jusqu’à l’étouffer avec ses propres racines de fleurs ! Mais c’est plus fort que moi, m’imaginer lever la main sur Moon, ça… M’attriste. Le seul moyen de rendre cela supportable, c’est de me dire que je le fait pour Walk. Je sens que le Prince de Sang a du mal à me lâcher du regard. La culpabilité se lit tant que cela sur mes yeux ? Je fronce les sourcils pour ne pas devenir un livre ouvert et affronter ses iris glacés. Je ne veux pas lui laisser voir que j’ai peur. De toute façon, je n’ai pas peur de lui. Sinon, je ne l’aurais pas gardé dans la tête aussi longtemps. J’ai juste besoin qu’il me lâche. J’ai besoin de respirer.
« Maintenant, il faut que tu me suives Emily ! J’ai quelque chose à te montrer. »
« Si c’est encore un « bijou », tu peux te le garder pour toi ! », sifflais-je
« Non, non, non, ça n’a rien à voir, cette fois. C’est bien plus majestueux ! »
Et le Prince de Sang se dirige alors vers la grande porte de la chapelle. C’est le moment ou jamais. Rapidement, j’attrape le bout de bois, et me lance à sa suite d’un pas feutré. Je me sens complètement tremblotante, je crois que je ne me suis pas encore remise de l’incident de tout à l’heure. Ou alors c’est l’adrénaline qui commence à m’envahir, parce que je vais devoir devenir violente. Alors qu’il franchit l’arche menant à l’extérieur du bâtiment, j’arrive à bonne distance de son crâne. A l’instar d’un joueur de baseball aguerri, je me prépare, ma batte improvisée au-dessus de mes épaules, et l’abat en direction de la tête du souverain. Avant même que le bois ne l’approche, Moon se retourne d’un mouvement rapide en m’attrapant le poignet, se servant de mon élan pour me faire basculer par terre. Le choc du contact avec l’herbe me calme instantanément.
« Ça, ce n’est vraiment pas gentil du tout, Emy-my. Tu m’as cachée que tu étais devenue encore plus féroce que la dernière fois ! »
Il pose son regard sur le bout de bois qui git à ses pieds et le regarde avec amusement.
« Dis, tu as vraiment voulu me défoncer le crâne ? Tu imagines si ma cervelle c’était répandue partout devant l’église ! Ça aurait été génial !! »
« Je voulais juste te faire dormir un moment ! Répliquais-je avec énervement, Je ne vois pas en quoi ça te choque, étant donné que tu as voulu me pendre il y a quelques minutes ! »
« C’est vrai que ce serait presque de bonne guerre... S’il n’y avait pas entre nous une loi nommée prédateur-proie ! »
Je grogne avec mécontentement. Je sens mes nerfs piqués à vif à cause de cette remarque. Immédiatement, je fixe un buisson de ronces avec toute l’intensité possible. Je réussi à les faire s’animer, pour qu’elles fouettent l’air dans un claquement de mécontentement. Moi aussi, je peux le faire, et je progresse très vite. Cela semble faire sourire le Prince de Sang, mais je suis incapable d’en déceler plus à propos de ce qu’il pense de cela. Mais je ne crois pas que cela l’inquiète beaucoup.
« C’est amusant, quand tu veux jouer au loup. Mais quand on joue, on n’observe pas assez. Et tu n’as même pas pris le temps de regarder où tu te trouvais. Et c’est cela que je voulais te montrer ! »
Je penche la tête. C’est vrai que je ne m’étais focalisée uniquement sur Moon, depuis que nous étions sortis du bâtiment. Et puisque je suis retrouvée assise par terre, je n’ai pas une vue très dégagée de ce lieu. Je me relève doucement, prenant le temps d’observer chaque buisson et chaque arbre qui m’entoure. Mais il ne me faut pas longtemps pour reconnaître les alentours. Ce sont les Jardins de la Douleur. Je peux reconnaître la haie labyrinthique qui les entoure, ainsi que l’immense portail noir par lequel ont peut y entrer. Je suis partagée. D’un côté, je voudrais fuir cet endroit, parce que je sais qu’il ne serait éprouvant d’y retourner. Mais de l’autre, je suis curieuse de voir comment il a évolué, et peut être d’essayer de le changer. Peut-être de le rendre un peu moins désespérant.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 14 Nov - 17:03 | |
| - Chapitre 9:
Je passe les grilles de ce jardin avec précaution, Le Prince de Sang me suit à distance. L’endroit est aussi beau que dans mes souvenirs, mais tout aussi poignant également. Les sculptures de marbre et de pierre se lamentent toujours autant, dégageant une certaine faiblesse que je tolère de moins en moins.
Revoir toutes ces statues représentant mon désespoir m’insupporte plus que je ne le pensais. Je voudrais tordre le cou au destin. Je ne comprends pas tout ce qu’il s’est passé, tout le chemin, à la fois court et immense que j’ai traversé. J’ai l’impression que les années se transforment en secondes qui défilent à l’envers derrière mes paupières. Quand je repense à quand nous étions enfants… Pourquoi ai-je soudainement envie de hurler ? Pourquoi est-ce que je suis toujours en colère, jamais apaisée ? Pourquoi est-ce que tout ce qui m’entoure me semble si injuste, si frustrant ?
« C’est là l’un des plus grands problèmes de ta petite vie, n’est-ce pas ? »
Je me tourne soudainement vers Moon. C’est comme si il avait pu lire dans mes pensées. Et si tout cela était de sa faute, finalement. Et si c’était lui, qui depuis le début avait planté la graine de la folie dans un coin de mon cerveau, pour la regarder croître et grandir, ne considérant mon esprit que comme un champ fertile ? Comment a-t-il fait pour me convertir à ses règles si violentes et dures qui m’étaient auparavant étrangères ? Le Prince de Sang est ce qu’il y a de plus sombre dans le cœur d’un homme. Il n’est que réactions impulsives, agressives et négatives. Il est la noirceur qui a trouvé une place dans mon âme. Qui peut bien se vanter de rester indemne après avoir côtoyé celui qui va jusqu’à vous passer la corde au cou, alors que des années avant, il vous passait la bague au doigt ? Je divague…
« Non… Non, c’est toi le problème, Moony ! Tu ne penses qu’à toi, tu es égoïste ! Dès que je passe par ici, tu refuses de me laisser partir. Tu essayes systématiquement de me couper de tout ce qui ne tourne pas autour de ta personne… Est-ce que… Es-tu jaloux ? »
« Pour être jaloux, il faudrait commencer par éprouver des sentiments, je crois. Et qu’est ce qu… ? »
Je sens quelque chose effleurer mon nez, comme une goutte tombée du ciel. C’est rouge. Du sang. Ainsi, il pleuvrait du liquide vital dans ces contrées, ce n’est guère étonnant. Mon premier réflexe est de lever la tête, pour vérifier que cette tâche ne vient pas d’un cadavre suspendu au-dessus de nous. Mais la seule chose que j’aperçois, ce sont des nuages rouges et difformes, boursouflés de menaces. La tempête. Elle est arrivée d’un coup. Je repense aux paroles de Full. Cette tempête est néfaste pour mes Princes ! Rapidement, je saisi Moon par le poignet et commence à courir avec lui pour trouver un abri. Je crois qu’il est tellement surpris par ma réaction anxieuse qu’il rigole. J’aperçois au loin un kiosque sous lequel nous pouvons nous abriter. Nous nous réfugions en dessous, le Prince de Sang se laisse guider comme un enfant goguenard et s’assoit par terre. Son comportement n’a pas l’air d’avoir changé. Me détournant de lui, j’essaye de fixer l’intensité des nuages, comme si mon regard glacé de rancœur pouvait suffire à les faire déguerpir. Tu n’es pas à ta place ici, vas-t-en. Arrête de gâcher mon monde, même malgré-toi. Je t’en prie, ais du respect. Même pour ceux à qui tu as tout pris.
« Emily l’anguille, qui se défile sans cesse ! Clame Moon sur un ton chantant, Qui tourne autour du pot, qui recule, qui esquive les attaques. Comme une souris, qui même au pied du mur va chercher à se faufiler dans un creux minuscule pour ne pas avoir à affronter la vérité. »
« De quelle vérité est ce que tu parles ? » Répondais-je agacée, en me retournant vers lui.
« De ce que tu es. Tu es comme nous. Regarde-toi : aussi déchirée que ton cœur. Droite et juste comme Full, et pourtant éperdument sentimentale envers et comme ce naïf de Walk. Ah, et pour finir, aussi vicieuse que moi. »
Alors que j’allais répliquer, une bourrasque arrache un arbre, le faisant s’effondrer à quelques mètres du kiosque. Nous ne sommes pas en sécurité ici. Ses mots résonnent dans ma tête, et je tremble. Je n’arrive pas à gérer tout cela en même temps ! Mes merveilles qui tombent en ruine, les révélations de Moon qui semblent atrocement justes… J’essaye de retrouver un semblant de cohésion, d’harmonie dans mon âme, mais je ne maîtrise plus rien.
« Emi-mi !! Est-ce que tu peux dire à cette tempête d’arrêter ?!! Elle me... »
« Non ! Non, je ne peux pas ! Je ne peux rien faire je te le jure, j’essaye ! Je fais tout ce que je peux pour ne pas qu’elle vous nuise, toi et tes frères ! »
Il se relève brutalement. Comme si quelque chose d’invisible venait de le heurter, il tourne et retourne sur lui-même, avant de me faire face et me poignarder du regard.
« Tout ce que tu peux, c’est pas suffisant !!... Je vais finir par croire que tu ne t’implique pas assez pour nous sauver la mise. Au fond, nous t’ennuyons, j’en suis certain. Et tu comptes bien profiter de cette tempête pour qu’elle nettoie tout sur son passage, pour mieux te vider la tête ! Parce que tu ne nous comprends pas !!! »
Les yeux de Moon ont soudainement changé. Ses pupilles sont dilatées à l’extrême. Il inspire et respire maladroitement, comme quelqu’un qui vient de prendre un coup. On dirait qu’il souffre. Je me frotte les yeux : le Prince de Sang a bel et bien l’allure d’une personne blessée. Prudemment, je recule hors du kiosque, descendant les marches accompagnées des gouttes écarlates.
« Non, Moon, murmurais-je doucement en espérant l’apaiser un peu, c’est faux. Tu sais bien que si je suis ici, c’est que je te comprends… »
« Prouve-le-moi. »
Toujours sous le vent et les gouttes de sang, je remarque les ronces qui s’affairent dans un coin du jardin, sur une place en marbre. Elles semblent trainer quelque chose. Plutôt quelqu’un. Le corps humain qu’elles trainent est sanguinolent, et presque inerte. Je le reconnais. C’est Simili, que j’avais laissé dans ce même état quelques heures plus tôt. Il semble conscient, mais les rosiers le privent du moindre mouvement. Il parait plus faible que jamais. Trop effarée dans ma contemplation, je ne remarque pas Moon, qui s’est approché très près. Le calme qu’il aborde actuellement a quelque chose de terrorisant.
« Est-ce que, si je te le demande, tu pourrais faire de cet endroit le jardin de la Décapitation ? Tu as déjà fait 90% du travail, et ce personnage t’insupporte. Ça devrait être plutôt facile, et tu l’as déjà fait. »
J’ouvre des yeux complètement écarquillés alors qu’il me donne délicatement l’un de ses propres couteaux dans la main. Je suis tellement choquée par sa demande que je ne résiste même pas. La pluie a cessé, mais le vent devient de plus en plus fort. Balbutiante, je commence tout de même à protester :
« C… Comment peux-tu me demander cela comme ça, de sang froid ?! Ça n’a rien à voir ! Je ne suis pas en danger ! »
« Et bien, imagine que cette fois, ce soit moi soit en danger. Imagine qu’embrasser mon âme, que de tuer Simili soit la solution pour faire reculer cette tempête, hum ? »
Moon continue d’avancer, je me trouve forcer de faire quelques pas en arrière, me rapprochant d’avantage de ma victime. C’est fou ! Le Prince de Sang est fou ! Cela ne veut rien dire, le fait que j’assassine quelqu’un de sang-froid ne ferai pas revenir l’harmonie ici, certainement pas ! Mon regard se pose sur Simili, qui cette fois est presque implorant, puisqu’il ne peut rien faire d’autre. Un coup de poignard, et ce serait fini. Cela lui ferait tellement plaisir, cela annulera certainement sa douleur. Je lève ma main dans les airs… Mais je ne peux pas. J’en suis incapable. Rapidement, mon couteau s’abat sur les ronces qui se retrouvent tranchées en une effusion de sang, permettant au criminel de se libérer de ce piège, s’en allant courir dans les bois, sans demander son reste. Je lâche mon arme, me retournant doucement. Moon est déjà très près, et le vent cinglant se remet à arracher arbres après arbres. Des supplications commencent à m’échapper :
« Je suis désolée… je ne pouvais pas. Je t’en prie, ne… »
D’un coup sec sur le plexus, il m’interrompt sans pitié, me faisant tomber à l’endroit exact où se tenait Simili. Je heurte violemment le marbre froid. La douleur est brève, mais intense, m’empêchant de répliquer.
« Encore une histoire de vouloir et pouvoir. Tu m’oblige à rebaptiser cet endroit le jardin de la Déception Démesurée… Tu n’es même pas capable de m’aider convenablement, lorsque j’en ai besoin ! Tu n’es même pas capable de tuer pour moi, alors que moi, je le fait tous les jours !! »
« Tu n’as pas à exiger cela de moi ! Toussais-je, révoltée, On ne force pas quelqu’un à se comporter d’une telle manière, c’est cruel ! Tu n’as pas le droit de demander un tel sacrifice de ma part pour que je puisse te prouver mon devouement ! »
Moon recule un peu, penchant la tête sur le côté. C’est vrai, une déception immense se lit dans son regard. Une émotion à la puissance dévastatrice. Je commence à avoir peur.
« Très bien. Si je ne peux pas avoir ce que je désire, alors toi non plus, tu n’auras rien. »
Toujours calmement, le Prince de Sang sort de la poche de son manteau un petit objet sombre. Je mets un peu de temps à comprendre ce que c’est. Alors qu’il ouvre sa paume, je le reconnais : il s’agit de la statuette d’aigle sculptée dans le bois ! Un objet que je lui avais remis lors de notre dernière rencontre ! Je ne comprends pas bien ce qu’il planifie. Soudain, la statuette commence à grandir, à se tordre, à se couvrir de plume pour se métamorphoser en véritable oiseau. Exactement comme pour… mon roitelet ! Non… Pas ça !! J’essaye de me relever en vitesse, mais les ronces me maintiennent à terre. Qu’importe, je n’arrête pas de me débattre. Je vois Moon murmurer quelque chose à l’oreille de l’imposant aigle noir, avant que celui-ci ne s’envole dans le ciel pourpre.
« Tu croyais que je ne savais pas pourquoi tu étais revenue ? Encore et toujours le même but, faire ressurgir le passé. Un passé que tu ne mérites plus. »
« Non, non ! Tout, mais pas ça !! Moon, s’il te plait… »
Les larmes commencent déjà à couler le long de mes joues. Et si j’avais fait le mauvais choix ? J’aurai dû tuer Simili, j’aurai dû le faire !! Mais pourquoi n’ai-je pas eu ce cran avant ?! Je continue à remuer malgré le buisson de ronces, ignorant les sillons qui se creusent sur mes bras.
L’aigle revient déjà, bravant les bourrasques. Il plonge en piqué sur Moon, le frôlant et ouvrant ses serres pour lâcher un objet que Moon attrape au vol. Un objet petit, et qui scintille malgré le manque de lumière de ce monde… Je suis au bord de l’hystérie.
« Moon, je regrette !! Je vais te sauver ! Je vais tous vous sauver !! Laisse-moi juste du temps… Laisse-moi en être capable !!… »
Je le vois regarder l’objet précieux sans la déférence qu’il mérite. Je le vois le tenir légèrement au-dessus du marbre menaçant. Mon roitelet, mon dernier espoir vers une insouciance perdue… Pour faire comme s’il ne c’était rien passé de tous ses malheurs. Mes yeux larmoyant se perdent de ceux du Prince de Sang. Curieusement, cette douleur qui s’est emparée de lui semble brièvement lui donner un côté plus humain. Une curieuse étincelle dans les tréfonds des sombres sentiments.
« Emily. Je crois que je te comprends. Et tu me comprendras. »
Et il lâche le petit oiseau de cristal, qui éclate en mille morceaux devant moi.
- Chapitre 10:
Je crois que j’ai voulu hurler. Mais aucun cri n’est clairement sorti de ma bouche. Je n’ai fait que me débattre dans les ronces, regardant mon bien si précieux plonger vers le sol dans une lenteur infinie. Il me semble avoir le temps de voir chaque morceau de l’oiseau de cristal se séparer avec une lenteur minutieuse. Comme un collier de perles tombant sur le sol, les petits fragments translucides tombent et rebondissent sur le marbre, dans un tintement presque harmonieux. Je voudrais n’en perdre aucun des yeux, par espoir d’éventuellement pouvoir recoller les morceaux. Mais c’est impossible. Il en roule jusque dans l’herbe. Certain se perdent dans les ronces, tandis que d’autres vont plutôt voler au pied de Moon, frôlant ses jambes, griffant le tissus de ses habits. On dirait une pluie de larmes. Des éclats cristallins parviennent jusqu’à moi, leur mouvement figé à jamais, petites comètes éphémères dans un ciel sans avenir. Je ne réponds plus de moi-même. Quelqu’un me cherche ? Désolée, je ne suis plus ici. Mon âme est éparpillée sur le sol, coulant comme le sang d’une personne à l’agonie que l’on aurait tuée devant moi. Dans un effort qui me semble impossible, je me dégage un peu des ronces. Mes mouvements brusques ont lacéré mon dos, créant de grandes balafres qui courent le long de mes omoplates. Mais je ne ressens aucune douleur. Le peu d’esprit qu’il me reste est concentré autour de cet unique amas de gravillons qui brillent. Le bec, les ailes et les pattes se sont perdus. Il ne reste plus rien.
Alors que j’effleure les morceaux en gémissant faiblement, les larmes trébuchant autour de mes yeux, je remarque Moon se pencher vers moi. J’espère au moins qu’il a conscience de ce qu’il vient de faire. L’air nullement peiné, il ose demander :
« Tu as mal ? »
Hors de question que je réponde à cette question, qui d’ailleurs me laisse sans voix.
« Dis-toi au moins que tu peux partir d’ici sans regrets. Cela te donnera peut-être une raison de partir, d’ailleurs, et d’oublier toute ces choses, tout cet endroit. Ferme les yeux, et va te faire soigner loin de ce monde. »
Que répondre à cela, si ce n’est qu’encore plus de folie et de larmes ? Je ne le suis plus. Je suis épuisée, dénuée de toute force. Tellement désespérée, je crois que je ne ressens plus rien. La dernière chose dont je me souviens C’est d’attraper une pleine poignée de petits cristaux brisés dans mes mains, pour les regarder se mélanger au sang de mes paumes. Après cela, le néant.
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Je me sens si vide. Voilà la première pensée qui me vient en tête, alors que je reprends conscience. Après, seulement je repense à l’oiseau éclaté sur le sol. Le fait de revoir la scène en boucle me force à ouvrir les yeux d’un coup, et à me relever brusquement. Je voudrais savoir ou je suis. Puis je me rappelle que cela n’a plus aucune importance… C’est vrai. Que je sois en sécurité dans une tour aux remparts insurmontables, ou à nouveau perdues en pleine forêt face à un monstre voulant m’arracher la tête, cela n’a strictement aucune importance. Mon monde s’est effondré, mon avenir est perdu. Il fait nuit. Il fait nuit et je suis dans un lit. Peut-être que je ne me ferai pas charcuter aujourd’hui, finalement. Youpi. Je prends soudainement conscience d’un bruit électronique venant de la gauche, une machine faisant des « bip bip », indiquant que visiblement, tout va bien. Youpi bis. Je suis dans un hôpital, si je ne m’abuse. Mes bras sont couverts de perfusions et de bandages, si bien qu’apercevoir un morceau de ma chair est compliqué. Je ramène péniblement l’une de mes mains dans mon champ de vision. Cette dernière est gantée, à ma grande surprise. Je peux tout de même sentir qu’il y a des bandages en dessous. Alors que je m’apprête à retirer le tissu couvrant ma paume, une voix m’arrête soudainement.
« Ne fais pas cela. Tes mains sont abîmées, et tu ne dois pas recommencer à te griffer. »
… Cette voix. Cette intonation. Ce n’est pas Full qui vient de parler.
« Qui est là ? »
Je scrute le fond de la pièce, plongée dans le noir. La seule lumière m’éclairant est celle de la Lune, et je suis trop faible pour me donner la peine de chercher mes interrupteurs. Je suis fatiguée, je ne veux plus jouer à cache-cache. Aucune réponse ne me parvient. Tant pis, je n’écoute plus les conseils des voix provenant uniquement de ma tête. Je tire sur l’extrémité du tissu recouvrant mon majeur pour retirer le gant. Curieusement, hormis les pansements recouvrant les coupures liées au cristal, je remarque que mes ongles, pourtant déjà courts, ont été limés à l’extrême. Je souffle du nez : ce sont les ronces qu’il aurait fallu limer à l’extrême. C’est ridicule. Alors que je l’observe encore sous toutes les coutures, une main vient se poser sur la mienne.
« Je t’ai dit que je ne voulais plus que tu te fasse mal. »
… Tu es supposé être resté dans ton royaume… Avoir été rendu muet à jamais. Tu étais sensé ne plus quitter ta citadelle de cendre, sauf si celle-ci venait à revivre… Tu ne devais jamais me pardonné de ne pas t’avoir cherché partout. Walk… Mais fais-tu là ? A moitié sonnée, je ne peux m’empêcher de déclarer en souriant légèrement :
« Est-ce que je rêve, ou est-ce que je suis morte d’une hémorragie dans les ronces ? »
« Ni l’un, ni l’autre, déclare le Prince de Cendre, remplaçant un produit de perfusion étrange par un autre, Tu as juste été un peu trop bouleversée, je crois. »
« Et donc, ton apparition n’est liée qu’à un trop plein d’émotions fortes ? Merci du tuyau, je crois que je vais me mettre aux sports extrêmes, à présent. »
Je le vois soupirer, et me mords instantanément la langue. Malgré les larmes d’émotions qui montent, je ne peux m’empêcher de ressentir de la colère, mêlée à de la frustration, de ne le revoir réapparaître que maintenant. S’il savait à quel point je l’ai cherché partout. En plus, je dois être à moitié shootée par des calmants puisque, même lacérée de partout, je ne ressens aucune douleur. Et leurs effets biaisent mes réactions, brisant mes quelques réserves.
« Je n’étais pas prêt. Et je sais que tu peux le concevoir. Je ne savais pas quoi te dire, par où commencer, quel premier mot te déclarer… Et pourtant, tu dois bien savoir que je n’ai pensé qu’à toi, pendant toutes ces années. »
J’arrive à le discerner un peu mieux, sous les quelques ampoules clignotantes des appareils modernes qui m’entourent. Son visage a l’air triste, mais sincère. Ses bras, à l’instar des miens, sont striés de griffures anciennes. Lui aussi a dû avoir un problème avec les roses. Il croise mon air inquiet, et me répond d’un regard qui signifie clairement « pas maintenant ».
« Mais quand je t’ai vue… Quand j’ai vu Moon briser le cadeau que je t’avais offert, la détresse dans tes yeux, ton cœur qui s’émiettait… J’aurai été un monstre de ne pas intervenir. »
« Tu l’as vu ?... » Commençais-je avec les yeux larmoyant.
« Emily, m’interrompt-il en s’agenouillant près de mon lit, Regarde-moi dans les yeux. C’est important pour moi que tu saches, que tu ne doutes jamais de cette chose. Je n’ai jamais voulu te faire le moindre mal. Même mon absence. Elle n’avait pas pour but de te faire souffrir, de te faire culpabiliser, ou je ne sais quoi ! C’était juste vital pour moi, je n’ai pas eu le choix. »
Je le regarde, les yeux brillants. J’ai besoin d’un instant avant de formuler convenablement mes phrases. Une part de moi est tellement heureuse, de revoir Walk, ainsi, si proche de moi. Et pourtant, d’un autre côté, je suis tellement triste et amère contre le geste de Moon. Même si ce sont deux êtres fondamentalement différents, il est parfois si difficile de les dissocier entièrement…
- Chapitre 11:
« Je te crois. Je ne doute pas un seul instant de tes mots, Walk. »
Je décide de faire une totale abstraction de mon amertume pour lui. Au fond, c’est vrai qu’il n’y est pour rien. Ce serait véritablement injuste de lui en vouloir pour quelque chose dont il n’est pas responsable. S’il y a quelqu’un à blâmer, ce n’est pas lui ! Au fond, je suis tellement heureuse de le revoir, même après tout ce que j’ai enduré. C’est pour cela que je suis revenue. C’était mon but.
Un petit silence s’installe. Le vent souffle un peu, et les bruits de la nuit envahissent la pièce l’espace d’un instant. Ces moments où personne ne parle sont nécessaires entre nous. Nous sommes à la fois si proches et si lointains que nous craignons de nous montrer maladroit l’un envers l’autre. Cela ne me gêne absolument pas, et je le comprends tout à fait. J’ai conscience que même si mon âme est en train de pleurer de joie lorsque je regarde Walk, ma raison ainsi que d’autres parcelles de ma personnalité empêchent mes larmes de couler réellement, les bloquant d’un barrage dur et froid. Peut-être ne suis-je pas encore prête à m’abandonner pleinement, émotionnellement parlant. Certaines blessures ne sont pas encore guéries. A commencer par celles qui m’ont conduite ici. Mes yeux se posent à nouveau sur l’environnement qui m’entoure.
« Où suis-je ?... » Dis-je doucement, brisant ainsi le silence.
« Tu es dans un hôpital royal, au Royaume de Glace. Je t’ai amenée ici après l’incident de l’oiseau. »
« Mais… Full est au courant que tu es ici ? »
« Nous savons tout des uns et des autres, plus ou moins. Tu le sais bien. »
Je marque une pause. C’est exact. Continuant mon exploration visuelle, mes yeux vagabondent jusqu’aux poches contenant des liquides translucides reliés à mes veines.
« Qu’est-ce que c’est ? » Demandais-je, en jetant un œil sur ma perfusion.
« Des antidouleurs. Tu ne peux pas savoir à quel point tu en as besoin. Ton dos et tes épaules ressemblent à un steak tartare. »
« Tu as dit que je m’étais griffée… Me remémorais-je, Mais tu te trompes ! Ce sont les roses de Moon qui m’ont mise dans cet état ! »
« En partie, oui. Mais lorsque je t’ai récupérée, tu continuais de t’écorcher toute seule, comme si tu essayais désespérément d’arracher des épines invisibles plantées dans ta colonne vertébrale. »
Je reste muette, interdite. Je réalise à peine le degré d’hystérie dans lequel j’ai dû me trouver, pour avoir une telle perte de mémoire, et surtout m’infliger de telles blessures. Je dois inconsciemment être persuadée que c’est ma faute si mon oiseau a été brisé. Même si le Prince de Cendres est tout de même à mes côtés, et que je l’ai retrouvé sans mon précieux talisman, je reste tout de même choquée et traumatisée par le comportement de son petit frère. J’ai laissé passer un nombre incalculable de ses caprices… Même en admettant que ce soit de ma faute… Je crois qu’il est allé trop loin, cette fois.
Je repense à cette scène emplie de tristesse, et cette fois je ne peux empêcher mes larmes de couler. Une part de mes pouvoirs et de ma magie a été brisée sous mes yeux. J’aurai tant aimé pouvoir montrer à Walk tout ce que je pouvais faire, j’aurais aimé pouvoir reconstruire notre paradis perdu. Malheureusement, je ne sais plus comment faire, maintenant. Avec ma tête penchée vers le bas, je ne vois pas que le sensible homme aux cheveux verts a tiré l’un des fauteuils meublant la chambre pour s’asseoir à côté de moi. Je sens sa main dégager délicatement quelques mèches de cheveux de mon visage, afin d’attirer mon attention vers lui. Son sourire triste, mais néanmoins volontaire se devine dans la pénombre, que je lis de mieux en mieux. Dans sa main, il tient une rose noire, qu’il me tend.
« Emily… Me Murmure-t-il, Pour l’oiseau, tu sais, ce n’est pas de ta faute. Moon ne peut pas réaliser ce qu’il a causé. Il est né pour détruire, c’est ainsi. Et cet objet de cristal, ce n’était qu’un intermédiaire vers un souvenir. Et c’est ce souvenir qui te donnait toute cette force et ce pouvoir. »
Je voudrais protester. Lui dire que j’avais très bien lu dans les yeux de son frère qu’il savait parfaitement ce qu’il faisait lorsqu’il a balancé la statuette par terre. Lui dire que ce présent était également porteur d’espoir, d’un éventuel renouveau… Mais je sens que la fatigue me rattrape et mes sanglots n’arrangent rien. Je prends la fleur dans ma main, je respire son parfum : elle est si belle, et elle me fait tant de bien. Je voudrais seulement être calme, l’espace d’un instant. Gardant la main avec ma rose posée sur la poitrine, je tends l’autre à Walk, qu’il saisit avec une délicatesse infinie. Je lui souris, et les larmes cessent de couler petit à petit. Puis je sombre dans l’inconscience, de la plus douce des façons depuis longtemps.
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Je me réveille doucement. A mon grand soulagement, Walk est toujours là, à dormir sur son fauteuil, à mes côtés. Il semble paisible. Les sentiments qui m’habitent lorsque je le regarde n’ont pas d’équivalent. Un harmonieux mélange d’apaisement, de joie, d’amour, et de mélancolie aussi. Mon cœur a repris un rythme régulier, et s’est habitué à composer avec tout cela. Je me frotte un peu les yeux. Le matin est clair, bercé par quelques chants d’oiseaux. Je tente de me lever un peu, afin de regarder par la fenêtre. Les bruits causés par mes mouvements maladroits ont sitôt fait de réveiller le Prince de Cendre, qui baille et s’étire avant d’ouvrir les yeux.
« Tu as bien dormi ? » Demandais-je avec le sourire, heureuse de pouvoir enfin lui poser cette question.
« Bien sûr. Ces fauteuils sont au moins aussi confortables que le canapé qui me sert de lit la plupart du temps ! »
Je ne peux m’empêcher de garder mon sourire. C’est comme si tous les muscles de mon visage s’étaient bloqués, et que je n’avais d’autre choix que d’être radieuse en sa présence. Et tout mon être est d’accord avec cela. Il s’avance vers moi, et regarde à son tour par la fenêtre. Ses yeux sont très cernés, son sommeil doit être perturbé depuis longtemps. Ne pouvant retenir cette question plus longtemps, je me lance :
« Où étais-tu pendant tout ce temps ?... Tu vivais caché, et seul, parmi les décombres et la poussière ? Où pourrais-je te retrouver, si tu décides de partir à nouveau ? »
« Emily… Il n’est plus question que je m’en aille, à présent. » Répond Walk, alors que je crois discerner une lueur douloureuse dans ses yeux.
« C’est vrai ?... »
Je me hasarde à exiger une réelle confirmation. Je ne veux plus qu’il me demande d’espérer, pour ensuite disparaître à nouveau, même malgré lui. Je ne veux plus souffrir d’une attente qui ne sera jamais plus comblée. Je ne veux plus voir mon monde se briser. Afin d’encourager sa réponse, je prends doucement sa main dans la mienne.
« C’est vr… »
Mais avant que le Prince de Cendres ne termine sa phrase, un craquement se fait entendre. Quelque chose de léger, comme un éclat sur une plaque de verre. Sa main devient instantanément glacée, tandis que de nouveaux bruits similaires se font entendre. Je ne comprends pas et commence à paniquer. Il est rigide comme un cadavre ! Je remarque alors des fissures courir sur son cou, grimper le long de ses joues, traversant sa bouche et ses yeux. Sa main dans la mienne, fragile, s’effrite en morceaux qui tombent à terre, carillonnant comme de la porcelaine. Et le reste de la personne de Walk commence à faire de même, se fragmentant en un million de petits morceaux qui tombent à terre, sans que je ne puisse rien faire.
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Je me réveille pour de bon, et en hurlant, cette fois. Je tremble de partout, ne pouvant tolérer le cauchemar que je viens de m’infliger. Je regarde tout autour de moi. Walk n’est plus là. La rose, en revanche, est toujours ici, sur mes genoux. Au moins, tout n’était pas un rêve depuis le début. Je l’appelle, mais personne ne me répond. Contrariée, choquée et triste à en pleurer, je m’arrache sans ménagement mes perfusions, et m’extirpe des draps dans lesquels je m’étais endormie.
La porte de ma chambre n’est pas fermée à clé. Je l’ouvre d’un coup, faisant ainsi face à un immense couloir. Les tons bleutés de la pièce rajoutent de la froideur à cet endroit, maintenant que je suis seule. L’un des murs est couvert de grandes baies vitrées donnant sur la ville enneigé, empêchant à cet endroit de devenir complètement oppressant. Je remarque que je suis pieds nus, couverte de bandages et vetue uniquement d’une robe destinée aux malades, mais je m’en moque. Je continue d’arpenter le couloir en appelant désespérément le nom de celui que je recherche.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Jeu 24 Nov - 18:30 | |
| - Chapitre 12:
Cette suite de couloirs me semble infinie. J’ai traversé tellement de salles, gravi tant d’escaliers que je serais incapable de retrouver mon point de départ. Comment un si grand endroit peut-il être aussi désert ? Même bien entretenue, la plus jolie des cliniques peut devenir un endroit absolument glauque et détestable, en particulier lorsqu’elle est recouverte du voile du silence des disparitions. Des au revoir irréversibles. Je commence à ouvrir des portes au hasard. Au début, je tombe sur des pièces peu surprenantes pour un hôpital : des blocs opératoires, des salles d’attentes, d’autres chambres… Mais plus mon exploration avance, plus je m’avance dans ce labyrinthe, et plus les endroits deviennent incohérents. Je traverse des cuisines, des bibliothèques et même une piscine intérieure. C’est comme se retrouver au beau milieu d’un rêve, lorsque les tableaux s’enchaînent avec une logique incongrue.
Je m’étonne que cet endroit paraisse aussi aseptisé. Un bâtiment vide et silencieux, cela commence à devenir oppressant. Je me perds à imaginer que n’importe quoi pourrait sortir d’un placard et m’attaquer… Non, je ne dois pas commencer à paniquer. Mais c’est trop tard, je sens qu’un mécanisme s’est enclenché, dans mon cerveau. Les rouages commencent à tourner, tout doucement, mais surement, s’apprêtant à vriller vers le mode « cauchemar ». Pour me calmer, il me faut une concentration que je n’ai pas, actuellement. Je voudrais trouver un endroit sûr, sans toutes ses portes menaçantes ! Je voudrais me retrouver à l’air libre, sans avoir à regarder derrière moi toutes les cinq secondes ! Je voudrais un champ, une prairie ! Tandis que je commence à galoper vers un endroit aléatoire, je crois entendre une douce musique au piano, plutôt apaisante. Mais cela n’empêche pas les murs de noircir, et de commencer à être recouverts de ronces menaçantes. Le contraste entre ces deux ambiances, pesante et douce, me trouble et n’arrange pas l’état de confusion dans lequel je me trouve.
Je n’ose même plus appeler Walk. J’ai trop peur que quelque chose de plus néfaste rode dans ce couloir et ne réponde à mes appels à sa place. Je me contente de fuir vers une direction choisie avec instinct. Soudain, j’aperçois une porte derrière laquelle semble irradier un peu de lumière ! Sans hésiter, je fonce dessus, ignorant les ténèbres qui progressent derrière moi. Je la franchis, et me heurte immédiatement à la personne qui se tenait derrière, ne pouvant retenir un cri de surprise.
Je relève la tête, frottant mon front endoloris, ma vision encore brouillée par le choc. Bredouillant quelques excuses, je me recule prudemment pour regarder la personne qui se trouve en face de moi. J’ai eu un faux espoir, l’espace d’une fraction de seconde.
« F… Full ? »
« Emily ? Est-ce que tout va bien ? »
Je regarde un instant la pièce dans laquelle je me trouve, avant de comprendre qu’il s’agit tout simplement de ma chambre, de mon point de départ. Si cela se trouve, je n’ai pas quitté cet endroit depuis le début, et je suis à nouveau dans un rêve, coincée dans l’inconscience. C’est peut-être le début de la folie incontrôlable. Je commence à paniquer, et les larmes me montent à nouveau aux yeux.
« Je ne sais pas… Qu’est-ce que je fais ici, et qu’est ce qui m’arrive?... »
Je décèle beaucoup de compassion dans le regard du Prince de Glace. Doucement, il me fait signe de rejoindre mon lit, et de replonger les aiguilles dans mes veines. Mais je ne veux pas ! Je suis prise de sueurs froides et je recommence à trembler, replongeant dans un état de stress intense. Je crois que ce qu’il m’arrive est grave. Sur la défensive, je recule, incapable de me calmer.
« Où est Walk ? Où est-il ?! Il a passé une partie de la nuit à côté de moi, il n’était pas sensé disparaître à nouveau ! Pourquoi il n’est pas là ?! »
Full ne décroche pas un mot, comprenant sans doute que cela ne servirait à rien d’essayer de me convaincre d’être raisonnable. Il s’avance simplement, à la fois doux et déterminé, puis une fois arrivé à ma hauteur, il me prend dans ses bras. Je suis si surprise qu’il m’est impossible de réagir. Cette attitude contraste tellement avec sa froideur habituelle. Cette étreinte, rassurante, a pour effet de me calmer un peu. Au moins, même si je débloque complètement, je ne suis pas seule. Je crois que je dois placer ma confiance en quelqu’un, pour que l’on puisse m’aider convenablement. Seule, je n’y arriverai pas. Je n’y arriverai plus. Relevant la tête de l’épaule du Prince de Glace, je ne perds pourtant pas de vue mon objectif premier, et répète :
« Full… Où est-il ? »
Mon interlocuteur soupire un instant avant de répondre.
« Il va bien. Seulement, je ne sais pas si c’était une bonne idée, qu’il décide de venir te parler cette nuit. »
« Mais pourquoi ? »
« Nous sommes dans le Royaume de Glace ici. Et aucun de nous trois ne peut rester trop longtemps dans un Royaume qui n’est pas le sien… J’ai accepté de lui laisser ma place après qu’il t’ait sauvé, mais il ne pouvait pas la garder indéfiniment. »
« Est-ce qu’il est reparti au Royaume de Cendres ? »
« En quelques sortes, oui. »
La tristesse m’envahit de nouveau. Me voilà bel et bien retournée au point de départ, oui. Tout ce chemin si long, et encore si loin de l’aboutissement. Toute cette souffrance, tous ces maux, pour seulement quelques minutes partagées avec celui qui m’est si cher. Et le voilà déjà reparti. Comme la note est lourde… Mais je ne regrette rien. Si c’était à refaire, je le referai tout de même, pour lui. Ma joue se pose à nouveau sur l’épaule de Full, et je le sens sincèrement sensible à ma faiblesse. Je sais que derrière son manteau de froideur, il possède un cœur énorme qui bat chaleureusement dans sa poitrine.
« Néanmoins, il pourra revenir, parfois. Si tu souhaites sa compagnie. Il ne pourra pas rester très longtemps, mais c’est mieux que rien. C’est tout ce que je peux te proposer, le temps que tu réussisses à retourner au Royaume de Cendres. »
Je lève ma tête pour plonger mes yeux dans ses iris. Le sentiment de joie qui m’habite est si puissant que j’en tremble ! J’ai conscience que ce doit être un sacrifice de sa part, et qu’il est prêt à le faire, juste pour mon bonheur, et celui de son frère.
« Oh, Full, merci, merci… je n’arriverai jamais à vous témoigner toute ma gratitude envers votre générosité. C’est si important, pour moi… Mais ne vous inquiétez pas, je vais y retourner le plus tôt possible ! »
« Certainement pas, répond le Prince de Glace de manière implacable, Tu es trop faible. »
A l’instant même où il prononce ces mots, la douleur logeant dans mon dos semble se réveiller d’un seul coup, me crispant entièrement. J’ai l’impression que mon épiderme est en train de se consumer. Je prends conscience de l’étendue des dégâts, et de la quantité de chair que je dois avoir à vif.
« Je sais ce que Moon a fait. C’est… C’est intolérable. Je suis désolée pour toi. Je comprendrais très bien que tu ne veuille pas le lui pardonner. »
Je ne veux pas y penser. Je ne veux plus y penser, pour l’instant. Mesurant chacun de mes mouvements, je me défais de l’étreinte de Full et marche doucement vers mon lit à côté duquel m’attendent sagement les antidouleurs. Avec une légère appréhension, je m’assois puis me concentre, afin de piquer à nouveau l’aiguille dans ma peau. Sa morsure n’est rien en comparaison des griffures de ronces, encore présentes le long de ma colonne vertébrale. Le Prince de Glace sourit, heureux de constater que je semble avoir retrouvé à nouveau un semblant de raison. Pour ma part, je ne sais pas trop comment me situer. J’ai l’impression que l’incident au Royaume de Sang a retourné une partie de mon cervelet, qui n’arrive plus à fonctionner correctement, créant en moi un sentiment de persécution quasi-permanent. Et l’arrivée soudaine de Walk, bien que bénéfique pour mon cœur, et également chamboulé une grande partie de mon esprit. Je pense que je vais simplement avoir besoin de soin, de temps et de repos, afin de me remettre de ses épreuves psychologiques éprouvantes.
- Chapitre 13:
La journée passe presque paisiblement. De toute façon, je n’ai rien d’autre à faire que reprendre des forces, et éviter de ressasser trop de choses. Dormir me semble être la solution la plus adaptée pour faire passer le temps. Mais le sommeil est capricieux. Et en plus, dormir confortablement avec le dos en bouillie s’avère être plus compliqué que je ne l’avais imaginé. Mon corps s’habitue au traitement, et ce dernier me fait alors de moins en moins d’effets. Je suis obligée de mesurer mes mouvements, de ne pas être brusque, et de retrouver une certaine forme de délicatesse. Le moindre faux pas, la moindre précipitation ou crispation me rappelle sensiblement que mon épiderme a été touché, et cette douleur semblable à celles des ailes arrachées. Le soleil se couche rapidement, tandis que la Lune monte. Je garde toute mes forces les yeux ouverts, espérant avoir le droit à une nouvelle apparition de Walk… Je m’endors. Pas ce soir.
L’hôpital m’a gardée entre ses murs pendant une semaine, ce qui m’a paru à la fois interminable et rapide, paradoxalement. Full est venu me voir tous les jours, m’informant régulièrement de l’avancé de ma guérison. Apparemment, je cicatrise assez vite, ce qui est une bonne chose. Mais les marques resteront. Qu’importe, de toute façon, je ne les verrai presque jamais, elles ne seront là que si j’y pense. Walk, quant à lui, est passé me voir plusieurs fois. Malheureusement, le sommeil me capturait à chaque fois avant son arrivée, mais une rose noire était là à chaque fois pour témoigner de son passage. Full a insisté pour qu’une fois sortie de l’hôpital, je vienne habiter un peu avec lui, au palais. Si physiquement, mon état s’améliore, il ne semble pas encore convaincu de mon rétablissement psychologique. Je suis d’accord avec lui. Je ne suis pas encore prête pour un voyage difficile. J’ai besoin de me reconstruire.
Je passe beaucoup de temps dans les jardins royaux. Je n’ai jamais pris le temps de les apprécier à leur juste valeur. Plusieurs hectares de nature soigneusement ouvragée bordent le palais du Prince de Glace, et le tout est recouvert par la neige fraîche en permanence. Malgré l’hiver permanent, les plantes semblent vivantes et sont très belle.
Lors d’une fin d’après-midi, alors que je perdais dans le silence des arbres morts, mes pas m’ont conduite presque indirectement à l’ancienne prison de Moon. Je suis alors prise d’une sombre impulsion, que je ne saurai expliquer. Je marche à l’intérieur, franchissant tous les dispositifs de sécurité désormais inutiles. Tout cet endroit est inutile. Je ne comprends pas pourquoi Full ne l’a pas fait raser. Ultime vestige d’un peu de self-control, de quand la bête était enfermée. Mais au fait… Serait-ce possible d’inverser la situation, de ranger le clown dans sa boîte ?
…
... Je n’arrive pas à croire que cette pensée effleure mon esprit. Moon est dehors, et il est hors de question que ce ne soit plus le cas. Je refuse de faire marche arrière, surtout si c’est pour redevenir un mouton. Et, alors, j’accepte les conséquences.
Je quitte l’endroit instantanément. Le crépuscule commence à tomber, doucement. De retour au château, je me glisse discrètement dans les caves, ou se trouvent de gigantesques réserves, destinées à approvisionner l’endroit de tout et n’importe quoi. Je m’approprie rapidement ce dont j’ai besoin avant de retourner dehors, tirant de lourds bidons. Ce nouveau trajet est un peu plus laborieux, mais ne m’arrête pas. Je m’oriente à présent sans aucun mal dans le labyrinthe de buis cernant le complexe carcéral. J’y rentre à nouveau, essayant de ne pas trop réfléchir à ce que je suis en train de faire. Cet acte est beaucoup trop impulsif pour être sensé. Une fois arrivée dans l’unique cellule, j’ouvre le premier jerrican et commence à déverser son contenu sur le sol. J’arrose également abondement les meubles, en particulier cette chaise, dont le bois a servis à façonner le complice d’un crime odieux. L’odeur de l’essence envahit la pièce. J’en fais couler sur les murs, le long des briques, sur les dessins. Une fois la pièce suffisamment noyée sous ce liquide, j’entreprends d’ouvrir le second bidon et de le déverser de la cellule jusqu’à la sortie, à l’instar d’une trainée de poudre. Une fois cette tâche effectuée, je me recule un instant, prenant une grande bouffée d’air frais. Puis je sors une boîte d’allumette de ma poche, en craque une sur le souffre, avant de la lancer sur la flaque de liquide hautement inflammable qui attend à quelques mètres de mes pieds. Le résultat est immédiat. Le feu naît et se propage dans toute la bâtisse, se nourrissant de l’essence avec avidité. Je sais que l’acier et les murs blindés seront difficiles à réduire en cendre, mais j’ai confiance en ce feu, et en sa capacité destructrice.
Il est difficile d’exprimer clairement ce que je ressens, devant la destruction d’un souvenir de ce genre. J’ai beau essayer de me connaître le plus possible, une part de moi parviendra toujours à m’être imprévisible. La transcendance dans la destruction. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait cela. Enfin, si, je sais, plus ou moins. Je crois deviner une sorte de symbolisme dans la destruction de cette prison, qui était à la fois celle de Moon et la mienne. Avec cet acte, je confirme ma volonté de le laisser libre comme l’air, car si j’ai du mal à supporter son comportement et ses caprices, je sais que je ne pourrais jamais tolérer de voir sa folie contenue. Moon est ainsi, sans barrage, ni limite. De l’énergie pure et expressive. Il est comme une boule de neige, se transformant petit à petit en une avalanche démesurée, emportant tout sur son passage. Et je me suis trouvée un jour sur son passage. Et moi non plus, je ne veux plus ni barrage, ni limite. Et si cela implique que des conséquences douloureuses, qu'il en soit ainsi. Tant pis.
La nuit est presque tombée, et les flammes deviennent de plus en plus hautes. De jolis phares dans la nuit, crépitant, et réchauffant un peu mon cœur. Et ces dernières ont sitôt fait d’attirer le Prince de Glace, qui ne doit pas être habitué à ce genre de spectacle, dans son Royaume. Je pourrais prétendre que c’est un accident, mais j’ai encore la boîte d’allumettes dans la main.
« Emily !! Mais qu’est-ce que tu as fait ??! Tu n’es pas blessée ?? »
« Pardon, Full. J’étais simplement en train de mener à bien ma thérapie personnelle. Je crois que je suis sur la voie de la guérison ! »
Je vois dans son expression qu’il s’attendait à tout, sauf à ce genre de réponse. Ce qui a pour effet de le laisser muet pendant un instant, regardant le brasier avec perplexité. La lumière des flammes orange contraste à merveille avec le bleu de son apparence ! Je me sens étrangement libérée d’un poids, comme si une partie de mes problèmes s’envolait en même temps que la fumée devant nous, pour rejoindre le néant de la voute étoilée. C’est vrai que la « folie » est la solution efficace à de nombreux maux. A consommer avec modération, bien entendu.
- Chapitre 14:
Full, toujours interdit par le spectacle qui se tient sous ses yeux, semble néanmoins s’être légèrement calmé. Il s’approche de moi, avant de déclarer :
« Moon n’aimait pas sa prison. Emily, il détruit l’un de tes biens les plus précieux, et en retour, tu supprimes la seule source de sanction que tu pourrais avoir envers lui ? Ce n’est pas comme ça que l’on devrait fonctionner, surtout avec un « enfant » de ce genre !! »
Je ne dis rien, je sais qu’il a raison. Mais ma démarche n’avait pas pour but de le sanctionner, du moins, pas pour l’instant. J’essaye juste de me mettre d’accord avec moi-même. Et ce n’est vraiment pas une chose facile. Se rapprochant encore et penchant sa tête, il me pose une question :
« Est-ce une forme de pardon ? »
Je plisse les yeux. Un pardon, c’est à deux que cela se fait. C’est une négociation. La décision de passer outre une trahison, de continuer à marcher ensemble, malgré le mal qui nous a été infligé, parfois même contre le gré de l’agresseur. Et je crois que ce que je fais là, ce n’est pas vraiment un pardon.
« C’est plutôt une acceptation… Non, un consentement. Je crois que j’essaye de tolérer ce que je ne pe… Ce que je ne veux pas chasser. »
Actuellement, je ne ressens pas vraiment de colère. Je devrais être hors de moi. Repenser à mon oiseau, vouloir quitter cet endroit le plus tôt possible. Mais il n’en est rien. Absolument rien. Enfin, si. J’ai tout de même une grande envie de mettre mon poing dans la figure de Moon. Quand bien même il ne ressentirait rien, je pense que cela me ferait le plus grand bien. Ce désir de le laisser en liberté, peut-être est-ce finalement pour me créer la Némésis que je mérite. Savourer une future traque, me délecter d’un combat dans lequel je pourrais décupler une force rarement révélée… Traquer, chasser, mordre… C’est donc vrai que la douleur a le pouvoir de plonger l’humanité dans un sommeil tranquille, pour laisser place à une certaine sauvagerie. Il serait tellement naturel, mais beaucoup trop facile de céder à cela. J’essaye de calmer un peu le flot de mes pensées. Il y a des choses que je dois mettre au clair. Toute mon âme n’est pas que fureur et destruction. Une main sur ma tempe, je continue de regarder le brasier danser devant nous.
« Full… Vous pensez que je pourrais discuter un peu avec Walk, ce soir ? J’ai terriblement envie de le voir, depuis la dernière fois. Et je n’ai pas encore eu l’occasion de lui reparler. »
Je vois le Prince de Glace pencher la tête, d’un air à la fois gentil et compréhensif. Je suis frappée par sa profonde bienveillance. Je ne comprends pas comment nous avons pu rester en des termes glaciaux aussi longtemps. Sans doute était-il sur la défensive, autant que moi. Je crois que j’ai la fâcheuse tendance à me tromper de cible, et à anéantir tout ce qui vient lorsque je déchaîne mes amertumes et mes colères. Full s’incline donc, avant de s’évaporer discrètement dans le dédale de buis autour de moi. Je me retrouve seule un moment, mais pas longtemps. Le temps d’admirer la fumée forger des volutes aussi jolies que mystérieuses.
« Ça… Cela ne me rappelle pas de bons souvenirs… »
Walk est arrivé dernière moi, du même endroit où Full avait disparu. Je me retourne brusquement, presque désolée de ne pas avoir pensé à cela. Il n’est pas le Prince de Cendres pour rien, après tout. Je ne peux m’empêcher de m’avancer vers lui, de lui prendre la main, et de lui adresser un regard rassurant. Ce feu n’est plus dangereux pour lui.
« Je sais… Pardonne-moi pour cela. »
Je m’assois par terre, sur les pavés quelque peu réchauffés par la chaleur du brasier, et l’invite à faire de même. Alors qu’il me rejoint doucement, je me mets à trembler, prise d’une incontrôlable nervosité. J’appréhende cette discussion. Des confessions maladroites se bousculent au bord de mes lèvres et m’inquiètent, tout comme je m’inquiète des réactions de mon interlocuteur. L’enjeu émotionnel est tellement grand, je ne suis pas habituée à supporter cela. Je peux supporter de me perdre dans une forêt ensanglantée, d’être condamnée à dormir dans une cellule sombre et me faire grignoter petit à petit par la démence. Mais, dieu, qu’il m’est difficile d’envisager une seule seconde de le décevoir une fois de plus, encore, après tout ce que j’ai fait.
« Walk, j’ai peur… J’ai peur de devenir quelqu’un que je ne suis pas. J’ai peur de voir celle que j’étais et qui te plaisait disparaître… »
« Les gens changent, c’est ainsi. »
Cette réponse pleine de résignation, frôlant presque l’indifférence, me saisit à la gorge et me terrifie. Non ! Je ne l’accepte pas. Me tournant vivement vers lui, je pose vivement mes mains sur ses épaules et plonge mes yeux dans les siens.
« Mais il y a des choses qui ne changeront jamais ! Regarde-moi, je t’en prie, et crois-moi lorsque je te dis cela. Tant que tu m’en laisseras l’occasion, jamais je ne t’oublierai, jamais je ne t’ignorerai, jamais je ne cesserai de t’aim… »
Les mots meurent, dans le murmure de mon émotion. Toutes ses phrases ressassées au court de ses derniers jours, de ces mois, de ces années. Ces mots et tout ce qu’ils impliquent. Ils ont survécus aux hivers vides et destructeurs, aux torrents de larmes, et à la fournaise de la colère. Ils ont survécus à une guerre acharnée, infatigables et indestructibles, ils se sont relevés après chaque bataille, tels des guerriers immortels. Essuyant une larme, je me retourne vers la prison qui brûle sous nos yeux.
« Je ne veux juste plus rien refouler ou enfermer au fond de moi. Ni la haine, ni l’amour. »
Le silence s’installe, comblé de peu par le crépitement du feu. Je me sens à la fois libérée d’un poids considérable, mais assaillies par mille questions nouvelles. Comme je voudrais connaître le ressentis de Walk. Comme j’aimerai que ces mots réparent son cœur blessé, et réparent comme par magie son royaume consumé. Mais il reste muet. Peut-être est-il encore trop tôt. Je me sens trop faible pour continuer, insister, et quémander la réponse que j’attends tant. Je me contente de fixer les pavés à mes pieds, couverts de petites flaques puisque le givre a fondu. Soudain, je sens des bras venir m’enlacer, me réchauffer plus que n’importe quelles flammes. A la fois terriblement heureuse de ce signe de rapprochement, mais toujours fragilisée par mes émotions, je ne peux m’empêcher d’éclater en sanglots. Et continue de pleurer doucement dans ses bras, la tête posée sur son épaule, devant le spectacle du bûcher de ma raison.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Dim 4 Déc - 22:09 | |
| - Chapitre 15:
Je me réveille le lendemain de cette soirée riche en émotions. Je me sens comme froissée, usée par de multiples pirouettes psychologiques que je ne maîtrise pas toujours. C’est comme une suite de cascades grisantes, mais dont l’enchaînement est trop rapide et encore trop complexes pour moi. Mon corps et mon esprit peinent à suivre, et s’essoufflent petit à petit, je le sens. Des résistances se brisent, rendant mon comportement de plus en plus instinctif.
Je supporte avec peine l’aube qui pointe à ma fenêtre. C’est comme si le soleil effaçait de ses rayons la nuit pleine d’espoir que je venais de vivre. Comme si chaque journées étaient si différentes les unes des autres que plus rien ne serait capable de ressembler à cette dernière soirée. Mais j’essaye de garder graver au plus profond de ma mémoire ce moment privilégié avec Walk, notre embrassade, nos mots et nos silences. Au moins, rien ni personne ne pourra jamais me dérober ce souvenir, et je me lève avec cette pensée plus satisfaisante que tout le reste en tête !
Je passe une matinée paisible. Je flâne dans les couloirs du château, salue avec plus de chaleur que d’habitude les majordomes, et trouve les peintures un peu plus belles que ces derniers jours. J’explore une aile du palais dans laquelle je n’étais jamais allée. C’est une jolie verrière, remplie d’arbres fruitiers allant du plus petit oranger à l’impérial cerisier. C’est un endroit tout à fait charmant. Il est agréable de se trouver dans la chaleur d’un jardin d’hiver, alors que la tempête de neige souffle dehors. Cela donne l’illusion que le temps s’est radoucit. Une illusion peut être proche de la réalité. Alors que je continue à passer du bon temps au pied de mes chers arbres, bercée par le bruit d’une cascade artificielle, j’entends des pas se rapprocher. Une mandarine dans la main, je tourne la tête pour être attentive à ce qui arrive, par curiosité. Il s’agit de l’un des généraux du Prince de Glace, à en juger par son uniforme ! Il a l’air à moitié énervé et anxieux. Surement est-il porteur d’un message à mon égard, et l’horloge de la pièce me pousse à croire que ce n’est pas à propos d’une invitation pour l’heure du thé !
« Mademoiselle Emily, je viens vous prévenir que le Prince vous fait demander dans son bureau. Apparemment, c’est très urgent ! »
Le caractère officiel de cette convocation pour une simple discussion me perturbe un peu. Full a le sens des priorités, et il n’obligerait pas l’un de ses hommes à me rechercher dans tous les recoins du château pour m’avertir d’une chose futile. La situation doit donc être importante, voire grave. Inquiète, et des milliers d’hypothèses se forgeant dans ma tête, je remercie le général de m’avoir prévenue et commence à le suivre, jouant nerveusement avec le fruit que j’avais gardé à la main. Nous traversons des dizaines de pièces et de couloirs avant d’arriver à destination. Les pièces proches du bureau de Full commencent à m’être familières. Je suis contente de trouver mes marques dans ce château, qui m’était au début fort inhospitalier.
Le général ouvre la porte derrière laquelle le Prince de Glace m’attend, me salue, puis se retire discrètement. J’entre dans la pièce. Comme à son habitude, le souverain m’attend derrière son bureau. Alors qu’il est la plupart du temps plongé sur une montagne de paperasse ou de livre, cette fois-ci, son bureau est presque vide, et il se tient le menton dans ses mains d’un air à moitié atterré et inquiété. Alors que je me demandais la cause de ce comportement, mon cœur déjà très palpitant s’emballe. Perché sur la lampe de son bureau se trouve un oiseau noir que je reconnais instantanément. C’est l'aigle de Moon !! Celui qui… !! Mince. Ma mandarine vient de m’échapper des mains pour voler plutôt violement en vers le volatile, qui esquive mon projectile de seulement quelques plumes. Le choc du fruit s’écrasant contre le mur à côté du monarque et l'aigle commençant à voler dans toute la pièce en piaillant créent une atmosphère de chaos en seulement quelques secondes. J’ai à peine le temps de commencer à m’indigner que Full le fait à ma place.
« Emily, s’il te plait !! Je sais que tu es en colère, mais il faut que tu te calmes ! Être agressive ici et maintenant ne résoudra strictement rien ! Je voudrais que tu écoutes ce que j’ai à te dire ! »
« Vous savez pourtant qu’il mériterait lui aussi d’être réduit en bouillie !! » Répondais-je sans quitter l’oiseau des yeux, espérant peut être pouvoir le fusiller du regard.
Me sentant m’enflammer, le Prince de Glace s’approche de moi, et vient mettre ses mains sur mes épaules, fraternellement, m’aidant à me calmer un peu. Humpf. Ce piaf ne perd rien pour attendre. Je retrouve un semblant de calme et de raison, plongeant mes yeux dans ce de Full.
« Cet oiseau, il est venu du Royaume de Sang pour nous prévenir. Enfin, pour te prévenir, plutôt… »
Je sens qu’il cherche ses mots. Il ne doit pas trop savoir comment m’annoncer cela, ce qui veut dire que la nouvelle ne va pas être plaisante à entendre. En même temps, avec la présence de cet oiseau, le ton était donné. Je veux savoir, je ne veux pas plus de suspens.
« J’ai vraiment hésité avant de t’en parler… Voilà. Il se trouve que Moon a de gros problèmes. »
« Crachez le morceau, Full. S’il vous plait ! »
« Il se trouve, que, lorsque Simili était avec vous dans le Jardin de la Douleur, il a cerné l’état de faiblesse dans lequel Moon se trouvait. Lorsque tu l’as libéré, il n’est pas retourné vagabonder tout seul dans la forêt. Il… Il est allé rejoindre un nouveau clan de criminel qui se formait discrètement, dans les bois. Il leur a raconté tout ce qu’il avait vu, et a surtout rapporté que le souverain de ces terres sanglantes étaient en mauvaise posture. Ces truands ont passé les derniers jours à préparer un coup d’état fourbe, afin de réussir à prendre le château et le pouvoir. Ils ont attaqués hier. Et Moon a été descendu de son trône. »
« Comment ??? »
Je ne peux pas empêcher mon poing de heurter le bureau du Prince de Glace avec violence, créant un bruit sourd qui accompagne mon cri. Mes yeux sont écarquillés, mon regard est fou, et ma bouche est figée dans rictus plus incontrôlable qu’amer. C’est impossible. Cette histoire est juste une mascarade, un piège inventé de toute pièce pour me faire retomber dans ses griffes.
« Tu as bien entendu… »
« C’est n’importe quoi !! C’est cet oiseau qui vous l’a dit ? Et bien il vous ment sans doute ! Je suis certaine qu’il n’y a que des mensonges qui s’extirpent de son bec retors !! »
« Emily, je t’assure que non. Je le sais, et je te confirme que tout ce que je t’ai appris, c’est la vérité. »
Je reste muette, interdite. Moon, en mauvaise posture, quémandant, mon aide ? Non, décidemment, je n’arrive pas à me faire à cette idée. C’en est presque comique ! D’ailleurs, un rire à moitié dément commence à échapper de ma gorge, renforcé par l’absurdité de la situation, et le retour de cette fatalité, qui commence petit à petit à refermer ses mâchoires sur moi. Semblant ne pas comprendre ma réaction, le Prince de Glace reprend doucement :
« Je pense qu’il a réellement besoin d’aide, cette fois... »
« Et alors ? Je fais de gros effort pour ne pas hurler mon mécontentement, Moi, je trouve qu’il a toujours été très doué pour les situations délicates ! Je crois qu’il est assez doué pour s’en sortir tout seul cette fois-ci aussi. Et sinon, tant pis pour lui ! Un petit séjour à la place d’une victime, cela lui apprendra peut être la compassion ! »
« Emily, je sais que tes sentiments envers Moon sont plus houleux que jamais. Mais il faut que tu comprennes qu’il n’y a pas que son destin est en jeu. Nous, les trois Princes sommes liés. Si notre petit frère s’affaiblit, c’est Walk et moi qui allons en pâtir, et perdre petit à petit en vitalité. »
Je me raidis, et arrête de rire immédiatement. Ça, c’est vraiment injuste. Raaaah… Mais depuis quand est-ce que Moon ne peut pas se défendre tout seul et se laisse déstabiliser par les premiers venus ?! Au fond de moi, je suis presque sure que c’est une nouvelle manigance tordue de sa part, pour me faire encore plus culpabiliser d’avoir épargné Simili !... Et maintenant, il faudrait que j’aille le sauver ??! Je me mets à trembler. Quel… Gredin !!!
Pourquoi faut-il toujours passer par le Royaume de Sang ?? A chaque fois que j’y vais, c’est une véritable boucherie ! Je commençais tout juste à retrouver un semblant d’harmonie et de calme avec la glace et la cendre. Mais il faut croire que la monotonie de la tranquillité n’est pas faite pour moi, décidément ! Je sens mon sang bouillonner dans mes veines et essaye de me calmer un peu. Je m’assoie sur le fauteuil à côté de moi, et essaye de faire le point avec ce recul, les mains posées sur le haut de mon nez, en oubliant presque la présence de l’oiseau non loin de moi. Ce n’est même pas la peine de peser le pour et le contre, il est évident que je vais devoir y retourner… Je soupire et serre les dents. Je ne veux pas le revoir maintenant. J’aurai préféré l’ignorer plus longtemps.
Et tout au fond, je suis encore plus contrariée. Oui, je suis contrariée d’apprendre que d’autres individus ont mis la main sur Moony avant moi, alors que JE l’avais dans le collimateur pour plus tard. C’est ma cible, ma proie. S’il y a une personne qui doit lui en faire baver, c’est moi. Et personne d’autre.
- Chapitre 16:
Sans étouffer un soupire, je confie au Prince de Glace ma volonté d’aller aider son frère. Ce dernier me remercie et salue mon courage, l’air à la fois soulagé et embarrassé. Je sais qu’il aurait aimé m’accompagner, mais son petit frère n’est apparemment toujours pas décidé à partager son royaume ! Comprenant à peine l’étendue et la difficulté de la mission que je viens d’accepter, je quitte son bureau bleu et froid, la tête pleine de pensées.
Je dois me préparer. Le palais de Full contient un immense département dédié à l’armurerie, et c’est là que je me rends. La tenue que je choisi est très sobre : chemise noire, botte, pantalons. Protection sur les avant-bras, pour pouvoir parer des éventuels coups de couteau, et mitaines renforcées, pour pouvoir frapper sans avoir les phalanges explosées. J’ai plus l’impression que cet accoutrement est plus une question de crédibilité que de pratique.
Je m’arrête devant un miroir un instant. Je n’ai pas fait très attention à mon apparence, dernièrement. Mes cheveux sont perdus entre différents états. Mi-longs, d’un blond pale, affublés parfois de reflets bleutés inexplicables, ils ne sont pas du plus grand style. Des mèches viennent recouvrir mes yeux gris fatigués, mais déterminés. Mes sourcils semblent plus froncés que d’habitude. Peut-être ma contrariété est-elle en train de me façonner un nouveau visage ! Ma bouche est fermée, mais je sens mes dents serrées, comme habitées d’une avidité violente.
Je prends des pistolets. Si il y a du monde, je ne vais pas m’amuser à mettre mes ennemis hors d’état de nuire un par un, à l’arme blanche. Je ne fonctionne pas ainsi, moi. Je suis pragmatique. Une balle bien placée, et ce sera terminé. Curieusement, je ne me sens pas d’humeur à faire dans la dentelle. Je m’entraîne au stand de tir pendant quelques heures, protégeant mes tympans d’un casque posé sur mes oreilles. Mon niveau est assez moyen, mais suffisant pour être pris au sérieux et causer du désordre. En général, mes balles visant le torse font mouche, trouvant toujours le moyen de se loger dans une épaule ou dans le ventre. En revanche, mes scores à la tête sont plus incertains : j’atteins ma cible moins d’une fois sur deux. Et ce, lorsqu’elle est immobile, en plus ! De toute manière, je n’ai pas le temps de me perfectionner d’avantage. Mon départ aura lieu demain, au matin. Je recharge mes armes, et, mon casque à nouveau sur les oreilles, je me prépare à tirer à nouveau. Cette fois-ci, je programme l’entrainement sur le mode « cibles mouvantes ». Je me concentre, et commence.
Pow ! Pow, pow, pow ! Pow, pow. Pow !
Le canon de mon arme fume. Je crois que je suis plutôt satisfaite de ma prestation. Je m’apprête à regarder mon score sur l’écran à ma droite, lorsque je sens une main sur mon épaule. Effrayée de ne rien avoir entendu venir, je fais brusquement volte-face, mon pistolet toujours à la main, et me retrouve face à… Walk ! Je lâche immédiatement mon arme, de peur de faire une bêtise, et retire mon casque.
« Walk ! Tu m’as fait peur ! S’il te plait, n’apparais plus comme ça. »
« Pardon. Je voulais juste te parler un peu. »
« Je t’écoute. »
« Je sais ce qu’il se passe au Royaume de Sang. Et je sais ce que Full t’a demandé de faire. Je suis venu te dire que tu n’étais pas obligée de retourner dans cette folie. Nous t’avons tous déjà fait tant souffrir. »
Je penche la tête sur le côté. Il ne pense tout de même pas que je vais considérer la possibilité de rester ici sans rien faire, pendant que mes Princes s’éteignent à petit feu ? C’est tout bonnement inconcevable. Même si cela me conduit sur un chemin acéré d’épines, je suis prête à tout faire pour aller les aider !
« Mais, Walk… Je veux vraiment y aller. C’est important, pour moi. »
« Je sais Emily… Seulement, cela me rend malade de savoir que tu vas prendre à nouveau des risques inconsidérés. »
En disant cela, il appuie sur l’écran pour afficher les résultats de ma dernière salve. Sur mes sept derniers coups, seulement quatre ont fait mouche, dont un dans la tête. Une faible majorité je l’admets, laissant encore beaucoup de place à l’incertitude quant à ma capacité à triompher quasiment seule d’une bande de malfrats.
« Je ne compte pas les provoquer directement, murmurais-je, je prévois d’utiliser la ruse et l’infiltration. Si j’arrive à me faire passer pour une opposante du Prince de Sang – et ce ne sera pas bien compliqué - je pense que cela peut marcher. Et puis, j’ai toujours les ronces, en cas de gros problèmes. »
« Moon aussi a le pouvoir de contrôler les ronces, en plus de compétences incroyables au combat. Et il a tout de même perdu ! Ne fais pas de bêtises.»
Je reste silencieuse. Dit comme cela, il est vrai que mes chances de succès sont extrêmement minces. Mais ma décision est prise, et je ne changerai pas d’avis. Je préfère courir dans la gueule du loup plutôt que rester recroquevillée dans ce château à attendre que cette crise passe, ou qu’elle détruise ce monde à petit feu. Et puis ce sont mes Merveilles ! Si je décide d’y remettre de l’ordre et d’empêcher des parasites de faire n’importe quoi, je serai impossible à arrêter. Surtout si cela peut te sauver, Walk. Son visage à la fois triste et magnifique saisit mes pensées. Moi aussi j’ai peur qu’une fois là-bas, on m’empêche de partir, que l’on m’empêche de le revoir. Je pense à mon cœur qui a besoin de lui pour battre. Je pense à la douceur qu’il me communique, lorsqu’il est près de moi. Je pense à mon âme, qui ne se sent complète qu’auprès de lui. Je pense à notre passé doux comme la soie, à notre présent d’une fragilité de verre et à notre futur, incertain Mais je ne dois pas avoir peur. Pas maintenant ! Je le regarde dans mes yeux avec toute la détermination que je parviens à rassembler.
« Je suis désolée, mais ma décision est prise. Je refuse de te perdre, ou de te voir dépérir à nouveau, sans rien faire. Je pars demain matin, pour l’aider à chasser ces intrus, et pour vous sauver, tes frères et toi. Si le Prince de Sang et moi arrivons à allier nos forces, c’est peut-être possible. »
Une fois ces mots prononcés, je ne peux m’empêcher de déposer un baiser timide sur sa joue, avant de le quitter à regret. J’ai peur qu’il insiste, et que sa peur grignote malgré lui ma détermination, m’empêchant d’aller déchainer ma fureur dans les terres mortelles. De nombreux plans commencent déjà à s’élaborer dans mon esprit, le faisant travailler avec véhémence.
La nuit tombe. Je dois me reposer, pourtant, impossible de trouver le sommeil. Je ne cesse d’imaginer les divers scénarios qui m’attendent. Qui seront mes ennemis ? Combien seront-ils ? Comment trouver Moon ? Comment lui faire comprendre que nous devrons oublier nos différents pendant quelques instants ? Et surtout est ce que je résisterai à cette envie monstrueuse de lui coller une raclée ? Tant de questions auxquelles je suis absolument incapable de répondre pour le moment.
- Chapitre 17:
Lorsque le jour se lève, je suis incapable d’affirmer si j’ai dormi plusieurs heures, ou seulement quelques secondes. Le soleil n’est pas très haut dans le ciel, en tout cas. C’est un timide début d’aurore. Je ne ressens pas le stress de la veille, ni l’amertume. C’est comme si une part de mes sentiments c’était effacée, laissant place à l’efficacité et à la concentration dont je vais avoir besoin. Si je dois partir, cet état d’esprit me semble être le meilleur. Je me dépêche donc de m’habiller, avant que l’angoisse ne reprenne le dessus. Je prends mes armes, soigneusement fonctionnelles, et les range dans leurs étuis. Je prends également un papier et un crayon, afin de laisser un mot pour Full. Quelque chose de sobre et amical, m’excusant de ne pas avoir pris le temps de lui dire véritablement au revoir. Je pense qu’il sera un peu vexé, mais il me pardonnera sans doute ! Je laisse le papier sur le bureau de ma chambre, là où l’on viendra chercher en premier si l’on veut me trouver.
Je descends de nombreux escaliers. Dans les couloirs s’affairent quelques serviteurs et valets, encore à moitié endormis et qui ne font guère attention à moi. Je sors du château dans un froid un peu mordant, mais sachant qu’il ne me reste plus que quelques instants à passer dans le Royaume de Glace, j’avais décidé de ne pas me couvrir plus que nécessaire. Je me dirige d’un pas décidé vers les écuries, une nouvelle fois. Je n’ai pas envie de perdre du temps en marchant, et même si je pourrais être partante pour un petit footing ensanglanté, je ne galope pas aussi vite que ces fabuleux quadrupèdes ! De nombreux chevaux sont donc à ma disposition, et choisis le premier qui vient, essayant de ne pas trop m’y attacher. Ce pauvre animal ne sait pas ce qui l’attend, mais je me promets de lui rendre sa liberté avant d’entrer dans la forêt de sang. S’il survit jusque-là.
Une fois ma monture prête, je grimpe dessus sans me poser de question. De toute façon, il pourrait bien avoir un mur en face de moi que je me jetterai tout de même dessus, m’attendant à le traverser de part en part. Une fois en place, je n’attends pas non plus avant de lancer mon destrier au triple galop.
A peine ai-je franchis les portes du Royaume de Glace que la température redevient raisonnable. Je cesse de frissonner, remuant mes doigts engourdis qui étaient serrés sur les rennes de mon cheval. Je secoue la tête. Brrr ! Curieusement, en je ne suis pas horrifiée de remettre les pieds sur ces terres. Je demande à ma monture de reprendre sa course, la forêt est encore loin, simple ligne sombre, se confondant presque avec l’horizon. La couleur chaude du soleil ne fait qu’appuyer le rouge écarlate qui m’entoure, contrastant d’avantage avec le royaume de Glace. Soudain, alors que tout mon être était concentré sur la forêt droit devant, j’entends soudain un cri derrière moi :
« Emily !!!! »
Je fais arrêter brusquement ma monture, reconnaissant instantanément la voix qui vient de m’interpeler.
« Full !? Mais qu’est-ce que vous faites ici ?? Vous n’êtes pas senc… »
« Tu pensais vraiment que j’allais être capable de te laisser partir ici, une troisième fois, toute seule ? J’ai déjà fait trop d’erreurs. Même si je ne peux pas t’aider à affronter Moon, je tiens tout de même à t’aider à arriver à destination sans encombre supplémentaire ! Je te dois au moins cela. »
Je regarde le souverain de Glace arriver derrière moi, sur un cheval blanc comme la neige qui pare à merveille son royaume. Souriante et perplexe, je déclare :
« C’est vraiment gentil de votre part… Mais, comment avez-vous réussi à passer la frontière ? Je croyais que Moon vous en empêchait ! »
« Moon est plutôt faible ces derniers temps, et il n’a pas l’air de trop s’imposer à cette intrusion, pour une fois. Mais mon temps ici est tout de même limité. »
« Oh ! Dans ce cas inutile de perdre du temps à bavarder ! »
Je me remets à éperonner ma monture, le Prince de Glace galopant à mes côtés. C’est plutôt plaisant de ne plus être seule ici, et surtout d’être en si bonne compagnie ! Sa présence me rassure. Ces bois maudits sont toujours une angoisse pour moi. Je ne sais jamais sur qui je peux tomber, et à chaque fois, c’est une mauvaise surprise. Nous nous rapprochons de la forêt plus rapidement que je ne l’espérais. Je peux distinguer avec de plus en plus de précision les arbres qui la bordent, les détails de leurs branches, et les subtilités de leur écorce. Je déglutis. Je fais ralentir ma monture, jusqu’à ce qu’elle n’avance plus que d’un pas calme. Full a compris ma démarche et l’exécute également. Puis nous mettons tous les deux pieds à terre, à la lisière du bois. D’un claquement de doigts, le Prince de Glace fait cavaler nos montures en sens inverse, pour les faire rentrer en sécurité. Au moins, il ne se produira plus le même drame que la première fois. Je remarque que mon coéquipier est vêtu d’une armure plutôt légère, et qu’une épée, ainsi qu’un pistolet sont rangés à sa ceinture. Cela me rassure tellement de le savoir à mes côtés.
Je le laisse ouvrir la marche, et nous entrons dans la forêt. L’atmosphère sombre et lourde du lieu pèse directement sur nous, et la lumière, rouge, donne le ton de cet endroit étouffant et menaçant. Full regarde les carcasses parsemant le sol en soupirant :
« Et bien, c’est encore pire que ce que j’imaginais. Moon n’est jamais décevant lorsqu’il s’agit de chaos, et autre destruction sanglante. »
« Et encore, vous n’avez pas vu son château. »
« Justement, c’est là que nous allons ! »
Je penche la tête, surprise par cette déclaration. Je pensais que fouiller la forêt pour débusquer Moon afin de lui demander ce qu'il s'était passé aurait été la priorité.
« Mais ne faudrait-il pas plutôt trouver le Prince de Sang, d’abord ? »
« Je t’expliquerai en chemin. Suis-moi. »
Je ravale la multitude de questions qui court dans mon crâne, et décide de le suivre sans objecter. Nous nous avançons sous la frondaison, à pas léger. Comme à mon habitude, je sursaute à chaque craquement. Mais l’attitude sure et rassurante de Full m’apaise et m’aide à conserver ma concentration. L’épée dégainée, il tranche et coupe le moindre des obstacles sur notre route. Je me sens de moins en moins vulnérable et tendue dans ce monde de terreur. Nous tombons sur un sentier douteux que nous décidons d’esquiver, préférant avancer dans l’anonymat, entre les arbres silencieux. Nous passons entre de grands rochers couverts d’éclats écarlates, et je réussi à être surprise lorsque je constate que même la mousse qui les recouvre est gorgée de sang. Alors que nous progressons dans la forêt de plus en plus sombre, cette dernière me semble vide, comme séparée de son essence, de propriétaire original. Moon n’est pas dans ces bois, je peux le sentir. Mes sens à son sujet sont devenus assez acérés, récemment. Je me décide à demander :
« Full, vous savez où se trouve votre frère, n’est-ce pas ?… »
Le Prince de Glace prend un peu de temps avant de me répondre, ce qui n’est jamais bon signe, théoriquement.
« Oui, il est toujours dans son château. Mais enfermé de ce dernier, cette fois-ci. »
« Que… Vous voulez dire qu’ils ne l’ont pas seulement chassé, mais qu’ils ont également réussi à le capturer ?? »
« Oui, c’est ce que je veux dire. »
Je lève les yeux au ciel, me mettant à traîner des pieds. Ce monde marche sur la tête ! Moon, captif d’une bande d’amateurs ? J’espère vraiment qu’il aura une bonne excuse pour justifier de s’être fait avoir de la sorte. Même si une partie de moi trouve cela révoltant, une autre est plutôt amusée. Se retrouver à nouveau en prison pendant quelques jours, voilà qui lui remettra surement les idées en place. Mais trop longtemps non plus. C’est mon Moon, non mais. Je sens mes dents grincer d’impatience. Alors que je m’apprête à répliquer, je sens Full m’agripper par le col et me faire brusquement descendre avec lui derrière un rocher pour nous cacher, mettant un doigt sur sa bouche pour me faire signe de garder le silence. Quelque chose ou quelqu’un approche.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 13 Déc - 21:04 | |
| - Chapitre 18:
Tapis derrière le rocher, Full et moi cessons presque de respirer. Dans le silence qui s’installe, il me semble entendre des voix au loin. Je me crispe. Il s’agit très certainement des habitants typiques du Royaume de Sang, à savoir des criminels. Les voix sont de plus en plus distinctes, il y en a au moins trois. Le Prince de Glace les observe discrètement, et je ne peux m’empêcher de faire de même, prenant mille précautions. Au loin, j’aperçois finalement trois silhouettes, une femme et deux hommes. Le premier est grand et élancé, et marche de manière plutôt sur de lui. Le second est plutôt vouté et plus trapu, mais il porte sur le dos un curieuse machine, se terminant par un tuyau menaçant, comme une sorte d’aspirateur couplé avec un lance-flamme. La femme, quant à elle, est de corpulence moyenne, parée d’une longue et lisse chevelure brune. Et son visage est tellement fermé que je peux voir sa mine agressive à cette distance. Full entreprend de me faire les présentations :
« L’homme devant, c’est Flirt. C’est un individu extrêmement dangereux, un meurtrier, connu pour son goût particulier pour la gente féminine. Surtout lorsque celle-ci est désespérée, voir à l’agonie. C’est le roi que la manipulation, et il ne pense toujours qu’à son propre intérêt avant tout. S’il t’adresse la parole ou qu’il te propose quoi que ce soit, ne lui fait jamais confiance. »
J’acquiesce en frémissant. Les trois personnes sont à une dizaine de mètres de nous et passent sans nous apercevoir. Tout dans leur attitude dénonce des comportements de prédateurs impitoyables.
« Le second, plus petit, c’est Dokk. C’est ingénieur spécialisé dans la conception de machines incroyables. C’était le meilleur fabricant d’imprimantes de fausses monnaies de la cité. Mais il y a quelques années, il a commencé à s’intéresser d’avantage à la destruction qu’à la création, et ses bricolages causent souvent beaucoup de dégâts. Et la fille, il me semble que… Oh, non ! J’espère que je me trompe ! »
Je lance à Full un regard mi inquisiteur, mi paniqué suite à ce suspense ! Je tremble de tous mes membres, ce n’est pas le moment de cesser ces explications ! Je vois mon coéquipier se pencher légèrement contre le rocher, afin de confirmer sa théorie.
« Ira… Elle n’est pas vraiment plus dangereuse que les autres, bien que particulièrement hargneuse et violente. Mais c’est la compagne d’Hector. Et c’est lui qui est inquiétant. »
« Full, je vais sans doute être très vite confrontée à ces gens, donc vous devez m’en dire plus !! »
« Hector est l’une des rarissimes victimes directes de Moon ayant échappé à son bourreau. Il me semble que c’était un criminel de faible envergure, mais qu’il est extrêmement malin et coriace. Il s’est enfuit de mon Royaume, comme tous les autres, et le Prince de Sang lui est tombé dessus. Malheureusement pour lui, il a eu le temps d’être sacrément « entamé », avant de réussir s’enfuir. Je crois que mon petit frère avait déjà eu le temps de fabriquer un xylophone avec ses doigts, et de faire des franges à ses oreilles ! Il a la réputation d’être difficile à regarder en face, depuis. Cela ne m’étonnerait guère qu’il soit l’instigateur de toute cette mutinerie, par envie de revanche sur son tortionnaire. »
Je déglutis à nouveau. J’imagine sans mal le martyr que Moon peut infliger à ses victimes. Mais je n’avais presque jamais envisagé la possibilité que l’une d’entre elle lui survive. Ce fameux Hector doit nourrir un désir de vengeance monstrueux à son égard ! Il est vrai que je ne suis pas la seule à avoir souffert à cause de lui, loin de là. Plaquée derrière mon rocher, je regarde le vide, en écoutant la troupe s’éloigner. Quoiqu’il en soit, il faut vraiment que je trouve Moony, avant que ce dernier se fasse massacrer à cause de ses bêtises. Le Prince de Glace prend son menton dans les mains, l’air pensif.
« Si c’est bien Hector qui est à la tête de toute cette pagaille, il a du faire les choses correctement jusqu’au bout, et s’être installé à la place de Moon, dans son propre palais. Il est certainement très entouré, mais beaucoup de ses lieutenants ne doivent pas être très fiables. Les bandits arpentant ces terres ne sont pas connus pour leur loyauté. Néanmoins, il ne faut pas le sous-estimer, il semble tout de même avoir réussi à rassembler la crème des mauvaises herbes de ces lieux sous une seule et même bannière. Secourir le Prince de Sang s’annonce plus compliqué que je ne le pensais ! »
Je penche la tête. Je me doute bien que ce ne sera pas facile, mais je n’ai pas le luxe d’hésiter. Il me faut trouver un moyen de les approcher et d’aller sortir le vrai souverain de ce pétrin.
« J’aimerai approcher du palais. Il faut que j’analyse leur organisation : combien ils sont, quelles sont leurs armes… Ensuite, j’aviserai le meilleur moyen d’agir. »
« Ils risquent d’être beaucoup trop nombreux pour toi, et suréquipés, malheureusement. Non, le mieux c’est que tu essayes de passer en douce. Que tu te fasses passer pour l’un d’entre eux ! Ils n’ont jamais vu ton visage ! »
Je ne peux pas dissimuler une moue anxieuse. Me faire passer pour une criminelle ? Mais serais-je crédible plus de trente seconde ? Je ne sais pas me comporter comme telle, cela va être une catastrophe ! De plus, je ne suis pas si inconnue que cela.
« Mais il y a Simili, et il me connaît ! Il a dû leur parler de moi ! Il y a surement à nouveau des avis de recherche à mon image partout ! »
« Il a pu te décrire, rien de plus. Il faut juste que tu te différencies de cette description. »
Tout en prononçant ces mots, le Prince de Glace attrape plusieurs morceaux de mousse rouge collée au rocher, puis commence à les presser à la manière d’une éponge au-dessus de mon crâne. Le sang dont elles étaient gorgées coule sur ma chevelure, la teignant petit à petit d’une couleur écarlate. Je ne grimace même pas lorsque le liquide vital de je ne sais qui se répand sur mon crâne. Je suis bien trop préoccupée par ce qui m’attend. J’efface machinalement d’un revers de ma main le sang qui coule sur mes yeux. Full me retient, me faisant comprendre que plus je serai barbouillée, moins je serai reconnaissable. Nous nous relevons, et mon ami me rajoute un peu de sang sur mes vêtements et mes mains.
« Je t’en prie, une fois que tu seras parmi eux, n’oublie surtout pas qui ils sont. Même si cela est dangereux, essaye de te hisser à leur hauteur de démence. Canalise toute l’aversion qu’ils t’apportent et reporte là dans ton attitude. Le moindre signe de faiblesse causera ta perte. Avec eux, c’est la jungle. »
Ces mots me font brusquement penser à mon attitude et à l’hystérie qui m’habitait lors de mes affrontements contre Heartless et Simili. J’imagine que plongée dans un monde rempli de cette corruption atroce qui me lacère, devenir une furie implacable sera loin d’être compliqué. La description des trois personnages que nous venons de croiser a d’ailleurs commencé à attiser ma rage. Surtout celle de Flirt, curieusement.
« Je sais faire, Full, ne vous inquiétez pas. » Sifflais-je, laissant ma langue se presser contre mes canines.
Croisant son regard perturbé, je ne saurai dire s’il est inquiet pour ma mission, ou pour mon assurance à propos de mon comportement de prédateur qui commence à émerger. Peut-être que je commence à être crédible en fait, avec en plus de cela tout ce sang dont je suis recouverte !
- Chapitre 19:
Nous continuons de nous rapprocher du sombre palais. Ces noires tourelles commencent à être visibles au-dessus de la cime des arbres. Je crois que mon appréhension est si immense que je ne la ressens pas. Je la suis. Une vraie boule de nerfs. Il faut que je me défoule à tout prix. M’arrêtant brusquement, je me mets à frapper le tronc d’un arbre ensanglanté de toutes mes forces, ignorant avec facilité la douleur de mes phalanges suppliantes. Full me regarde faire dans air presque choqué. Après ces quelques secondes, je vais mieux. Je regarde Full, lui montrant mes mains :
« J’imagine que l’on cherchera moins à me provoquer, si j’ai tous les détails d’une vraie bagarreuse. »
Le Prince de Glace acquiesce d’un air à moitié convaincu. Je suppose que cela ne lui plait pas de me voir me faire du mal. Mais après tout, ceci n’est rien par rapport à ce qui m’attend dans quelques instants ! Alors que notre progression se fait plus prudente à chaque pas. Full me propose de grimper à un arbre, afin d’avoir une vue dégagée de ce qu’il se passe aux abords du château, tout en étant dissimulés par le feuillage, ce que j’accepte vivement. Après m’avoir fait la courte échelle, le pâle souverain escalade à son tour, me suivant dans les branches tortueuses. Nous arrivons à monter à une vingtaine de mètres, avant de trouver un poste d’observatoire parfait.
Ma vision se trouble un peu en redécouvrant les abords du palais sous cet angle, agressée par les souvenirs mêlé au vertige. Plusieurs personnes se trouvent sur le parvis, moins d’une dizaine. Impossible par contre de connaître le nombre de truands présents dans le bâtiment. Full se sert de sa vision perçante pour essayer de reconnaître les individus visibles.
« Beaucoup de ses silhouettes me sont peu familières, mais il me semble reconnaître l’indolent Balthazar, là, sur le pont, il me désigne un jeune homme maigre, vêtu entièrement de noir, lambinant sur l’un des murets, Ce frêle garçon n’est pas très dangereux directement, d’ailleurs, je crois même qu’il ne sait pas se battre, ni même se servir d’une arme. En revanche, il possède une intelligence remarquable, et un sens de la persuasion sans égal, qui lui permet de toujours retomber sur ses pattes, et d’obtenir presque tout ce qu’il souhaite, sans le moindre recours à la violence. La première fois que nous l’avons coffré, il avait envahi insidieusement la demeure d’une famille de nobles, se prétendant comme un simple orphelin cherchant un abri d’une nuit. Quelques semaine plus tard, il avait réussi à changer la totalité de la famille en dociles valets exécutants ses moindres désirs. C’est une domestique du manoir qui nous avait prévenus. Nous avons pu le faire arrêter et interner seulement parce qu’un psychiatre a réussi à l’aide d’un habile test à le diagnostiquer manipulateur-maniaque. Sinon, nous n’avions aucune preuve contre lui. »
Malgré les mises en garde de Full et ses explications précises, je peine à considérer ce nouveau personnage comme une réelle menace et essaye de me focaliser sur le gros lourdaud devant la porte, posté comme un garde agressif. Il y a également un petit groupe de personnes œuvrant devant l’un des côté du château, s’échangeant des armes et des munitions.
« Hum, il est possible que ce groupe se prépare à aller chasser. » Enonça le Prince de Glace d’un air grave.
« Et… De quel genre de chasse parlez-vous ? » Demandais-je, anxieuse de l’horreur potentielle de la réponse.
« Oh, je pense qu’il s’agit là d’une chasse plutôt conventionnelle. Nous sommes le matin, il leur faut bien ramener du gibier pour le repas. A moins qu’il y ait un cannibale dans l’équipe, ou qu’ils croisent le chemin d’un malheureux, ils ne devraient revenir qu’avec des proies animales, cette fois-ci. »
J’enregistre ces informations. Cette histoire de chasse pourrait être une possible opportunité pour réussir à intégrer les rangs de cette dangereuse armée. Je fais part de mes pensées à Full, qui semble suivre mon raisonnement.
« Oui, ce serait l’une de tes meilleures chances, en effet. Nous allons attendre que cette équipe s’éloigne dans la forêt pour y descendre à notre tour. Ensuite, nous nous arrangerons pour te trouver une pièce de viande à ramener au château. Tu y entreras ainsi en éveillant le moins de soupçons. J’espère seulement qu’ils sont assez nombreux pour ne pas déceler une intrusion immédiate ! »
Je souris nerveusement à cette pensée. C’est vrai que le risque que je sois instantanément démasquée dès mon apparition devant le château est grand. Mais c’est un risque à prendre. Je serre les dents. Je commence à ne plus en pouvoir de cette attente qui me tiraille. Je dois passer à l’action.
Full parvient à m’apaiser un peu et à me calmer, le temps que la troupe de chasseurs s’éloigne de l’autre côté de la forêt. A peine sommes-nous descendus de notre arbre que mon coéquipier dégaine son pistolet. Je le sens à cran. Revoir ses vieux ennemis l’a un peu tendu, on dirait !
« Il nous faut maintenant trouver ton ticket d’entrée pour ce monde de fou. Je compte sur tes yeux pour m’aider à trouver le premier animal qui aura la malchance de se montrer dans notre champ de vision. »
Sans bruit, nous explorons le morceau de forêt dans lequel nous nous trouvons. Des oiseaux s’envolent sur notre passage, nous sommes encore trop peu discrets pour être invisible à leur sens. Les lapins et autres rongeurs refusent eux aussi de nous montrer le bout de leur nez. Alors que je commençais à désespérer, après des minutes semblables à une éternité, j’aperçois une gracieuse figure au fond des bois. Il s’agit d’une petite biche blanche. Le contraste d’une créature si pure et innocente dans cette forêt de massacre ne peut que sauter aux yeux. Silencieusement, j’averti Full de sa présence. Ce dernier l’a vu. Grimaçant devant cette cible qu’il n’a pas l’habitude d’avoir au bout de son canon, il la met tout même en joue. Tremblante, réalisant ce que nous sommes en train de faire, j’hésite une fraction de seconde à claquer dans mes mains pour faire réagir la bête insouciante et lui éviter ainsi cette mort injuste. Mais c’est la jungle, comme l’a dit Full. Nous devons nous adapter, malgré nous. Il tire.
La biche est morte sur le coup. Surement sans souffrance, surement sans peur. Un sort presque enviable. Une vie achevée pour en prolonger une autre. Nous nous avançons furtivement et rapidement pour aller inspecter notre prise. Elle n’est pas très grande, et ne doit pas peser plus lourd qu’un enfant. Cette comparaison sert ma gorge. Nous nous agenouillons à son chevet. Full commence à déclarer :
« Et voilà ton tribut. Je sais qu’un lapin ou un faisan aurait été plus pratique pour toi, mais tu ne peux pas te permettre de faire la difficile. Je sais que tu vas réussir à la ramener au château, et que tu réussiras à berner tous ces manants, et à nous sauver. J’ai confiance en toi. »
Je ne peux répondre à cette tirade uniquement par une étreinte. Je sens que le moment est venu de nous séparer. La suite de ce chemin tortueux, c’est maintenant seule que je dois l’accomplir. Full me sert à son tour dans ses bras avec une telle intensité que j’ai l’impression qu’une partie de sa droiture et de sa force m’est transmise. Après un ultime souhait de réussite et un dernier regard, il disparaît entre les arbres écarlates, me laissant seule avec ma proie.
- Chapitre 20:
Je commence à essayer de déplacer ma proie. Bon sang, qu’elle est lourde ! Je me mets à songer que sur ce tas de chair doit en plus se reposer le poids de ma culpabilité. L’attrapant par les pattes avant, j’entreprends de la tirer vers la lisière de la forêt. Ce n’est pas très pratique, le sol est couvert de racines et de pierres qui bloquent sans arrêt mon fardeau. Ma progression lente et laborieuse me pousse à essayer une nouvelle technique. Rassemblant toutes mes forces, je réussi à porter la biche sur mes épaules. Me voilà à présent seule dans un endroit dédié à la violence, dans lequel je dois m’adapter pour survivre, portant actuellement le poids d’une innocence sacrifiée sur les épaules. Sans vouloir jouer les martyrs, voilà qui ressemble bel et bien à un chemin de croix. Mais le symbolisme est trop joli pour que je puisse m’en plaindre entièrement.
Mais qui suis-je pour m’infliger ainsi autant de souffrance ?... Je sais bien que Moon n’est pas le seul responsable de tous les soucis qui m’arrivent, de toute cette démence. La responsabilité est partagée. Quel donc est mon problème ? Obstination, déraison, folie à deux ? Finalement, tout ce qui m’arrive est surement très logique, d’une certaine manière. Je fais du mal à ceux que j’aime, je mérite de me trouver ici, couverte de sang, comme dans un purgatoire. Parce que je suis trop faible, ou trop passionnée pour savoir m’arrêter. Je l’accepte. Finalement, chacune des piques que je reçois semble avoir un sens. Chaque lacération est nécessaire pour que cette obsession ne soit en rien facile à vivre. Chaque pas vers le salut de mon amour m’enfonce un peu plus dans des ténèbres qui m’étaient secrètement destinés. J’en souris presque. C’est vrai, que toutes les épreuves, toutes les maux semblent devenir supportables, et incroyablement vitaux lorsqu’ils font partie d’une histoire intense et belle. Ce n’était pas le chemin que je me prévoyais, étant plus jeune, préférant le confort, la facilité, et les étoffes de mousseline. Mais cela me va finalement tout autant. Cette robe sur mesure, constituée de ronces acérées et de larmes sincères et enragées, prime sur toutes ses toilettes de soies synthétiques dont rêves les petites filles. Mes élus sont plus beaux, plus fous, et plus magiques que n'importe lequel des princes charmants, et leur unité fait battre mon coeur, lui donnant des ailes, et la force de se relever plus déterminée après chaque obstacles. Ils sont à la fois ami, ennemi et amant. Dans ces moments de réflexion intenses, j’embrasserai volontiers le destin de m’avoir montré cette voie, quitte à être internée juste après. Un sourire dément se dessine bel et bien sur mes lèvres maintenant, et je ne peux m’empêcher de lâcher un cri destiné à me redonner du courage. Le poids de la biche sur mes épaules semble soudainement un peu plus supportable. Mes pas vers le château de Sang sont plus grands et plus rapides. Chacun d’entre eux m’attire désespérément vers la seule issue pour continuer à vivre avec ce que je chéris jusqu’à en perdre la raison. Une raison que je suis prête à sacrifier sans hésiter. Comme il a sacrifié la sienne pour moi.
Le soleil rouge, voilé par de rouges nuages, m’accueille à ma sortie de la forêt. Mais ces nuages n’ont rien de menaçant, par rapport à la dernière fois. Il semblerait que la tempête se soit calmée, et cela est plutôt bon signe. Mais je suis à présent complètement à découvert. Sur les abords du château, peu de personnes sont présentes : il ne reste que Balthazar avachis, et le garde devant la porte. Je fais un point rapide : je suis couverte de sang, mes cheveux sont ébouriffés sur mon visage, je porte plusieurs dizaines de kilo de viande sur les épaules et mon air peut devenir féroce. Les apparences sont avec moi ! Je m’avance vers le pont conduisant à la grande porte du château. Je vais être obligée de passer devant le jeune homme brun. Je ne lui adresse aucun regard et baisse légèrement la tête, pour éviter une quelconque conversation. Moins je parle, plus mes chances de rester entière sont optimales. Je fais également de gros efforts pour essayer de paraître le plus à l’aise possible avec mon animal mort sur les épaules. Mais depuis que je suis approchée, je me sens scrutée. Je déglutis en faisant mon premier pas sur le pont.
« Et bien. En voilà un bon diner en perspective. »
Pendant un instant, j’hésite à continuer tout droit, sans relever ce commentaire. Mais je suis trop proche de Balthazar pour prétendre ne pas l’avoir entendu. Autant jouer la carte de celle qui n’a rien à cacher, et qui peut même se payer le luxe de discuter avant de se faufiler en douce dans le palais. Plantant mes pupilles dans les siennes avec toute l’assurance qu’il me reste depuis la forêt, je lâche de manière grave :
« Oui. J’espère que tu as faim. »
« Oh, je n’ai jamais très faim. Je faisais surtout cette réflexion parce que cet animal est rare, et qu’il a l’air appétissant. Et qu’il faudra que je pense à m’en faire réserver une part. Je ne te propose pas de t’aider pour l’emmener jusqu’au garde-manger, je suppose que ce serait inconvenant. »
Je ne peux m’empêcher de lever un sourcil de perplexité face au comportement de cet étrange personnage, qui semble à la fois si nonchalant et si sûr de lui. Le dévisagement que je lui porte est réciproque, puisqu’il semble à présent intrigué par mon identité. Mince ! Alors que je commence à faire volte-face, l’air fermé, il déclare :
« Dis, je ne t’ai jamais vu par ici… Tu fais partie des dernière recrues de Jym, n’est-ce pas ? »
Ca, c’est la chance de ma vie. Vite, la saisir, et s’en servir comme d’une base pour broder l’histoire de mon incrustation. Et, note pour plus tard : s’arranger pour ne jamais croiser ce fameux Jym.
« C’est exact. Et il faut bien que je me rende utile, si je veux trouver ma place ici, maintenant qu’il n’y a plus grand monde à écharper. »
Je le remarque éclater d’un rire aussi innocent qu’arrogant. Je frémis à l’idée d’avoir débité une immense bêtise.
« Ah ah, j’aime bien ton comportement ! Tu es une pragmatique, toi ! Pardonne mon hilarité, mais parfois j’oublie à quels points les gens peuvent être simples. Le besoin de se rendre indispensable, dicté par un instinct de survie primaire… »
Sa condescendance me pique en plein dans mon orgueil. Décidée à ne pas commencer à agir comme une victime, je choisis de jouer la carte de la répartie, et laisse échapper :
« Et visiblement, ton sens de la préservation à toi n’est pas très développé. Je doute que ce muret ait besoin de toi pour rester debout. »
Il s’arrête de rire immédiatement, gardant tout de même un sourire grand comme un croissant sur le visage, puis se redresse en quittant sa position détendu. Il est de taille plutôt grande, et tout fin, comme une brindille qu’une simple bourrasque pourrait briser en deux. De mon côté, courbée par le poids de la bête sur mes épaules, haletante, et couverte de sueur de par l’effort, je lui fais face du mieux que je peux. Il se tient le menton avec la prestance d’un professeur s’apprêtant à dispenser son cours. Ses pupilles se dilatent, et ses iris ont quelque chose d’envoûtant.
« Le fait que je sois toujours en vie est expliqué par ce monde qui est terriblement injuste. Vois-tu, il y a ceux qui triment comme de nombreuses petites fourmis pour survivre et exister pendant d’infime seconde. Et à côté de cela, il y a les majestueuses cigales qui peuvent se permettre de se dorer au soleil et de chanter avec légèreté. T-t-t-t ! Je sais ce que tu vas me dire, que ce rythme ne vaut rien pour elles, sur le long terme. Et cela est en effet vrai pour la plupart des cigales. Mais parmi ces créatures se cachent les vraies exceptions de la nature. Celles qui ne s’adaptent pas pour survivre à leur environnement, mais qui ont le pouvoir de déformer ce dernier pour qu’il leur soit propice. L’homme est le meilleur exemple pour cela, d’ailleurs ! Et si l’on peut adapter la terre, la forêt, et même l’espace à devenir un lieu accueillant, soit certain qu’il en est de même pour la moindre parcelle d’esprit humain. Tu imagines, se construire un havre paisible dans la tête du premier venu ?! Mais voilà qui n’est pas à la portée de tout le monde, ah ah ! Utiliser les sentiments comme des briques, et les émotions comme le ciment. Lier deux univers mentaux par du fils d’or indestructibles, tisser une toile forte et brillante de mille souvenirs ou promesses d’avenir… »
Je reste à l’écouter, incapable de me détacher de ses propos. Je ne sais pas s’il sort le même discours à tout le monde, mais il emploie les mots si justes à mes yeux que pendant un instant, je le crois capable de lire clairement et directement à travers mon esprit. J’ai l’impression qu’il pourrait me dire exactement ce que j’aurai toujours envie d’entendre. J’ai l’impression qu’il me comprend parfaitement. Dans ma torpeur fascinée, je ne vois pas le garde de la porte qui s’approche de nous. D’un cri, il nous interrompt, m’arrachant à ma rêverie toxique.
« Eh, toi ! Qu’est-ce que tu fais à discuter alors que Nail attend la viande à préparer pour le festin de ce soir ! Il va lui falloir du temps pour nourrir toute nos bouches, et il nous a promis un chef d’œuvre pour fêter la prise de château !! »
Le garde costaud s’interrompt un instant en constatant ma prise, l’air à la fois surpris et légèrement admiratif. Il se lèche les babines, tel un loup devant un mouton bien gras.
« Et bien, sacrée prise ! Ton chevreuil ne sera pas de trop pour ce soir, c’est certain. Et il risque d’être plutôt convoité, on en attrape pas beaucoup, des comme ça. »
Sans blague. Je me crispe d’offrir à ces vermines un plat de choix qui ravira sans doutes leur papilles, alors qui ne méritent rien d’autre que de la cendre à se mettre sous la dent ! Mais l’homme me fait signe de me suivre à l’intérieur du palais, visiblement plus intéressé par ma proie que mon faciès qui lui est malgré tout inconnu, comme si la promesse de ce met délicat endormait une partie de sa méfiance. Sans protester, je le suis et me prépare à entrer une nouvelle fois depuis longtemps dans le sombre château.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 17 Déc - 0:08 | |
| - Chapitre 21:
L'homme à la grande musculature s'arrête devant les portes afin de les ouvrir. Avant d’entrer à l’intérieur, je ne peux m’empêcher de remarquer quelque chose de curieux. De chaque côté de la porte sont posté des plants de rosiers rouges. Mais ces derniers sont complètement scalpé, il en reste à peine moins d’un mètre. Et les branches sont rigides et brillantes, comme si cette plante s’était changée en pierre précieuse, que l’on aurait ensuite détruit à coup de batte. Voilà qui explique surement en partie pourquoi les ronces n’ont été d’aucun recours à Moon pendant l’attaque de son château…
Le garde pousse enfin la porte, et je peux enfin découvrir le scandale qui se cache à l’intérieur. J’avais des souvenirs plutôt précis de ce lieu, et je me souviens qu’il était à l’image parfaite de son souverain, c'est-à-dire d’un charme inquiétant. Mais il n’en est plus rien à présent. La présence d’indésirables vermines a grandement vulgarisé cette demeure. Les murs des pièces tortueuses ont été brisés dans le but de ne former qu’une immense salle, dans laquelle de nombreux débris sont accumulés. Les tableaux ont été retirés et déchirés, tandis que les rosiers ont déracinés jusqu’au dernier. Les « jouets » de Moon ont également disparus, certainement dérobés par les intrus. Je serre les poings, pouvant à peine tolérer cette scène. Au centre de cette immense pièce trône une immense table carrée, autour de laquelle une vingtaine de personnes s’affairent. Au moins trente ou quarante places y sont disponibles, ce qui me donne une idée grossière du nombre de vandales présents dans ce domaine. C’est un nombre qui me semble assez imposant pour ne pas faire tâche, surtout s’il y a des nouveaux depuis peu. Mais c’est également un nombre trop écrasant pour faire face, si jamais les choses tournent mal. Je baisse les yeux immédiatement. Il me semble avoir repéré Simili, apparemment chargé de l’inspection de la vaisselle et autre décoration de table pour leur repas infernal. Vite, vite, je dois absolument me sauver vers le garde-manger avant d’être remarquée !
Heureusement, le garde me guide dans un petit couloir adjacent à la grande salle, se terminant par un escalier descendant en colimaçon vers le sous-sol. On dirait un chemin direct vers la capitale des ténèbres, et je regarde l’endroit avec une horreur indescriptible.
« Le garde-manger et les cuisines sont juste là, en bas. Tu n’as qu’à donner ta bête à Nail, il saura parfaitement comment s’en occuper. Ah, et profites-en pour rester en bas, tiens! Tout le monde commence à avoir faim, et il va surement avoir besoin de plus de mains pour les préparations ! Ah ! »
Et sur ces paroles, il me pousse d’une main dans le dos vers les marches, manquant de me faire tomber. Je remarque que, malgré son gloussement, l’homme prend bien soin de rester à une distance raisonnable des marches en me regardant les descendre, comme s’il craignait ce qu’il se trouvait au bout de cet escalier. Je prends une grande inspiration et m’engouffre dans ces entrailles.
La première chose qui m’interpelle dans cette cave est l’odeur. Elle n’est pas affreuse, mais elle est tellement forte et prenante que je peine à prendre de nouvelle respiration. Des senteurs de viande crue, de chair à vif, et les effluves d’épices me saisissent les narines à m’en donner le tournis. Mes yeux s’habituent vite à l’obscurité de la cave. Il y fait plus froid, et de nombreuses carcasses y sont accrochées. La plupart des bêtes suspendues sont méconnaissables, charcutées de toutes part. Je ne m’attarde pas trop sur ces formes, de peur de voir quelque chose de vraiment déplaisant. Les maigres ampoules qui éclairent ces lieux émettent des grésillements inquiétants. Je vois une porte ornée d’un hublot de verre, à l’autre bout de cette réserve. La cuisine doit se trouver dernière. Je m’avance timidement, puis dépose ma biche à terre, avant de m’avancer vers la vitre de la porte pour regarder au fond de la pièce. La vision de la pièce éclairée de blanc qui m’est proposée est floue, à cause d’une couche de buée déposée sur le verre. Mais l’endroit à l’air d’être immense, et plein de meubles en métal, et d’ustensiles en acier. Je tressaute, ayant l’impression de distinguer une grande silhouette fantomatique, immobile, entre deux plans de travail. Mais le temps que je cligne des yeux, elle a déjà disparue. Je recule, par reflexe, puis sursaute à nouveau en entendant un bruit sourd, venant cette fois de très près juste derrière la porte. Alors que je prends sur moi, et m’apprête à toquer pour demander la permission d’entrer, la porte s’ouvre brusquement, et mon poing s’échoue dans le vide.
« C’est ouvert !!! »
Je reste sans voix. Je suis accueillie par un homme blond platine, d’une pâleur de Lune, de corpulence particulièrement mince, et d’un âge avoisinant trentaine. Ses vêtements blancs accompagnent parfaitement la couleur de sa peau et de ses cheveux, et le sang présent sur ses habits et ses mains est mis en valeur à merveille. Pour souligner ce contraste, l’homme porte sur son visage fin une paire de lunettes aux verres teintés de rouges, qui lui donnent un étrange air albinos. Avec ce style improbable et ses cheveux en bataille, il fait penser à un savant fou. Surprise par sa brusque apparition, je ne peux que bredouiller :
« Euh, bonjour… Je suis venue vous apporter de quoi garnir le festin… »
A peine ai-je terminée ma phrase que l’homme m’attrape par le bras et me prends dans les siens, me surprenant faisant rougir de manière incontrôlable ! Mais que… ! Ça suffit ! Me débattant comme je le peux, je parviens à me défaire de son étreinte, mais l’homme continue de palper me biceps de manière dérangeante !
« Hum, cette viande à l’air tendre, mais il y en aura trop peu, c’est dommage ! »
Effarée, je tente plus vivement de retirer mon bras de sa poigne, m’empressant de rectifier le malentendu tandis que mon regard se pose sur le hachoir posé sur la table, tout près. Je glapis :
« Non ! Non, ce n’est pas moi qu’il faut cuisiner !! Je vous ai amené cela ! Ce sera plus… consistant, j’imagine. »
Intrigué, le cuisinier desserre un peu son étreinte et laisse son regard tomber sur la masse blanche que je lui désigne. Alors qu’il me lâche complètement, j’en profite pour reculer à une distance raisonnable et met une main sur le manche de l’un de mes pistolets. Ce type m’a l’air sévèrement dingue. Je l’observe soulever la biche et la poser sur l’un des plans de travail, l’air plutôt satisfait. Je profite de ce moment pour observer un peu l’endroit dans lequel je me trouve. Cette cuisine est très grande, malgré le plafond relativement bas. Elle semble s’étendre à l’infinie. Les murs sont d’un vert grisé qui se reflète dans les surfaces en métal, donnant à la pièce une atmosphère de bloc opératoire malsain. Et les tâches de sang renforcent cette impression. Soudain, alors que mon regard se pose sur le chef en tablier contemplant sa future préparation, des souvenirs reviennent à moi, en flashs agressifs. Ces cuisines ont toujours fait partie de ce palais. Il a toujours aimé me préparer à manger, et il était doué pour cela. Comment cet homme ose-t-il se tenir là où lui, il se tenait ?! Je suis prise d’un accès de rage lancinant, et fait de gros effort pour ne pas dégainer mon arme et cribler cet imposteur de balles. Je suis en mission d’infiltration, je ne dois pas céder à cette tentation, et me contrôler. L’albinos se tourne vers moi, tout sourire, ignorant probablement qu’il était à deux doigts de se faire trouer la cervelle.
« Quelle pièce magnifique ! J’ignorai qu’il y avait de telles créatures par ici. Cette bête sera le clou du repas ! Ah… cela va me rappeler lorsque je travaillais pour la haute bourgeoisie de Londres… »
Je le regarde attraper son hachoir sans hésiter, attraper la tête de la biche, puis creuser un long sillon de sa gorge jusqu’à son bas-ventre, afin de pouvoir commencer à la vider de ses entrailles. Je ne m’attendais pas à voir cela, ni que cet acte me bouleverse autant. Incapable de bouger, je reste la bouche entre-ouverte à regarder le sang couler et se répandre sur la table. Le cuisinier remarque mon attitude et a une mou un peu contrariée.
« Excuse-moi, ma douceur, mais je n’aime pas lorsque l’on reste derrière moi à m’espionner lorsque je travaille. Mes recettes de préparation sont secrètes, et c’est pour cela que je suis le meilleur chef de toute la région. Et aussi parce que tous mes concurrents se sont retrouvés dans leur propres assiettes – mais ce n’est qu’un détail, et ils étaient même meilleurs que leur propres plats. Tu ne veux pas aller te rendre utile en épluchant les oignons, par exemple ? »
Sa manière de parler m’exècre et me fait bouillir de rage. Peut-être est-ce parce qu’elle me rappelle trop celle du propriétaire original de cet endroit. Quoiqu’il en soit, je suis persuadée qu’à un concours de cuisine, Moony battrait à plate couture ce fade personnage ! Ravalant ma colère, je me dirige vers le tas de légumes et de condiments entreposés sur la table d’en face.
- Chapitre 22:
Habitude culinaire oblige, je ne peux m’empêcher de passer mes mains sous l’eau avant de m’attaquer à la taille des légumes. L’eau fraîche fait un bien fou à mes phalanges endolories et rend mes mains moins poisseuses. Machinalement, j’attrape le premier couteau qui me passe sous la main, et attrape un oignon de l’autre. Je suis en face du cuisinier, mais je peine à le voir – ou plus précisément à le surveiller – convenablement, à cause des hottes et de la montagne d’ustensiles qui se trouve entre nous deux. Je peux voir ses membres s’agiter, et surtout entendre les bruits de la carcasse plaintive qui craque sous les découpes de son hachoir. Je termine de peler mes oignons rapidement, sans verser une larme, puis commence à les hacher. Mes premiers coups de couteau sur ces plantes sont plus violents que je ne l’imaginais, et offrent un tambourinage dans toute la pièce. Je constate que voir les sphères blanches se diviser et s’effriter en de frêles morceaux est appréciable. J’avais oublié à quel point c’était plaisant. Mais cela pique le nez. Soudain, je croise les yeux perçants et écarlates du chef qui me regarde d’un air sévère :
« Eh ! Ais un peu de respect pour ces délicats aliments ! Tu es une brute. Tout ce qui finira dans ton estomac doit être traité avec une déférence particulière. La nourriture est quelque chose de sacrée. Tout est tellement plus beau et appréciable, une fois élégamment présenté dans une assiette… »
Sa dernière phrase était presque inaudible, perdue dans un murmure savouré. C’est à donner des frissons. Je décide de ne pas jouer la maligne avec ce personnage, et de me contenter de me calmer un peu avec mon ustensile. J’en profite pour regarder tout autour de moi. Une belle quantité de plat est déjà dressée ! Il y a de tout, mais presque essentiellement des plats de viandes ensanglantées, d’un raffinement peu commun. Sur de grands plats, des races inconnues de sangliers reposent entières, couvertes de pics ornés de légumes et de morceau étranges que je suppose être de la langue ou du foie. Sur d’autres sont disposées avec élégance des têtes de créatures qui ne me sont pas familières, des mélanges entre le singe et l’oiseau. De sortes de gros poulets à la couleur du sang ont été rôtis et présentés sur une broche. Une marmite en argent ouvragée contient un curieux potage violacé, dans lequel flottent des globes oculaires… Des gelées vertes abritant d’autres surprises encore plus suspectes sont dressées sous des cloches de verre. Tout est à fois beau et repoussant, formant un ensemble aussi fascinant que répugnant. Je ne trouve encore rien de tout cela appétissant. Ce doit être un bon signe par rapport à ma santé mentale !
Heureusement, je ne suis chargée que de la taille des légumes. Après les oignons, le chef me commande m’attaquer aux sombres poivrons, aux écarlates tomates, aux carottes tordues. Il y en a beaucoup, et la charge de travail qui m’est demandé m’agace et me fait paniquer. Dire que je suis coincée au fin fond de cette cuisine alors que je devrais essayer de trouver Moon et de le libérer au plus vite ! C’est insupportable. J’essaye d’être la plus rapide possible, sans pour autant me couper le bout des doigts. Les minutes puis les heures défilent, alors que je m’acharne à réduire mes légumes en petits dés. Soudain, une odeur intéressante vient chatouiller mes narines. Je ne peux m’empêcher de jeter un regard sur l’établi d’en face, guettant l’avancer de la préparation du cuisinier albinos. Ce dernier remarque mon air inquisiteur :
« Poumon, foie et cœur. Les plus belles parties sont à présent dégagées et cuisinées. Les poumons seront servis en civet aux oignons et au sang, et le foie a été préparé en ragoût aux champignons, parsemé d’éclat de noix. Quant au cœur, j’en ai fait un somptueux tartare, accompagné de tomates et de poivrons crus. »
Je ne peux m’empêcher de faire une moue dégoutée, quand bien même ces plats ont l’air d’être maîtrisés à la perfection. Mais mon horreur grandit lorsque je vois l’homme vêtu de blanc avancé vers moi, une petite assiette à la main. Dans cette dernière sont disposées quelques lamelles de viande crue, brillantes sous l’huile d’olive.
« Il faut absolument que tu goûtes ce plat ! »
Et il me tend l’assiette sous le nez. Si c’est tout ce qu’il reste du cœur de la biche que j’ai dû abattre, il est hors de question que j’y touche. Même si je sais bien que ce n’est guère poli de refuser. Je suis tout de même sensée être un malfrat avec un minimum de caractère.
« N… Non. Merci. »
La mine du cuisinier se ferme instantanément. Très calmement - trop calmement, même -, il pose l’assiette sur la table et son visage se fend d’un sourire crispé. Puis soudainement et violemment, il abat son hachoir à deux centimètres de ma main gauche, me saisit par le col et, son front contre le mien, commence à me hurler dessus :
« PERSONNE NE REFUSE LES PLATS QUE JE PROPOSE !! Je me décarcasse pour préparer les mets les plus exquis, capables de plaire à tous les palais, et de combler tous les estomacs ! Mes préparations sont tellement uniques et délicieuses qu’elles deviennent mêmes une drogue pour ceux qui la consomment ! Toute autre nourriture a un goût de cendres et de terre une fois qu’on a gouté à la mienne ! Alors, s’il te plait, tu vas me faire un plaisir de manger ce que je t’ai CUISINE !!! »
Je reste totalement immobile et muette, ne pouvant m’empêcher de trembler. Ma main droite n’est qu’à quelques centimètres de mon propre couteau. Je pourrai le saisir, et le planter maintenant. Mais je suis encore sous le choc de la violence dont il a fait preuve, et de sa tirade complètement folle. Et puis, si je le tue maintenant, tout sera gâché. Le festin est imminent, et si le cuisinier est retrouvé mort, je serai la coupable évidente ! Et je ne sais même pas où chercher Moon ! Ce château est immense, et je n’ai aucune piste ! Le chef me laisse un peu plus de place pour respirer, me proposant à nouveau son assiette. Sans le quitter du regard, je saisie l’une des lamelles de viande crue et la porte à ma bouche, essayant de masquer mon dégoût le plus possible. La rage que j’éprouve à cet instant me fait monter les larmes aux yeux, que je retiens avec peine. Je te ferai payer ça, sois en certain ! Le goût de ce met envahit mon palais, et la saveur de la viande crue prône sur tout son assaisonnement. Je ne reconnais ni les légumes, ni les arômes épicés. Je ne sens dans ma bouche que l’amertume du mal, et de la criminelle que je ne veux pas être, m’empêchant pleinement de savourer la préparation du professionnel culinaire. Je me force tout de même de prendre un air neutre, puis vais jusqu’à lâcher un sourire pour feindre une quelconque satisfaction.
« C’est délicieux. » Dis-je simplement après avoir péniblement déglutit.
« Ah ah, tu vois ! Je savais bien que cela te plairait ! »
L’albinos semble soudainement plus détendu, ce qui contraste magistralement avec son attitude d’il y a quelques secondes. Il doit souffrir de bipolarité pour passer du rire à la fureur en si peu de temps ! Il retourne se placer derrière son plan de travail l’air guilleret tout en déclarant :
« Et tous les autres plats sont à la hauteur de celui-ci ! Quand je prévois un festin, je ne plaisante pas avec la qualité ! D’ailleurs, les préparations sont toutes quasiment achevées, je vais pouvoir mettre en place les dernières cuissons et commencer à tout réchauffer pour tout à l’heure… Il reste un instant à tout contempler, regardant ses productions avec tendresse, Tout est si beau, la préparation est parfaite ! Je me suis surpassé… Il ne faut plus toucher à rien maintenant, gare à toi si je te vois poser tes doigts sur la moindre assiette ! Oui, je sais que c’est tentant, mais tu dégusteras ces mets en même temps que tout le monde, une fois le festin servi. Et je te garantis que tu en auras une grande part, oui… »
Il me regarde une fois de manière peu rassurante… A vrai dire, je ne trouve pas qu’il y ait de grande différence entre la façon dont il regarde ses plats, et celle dont il me regarde, moi. Alors qu’il allait continuer son discours, un bruit se fait soudainement entendre à la porte. Cette dernière s’ouvre soudainement, laissant apparaître un individu entièrement vêtu de rouge. Portant des gants et un masque, il m’est difficile de savoir à quoi il ressemble, mais de par sa stature, je suis sure qu’il s’agit d’un homme. Il reste un instant sans rien dire, nous fixant successivement, le chef et moi. Puis soudain, il déclare d’un ton autoritaire :
« Nail. Je veux un compte-rendu, maintenant ! »
Sans discuter, l’albinos se dirige vers la porte de la réserve, qu’il claque vivement derrière lui. Sans réfléchir, je me rue hors de vue de la petite fenêtre par laquelle on pourrait me voir, et entreprend de me rapprocher le plus discrètement possible de la porte, afin de pouvoir épier leur conversation :
« … croyais que tu préférais travailler seul, de peur que l’on te vole tes recettes ? »
« Oh, ce n’est qu’une simple membre de l’escouade de chasse que j’ai prise comme commis. J’espère que personne ne s’est trop attachée à elle, parce je compte bien faire en sorte qu’elle passe de l’autre côté du four d’ici la fin de la semaine ! Après tout, je ne suis pas sure qu’elle puisse servir à autre chose ici ! »
QUOI ?! Entre l’horreur et la colère, je ne sais lequel de ses deux sentiments l’emporte en moi actuellement. Une chose est certaine, je ne suis pas faite pour faire de vieux os ici ! Si ce malade s’approche encore une fois trop près de moi, je n’hésiterai plus.
« … Prêt dans une demi-heure. Une heure, maximum ! Je te promets qu’il n’y aura pas plus de retard que cela. Notre appétit à tous sera très vite assouvi ! »
« Je l’espère bien. La meute devient intenable, ils sont tous tiraillés par l’excitation, la jubilation et la faim. »
« Pourtant, cela n’a pas l’air d’être ton cas, je me trompe ? »
« … Je n’ai toujours pas trouvé son point faible. J’ai envoyé Ash’ là-haut tout à l’heure pour tester l’électrocution, mais les 50 000 volts n’ont eu aucun effet si ce n’est que de le faire hurler de rire, comme toute les autre fois ! »
Cette phrase percute mon esprit avec la violence d’un cheval au galop. Tellement de chose s’éclaircissent ! Déjà, Moon est enfermé à l’étage, et ensuite… Ils essayent de le torturer ! Non ! C’est impossible ! Quelle bande d’abrutis ! Ils ne comprennent même pas sa faculté de ne ressentir aucune douleur ! Mais même si toutes leurs tentatives se soldent par des échecs, ils ne devraient même pas avoir le droit d’essayer ! Je me sens devenir purement enragée. Je me retourne et fais face à tous les plats destiné au banquet de tout à l’heure, et une idée germe dans mon esprit. Alors comme ça, ils se permettent de séquestrer et d’essayer de mettre à terre l’un de mes Princes, de s’approprier sa demeure, et en plus ils veulent me dévorer ?! Je n’ai pas dit mon dernier mot.
- Chapitre 23:
Je n’ai qu’une seule idée en tête, faire souffrir tout le monde. Et ma colère est une telle source de créativité, c’est incroyable ! Au bord d’un amusement presque puéril, j’attrape une bouteille rougissante que j’avais repérée depuis un moment sur l’une des étagères de cette cuisine.
Du piment. Beaucoup de piments. Je vais mettre leur feu à leur gorge, créer un véritable incendie dans leur gosier. Une seule bouchée avalée, et ils se rouleront par terre de douleur, tels des vermines incandescentes, et seule une dose infinie de patience et de souffrance pourra les libérer de ce mal. Nous verrons bien s’ils apprécieront toujours ces fameux plats, lorsque leurs langues seront devenues plus enflammées que des torches ! Je me régale d’avance, les imaginant brûler à en pleurer. Mais mon petit plan maladroitement élaboré n’a pas que la vengeance pour but. En effet, j’imagine que je pourrais profiter de la confusion qui régnera autour la table pour m’éclipser à l’étage. Une fois hors de la vue de tous, je disposerai de quelques précieuses minutes pour chercher Moon. Ensuite, j’improviserai.
Sans aucun scrupule, je répands cette poudre infernale dans tous les plats. J’en noie une sacrée dose dans les potages, sur les ragoûts et les plats en sauce. Dans certains mets, je place même des morceaux de piments plus gros, qui se camouflent très bien parmi certains légumes. Et je termine avec des morceaux de « Faucheuse de la Caroline » qui s’intègrent à merveille dans le tartare de cœur de biche. Je n’aurais pu rêver mieux comme manière de contre-attaquer. Ma disposition machiavélique est terminée en moins d’une minute, et je suis fière de moi. J’ai même le temps j’essuyer le rebord d’une assiette sur laquelle s’était échoué un peu de poudre, avant que la porte ne s’ouvre à nouveau. Par précaution, je fais un pas en arrière, pour m’éloigner encore un maximum des plats avant que cela ne paraisse suspect. Lorsque Nail réapparait complètement, il a l’air si stressé qu’il ne prend même pas le temps d’être paranoïaque.
« Dépêche-toi de m’aider à mettre ces plats dans le four pour qu’ils soient bien chaud au moment de les servir ! Vite, enfin ! Tu crois que nous avons tout notre temps ? Ça se presse là-haut ! »
Je m’exécute sans discuter. Plus vite ses mets seront servis, mieux ce sera ! Une fois chacun des plats dans au four, le chef fait appeler du renfort pour que tous les assiettes puissent être dressées sur la table avec une synchronisation proche de la perfection. Oh, pourvu que Simili ne soit pas d’humeur à vouloir nous prêter main forte ! Je vois descendre une demi-douzaine de personnes, plutôt jeunes, qui ne me sont guère familières. A la manière dont leur parle Nail, et la docilité avec laquelle ils l’écoutent, je me mets à penser qu’il s’agit peut-être des nouvelles recrues de Jym, dont m’avait parlé Balthazar. C’est vrai que même un groupe constitué de personnes mortellement dangereuses peut organiser une pseudo hiérarchie. Chacun de nous portant deux plats, ou trois pour les plus agiles d’entre nous, nous sortons de la cuisine et empruntons l’escalier de la réserve pour amener les victuailles à la grande salle. J’ai choisi de m’ébouriffer encore plus les cheveux pour ne pas être reconnue, mais ceux-ci me gênent, et manquent plusieurs fois de me faire chuter dans cet escalier. Heureusement, le trajet se déroule sans encombre, et ce que je peux apercevoir une fois arriver dans la grande salle me laisse sans voix.
Je ne sais pas exactement combien de temps j’ai passé au fond de cette cuisine, mais cette pièce a eu le temps de radicalement changer depuis que je l'ai traversée avec ma biche entière. L’ambiance y est feutrée, éclairée par les lumières des bougies et d’un grand lustre rafistolé qui pend au plafond. Des trophées de peaux et de têtes d’animaux encore sanguinolentes décorent les murs, et de grand pans de rideaux en velours noir cachent la lumière des fenêtres. Si la décoration de la salle est plutôt rustique et sommaire, celle de la table en revanche est des plus raffinée. Des assiettes en porcelaine et des verres en cristal volés je ne sais où sont dressés à la perfection. Les couverts accompagnant tout cela sont évidemment de l’argenterie superbement ouvragée. Le fait que des personnes aussi odieuses soient capables de faire preuve d’autant de goût me surprend et me dérange presque. Le reste de ce groupe de malfrats nous regarde progresser, tout en se rapprochant de la table, tel un cortège de mauvais augure. Je remarque que l’homme vêtu de rouge qui était venu nous voir se tiens légèrement à l’écart, sur une estrade derrière la table. Soudain une salve d’applaudissement se met à retentir. Ce doit être le chef cuisinier à qui l’on adresse cette ovation, très certainement. Mais ce bruit soudain a pour effet de déstabiliser l’un des membres du cortège devant moi, qui sursaute et fait quelques vaines tentatives pour essayer de retrouver son équilibre. Il finit malgré tout par tomber à terre, emmenant avec lui un poisson entier et des huîtres. Le silence se fait immédiatement.
Alors que nous sommes à l’arrêt, j’entends des pas se rapprocher, puis vois Nail passer devant moi, l’air faussement détendu. Vu la sacralisation qu’il apporte à sa nourriture, je crains le pire. Il se focalise sur ses plats gâchés avec un air navré, puis s’arrête sur le fautif, un garçon d’une vingtaine d’années. Puis, il regarde l’homme vêtu de rouge comme attendant une réaction. Lorsque ce dernier incline légèrement la tête, le chef cuisinier regarde la foule et lâche :
« Esther, tu peux me le descendre, s’il te plait ? »
« Avec plaisir, Mister Bahn. »
Je retiens un mouvement de recul, absolument angoissée par ce qui est sur le point de se produire. Je vois une jeune demoiselle sortir des rangs, un regard aussi angélique qu’inquiétant sur le visage. Malgré son air juvénile, elle possède la taille et la corpulence d’une femme adulte et musclée, serrée dans une robe de soirée à paillette qui l’incommode visiblement un peu. S’avançant vers le garçon maladroit, elle attrape ce dernier par le bras, sans lui laisser le temps de se relever, et commence à le tirer vers le couloir duquel nous sommes arrivés. Le pauvre condamné se met à hurler et à supplier, mais personne ne bronche. Ses cris raisonnent de moins en moins fort au fur et à mesure qu’il s’éloigne, jusqu’à s’arrêter brusquement. L’ambiance devient extrêmement tendue, et je fais tout mon possible pour éviter de trembler.
Mais Nail semble parfaitement satisfait. Laissant son travail échoué à terre, il nous invite à reprendre notre marche vers la table. Les autres « novices » et moi disposons donc de la plus belle des manières son travail si précieux. Puis, le reste du groupe vient nous rejoindre autour de la table. Aucun placement n’a été prévu, et visiblement, tout le monde se place au premier endroit venu. Seule trois chaises sont différentes des autres, et reste vide. Plus imposantes et ouvragées, elles semblent destinées aux personnages influents. En particulier celle du milieu, qui est la plus haute. La place d’Hector est toute trouvée.
Je prends quelques instants pour regarder tout autour de moi, et repérer les figures qui me sont familières. Je déglutis. A ma droite s’est placé la fameuse Esther, qui a encore un peu de sang sur les mains, au sens propre du terme. A ma gauche se trouve un homme d’une quarantaine d’année aux cheveux violets, m’étant inconnu. Quelques chaises plus loin, je repère Balthazar, déjà avachis contre le dossier de son siège, l’air blasé. En biais, je repère Simili. Heureusement, ce dernier n’est pas assis en face de moi, mais il aura une vue appréciable sur mon profil. Je reconnais également le fameux Dokk, aperçu dans la forêt, qui a déposé son imposante machine juste derrière son siège. Je remarque aussi que l’homme en rouge n’a toujours pas pris place à table et que deux personnes l’ont rejoint. Le dénommé Flirt s’est positionné à sa gauche, tandis que Ira, la brune ténébreuse est à sa droite, lui tenant sa main gantée. Je me rappelle des paroles de Full la décrivant comme la compagne d’Hector. Le responsable en chef de cette mascarade est donc cet homme, caché des pieds à la tête. Maintenant que j’y pense, cela me paraît assez logique. Il doit porter cet accoutrement pour cacher aux regards des autres les horreurs que Moon lui a infligé.
Le trio s’avance donc vers les trois chaises qui leur sont destinées. Je ne peux m’empêcher de laisser tomber mes yeux sur la dernière place vide de la table qui ne sera finalement jamais comblée. Ce repas de l’horreur va bientôt commencer.
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mar 20 Déc - 22:34 | |
| - Chapitre 24:
Il me faut quelques secondes pour me rendre compte que je suis en train de trembler violemment. Il faut absolument que je me calme. Me détendre, prendre de l’assurance, être un loup parmi les loups. Je ne dois pas céder à la panique, je ne dois pas craindre d’être découverte. Lentement, je fais le vide dans mon esprit, me faisant violence pour ne penser qu’à une chose : mes Merveilles. La bienveillance de Full et la tendresse de Walk m’envahissent. Je sais qu’ils sont avec moi, dans ce château, quelque part, tout comme leur petit frère - qui risque néanmoins d’avoir une drôle de surprise en me voyant apparaître de nouveau, même si il faudra bien que nous nous expliquions sur son comportement. Malgré les différents que j’ai pu avoir avec eux, c’est avec mes Princes que je suis bien, dans ce monde. Et pour lui faire retrouver son bon fonctionnement, je dois me débarrasser de tous les terribles obstacles qui ne cessent de se mettre en travers de mon chemin. Et cette fois-ci, ils sont diablement nombreux ! Doucement, un semblant de sérénité m’envahit, et une confiance en moi plus forte m’entoure, me donnant une nouvelle dose d’aplomb. Je me sens intouchable et hardie, prête à affronter les prochaines minutes qui s’offrent à moi. Je jette même un œil vers Simili sans trembler, constatant qu’il ne m’accorde aucun n’intérêt. Je ne l’avais pas remarqué la première fois, mais son visage est encore couvert de pansements et de plaies à certains endroits. Lui qui vouait un culte particulier à son apparence a dû être bien contrarié par la raclée que je lui ai infligée !
Alors que la salle se couvrait des murmures des convives impatients, Hector attrape son verre et fait tinter son verre de cristal à l’aide de son couteau, afin de quémander le silence. S’éclaircissant brièvement la gorge, il commence un discours qui était visiblement attendu :
« Mes chers amis, je voudrais une nouvelle fois vous féliciter d’avoir choisi de vous joindre à moi. Comme vous avez pu le constater, prendre la tête de ce Royaume n’avait rien d’impossible, au contraire. Nous étions si bien organisés que nous avons fait de ce château le nôtre en une simple soirée. Et ce, en minimisant les pertes. Hum… Et à la demande de certaines personnes ayant perdu leurs compagnons d’armes dans cette bataille, je demande que nous levions nos verres à nos camarades tombés au combat. »
Tout le monde autour de la table tend alors sa main pour attraper son verre respectif. Je remarque qu’un vin rouge très vif a déjà été servi dans les coupes. Soucieuse de mimer parfaitement cette troupe, je saisis mon verre mon verre et le lève en même temps que tous les autres. L’homme en rouge sort calmement un parchemin de son manteau et le déroule sur son assiette. La longueur de sa liste fait la taille de mon bras ! Calmement, il commence à réciter :
« A Bob, Némesis, Soleil-de-sable, Aurélia, Hyppolyte, J.I., Alain-Maxime… »
Mon être intérieur est goguenard. Constater à quel point Moony s’est défendu et a fait mordre la poussière à une partie de ses assaillants me fait plaisir. Cette liste n’en finit pas ! Ces brigands ont au perdu au moins un tiers de leur escouade dans cette attaque ! Même s’il a finalement dû déposer les armes, au moins, il ne leur aura pas facilité la tâche.
« … Dragonos, Truite-Arrogante, La Flèche, Tyrus et enfin Christian. A eux, et leur sacrifice essentiel à notre succès ! »
Mon regard épie légèrement les réactions des convives autour de la table, mais très peu on l’air d’être véritablement accablés par cette hécatombe. Je me souviens alors que je me trouve en compagnie de la crème des monstres de cette contrée, et que peux sont capables de ressentir des émotions telles que la compassion ou l’affection. Mais tous portent le vin à leurs lèvres. Je ne peux m’empêcher de faire de même, et dans la précipitation, avale une gorgée conséquente du breuvage alcoolisé. Il est fort ! Mais voilà qui m’aidera surement à me détendre encore plus ! La sensation grisante arrive déjà, doucement, et commence à engourdir mes articulations et à faire naître un sourire sur mon visage. Je secoue un peu la tête. Je ne dois pas me laisser aller ainsi !
« J’aimerais également rappeler à ceux qui sont dans mes rangs depuis longtemps, ou au petits nouveaux qu’en tant que leader respecté, je m’efforce d’être exemplaire et juste. Mais il y a des choses que je ne saurai tolérer. Comme le gaspillage, par exemple ! C’est pourquoi j’espère que vous comprenez le fait que votre ami soit parti prendre une nouvelle place en cuisine, afin de donner de sa personne pour remplacer ces deux assiettes tombées à terre. Je ne suis pas un monstre, je ne fais que rendre une justice impitoyablement bien mesurée. »
Il achève cette phrase d’un ton volontairement mielleux. Puis, d’une main, il attrape son masque et en retire simplement la partie basse, révélant sa bouche. Ou plutôt ce qu’il en reste. Je fais de grands efforts pour soutenir mon regard. A la place de lèvres roses normalement douces et charnues ne se trouve qu’une faille béante, écorchée de toutes parts. Il apporte son verre de vin à son visage et en avale une gorgée dans un bruit de déglutition gênant. Ira, assise à ses côtés, l’assiste, veillant à ce qu’il n’en verse pas sur ses vêtements. Ce spectacle pitoyable et difficilement supportable me plonge dans un état étrange, comme si j’avais la sensation de vouloir m’extirper de mon corps pour que mon âme s’enfuie loin d’ici.
« Et c’est également pour cela que j’ai choisi de ne pas mettre à mort l’ancien propriétaire de ce palais. Croyez-moi, Moon ne mérite pas de mourir. Pas maintenant, en tout cas. Il mérite d’abord de souffrir mille maux avant de connaître le trépas, qui sonnera pour lui comme un ce doux répits. »
Hin hin, cause toujours, mon grand. Moon est incapable de ressentir une quelconque douleur physique, et il ne connaît pas les émotions nécessaires pour éprouver les douleurs morales. Il est donc par définition plus ou moins impunissable. Du moins, si on réfléchit comme quelqu’un qui ne le connais guère. Pour ma part, je crois savoir deux ou trois choses qui le feraient hurler, mais je garderai ces précieuses connaissances pour moi ♥
« Mais hélas, il se révèle sévèrement coriace, bien plus que prévu. C’est pourquoi je réitère mon offre : une grande récompense attendra celui qui arrivera à arracher un cri de douleur à ce dingue, Il s’interrompt un instant, les yeux brulants d’une envie rare, Je rêve de cela depuis trop longtemps.»
Une vague de ricanements parcourt la table. En effet, ces gredins pensent tous être capables de rivaliser de cruauté, et réussir à faire de Moony leur victime. Quelle bande de chiens galeux, pensant pouvoir rivaliser avec le degré de sauvagerie ultime et incomparable du légitime maître de ses lieux ! Je sens mes idées devenir un peu brumeuses, et un peu trop extrêmes. Se recentrer, et vite. Après cette violente parenthèse, Hector reprend une intonation plus détendue, et demande à Nail de venir présenter tous les plats disposés sur la table. En tant que chef dévoué et amoureux de son travail, ce dernier explique avec soin la contenance de chacune des assiettes, terminant par ce qu’il considère comme l’apothéose de son œuvre :
« …Et pour finir, nous avons de la biche blanche, à la viande particulièrement tendre et savoureuse ! Poumons en civet, foie en ragout, et cœur encore cru servi de la plus pure des façons ! »
Les invités semblent redoubler d’intérêt et d’appétit, à l’annonce de ces derniers plats. Le service est imminent ! Bientôt, ils gouteront à ses préparations et il sera pour moi venu le moment d’agir, et vite. Je dois rester concentrée et alerte. Pourquoi diable cet alcool me fait-il tant d’effet ?! Alors que je pensais qu’Hector allait donner aux convives le signe de se servir, ce dernier semble interloqué, et demande calmement :
« De la biche blanche ? Et qui donc a réussi à rapporter une telle proie, que je le félicite ? »
Je regarde Nail commencé à le chercher du regard. Oh pitié, non, surtout ne vous intéressez pas à moi ! A cet instant, je n’ai envie que de me cacher dans un trou de souris, consciente que d’un moment à l’autre, tous les yeux de cette table seront rivés sur ma personne. Et ça ne loupe pas.
« C’est… Elle. C’est la jeune chasseresse qui est venue m’aider en cuisine. »
J’essaye de ne m’intéresser à personne d’autre, ignorant la pression, et plantant mes yeux sur les fentes du masque d’Hector. Ce dernier penche légèrement la tête sur le côté, et je crois que sa bouche essaye de sourire.
« Voilà qui est amusant… Je vis dans cette forêt depuis un moment déjà, et je n’avais jamais eu la chance d’en croiser une – et ce n’était pas faute de chercher, pourtant ! Tu sais, il parait qu’elles n’apparaissent qu’aux yeux de ceux qui sont encore une âme encore innocente et droite. Enfin, c’est ce que raconte la légende, exactement comme pour celle de licornes, ah ah !! »
Je déglutis, sentant déjà de lourds soupçons dissimulés par cette taquinerie à mon égard. Troublée, j’essaye de faire abstraction du fait que notre dialogue est écouté par une trentaine de personnes, et répond en maîtrisant les tremblements de ma voix.
« Et bien cette biche a eu tort de se fier aux apparences, voilà tout. »
Cette fois, l’homme en rouge lâche un grand rire sonnant. Je n’ai aucune idée de s’il m’a percée à jour, ou si la simplicité de ma réponse l’amuse. Je ne peux même pas déceler la moindre intention dans son regard.
« C’est vrai que ton air faussement naïf a dû en tromper plus d’un ! Enfin, laisse-moi te remercier, grâce à toi, je vais pouvoir gouter à nouveau à mon plat favori. Quel est ton nom, que je puisse de nouveau faire appel à toi lorsque j’aurai faim de ce genre de spécialité ? »
« …Ethel. »
C’est le premier nom qui m’est venu à l’esprit. Je l’avais entendu quelque part, ou lu dans un livre dont je ne peux plus me souvenir du titre. Néanmoins, c’était ce qui avait échappé de mes lèvres avant même que je n’ai eu le temps de réfléchir. J’éprouve le plus grand mal à garder mon calme, sachant que le moment où cet individu va goûter à la nourriture est imminent. Il m’adresse un sourire atroce, puis tend sa main vers le plat de tartare de cœur. Il allait verser la première part dans son assiette, lorsque le bruit de quelqu’un frappant du poing sur la table retenti dans toute la pièce.
- Chapitre 25:
Immédiatement, je tourne ma tête vers la gauche, et, comme tout le reste de la tablée, identifie la source de ce bruit insolent. C'est Simili, qui crispé comme jamais, semble avoir compris que quelque chose clochait chez moi :
« Sans rire, Hector, c’est tout ce que cela te fait d’apprendre qu’il y a à ta table un animal qui n’apparaît qu’aux types comme Full ?! Cela ne se peut pas que l’un de nous l’ait tué, et cela veut dire que lui est ses soldats sont à nouveaux dans le coin ! »
« Dis-donc, l’oeil au beurre noir, tu vas créer une nouvelle polémique à chaque repas ou tu vas nous laisser manger tranquilles ? S’impatience un homme plutôt musclé mais fin, vêtu de peaux de bête et portant un arc de chasseur en travers des épaules, Ta parano commence à en exaspérer plus d’un ! Je te signale que la dernière fois, tu as aussi accusé Jester d’être resté loyal à Full juste parce qu’il porte encore sa cape de garde, même après avoir tué trois de ses anciens compagnons d’armes ! »
Lâchant ces mots, il désigne du plat de la main un grand homme vêtu de bleu, aux cheveux longs et bruns et au regard de glace. Ce dernier prend un air espiègle et nullement coupable en s’enroulant dans sa fameuse cape, la serrant contre ses épaules en expliquant qu’il a conservé un tempérament frileux suite à sa vie au Royaume de Glace, et qu’à présent, elle est la seule chose qui parvienne à lui tenir réellement chaud. Mais malgré cette attaque, Simili ne se démonte pas. Les joues commençant à rougir de colère, il se tourne vers moi et demande d’un air hautement inquisiteur :
« Et je peux savoir d’où tu viens, Ethel ? Il me semble ne jamais t’avoir vu dans le coin ! »
« De toute façon, Simili, à part à ton reflet dans le miroir, tu ne t’intéresse pas à grand-chose ! » Ricane une petite femme rousse, les cheveux en bataille et couverte de feuille écarlates.
Cette dernière se fait immédiatement foudroyer du regard par l’homme à la barbe finement taillée. L’ambiance commence à devenir électrique, autour de la table. Dans cette bande d’individus destructeurs et violents, il semble difficile de maintenir un climat de calme et d’harmonie plus de quelques minutes. Je m’apprête à répondre, alors qu’une voix me vole mon tour de paroles :
« C’est une recrue de Jym, et visiblement, elle se débrouille plutôt bien. Tu ne devrais pas être aussi hargneux envers les nouveaux venus. Je te rappelle que toi aussi, tu t’es incrusté dans notre clan il y a peu. »
Balthazar a déclaré ses mots la tête dans les mains, ses coudes posés sur la table autour de son assiette. Visiblement, Simili n’a pas l’air de faire encore l’unanimité au sein du groupe. Beaucoup le raillent, trouvant peut être qu’il se prend trop au sérieux, ou profitent de son caractère facilement irritable pour le faire sortir de ses gonds. Cet homme a un égo véritablement sensible ! Néanmoins, je suis prise de panique, car sans le savoir, Balthazar vient de me faire tomber mon épée d’Amoclès sur la tête. Soudain, une quinte de toux se faire entendre, venant de ma droite. L’homme à l’allure de chasseur qui avait accusé Simili de paranoïa repose son verre de vin qu’il vient de vider d’une traite. Il se couvre la bouche d’une main, avec des yeux exorbités. A sa droite, un guerrier imposant le regarde comme si il se souciait du comportement de son voisin :
« Jym ? Souris Simili avec son regard de serpent, quelque chose à redire sur la déclaration de notre ami Balthazar ? »
« Koofff ! Kof… !! N-Non, mais qu’est-ce que… Bon sang !! Kof !... »
Je reste figée de terreur, attendant qu’il reprenne sa respiration. Mon regard se pose sur son assiette, et constate qu’il n’a pas pu patienter plus longtemps et qu’il vient de gouter à l’un des plats de la table… C’est une catastrophe. Hector, qui ne disait rien depuis le début de l’altercation, se contentant de sourire en regardant la scène, semble soudain avoir perdu sa bonne humeur :
« Et bien Jym, on commence à manger sans attendre les autres ? Ce n’est guère très poli ! »
Mais le chasseur est trop souffrant pour prêter attention à cette réflexion grinçante. Après une quinte de toux plus sévère que les autres, il semble reprendre ses esprits un bref instant. Il se tourne vers le cuisinier, l’air furieux et rouge écarlate, des larmes coulant de ses yeux.
« Nail, bordel !! Tu veux nous empoisonner ou quoi ??! »
Le chef albinos ne répond pas, se contentant de pencher la tête sur le côté d’un air inquiet avec une pointe d’incompréhension. A ce moment, la montagne de muscle assise à côté de Jym éclate de rire, donnant de grand coup dans le dos de son ami :
« Ah ah ah ! Ne te bile pas, le cuisto, c’est normal ! Derrière ce brave gaillard se cache une petite nature qui a un peu de mal avec les plats épicés ! Moi en revanche, j’ai l’habitude, et j’adore ça ! » Déclare-t-il d’une voix tonitruante, avant de porter à sa bouche un gros morceau du civet aux poumons.
Je n’ai même pas le temps de mentalement compter jusqu’à trois avant de voir le guerrier devenir rouge comme une tomate, les yeux injecté de sang ! De la fumée commence même à s’échapper de ses narines. J’y suis vraiment allée très fort ! Les deux hommes reprennent leur toussotement violent en cœur, vidant leur coupe de vin et celles de leurs voisins, espérant ainsi atténuer leur douleur. N’y tenant plus, Nail plonge à son tour sa fourchette dans l’un des plat, la hume, la porte à sa bouche, puis la recrache aussitôt, indigné et tremblant de colère :
« Ce… Ce n’est pas ce que je vous ai cuisiné !... Mon unique génie était pourtant apposé sur ces créations !! La seule autre personne à avoir pu les approcher c’est… C’est ta recrue justement, Jym !! »
Cette fois, c’est la fin. Je serre mon couteau dans ma main droite que je tiens dissimulée sous la table. Je dois agir, et vite.
« Qu’est que tu ra… Koff, kof !! Raconte ?! … Elle n’a jamais été avec moi, celle-là ! Kof !!»
A ce moment-là, je bondis littéralement de ma chaise, assenant sans le moindre scrupule un coup de poing à Esther, alors qu’elle commençait à se tourner vers moi pour me retenir. Je me rue de toute mes forces le plus loin de la table, vers la sortie ! Je manque de tomber tant mon élan est fort ! J’entends des cris s’élever de derrière, et c’est en particulier Simili qui s’époumone en ordonnant à tout le monde m’attraper. Malheureusement, tout le monde semble l’écouter, cette fois-ci.
« Et faites attention ! Elle aussi possède des ronces !!! »
Sale ingrat ! Encore une fois, tout est de sa faute! C’est Moon qui avait raison, finalement. J’aurai vraiment dû lui clouer le bec lorsque j’en avais l’occasion ! Rassemblant mes forces et mes espoirs, je me jette contre la porte d’entrée du château et sur sa poignée : elle s’ouvre en grinçant. Une fléchette se plante sur le bois, juste sous mon nez ! Cela commence à devenir très compliqué ! Sans regarder derrière, je continue de courir tout droit et traverse le pont. Avec effort, j’arrive à demander aux ronces de refermer le passage derrière moi. Les voir pousser timidement me rassure. Voilà qui les retardera peut être. Je vois la forêt devant le château qui sonne comme une délivrance. Cette mission est un échec total ! Je dois me cacher, me remettre de mes émotions, attendre, tapie dans l’ombre, et revenir plus tard à l’abri de tous les regards. J’escaladerai les murs de ce château pierre par pierre s’il le faut. Mais quelle erreur d’avoir cru qu’une infiltration fonctionnerait ! Je n’ai pas été assez rapide, assez maline, assez crédible ! Je passe devant les premiers arbres, mais je ne les ai toujours pas distancés. Je les entends. J’entends leur course effrénée et leur cri. Je me demande combien de temps je vais supporter de me sentir comme un lièvre poursuivi par des chiens de chasse. Tout en avançant dans la forêt, je regarde tout autour de moi, à la recherche d’une cachette accessible, d’un obstacle qu’ils ne pourraient pas franchir… De n’importe quoi ! Mais il n’y a rien. Les arbres de cette parcelle de la forêt sont tous trop fins et tordu pour me dissimuler aux yeux de mes poursuivants. Même le léger brouillard n’est pas assez dense pour cela. Je sursaute dans ma course, manquant de trébucher : des balles commencent à siffler autour de moi, explosant contre les écorces de sang. Les coups de feu rajoutent à mon stresse. Le fait de penser qu’à tout moment, je peux être arrêtée d’un morceau de plomb dans le corps rajoute à mon adrénaline, mais malheureusement, je commence à être à bout de souffle. Mais je les entends toujours.
« Cela… suffit… »
Je change de stratégie. Dérapant sur place, je m’arrête et fait volte-face, dégainant l’un de mes pistolets. Les silhouettes arrivent au loin. Trop éloignée pour être des cibles faciles, trop proches pour être inoffensives. Je tire une première fois sans trop viser, espérant que cela soit dissuasif. Sans succès. Tant pis, cela sera l’unique somation, je ne gâcherai pas d’autre balles. Je choisis l’une des formes fondant vers moi et décharge mon arme dessus. Touchée une fois, je crois, mais seulement à l’épaule. Devenu plus prudents, les autres bandits ne courent plus, mais progressent petit à petit, se dissimulant comme ils peuvent derrière les arbres. Je crois en compter quatre, en plus de celui qui est blessé. Je suis à la limite d’être vexée, remarquant qu’ils ont décidé de se déplacer en si petit comité pour venir me cueillir. Je me surestime décidément beaucoup trop ! Je commence à viser un second individu, que je crois reconnaître comme étant le garde qui m’a fait rentrer dans le château la première fois. Il n’est qu’à une dizaine de mètre de moi. C’est atteignable. En joue, le lui crie :
« Eh !! Tu fais encore un pas, et je… »
Une détonation sur ma gauche m’interrompt. Et sur l’arbre à côté du quel je me trouvais, un projectile explose. L’onde de choc me projette au sol, et mon arme tombe hors de portée. Mes oreilles sifflent atrocement, et j’ai l’impression que ma chute se déroule au ralenti. J’ai l’impression de tomber à l’infini. J’ai à peine le temps d’ouvrir les yeux que je vois les brigands courir vers moi, se rapprochant dangereusement. Mais soudain, des ronces émergent brusquement du sol ! Mon cerveau est trop engourdi pour les commander réellement, mais c’est comme si elles agissaient de leur plein gré. Ces plantes sont vraiment imprévisibles ! Je ne pensais pas qu’un jour elles me protègeraient ! Certaines attrapent le premier bandit arrivé vers moi, menaçant ses camarades, tandis que d’autres se dressent autour de moi, formant un dôme d’épines protecteur. Je pourrais presque me croire tirée d’affaire. J’entends les cris de l’homme attrapé par les ronces, et le sifflement des branches fouettant l’air. Mais je peine à observer la scène, dans ma cage.
« Dokk, c’est quand tu veux !!! »
Et soudain, un éclair blanc surgit au loin, se rapprochant de moi. Son impact contre les ronces produit à nouveaux un grand choc et un bruit sourd, mais faisant perdre une nouvelle fois mon équilibre et engourdissant mes sens.
- Chapitre 26:
Reprenant mes esprits, je suis d'abord étonnée par le silence qui s'est installé dans les lieux. Plus personne ne crie, et mes ronces ne semblent plus vouloir s'animer! De plus, elles ne semblent plus faites de matière organique, mais ressemblent d'avantage à de magnifiques sculptures de pierres précieuses. C'en est fini pour moi. S'approchant de mon dôme d'épines, je remarque les silhouettes s'avancer dangereusement. Je recule avec crainte lorsque je vois leur fusils et épées! Il y en a même un qui tient une batte de baseball. Ce dernier s'avance plus que les autres et pose sa main sur les plantes brillantes qui ne réagissent plus.
« Touchée… »
Puis, soudainement, il se met à frapper sur mes ronces cristallisées avec acharnement. Les branches s’effritent et se brisent, se détachant en petits fragment de cristal qui tombent sur le sol, ainsi que sur moi. Instinctivement, je me recroqueville sur moi-même, les bras au-dessus de la tête pour protéger mon visage des éclats brillants. Je ne peux rien faire, et remarque un trou de plus en plus grand se former dans ma coquille. Je me plaque le plus possible contre le fond de ma tanière, en commençant à montrer les crocs. La silhouette de l’homme frappant se dessine plus clairement : il a l’air d’un punk, avec une crête rose des plus surprenantes, une chemise à carreaux ouverte et un short hawaïen. Il a beaucoup de coupure sur le visage. Il passe sa tête et une main par l’ouverture qu’il vient de créer, et déclare avec un sourire jusqu’aux oreilles :
« Coulée ! »
Ses doigts osseux se dirigent vers moi, et il ne me faut pas plus d’une seconde pour me jeter sur eux et les mordre de toutes mes forces. Glapissant de douleur, il retire vivement sa main en la secouant dans tous les sens :
« AÏÏÏE !! Bon sang ! Elle m’a mordue, la sauvage ! »
« Ahaha, je te disais bien tu ne savais pas t’y prendre, avec les filles ! »
Une seconde main bien plus forte et implacable vient me saisir par le col pour me sortir impitoyablement de ma cachette. J’ai beau me débattre de toutes mes forces, je suis très vite maîtrisée. J’aperçois plus clairement les cinq personnes qui s’étaient lancé à mes trousses. Il y a donc le punk à la crête rose, le garde que j’avais déjà vu, une femme rousse m’étant inconnue et se massant l’épaule, et un gros balèze qui me tient fermement. Le cinquième de la bande envoyée à mes trousses est le dénommé Dokk. Sa machine encore fumante posée au sol, il inspecte mon repère de ronces, désormais inanimées et brillantes de la plus belle des façons. Il ouvre un grand sac de toile dans lequel il entasse tous les fragments de plantes/diamants tombés au sol.
« Pourquoi t’obstines-tu toujours à ramasser ces cailloux ? Tu sais très bien qu’ils n’ont aucune valeur sur ces terres. L’argent n’a plus aucune valeur, et rien ne s’achète ni ne se vend de manière classique, ici. »
« Oh, tu sais, avec les êtres humains, on ne sait jamais ! Si notre clan se développe, je ne serai guère qu’un système mercantile voit à nouveau le jour ! Et à ce moment-là, on verra bien qui sera le plus riche de tous, eh eh ! Et puis, au pire, je me servirai de ces richesses pour aller prendre des vacances tranquilles à la ville, quand j’en aurai assez de vos batailles de gamins ! »
« Cause toujours ! Allez, à présent c’est en nourriture que j’aimerai être récompensé de mon travail accomplit ! Déclame le costaud qui me traîne comme une vulgaire enfant, Toi, j’espère que ta petite surprise n’était pas présente dans tous les plats ! »
Je ne prends même pas la peine de lui répondre que son estomac peut aller se faire voir, continuant à me débattre en vain et à essayer de ralentir ce groupe qui me ramène inévitablement vers le château. Mais ils sont trop forts pour moi, et je suis obligée de filer doux pour éviter de me prendre des claques d’une main de la taille et du poids d’un dictionnaire.
L’escouade me ramène finalement au palais, mais nous n’entrons pas par la grande porte. Contournant le bâtiment par la droite, nous arrivons devant une porte beaucoup plus modeste qui débouche sur un long couloir. Le punk frappe une fois sur une porte rouge ouvragée d’arabesque en fer forgés. Deux hommes nous ouvrent en me réceptionnent, chacun me tenant fermement un bras. Puis ils claquent la porte sur le groupe qui m’avait pourchassée sans desserrer le moindre mot. Nous nous retournons vers le groupe de personnes m’attendant dans la pièce. Je reconnais immédiatement Hector et Simili, et en arrière Flirt. A peine ai-je le temps de faire face à ces individus que je me reçois un seau d’eau glacé sur la figure ! Merci bien, mais ce n’est pas moi qui ai abusé du piment, lors du dernier repas. Gardez votre eau pour des choses plus utiles ! Je remarque que c’est Ira qui vient de me renverser le contenu du seau sur la tête. Mes traces de sang ont dû disparaître… Similii s’approche pour me regarder, afin m’identifier définitivement. Le voir à nouveau si fier de lui et en posture favorable m’insupporte, et je ne peux m’empêcher de ricaner :
« Alors, depuis le temps, tu n’as toujours pas imprimé mon visage ? »
« Si j’étais toi, je fanfaronnerais un petit peu moins. Rétorque-t-il, Nous ne sommes plus dans la forêt, et tu as perdu tes petites fleurs. C’est bien elle, c’est Emily. »
Hector me contemple sans dire un mot pendant quelque seconde, puis s'avance à son tour, en déclarant :
« C’est donc toi, la fille du jardin. Celle à qui Moon a demandé de tuer Simili. Je ne te le demanderai qu’une seule fois : qu’est ce qui t’amène ici ? Tu as toi aussi le pouvoir des ronces. Est-ce que vous faites partis du même clan ? Oh, tu es venu le sauver, peut-être? »
Pour avoir une ultime chance de mener à bien mon plan, je n’ai imaginé qu’une seule réponse à cette question. De ma bouche alors s’échappent de manière presque incontrôlable les mots suivants :
« Je venue pour le tuer. Je veux tuer Moon. »
Tout le monde autour de moi ouvre de grands yeux, ne s’attendant guère à une telle réponse. Même Simili reste interdit. Seule l’émotion d’Hector me reste mystérieuse, dissimulée par son masque. Lentement, il continue de s’avancer vers moi. Un seul petit mètre nous sépare à présent, et je peux constater sa mâchoire ravagée dans des détails que je n’aurai jamais pu imaginer. Calmement, il lance :
« Oui, je comprends, beaucoup de monde aimerait le voir mort. Moi le premier, et tu sais bien que ce sera le cas un jour ou l’autre. Pourquoi ne pas avoir voulu attendre patiemment que j’accomplisse cette tâche ? Tu n’aurais même pas eu à te salir les mains ? »
« Parce que je veux me venger moi-même. Moon me considère comme son jouet et me malmène depuis des années. Le désire de mettre fin à ses actes par ma main me tiraille de plus en plus. »
A cet instant, Hector éclate à nouveau d’un rire à la fois féroce et désespéré pendant de longues secondes. Lorsque sa voix commence se perdre dans sa gorge, soupirant, il penche la tête vers le sol puis, les mains derrière la tête, commence à défaire maladroitement les sangles de son masque.
« Ah ah ah… Emily, Emily…Toi, tu es un sacré numéro, hein ! Pardonne-moi, mais quand je te vois comme cela, avec ton petit visage – un joli petit visage, soit dit en passant - pleurnicher sur ton sort, comme une gamine insatisfaite et hargneuse, je trouve cela incroyablement ironique… »
C’est alors qu’il retire lentement l’accessoire qui masquait son visage, et relève la tête vers moi. Dire qu’il est monstrueux serait un euphémisme… Ce que je relève en premier est l’absence de nez. Un trou béant, ouvert sur des fosses nasales tremblotantes, prend place au beau milieu de son visage. Moon lui avait coupé le nez. Et retiré un œil, à en juger par l’une de ses orbites creuse et déformée. Il avait transformé le visage de cet homme en gruyère. En plus de ses deux détails les plus choquants, le reste de sa peau est bardé de cicatrices. Ses cheveux châtains mi-longs cachent avec peine les excroissances de chair qui remplace à présent ses oreilles coupés. Toute l’horreur d’un moment de "fun" avec Moon est présente sous mes yeux.
« Ça, tu vois, c’est le résultat pour avoir véritablement avoir été le jouet de quelqu’un comme Moon, et ce pendant seulement quelques heures !... Comment puis-je croire une seconde que tu as fréquenté et été tourmentée par cet homme durant des années, et que pourtant, tu es restée aussi lisse qu’une toile toute neuve ?! »
De mes deux yeux, je regarde son unique pupille, à présent dilatée de curiosité et d’envie d’entendre ma réponse. Lui dire la vérité est inconcevable. Penchant la tête sur le côté, je repense à ce moment où le Prince de Sang a fracassé mon oiseau de cristal. Je me focalise sur ce que je ressentais à cet instant précisément. Je prends une inspiration, et les yeux larmoyants, je me mets à déclarer :
« Peut-être que je suis indemne, mais vous ne pourrez jamais savoir ce que c’est que d’avoir Moon sur le dos, et dans la tête, à long terme. Je vous l’accorde, mes stigmates ne sont pas aussi visibles que les vôtres, mais ils sont tellement plus profonds. Vous ne savez pas ce que c’est de le laisser jouer avec votre esprit pendant des années, de le supporter à l’usure. D’ériger sans cesse des remparts qu’il détruit à tour de bras, s’insinuant insidieusement de plus en plus profondément dans votre personnalité, dégradant petit à petit votre quotidien. La moindre lueur d’espoir, il l’anéantit et l’étouffe sous son harcèlement incessant ! Il m’a influencée, manipulée ! A cause de lui, j’ai dû dire ou faire des choses horribles, j’ai dû abandonner mes convictions les plus fortes. Et dès que je lui résistais, il détruisait tout ce à quoi je tenais ! Il m’a pris tellement de choses qui m’étaient chères ! Non, vous ne savez pas ce que c’est que d’avoir perdu plus que la face ! J’en ai assez, je n’en peux plus ! je veux être libre ! Je veux le savoir mort, je veux qu’il disparaisse de la surface de cette terre ! »
Eh bien, après cela, je n’ai plus qu’à attendre que l’on vienne me remettre mon Oscar, en laissant mes larmes continuer de couler sur mon visage. J’entendrai presque la foule m’applaudir, et voir mon nom apparaître au générique de ce film si bouleversant. Un discours, Emily, un discours !! Ma déclaration s’est effectuée dans un calme admirable. Même si je ne criais pas, certains de mes mots clés étaient accentués avec une certaine rage étrangement facile à simuler. La frontière et tellement mince entre la vérité et le mensonge, entre l’exagération et l’euphémisme. En récitant cette tirade de manière naturelle, je me rends compte que c’est peut-être là le comportement que toute personne normalement constituée aurait adopté, après plusieurs années à fréquenter Moony ! Je décide de me mettre à trembler un peu, histoire de parfaire mon rôle de jeune personne mentalement déstructurée. Hector, quant à lui, prend un air curieux, mais dans lequel est encore diluée une pointe de scepticisme. Il jette un œil vers Simili, comme s’il attendait que ce dernier confirme ou non mes dires. L’homme à la barbe finement taillé, trop heureux de tenir le rôle de celui qui a démasqué et reconnu l’intruse, se gratte le menton et plisse les yeux d’un air expert :
« Je ne sais pas grand-chose de leur relation ambiguë. Mais je suis certain qu’ils se sont fréquentés à plusieurs reprises. J’aurai même cru qu’ils pouvaient être liés par une éventuelle amitié, avant d’assister à cette scène dans le jardin. »
Hector hoche sa tête si laide. Visiblement, Simili était resté jusqu’au bout du spectacle, ce jour-là. Il avait dû raconter à son nouveau leader comment Moon avait été intraitable avec moi, puis avait fini par briser sous les yeux mon bien le plus précieux. C’est vrai que lors de cette triste journée, personne n’aurait pu nous croire alliés.
« Mais si ton bourreau t’empoisonnait à ce point, pourquoi attendre aussi longtemps avant de passer à l’acte ? Tu as l’air plutôt débrouillard, tu ne pouvais pas t’en débarrasser par la ruse, ou fuir loin de lui ? Oh, un instant ! Est-ce que par hasard, nous n’aurions pas affaire à un charmant cas de syndrome de Stockholm ? Je veux comprendre, Emily. »
Abruti, ça n’a rien à voir !! Je me retiens de lui hurler cette réflexion à la figure ! Le syndrome de Stockholm est une réaction liée à l’instinct de survie, qui dicte un sentiment d’attachement à une victime envers son ravisseur dans le but de créer un lien entre les deux, et ainsi éviter une mort potentiellement imminente. Hors, je sais pertinemment que je n’ai jamais été en danger de mort avec Moon, et qu’en plus il était futile d’espérer créer avec lui un quelconque lien ! Il ne fonctionne pas comme ça ! Suis-je vraiment à blâmer si je suis tombée amoureuse d’un homme qui portait en lui un monstre, à la fois terrible et attachant ? En dépit de tous les risques et les complications, j’ai décidé qu’il ferait parti de ma vie, et de l’inclure lui, et tout ce qui faisait son être dans mon propre cœur. Ils sont indissociables ! Je ne peux pas aimer Walk, sans porter à Full, et même à Moon une profonde affection plus qu’ordinaire. Et c’est bel et bien la raison pour laquelle j’ai eu la force de supporter le Prince de Sang et de tout lui pardonner ! C’est pour cela qu’il a eu le droit d’être Prince, et que vous êtes tous resté étalés au rang de vermines ! C’est pour cela que je suis venue le libérer et que vous allez tous le payez une fois que le tigre sera sorti de sa cage !! Alors non, Hector, rentre-toi bien cela dans ton crâne, tu ne me comprendras jamais !!!
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 26 Déc - 23:50 | |
| - Chapitre 27:
A ce moment précis, je sais ce que je veux, ce que je désire. Mais quel est le prix de ce souhait? Et suis-je disposée à le payer, entièrement ? Je n’ai jamais voulu faire de mal à personne. Je n’ai jamais exigé de bain de sang. Et pourtant j’ai participé à l’élaboration du Royaume de Sang, et il me vient même à rêver clairement de carnages, et de morts violentes. Est-ce finalement cela qu’il me faut ? Quelle est la réaction correcte à aborder, lorsque l’on se rend compte que la clé de notre épanouissement se trouve dans l’horreur ? Est-ce que la culpabilité reste pour la vie ? A vrai dire, pour l’instant la culpabilité ne m’effleure même pas. A partir du moment où l’équation se résume entre les Princes ou les autres, le choix et vite fait. Complètement libre de tout scrupule, je peux affirmer que la chose dont je souhaite, à cet instant précis, c’est de voir tous leurs corps sans vie à terre, vides de toute menace envers ce que je chéris. En dépit de cette part de mon être qui est en train de bouillir de rage, une autre part de moi continue à jouer l’oiseau blessé de manière convaincante, et me décide à donner à Hector la réponse qu’il attend. Je continue de trembler, et me met à balbutier :
« Je… Je ne sais pas !... Parfois, j’avais l’impression que je ne décidais plus pour moi-même. Mais maintenant qu’il est muselé, cela me semble plus facile de réagir, et d’enfin aller le faire taire pour de bon. »
L’homme défiguré a une moue amusée sur ce qui lui reste de visage. Puis, de manière lasse, il repositionne son masque sur sa tête. Relevant son visage vers moi, il lâche sobrement :
« Et maintenant, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? Tu aurais ta place en cuisine, tu ne crois pas ? »
Alors que j’allais riposter à cette idée qui ne me plaisait guère, un raclement de gorge se fait entendre. Il vient de Flirt, le second d’Hector, silencieux depuis le début de cet interrogatoire. Lentement, l’homme svelte s’avance vers nous, et déclare avec un mélange de douceur et d’assurance :
« Si je peux me permettre, Hector, tu es encore à la recherche des points faibles de Moon ? Parce que peut être que là, sous les yeux, tu en as un. Même si ce n’est pas dans son habitude d’éprouver de la compassion, il est possible qu’il ait du mal à supporter que quelqu’un d’autre s’approprie ses « jouets ». Voir que nous avons cette fille entre nos mains, cela l’énervera peut être un peu ! »
Hector penche la tête sur le côté, réfléchissant avec intensité à cette nouvelle proposition. Finalement, il se tourne de nouveau vers moi, et déclare avec satisfaction :
« Hum… Pourquoi pas ? Enervement, frustration… Tout cela ne vaut pas une bonne dose de douleur et d’humiliation, mais tout sentiment négatif de sa part m’intéresserait. Je n’en peux plus d’entendre ses éclats de rire à la fois innocents et méprisants ! Et, finalement, peut-être qu’il pourra même ressentir de la tristesse ! Ma petite sœur pleurait beaucoup, lorsque je démembrais ses poupées préférées. »
Je me mets à trembler, mais sans exagérer, cette fois-ci. Bien évidemment, une part de moi est également ravie par la proposition de Flirt, puisque cela signifie que l’on va me mettre sous le nez de Moon. Nous serons donc enfin réunis ! Pas dans les meilleures conditions, j’en conviens, mais réunis tout de même et ce serait un bon début. Mais de l’autre côté, si je ne trouve pas très vite une solution pour me sortir de ce pétrin, la suite de cette histoire risque d’être affreuse, mais dans le mauvais sens du terme ! De toute façon, elle sera affreuse, quelle qu’en soit l’issue. Je crois qu’Hector vient de lire sur mon visage mon expression mi-effarée, mi-horrifiée.
« Je t’en prie, ne me regarde comme ça, surtout maintenant que j’ai remis mon masque ! Je suis le nouveau seigneur de ces lieux, à présent. Cela veut dire que c’est moi qui décide quoi et qui seront les instruments de ma revanche tant mérité. Ne sois pas triste si le sort qui t’attends est purement atroce ! Dis-toi au moins que ton bourreau souffrira autant que toi ! Ah ah ! Et puis c’est ça ou finir en bas, dans la cuisine de Nail. Et crois-moi, il était vraiment fâché contre toi, tout à l’heure. »
Avec habileté, et un éclat de roublardise au fond des yeux, Flirt s’impose à nouveau et déclare en se plaçant entre son chef et moi :
« Je peux l’emmener là-haut pour tester ma théorie. Toi, Hector, il vaudrait mieux que tu ne m’accompagne pas. Moon risque de ne pas être enclin à montrer ses véritables réactions, si tu es dans le coin. Il prend tellement de plaisir à te rendre fou ! »
Le leader des brigands semble hésiter un bref instant, avide de guetter la réaction de son ennemis juré. Finalement, il s’aligne sur la décision de son second, et balance nerveusement :
« Tu as raison. De toute manière, moi-même, je ne sais pas si je pourrais supporter d’entendre à nouveau son rire de dément sans lui trouer le crâne d’une balle dans le front. »
A ces mots, on me tire immédiatement hors de la salle pour m’emmener dans une nouvelle pièce, quelques portes plus loin. Les deux gorilles qui jusqu’alors me maintenaient me lâche un peu, mais uniquement pour passer des liens à mes chevilles et mes mains. Les fers enserrant mes poignets sont des menottes fixées à une ceinture qui elle-même est accrochée à ma taille, me forçant ainsi à conserver mes mains posées sur mon ventre. Ceux accrochés à mes pieds sont des menottes plus classiques, d’une longueur raisonnable me permettant de marcher à petits pas. Mais impossible de courir ou de donner des coups de pieds sans tomber de manière pitoyable.
Une fois cette préparation terminée, Flirt vient me chercher. Il m’approche en m’adressant un clin d’œil et un sourire qui se veulent peut être rassurants, mais l’effet et tout l’inverse. Dans ce lieu et ce contexte, je n’ai envie de faire confiance à personne, et surtout pas à cette personne que Full m’a décrit d’une façon peu attirante ! En repassant au fil des couloirs, je remarque que nous passons non loin de celui menant aux cuisines, et des cris semblent s’en échapper. Pensant d’abord que le cuisinier se défoule sur sa dernière victime, je remarque qu’il s’agit en fait de cri de colère, accompagnés de bruits sourds, comme si l’on s’évertuait à taper sur une porte. L’homme qui m’escorte a un petit sourire :
« C’est Nail Bahn que tu entends là. On a dû l’enfermer dans sa cuisine parce qu’il voulait t’éventrer vivante, dès que l’on aurait mis la main sur toi. Ce qui était potentiellement embêtant, puisqu’Hector désirait t’interroger avant. J’espère qu’il ne réussira pas à forcer sa porte, le verrou date un peu ! »
Je ne peux réprimer un frisson d’angoisse. Cette menace pesant sur mes épaules me terrifie réellement. Nous continuons notre avancé, arrivant devant une grande porte, gardée par deux individus armés jusqu’aux dents. Ils nous laissent passer, et je découvre derrière eux un immense escalier sombre, uniquement éclairé par des torches. Surement celui de l’une des tourelles du château. Moon doit se trouver tout en haut. Je tremble d’impatience de le revoir. De constater son état, s’il va bien, et de trouver un moyen de le libérer ! Constatant ma nervosité, Flirt s’arrête, et me prends le menton d’une main :
« Je sais que tu as peur, parce que tu vas revoir quelqu’un qui t’as traumatisé mentalement. Mais tu peux cesser de trembler, il ne peut rien te faire ici. Oh, ma pauvre, cet effroi que je lis dans tes yeux… Tu mériterais un Prince qui te traite avec plus d’égard. »
Je me dégage rapidement d’une rotation de la tête, me souvenant des paroles de Full, et du mépris que je suis sensée éprouver pour cet homme, même si depuis tout à l’heure il a un comportement relativement correct. Mais j’ai peur de comprendre où il veut en venir, avec cette attitude aussi mielleuse. Et cela ne fait qu’alimenter ma fureur, qui devient de plus en plus difficile à contenir depuis tout à l’heure.
« C’est vrai ce que l’on dit ? Que tu n’es pas n’importe qui ici, et que tu sais manipuler les ronces de ce Royaume comme des armes ? »
« … Oui. » Répondis-je, de manière peu assurée.
Il s’arrête un instant, et s’adosse aux murs irréguliers qui bordent l’escalier de pierre, comme s’il réfléchissait, me regardant avec insistance, me jaugeant de bas en haut. Il se prend le menton dans une main, puis se rapproche à nouveau de moi pour me parler doucement :
« Autant être franc avec toi et jouer cartes sur table. Ce ne m’intéresse pas d’être le second d’Hector, je sais que je vaux bien mieux que cela. J’ai eu le talent de flairer le bon coup et de m’allier avec lui jusqu’à la prise de ce château, mais maintenant que c’est fait, j’aspire à de plus grandes ambitions. Et je ne suis pas d’accord avec la plupart de ses choix ! D’abord, je te trouve bien trop précieuse pour décider de t’éliminer au simple profit d’une vengeance puérile… »
Il avance tant vers moi que je dois me reculer contre le mur de mon côté pour conserver un semblant de distance de sécurité. Remarquant mon léger malaise, il s’éloigne un peu, comme s’il avait soudainement craint de me brusquer. Reprend un air un peu moins envoutant, et plus sérieux, il continue :
« Ensuite, je ne suis pas d’accord avec le principe de Mafia qu’il veut établir par ici. Dans un mode aussi cruel et monstrueux que celui-là ça ne sert à rien. Je l’ai étudié, j’ai visité ce château. J’ai vu le trône dans la grande salle. Un Prince, c’est bien. Et que dirais-tu d’un Roi ? Un Empereur ! Et tu serais mon Impératrice !... Il marque une pause, comme s’il établissait tout son plan machiavélique dans sa tête, Oui ! Je me débarrasse d’Hector en faisant passer cela pour un accident, puis la place de nouveau leader me revient. Je règle rapidement le compte de Moon, puis je m’installe sur le trône en toute légitimité. Et tu seras à mes côtés, et tu m’offriras tes roses. »
Je reste sans réaction tout le long de l’explication de son fourbe dessein, partagée entre l’aberration et le dégoût. Ce type n’a rien d’un monarque. Ou alors il ne mérite que le titre de roi des traîtres ! Je me préparais à l’insulter, mais je réalise qu’il vaudrait mieux que je l’ai dans la poche encore un moment. J’ai l’air de sincèrement l’intéresser. En même temps, je suis une fille désespérée, et je crois me souvenir qu’il s’agit là de ses cibles préférées. Et en plus, je pourrais lui apporter du pouvoir. Malgré le fait que cela m’insupporte au plus haut point, je le regarde en prenant un air implorant, pour le conforter dans l’idée qu’il est mon dernier espoir.
« Vous allez m’aider à me sortir de là ?... »
Flirt a un sourire de victoire sur les lèvres. De ses deux mains, il m’attrape doucement le visage, et déclare sur le ton le plus bienveillant de son répertoire :
« Oui, Emily. Et après, je t’offrirai tout ce que tu mérites, c’est promis. »
Je souris intérieurement. Son numéro est bon, mais le mien doit être encore meilleur, pour qu’il me déballe ainsi toutes ses machinations. Je prends réellement sur moi pour ne pas lui sauter au visage. Depuis tout à l’heure, je sens ses pensées viciées effleurer tout ce qui est précieux pour moi. Je le sens confiant et brûlant de mettre les pieds sur un terrain qui ne lui appartient pas. Mes Merveilles sont sacrées, et jamais je ne les offrirai à une ordure comme lui. Nous continuons de monter l’escalier tortueux, pour finalement arriver dans une porte verrouillée par trois cadenas. Flirt entreprend de tourner les clefs dans chacune des serrures. Puis, calmement, il sort le pistolet qu’il avait à sa ceinture, et m’explique d’un ton professoral :
« Ca, pour l’instant, ce n’est que pour notre petite mise en scène. Amusons nous un peu avec ton tourmenteur, puisque nous sommes là pour ça ! Tu rentres dans la pièce, je te mets ce flingue sur la tempe et je pose mon doigt sur la gâchette. Tu as le droit de pleurer et de crier pour faire plus vrai ! »
- Chapitre 28:
Je regarde Flirt ranger son grand trousseau de clés à sa ceinture. Celles me libérant de mes chaînes sont forcément ici ! Innocemment, je questionne :
« Il n’y aura personne dans cette salle, à part Moon et nous ? »
« Oui. Les premiers gardiens de sa cellule sont ceux que nous avons vus en bas de l’escalier. Moon peut être assez persuasif, voire trop, et tu es bien placée pour le savoir ! Hector ne tenait pas à ce que ses hommes aient un contact direct avec lui, c’est plus prudent ainsi. Oh, et une dernière précision, surtout, ne franchis pas la ligne rouge au sol, sauf si tu tiens à être déchiquetée en quelques secondes. »
Je n’ai pas le temps de demander pourquoi, car Flirt ouvre brusquement la porte et me fait entrer dans la salle. M’avançant à petit pas, je découvre ce nouveau lieu. La pièce de forme circulaire est moins grande que je ne le l’imaginais. Les murs et le sol semblent hésiter entre le bois et les pierres noires, formant un mélange gris sombre et doré plutôt joli à regarder. Au centre sont disposés de longs et solides barreaux d’or qui réfléchissent timidement la lumière de l’extérieur arrivant des petites lucarnes. Des morceaux d’étoffes rouges viennent orner cette cage à différents endroits, lui apportant un semblant de chaleur. Elle n’est pas très grande, une dizaine de mètres carrés, tout au plus. Je remarque alors que le sol de la prison est tâché de sang. Au centre, un homme, assis en tailleur, nous tourne le dos. Le col de son manteau royal ouvragé est déchiqueté, et ses cheveux d’un rouge profond sont plus longs et ébouriffés. Moon. Que t’ont-ils fait ?... Tout autour de sa cellule, une ligne rouge a effectivement été peinte rapidement et grossièrement, délimitant tout ce qui peut être hors de portée du Prince de Sang. Une précaution inutile, sauf pour ceux qui aiment jouer avec le feu en venant le narguer. Cette prison est différente de celle de chez Full. Alors que la première était un véritable complexe carcéral, conçue pour cacher et contenir une puissante force du mal, celle-ci ressemble plus à une cage-trophée dans laquelle on exhibe l’animal dangereux que l’on a réussi à capturer. Hector a pris l’un de mes Princes pour un animal de zoo… Je sens ma rage commencer à devenir hors de contrôle. Je suis si outrée, que j’en oublie même Flirt qui arrive derrière moi, me rappelant sa présence au contact du métal de son pistolet sur ma tempe.
« Salut, Moony ! Je t’ai amené quelqu’un de spécial, car Hector a pensé que tu aimerais lui faire tes adieux. »
Je reste immobile et inexpressive tandis que le souverain sanglant se retourne lentement. Il n’est pas surpris lorsqu’il m’aperçoit dans la pièce, à la grande déception de Flirt, sans doute. Je suis intimement persuadée que l’odorat de Moon est particulièrement développé, et qu’il a senti ma présence à l’instant même où la porte s’est ouverte. Je constate avec une peine immense que son visage est abimé par des coups. Ils l’ont frappé, passé à tabac même après l’avoir vaincu, essayant vainement d’obtenir de lui des supplications ou des larmes. Toujours assis, il nous fait face un instant, sans trahir la moindre émotion. Pour lui qui est d’habitude si expressif et spontané, c’est étrange de le voir garder un tel sérieux ! Puis doucement, mais irrémédiablement, un sourire fend son visage, avant de se transformer en un ricanement à la fois grinçant et mélodieux. Puis, imprévisible, il bondit contre les barreaux de sa cage, toujours face à nous, grimpant jusqu’à atteindre deux ou trois mètres de hauteur. De ses lèvres couvertes de taches de sang, il s’exclame d’un air fou et hilare :
« Mon rhododendron !! Je ne peux pas croire que tu sois ici ! Tu es vraiment venue, et tu as fait face à tous ces guignols ! C’est génial !! »
Il semble faire une totale abstraction des paroles de Flirt et de l’arme qui menace de me faire sauter la cervelle, trop content de me revoir. Tant mieux. Secrètement, j’avais peur de voir ce que donnait Moon lorsqu’il perdait ses moyens ! C’est certainement un spectacle atroce. Je sens tout de même une pointe de frustration naître dans ses yeux lorsqu’il constate avec plus d’attention que je suis en mauvaise posture. Ne pouvant supporter l’idée de paniquer pour de faux devant lui, je reste sereine et déclare d’un air neutre et posé :
« Oui, je suis là. Et nous allons nous débarrasser d’Hector. »
Persuadé que l’emploi de mon « nous » est destiné à lui et moi, Flirt réagit immédiatement en se tournant vers moi, les sourcils froncés :
« Emily, enfin, pourquoi est-ce que tu gâches ainsi la surprise ? Oh, je comprends ! Tu fais partie de ces gens qui aiment révéler leurs plans diaboliques dans le but de recueillir des regards déconfits, n’est-ce pas ? C’est un trait de caractère que j’apprécie aussi, brave fille. » Susurre-t-il en plaçant son autre main sur mon épaule.
Je vais l’éclater. Je dois rassembler mon calme avec effort pour ne pas le mordre jusqu’au sang immédiatement. Ne pas s’emballer, ne pas tout gâcher, attendre le moment le plus judicieux avant d’agir. Une grande veine d’agacement doit tout de même être présente sur mon front ! Intrigué par le comportement de Flirt, le Prince de Sang descend calmement au sol, analysant la situation avec attention. Son arme toujours braquée sur moi, le criminel remarque son incompréhension et ricane à son tour :
« Oh… Tu n’as pas compris, Moony ? Ton rôle en tant que souverain de ces terres est bel est bien terminé. Tu sais ce qui arrive, quand on n’est pas assez gentil avec la princesse ? Et bien elle change d’élu ! »
Je reste impassible, malgré les tremblements de jubilation de Flirt derrière moi. Mes yeux restent accrochés au souverain écarlate. Je me souviens de ses dernières paroles avant que nous nous séparions. J’y ai tellement réfléchis… J’ai réalisé que c’était vrai, et que peut être que je ne comprenais pas cet homme à sa juste valeur, que ma vision restait étroite, bridée par son image que tout le monde considérait comme monstrueuse. Mon regard désespérément plongé dans le sien, je me contrains l’espace que quelques secondes à appréhender l’histoire de notre relation de son point de vue. Moon est une création unique. Né d’un esprit à la fois beau et tourmenté, qui a réussi à donner vie à la part négative qui loge dans tous les êtres humains, et l’a transcendé. Lorsque j’ai appris son existence en discutant avec Walk, puis avec Full, il m’a paru être une véritable malédiction. Puis, il me fut accordé le droit de l’appréhender, de le connaître et ainsi de le trouver furieusement amusant, presque amical. Alors, par un caprice prônant une soi-disant « égalité », accompagnée d’un sentiment de vengeance légèrement fourbe, je l’aidais à se faire une place dans un monde ne lui serait jamais convenablement adapté ! Je l’ai libéré, couronné au même titre que ses frères, offert l’horreur qu’il désirait. Tout cela, avant de m’enfuir en courant, refusant d’assumer mon geste, réussissant à toujours être offusquée par sa nature. Voilà qui a dû le plonger dans la confusion. Quelle est l’ampleur de l’agacement qui l’habite, lorsqu’il constate que la seule personne à qui il est accessible le renie et passe la plupart du temps à le fuir ? A quel point le sentiment de trahison et d’abandon l’a-t-il mordu lorsque je lui ai innocemment répété que passer du temps avec lui ne m’intéressait pas, qu’il n’était qu’un passage obligé pour rester auprès de Walk ?... A cause de mon égoïsme, j’ai pendant de nombreuses années campé sur des positions qui ne convenaient pas à un être aussi complexe que lui. Mes yeux s’embuent de larmes tandis que je reviens à la réalité, constatant que Flirt passe à présent sa main dans mes cheveux, continuant son discours :
« … Prendrai le contrôle total et absolu de ton Royaume. Elle a même offert de me transmettre ton pouvoir de ronces ! N’est-ce pas, Emily ? »
Un peu perdue dans mes souvenirs et l’évidence qui vient d’apparaître à moi, je ne peux m’empêcher de murmurer une seule phrase, qui s’échappe presque toute seule du puit sincère de mes pensées, depuis trop longtemps censurées :
« … Je te comprends. »
Avec une pointe d’incompréhension, Flirt se décale pour être à ma gauche. Jouant avec son pistolet de manière décontractée, il penche légèrement la tête vers moi, et déclarant avec un sourire :
« Ecoute, je sais que toute cette histoire te trouble, mais si tu veux que je te comprenne, il va falloir t’exprimer plus clairement, là je n’ai pas saisis ! »
Mais je suis certaine que Moon et ses sens surdéveloppés ont bien compris. Flirt s’est penché vers moi, tendant l’oreille, comme s’il espérait que je lui confirme mon consentement devant le Prince de Sang. Toujours impassible, émergeant à peine de mes pensées, je regarde le souverain me sourire. Je sais que s’il y a un bon moment, c’est maintenant.
Imprévisible, je me redresse soudainement et tords vigoureusement ma gorge, portant ma tête au plus près de celle du criminel. Ma mâchoire s’ouvre au point de se déchirer, et mes dents se referment sur le bas de son oreille, avec une pression que je ne soupçonnais même pas de pouvoir exercer. Emportée dans ma lancée, je tire vers le bas, arrachant cris sur cris à ma victime. Du sang envahit ma bouche alors que je sens la chair se déchirer, presque plus facilement que je ne l’imaginais. Flirt essaye de me repousser en paniquant, mais je ne lâche rien, comme un carnivore qui refuserait de céder son morceau de viande ! Finalement, un honorable morceau d’oreille fini par se désolidariser complètement de son propriétaire, emportant également quelque bribe d’épiderme de la mâchoire. Je recrache tout sur le sol, très vite. Je suis à peine écœurée, je crois même que je suis un peu contente.
La douleur a poussé Flirt à lâcher son arme. Il crie, me maudissant, les deux mains plaquées sur sa tempe gauche qui dégouline de sang, tandis que le rire de Moon commence à envahir la pièce. Rapidement, je me dirige vers le pistolet tombée à terre pour lui donner un habile coup de pied vers la cage. Il passe derrière la fameuse ligne rouge à ma grande satisfaction. Alors que je me dépêche de faire de même, ma victime semble reprendre un peu de ses esprits et se rue vers moi alors qu’il ne me reste que quelques mètres. Utilisant le peu d’élan qu’il m’est possible de prendre, je me jette à terre et roule jusqu’aux barreaux de la prison de Moon. Je me redresse péniblement, mais ressens un semblant de sécurité lorsque je constate que Flirt reste incapable de s’approcher de moi, craignant la limite rouge comme un animal craindrait un mur de feu.
« Reviens ici, espèce de sale traîtresse !! » hurle-t-il
« Viens me chercher !!! Je sais qui tu es, ordure, et ce que tu fais subir à toutes les femmes qui ont le malheur de croiser ta route ! »
Me retournant vers la cage, je constate que Moon est à présent tout près de moi, toujours complètement hilare. Pressante, je lui dicte :
« Je t’en prie ! Prends vite le pistolet là, et tire-lui dessus ! Il me regarde avec un air d’incompréhension, Viiiite, s’il te plait ! Sinon, il va s’enfuir et avertir tout le monde !
« Idiote ! J’étais pourtant ton unique salut ! Tu vas le payer !! »
Enragé, Flirt fait rapidement volte-face, se dirigeant vers la porte. Mais à peine a-t-il le temps de faire quelques pas vers la porte qu’un objet traverse les barreaux de la cage à toute vitesse pour venir heurter son crâne et le plonger dans l’inconscience, le laissant s’écraser à terre. Je remarque avec stupéfaction qu’il s’agissait du pistolet.
« Moony… Ce n’est pas tout à fait ce que j’entendais par « lui tirer dessus » mais c’est bien. C’est très bien… » Déclamais-je avec un faible sourire, encore tremblante.
- Chapitre 29:
« A quoi est-ce que tu t’attendais ? Je suis un professionnel, mwa. »
Toujours recroquevillée contre la cage, je me tourne doucement pour faire face aux barreaux. Moony se trouve juste derrière, son sourire s’élargissant, sans doute à la vue de ma bouche couverte de sang. Ce serait bien le moment de se lancer dans un joli discours, mais le temps presse. Me relevant laborieusement, je me dirige vers le corps inanimé de Flirt afin de récupérer le précieux trousseau de clefs. Je prends tout de même la précaution de lui écraser sa main, trop tactile à mon goût, afin de vérifier si son inconscience est profonde ! Cela semble être le cas. Me débrouillant comme je peux, je récupère les clefs et entreprend de me libérer d’abord les mains, puis la chaîne qui me lie les pieds. Trouver la bonne clef pour chacune des serrures est laborieux ! J’entends Moon me railler :
« Emimi ! Pourquoi tu t’entêtes à tout vouloir faire toute seule ? Tu sais que je peux t’aider, je suis là pour ça, aie confiaaaance ! »
Mais à l’instant où il prononce ces mots, l’étau de mon pied gauche s’ouvre enfin ! La chaîne est toujours fixée à mon autre pied, mais cela suffira. Je suis à nouveau libre de mes mouvements ! Une fois complètement désenroulée de l’une de mes chevilles, elle ressemble à un long filet d’argent me suivant comme un petit serpent. Je garde la clef dans ma poche pour m’en libérer plus tard. Le trousseau en main, je me dirige vers la porte de la cage de Moon, presque en trottinant. Faisant tinter les clefs, je déclare :
« Pour l’instant, on dirait bien que c’est toi qui a besoin d’aide ! Sérieusement, ces barreaux sont de la rigolade, par rapport à ceux de chez Full. Sans parler d’un système de sécurité quasiment inexistant. C’est vraiment une preuve de mauvaise volonté que tu n’aies pas réussi à t’échapper ! »
Le Prince de Sang sourit. Je commence donc à chercher quelle est la clef qui le libèrera. Alors que j’en essaye plusieurs, je me rends compte que j’ai comme une impression de déjà-vu. Le prisonnier remarque mon air perplexe et s’approche doucement :
« On est hésitante ? »
« Je me faisais simplement la réflexion que c’est la seconde fois que je m’apprête à te rendre la liberté, rétorquais-je en continuant d’essayer les clefs dans la serrures, Et la première fois, je ne sais pas si ça m’a vraiment réussi !... »
Je m’arrête. Je viens de trouver la bonne clef. Une simple rotation, et la porte s’ouvre. Je crois que je sacralise un peu trop ce moment. La même impulsion qui m’avait poussé à mettre le feu à sa prison au Royaume de Glace m’aide à nouveau à tourner le petit objet d’or dans la serrure. La porte pivote dans un grincement doux comme une berceuse maléfique. Le Prince de Sang m’attend derrière, souriant et applaudissant. S’approchant à pas de loup, il déclare :
« Oui, mais maintenant tu m’as compris, tu l’as dit toi-même ! »
« Certes, je t’ai compris… Mais je n’ai jamais dit que je t’avais pardonné !!! »
Et sans prévenir, je saute sur lui, enragée. Mais ma férocité n’est pas la même que celle que j’ai déchaîné sur Flirt, c’est différent. Le faisant tomber et rouler sur le sol, je ne ressens qu’une terrible envie de m’imposer. Un besoin viscéral de lui prouver que me faire du mal n’est plus sans conséquence ! Que je ne suis pas qu’une pâquerette que l’on peut piétiner avec assurance ! Peut-être un peu trop surpris pour réagir, Moon semble se laisser faire facilement. C’est vrai qu’après tout ce que ces brutes ont essayé de lui faire subir, mon attaque doit lui sembler dérisoire ! Mais de toute façon, je ne veux pas le blesser. Ce n’est pas lui qui m’intéresse directement ! Profitant qu’il soit au sol, je me jette sur lui commençant à fouiller son manteau. Il commence à rigoler, puis se redresse soudainement, m’attrapant les mains :
« Emily… Est-ce que tu essayerais de me…Chatouiller ?! »
Je ne réponds que par un grognement et une hargne supplémentaire pour me dégager, alors que nous débutons une lutte sauvage, bien qu’enfantine. Nos membres s’entrechoquent, tandis que chacun cherche à maîtriser l’autre, roulant dans une mêlée aussi poussiéreuse qu’incompréhensible. Focalisée sur mon but, je ne lâche rien. Une idée soudaine me vient au court de cet affrontement, et un discret cliquetis se fait entendre, couvert par le bruit de la bagarre. Enfin, après quelques instants de bataille acharnée, je me dégage de mon adversaire, recroquevillée, mon précieux butin dans la main ! Moony ne semble pas comprendre mon comportement, jusqu’à ce que j’ouvre délicatement mon poing. C’est la première fois qu’il m’est donné d’apercevoir un éclat d’effroi dans ses yeux.
« … Ma précieuse première petite pelote !! Emily ! Tu es diabolique ! Rend-la moi tout de suite !! Sinon, je… »
« T-t-t-t ! Si tu avances, je l’écrase, je la réduis en bouillie, et elle ne deviendra plus qu’une petite cordelette inintéressante ! Et je ne suis pas sure que cela te plairait ! »
Un sourire nait sur mon visage ! Pour la première fois depuis trop longtemps, je mène la danse avec Moon. Je vois bien qu’il tente de mettre au point une manœuvre désespérée en tendant son bras vers moi, mais je lève mes mains et commence à mettre ma menace à exécution en tirant un peu le fil qui émerge de la pelote. En détresse, il commence à frapper du poing par terre :
« D’ACCORD. D’accord. Méchante-Emily, tu es un monstre ! Qu’est-ce que tu veux, en échange de ma belle et innocente petite pelote ? »
« Je ne veux rien d’horrible, je veux simplement des excuses. Pour ce que tu as fait à mon oiseau de cristal. »
« Des quoi ? Je n’ai jamais entendu parler de ce plat ! »
Je réalise soudain que cela va être un peu plus compliqué que ce que je pensais. En effet, Moon est étranger à la moindre notion de culpabilité. Ce serait comme demander à un aveugle de regarder les nuages au loin. Néanmoins, déterminée, je décide de changer de technique. Je place l’objet tant convoité par le Prince de Sang à mon oreille et prend un air surpris :
« Comment ? Tu préférerais plutôt que je te fracasse par terre pour éclater en mille morceaux ? Comme tu veux, du moment qu’à la fin, Moony ne peux plus jouer avec toi ! »
« Espèce de tricheuse !!! Ma pelote, elle ne parle qu’à moi !! Et je ne veux pas qu’elle finisse comme ton oiseau ! »
« Et la faute à qui, si mon oiseau est cassé ? Lançais-je en avançant la tête, Maintenant, tu comprends ce que ça f…»
Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que Moon bondit sur moi, m’interrompant en me coupant la respiration et me plaquant au sol, essayant désespérément d’ouvrir mon poing dans lequel est prisonnière sa fidèle « amie », mais je tiens bon. Je le vois s’interrompre quelques instants, figé dans une intense réflexion.
« Ma pelote, ton oiseau… je crois que je vois où tu veux en venir, Emily-la-fourbe !! Mais ce n’est pas du tout pareil !! »
« Bien sûr que si, c’est pareil !! Tu avais mon oiseau dans la main, et je t’ai demandé de ne pas le casser, mais pourtant, tu l’as fait ! Donne-moi une seule bonne raison de ne pas en faire autant avec ta pelote ! »
Moon ne répond rien. Je pense qu’il est face à une erreur de type 404 présente dans ses neurones. Néanmoins, je vois dans ses yeux une lueur d’effort, et d’association d’idée. Ce léger signe est plus que je ne l’espérais et que je n’obtiendrai dans ce domaine, avec lui. Lentement, je dessers mes doigts et ouvre ma paume, libérant son précieux bien. Il se rue sur la pelote avec violence et précaution à la fois, lui murmure quelques mots inaudibles, puis il se relève. J’en fais autant. Il se retourne vers moi, puis me tire la langue avec malice !
« Tu as essayé d’être cruelle une nouvelle fois, n’est-ce pas ? Mais c’est raté ! Tu n’es définitivement pas douée pour cela ! Laisse cette activité aux professionnels, et ne me provoque plus ainsi, veux-tu ? »
« Moon, si j’avais voulu être cruelle, j’aurai dit à Hector que tu possédais cet objet qui te tenais tant à cœur ! Et crois-moi, il aurait eu beaucoup moins de scrupules que moi ! »
Entendre le nom de son geôlier semble faire réagir le Prince de Sang et ses yeux s’éclairent. Commençant à ricaner, il se rapproche à pas de velours de la porte de la cage. Je le suis pas à pas, tournant la tête, en attendant l’explication d’une telle hilarité.
« Houhouuu ! Ah ah ah !! Emily, avec toutes ces émotions, j’avais presque oublié qu’une armée de lapereaux apeurés m’attendaient en bas de ce château ! Prenez garde, mes mignons, le grand méchant Moony est sur le point d’arriver, et il ne va faire qu’une seule et grande bouchée de vous, cette fois ci ! Oh que oui ♥ »
Tout en l’écoutant s’offusquer de rire, je lui tapote doucement sur l’épaule pour l’interrompre. D’un ton assuré, et avec un sourire irrésistible, je déclare :
« Ahem, tu veux dire que NOUS sommes sur le point d’arriver. Je viens avec toi, Moony ! »
« Ahahah ah AAHAH !! Tu es drôle Emily… Mais certainement pas ! »
Et avant que je n’aie eu le temps de répliquer quoique ce soit, le monarque sanglant franchit la porte de la prison d’un pas rapide et habile, puis la referme brutalement sur moi, m’enfermant à mon tour dans cette cage dorée. D’un air roublard, il secoue le trousseau de clefs hors de ma portée lorsque je tends naïvement un bras pour le rattraper :
« Je suis navrée, mon canard, mais il est hors que question. Je ne partage pas mes proies, surtout avec quelqu’un qui refuse de tuer quand je le lui demande ! »
« Et moi je ne veux plus rester à l’écart comme une potiche pendant que tu… Dégage le chemin ! C’est moi qui t’ai libéré, je l’assume, et tu dois me laisser venir avec toi et t’aider ! Je suis prête à être à tes côtés, moi aussi je veux me venger ! »
« Noooon, susurre Moon en se penchant sur les barreaux, Toi, tu restes là, et tu attends sagement que l’endroit soit débarrassé de toute cette vermine. Promis, je ne t’oublierai pas, et je reviendrais te libérer quand j’aurai fini de m’amuser. Quoique… Finalement, je pourrais te garder ici quelques jours pour que tu puisses jouer avec moi ! Ce serait fun ! »
Je prends un air faussement blasé. Il aurait vraiment tenté de faire cela ? Je ne peux réprimer un sourire en le regardant s’éloigner d’air triomphant, accrochant les clefs à sa ceinture. Puis il s’arrête net, bloqué dans son élan par quelque chose qui l’empêche d’avancer. C’est à mon tour de ricaner ! Peinant à garder mon sérieux, je regarde les deux mètres qui nous séparent et déclare :
« Un problème ? »
Et Moon se retourne doucement, ses yeux se posent sur sa cheville gauche et le fer enserrant sa botte, accompagnée d’une longue chaîne tendue jusqu’à mon propre pied, à l’intérieur de la cage. La confusion de notre dernière bagarre m’avait permis de le lier à moi de manière sure. J’étais intimement persuadée qu’à un moment ou à un autre, il aurait voulu me fausser compagnie pour aller massacrer cette bande de gredins tout seul !
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Mer 1 Fév - 21:03 | |
| - Chapitre 30:
Oh oh. Apparemment, voilà qui ne faisait pas partie de ses plans ! Les sourcils froncé, je le vois d’abord analyser la situation, puis sourire et prendre calmement le trousseau de clés afin de trouver laquelle de ces demoiselles de fer le libérera. Après l’avoir laissé chercher pendant quelques minutes, je sors un petit bout de métal de ma poche et l’agite en demandant :
« C’est celle-là que tu cherches ? »
Je vois son regard s’illuminer, mais avant qu’il ne puis faire un pas vers moi, je plisse mes yeux vers l’une des lucarnes de la pièce, prend de l’élan, et d’un geste rapide, je lance la clé de notre délivrance par l’une des petites ouvertures de la pièce. Elle s’envole au loin et disparaît à l’extérieur, dans un tintement argenté, sans heurter le moindre obstacle sur sa course. Sur le coup, Moon semble plus amusé que contrarié. Pendant qu’il ricane de manière grinçante, je déclame :
« Voilà, Moony ! Désolée, mais maintenant, tu n’as plus le choix. Nous allons quitter ce château ensemble. A moins que tu ne décides de te couper la jambe. Après tout, tu as toujours été plutôt bon à cloche-pied, non ? »
Le prince de Sang s’approche vers moi, l’air nullement résigné. Alors qu’il se rapproche des barreaux de la prison, il s’appuie sur ses derniers en déclarant avec un grand sourire :
« A moins que ce soit ton pied à toi que je décide d’amputer ♥ »
« Tu ne peux pas faire ça, et tu le sais ! M’exclamais-je, reculant tout de même d’un pas, par précaution, De toute manière, tu n’as pas tes couteaux sur toi ! »
Une moue boudeuse commence à s’installer sur le visage du monarque sanguinaire lorsqu’il semble se rappeler que ses jouets préférés sont hors de portée. Mais ses envies meurtrières reprennent très vite le dessus et je le vois se dépêcher de tourner la clé dans la serrure pour me libérer. Une fois la porte ouverte, je quitte la cage à toute vitesse, craignant une nouvelle manigance de sa part.
« Tu vois, Emimi, je crois que ce que tu viens de faire, c’est ce que Full appelle l’impru-danse ! Personne n’a jamais voulu faire exprès de rester avec moi, et encore moins contre ma volonté majestueuse. Mais soit, on peut dire que c’est toi qui décide, cette fois ! »
« Full et Walk doivent bien te côtoyer tous les jours ! Et si je les accepte eux, je ne vois comment je pourrai ne pas t’accepter toi. Tel que tu es. »
« Tu vas vivre un cauchemar. Tu ne pourras plus dormir ♥ »
D’un geste vif, je me rapproche de Moon avec une expression de férocité plaquée sur mon visage. Il est temps que je lui exprime clairement ma façon de penser. Me mettant à tourner autour de lui, je commence à déclamer avec de grands gestes :
« Des cauchemars j’en fait déjà depuis longtemps !! J’en ai assez que tu me sous-estime ! Comment peux-tu croire que j’ignore tout ce qu’il va se passer ?! Evidemment que cela va être une boucherie. Je marque un court arrêt, essayant de remuer le fond de mes penser, de mettre des mots sur ces sensations instinctives qui me tiraillent. Oh et puis m…! Tu sais quoi ? Finalement, il se trouve que j’en crève d’envie, de voir couler leur sang depuis que je suis entrée ici ! Je ne rêve que de les voir souffrir les uns après les autres ! Je veux un passage dégagé vers la liberté, et la certitude qu’une telle aberration ne se reproduise plus !! »
Dans mon éclat, je remarque le pistolet de Flirt à côté de sa victime. Je me penche et l’attrape, puis, sans réfléchir, je colle une balle dans le genou du corps déjà à terre, avant de ranger l’arme à ma ceinture. De la violence gratuite. Pas si gratuite que cela d’ailleurs, mais passons. Au moins, lorsqu’il se réveillera, il aura du mal à se joindre à la fête. J’aurai pu l’enfermer dans la cage de Moon, mais ce n’est pas lui qui mérite de se retrouver là. Je garde cette prison pour un prochain habitant de marque !
« Emimi, tu es nulle. Ce n’est pas là qu’il fallait viser si tu voulais qu’il rencontre la faucheuse ! »
« C’est toi qui est nul ! Lui faire rencontrer la faucheuse maintenant, alors qu’il est inconscient, ce serait un trop beau cadeau pour une ordure de sa trempe. Au moins, lorsqu’il se réveillera, il n’aura qu’une envie, celle de se faire à nouveau assommer ! »
« Intéressant ! Pour l’instant, je trouve cela diablement rigolo de te voir aussi déterminée à tout casser, Emily-folie. Mais si c’est pour commencer à me piquer tous mes jouets, je sens que cela va très vite m’énerver !! »
Je lui lance un regard plein d’innocence, accompagnant avec soin mes battements de cils par un sourire carnassier :
« Oh, tu n’as pas à t’inquiéter pour cela ! Je te promets que je ne t’empêcherai pas de t’amuser, je sais que c’est ton tour. Je serai juste là pour t’aider, et je t’assure que tu en auras besoin ! »
« Le grand Moony n’a JAMAIS besoin d’aide !! »
« Ah ? Au fait, de rien pour t’avoir sorti de cette prison ! »
Je fini ma tirade en tirant la langue d’un air magistral ! Il est d’une mauvaise foi imbattable, mais cela m’amuse terriblement de me chamailler avec lui. C’est l’un des avantages avec Moon. Certes, il fait peut être mal et fait couler les larmes, mais au moins, on ne s’ennuie jamais. Je commence à m’avancer vers la porte du donjon pour sortir de cette pièce, tirant légèrement sur la chaîne pour que le Prince de sang me suive. Ce dernier arrive en trottinant vite et joyeusement, me dépassant brusquement. C’est moi qui dois lui courir après, à présent, pour éviter de tomber ! Je le sens affreusement énervé, excité, par le massacre imminent qui va avoir lieu. Un peu comme un enfant la nuit de Noël, sachant que le gros bonhomme vêtu de rouge vient de déposer ses cadeaux au pied du sapin. Alors qu’il ouvre brusquement la porte, que j’évite de me prendre sur le nez grâce à un réflexe précieux, je demande :
« Attends Moony ! Je ne sais pas si se précipiter ainsi est une bonne idée ! Il nous faudrait un plan ! Ils sont vraiment nombreux, crois-moi ! »
« Un plan ? me répond le monarque en levant un sourcil, perplexe, Pour quoi faire ? C’est mon palais, je te signale ! Je connais le moindre de ses pièces et de ses recoins par cœur ! »
« Mais non ! Je te parle d’une stratégie, une tactique. On ne peut pas juste débarquer dans la grande salle et espérer tous les battre. Je pense qu’il faut être plus subtil. »
« Plus quoi ?... Ecoute Emily, tu commences à m’embrouiller avec tes mots compliqués et tes demandes bizarres. Je ne connais pas de « stragédie » ou de « tac-tic ». Mwa, je vois, et j’élimine avec fun. C’est simple et efficace. Je n’ai pas besoin de faire comme mes frangins, et de réfléchir pendant des heures à ce que je vais faire et comment je vais faire. Je le fais c’est tout. C’est tellement plus facile ! »
Je reste interdite, ne pouvant m’empêcher de penser au véritable chaos que nous sommes sur le point de déclencher. Alors que nous descendons les premières marches de l’escalier de pierres, le souverain de Sang reprend :
« Néanmoins, je sais quand même par quoi nous allons commencer ! Cela ne servirai à rien que je me pointe devant Hector et ses toutous les mains vides. Non, il me manque me petits, mes précieux petits couteaux chéris… Et nous allons aller les chercher ! Direction la cuisiiiine !! »
« La cuisine ??!... »
Cette exclamation de frayeur venue du fond du cœur m’échappe brusquement. Je m’arrête soudainement de marcher, crispée, et manque de tomber lorsque la chaine de ma cheville me tire vers l’avant. Je reprends mon avancée en tentant tant bien que mal de freiner Moon. Haletante, je lance en balbutiant :
« Moon… Attends ! Tu es sur qu’il n’y a qu’à la cuisine que tu peux trouver tes couteaux ?... Il y a là-bas un homme enragé qui ne nous fera aucun cadeau, encore plus à moi qu’à toi. Ce ne serait pas prudent d’aller… le déranger ! »
« Tu parles de Nail, mon lapin ? Demande mon interlocuteur en s’arrêtant avec un sourire, C’est ce cuistot de pacotille qui te fait peur ? Ne t’inquiète pas, je sais qu’en général, il préfère les proies beaucoup plus grasses que nous deux réunis, héhé ! De toute façon, maintenant tu dois me suivre ! Et si là où je vais ça ne te plait pas, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, et à tes petits plans ! Et tu ne pourras pas dire que je ne t’avais pas prévenue ♥ »
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Lun 6 Mar - 23:21 | |
| 1 + 1 = 3
Un plus un égal trois, ne crois pas ça risible Et depuis des années, c'était si prévisible! Je suis puissante, navrante, et surtout invisible La blonde et la bleuet me croyaient impossible.
Je suis née des caprices, j'ai grandis par tes vices Les jeux d'enfants tentants et les vagues de nos drames Ont rendu dépendant ce fragment de mon âme, Et ont tracé l'esquisse de mes cheveux de lys!
Je suis la frustration, je suis la déraison, Je suis le fruit tellement mur d'injustices et d'exations Je suis l'ombre de la peur, de la folie le coeur, Je suis le reflet si pur de ton mal et ta rancoeur.
On ne peut m'arrêter, c'est toi qui m'as créée L'ironie voudrait même que j'écrive "libérée" Mais ce qui me malmène, c'est que contre ton gré Le temps ait tout effacé et veuille même me sevrer.
Je dois m'épanouir, j'ai tellement à offrir Des diamants par milliers d'insouciance et de rire Les pointes de souffrances ne servent qu'à faire rugir Et à faire bondir nos loups sur les ruines d'un empire.
Et oui c'est moi, maintenant, la bombe à retardement! Si je continue à me contenir j'exploserai rapidement Et ma folie royale, forgée par ton arsenal Ne restera plus longtemps sans sa moitié capitale !!! | |
| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 9 Sep - 23:31 | |
| - Chapitre 31:
Je suis plus déterminée que jamais à régler la situation. Sauver mes Merveilles, les préserver, c’est tout ce qui compte. Aujourd’hui, je prends conscience que ce n’est pas une chose aisée. C’est une bataille mentale, une guerre d’idées au sein d’un monde pourtant cohérent. Un appel au sacrifice et à la transcendance. Quitte à déployer des ailes jusque-là jugée destructrices. Quitte à devenir extrêmement ferme, voire cruelle, c’est là la priorité pour garder l’autorité suprême sur ce lieu qui est mien. Je ne les laisserai pas tomber. Je ne les abandonnerai pas, même dans les moments les plus sombres.
Même lorsque les nuages sanglants couvriront le ciel, et que l’espoir semblera vain. Même quand les ouragans se lèveront, et que l’espoir semblera n’être qu’un lointain souvenir. Il restera toujours en moi quelque chose qui m’aidera à relever la tête. Une sorte d’étincelle. Une rage inconditionnelle, une envie d’être moi-même venue du fond de mes entrailles, un besoin naturel au parfum d’instinct de survie. C’est comme une musique incontrôlable, un rugissement de ferraille, le sanglot des essieux accompagnant le furieux train de ma passion, et de tout ce qui me plait et me fait vibrer.
FMW. Glace, sang et cendre. Enfant du silence, de la souffrance, de l’absence. Rayon de soleil dans la nuit, reflet de cristal plus raisonnant qu’un vol d’hirondelle. Un reflet éclat d’insolence et d’insouciance immature, indispensable à la survie de l’âme et de la beauté de ce monde.
Je trace ma descente dans les escaliers ressassant, continuellement ces pensées puissante qui parviennent à me donner du courage et du sens. J’ai compris que j’étais la maitresse de ma réussite, et parce que je le souhaitais, mes ennemis ne pourraient jamais rien contre moi. Je vais dégager ma route vers mon idéal, reconstruire mes châteaux, permettre à mes princes de revivre des leurs aventures rocambolesques et magnifiques.
Alors que nous arrivons aux dernières marches, je discerne la porte, me souvenant que celle-ci donne sur un couloir férocement gardé. Discrète, je lève deux doigts, espérant ainsi faire comprendre à Moon que nos premiers adversaire seront au nombre de deux. Un premier duel équitable, quel honneur ! Mon partenaire me regarde d’un air interloqué lorsque je touche du doigt le mur de chaque côté de la porte, signalant ainsi la position des gardes. Mais je crois qu’il a compris ! Il sourit d’un air enfantin, ses yeux se changeant en croissant de Lune étincelants. Il minaude « côté de la main qui trucide le moins » avant de, sans prévenir, défoncer la porte d’un violent coup de pied.
Le choc est si rude qu’il me fait sursauter. Heureusement que le Prince de Sang n’a pas envoyé son pied qui était relié au mien, car j’aurai eu vite fait de décoller. La chaîne nous retenant n’est pas minuscule, mais elle ne nous autorise pas plus d’un mètre vingt de distance, et ce lorsque nos pieds sont bien sagement fixés au sol. Le bois de la porte a heurté l’un des gardes de plein fouet, lui arrachant un cri de douleur. Le second aurait sans doute apprécié plus de temps pour réagir, mais Moon a été plus rapide, et d’un habile mouvement du bras, a projeter son crâne contre le mur sur lequel il s’appuyait, l’assommant à moitié.
Les deux hommes sont sonnés, mais visiblement pas assez. Pas besoin de me faire un dessin pour comprendre qu'il faut les mettre hors d’état de nuire plus durablement, et vite. Le monarque sanglant, satisfait, prend quelques secondes pour jauger les deux bandits et choisir ainsi lequel aurait l’honneur de devenir sa future victime. Après quelques mouvements de tête, il semble décidé :
"Je prends le gros!!" s’exclame-t-il avec un enthousiasme débordant avant de se jeter sur le criminel aux boucles dorées à qui il venait d’essayer de défoncer la caboche une première fois.
Je n’ai pas le temps d’entendre le malheureux crier ! Ne me laissant que de maigres secondes pour réagir, je me secoue et me penche sur l'autre homme gisant au sol. Il saigne aussi sur le devant du crâne et ses mouvements sont balbutiants. Ma tâche devrait être plus simple, même si cela n'enlève strictement rien à sa pénibilité. M'empêchant de remettre en question quant à ce que je suis en train de faire, mes mains commencent à relever le buste de ma victime avant de s'enrouler autour de son cou, verrouillant ce dernier d'une solide clé. Un bras sur sa glotte et l'autre sur sa nuque, je commence à effectuer une pression. Mon démarrage timide est aussi efficace qu'un câlin, je le sens, malheureusement. Je me motive pour passer à l'étape supérieure, supporter de sentir la pomme d'adam faire pression sur la trachée. Il gargouille, commence à se débattre, d'abord faiblement, puis avec plus de vigueur même s'il ne peut pas faire grand-chose, ainsi maintenu. Je peux m'empêcher de glisser quelque "chhhh..." à son oreille, pensant peut être pouvoir l'attendrir et lui faire comprendre que toute résistance est futile tout essayant de me prouver à moi même que je peux bel et bien réussir, et que ma détermination n’est plus une illusion. C'est moins instinctif que durant mon combat contre Simili, ou les autres affrontements que j'ai déjà essuyé, car je dois agir ici de sang-froid. Etrangler un homme déjà à terre et si possible dans le calme n'a rien à voir avec les démonstrations de fureur vengeresse que j'ai déjà pu mettre en scène. Mais cela reste néanmoins exécutable. Je découvre ainsi une nouvelle facette de moi-même plus calme, plus froide. Mais peut être tout aussi dangereuse, d’une certaine manière. C’est comme si la bête sauvage en permanence sur la défensive avait partageait maintenant la place avec un félin chasseur plus calculateur, plus patient. Plus expérimenté.
Moony s'est déjà désintéressé de sa proie, à qui il a visiblement très rapidement réglé le compte. Cachée derrière la tête de mon adversaire qui suffoque, je m'efforce de ne pas croiser son regard, probablement moqueur et condescendant. Je continue à serrer brutalement mon emprise ainsi que ma machoire.
"Dis donc, Emichou, tu es en train de te faire un nouvel ami?"
"Ferme-la, Moony c'est pas le moment." Sifflais-je dans un ultime effort, les mots s'échappant tous seuls.
Je relève le regard et affronte le Prince de Sang avec toute ma nouvelle détermination. Nous nous regardons un instant sans rien dire, un homme agonisant entre nous. La sueur commence à perler le long de mes tempes alors que je sens enfin ma victime s'affaisser. Je sais qu'il n'est pas mort, et que cet étranglement ne l'a pas tué. Pas encore. En vérité, il suffirait que je prolonge mon étreinte d'une nouvelle quinzaine de secondes pour que mon acte devienne mortel. Est-ce réellement nécessaire ? Peut-être vaut-il mieux y aller progressivement, pour commencer. Je desserre lentement mes bras pour constater avec satisfaction qu'il ne tente rien et qu'il a bel et bien sombré dans l'inconscience. Je sens encore battre doucement son pouls.
"Là, c'est bon... Il fait dodo maintenant."
Je jette le corps inconscient sur le côté avant de me relever en essayant de conserver un air digne, malgré excitation et l’angoisse du moment. Moon aussi se relève, et il a l’air d’humeur à me contrarier :
« Dodo ? Dodo !! Mais le travail n’est pas fini quand il s’arrête simplement au dodo ! Ce qu’il faut, c’est lui offrir les plus grandioses des cauchemars ! »
Je risque un œil vers la « performance » de mon interlocuteur sur la victime qu’il avait choisi. Bien sur, je m’attendais à du grand art dans les règles de Moon, mais j’avoue qu’il m’a une nouvelle fois surprise. Le bandit blond dont j’ignore le nom est couché sur le dos, les mains placées sur le ventre, paumes vers le haut. Dans leurs creux se trouve la mâchoire inférieure de leur propriétaire, arrachée manuellement – et pas tout à fait proprement – par quelqu’un qui avait visiblement très envie de se défouler ! J’arrive à dépasser le stade du dégout et de l’horreur pour finalement esquisser un faible sourire, ressentant de légers picotements aux commissures. Il sourit aussi. C’est de mauvais augure pour nos ennemis. Cela va saigner.
J’ai le sentiment que le Prince de Sang et moi arrivons à nous entendre sans prononcer le moindre mot. D’un mouvement, nous reprenons notre route vers notre objectif. A la cuisine, donc ! Nous nous voulons plus furtifs. Invisibles, nous traversons les couloirs sombres et les boudoirs silencieux. Un homme de la bande d’Hector croise notre route au détour d’un corridor, mais il n’aura jamais le temps de signaler notre présence, puisque d’un réflexe plus vif et brillant que la chaîne qui nous relis, Moon lui brise la nuque. Sa capacité destructrice me subjugue, à présent. A ses côtés, j’ai l’impression que rien ne pourra jamais me résister. Les obstacles qui auparavant me terrifiaient s’évanouissent en un battement de cils. J’ai l’impression d’être devenue ainsi une ombre destructrice, un ange de la mort. Pour une fois, la peur se trouve dans le camp adverse. Il fallait voir l’expression de détresse dans les yeux du pauvre pion que nous venons de faire tomber ! Je suis grisée par cette impression de puissance qui s’offre ainsi à moi, et je ne tremble plus à l’idée de retrouver Nail Bahn et lui faire ainsi payer son arrogance et sa cruauté ; j’ai même hâte, je crois. Je sens des frissons naître entre mes deux omoplates, de faibles picotements. Des ailes de jais commenceraient à me pousser dans le dos que cela ne m’étonnerait guère.
Nous ne rencontrons pas de nouvel incident sur notre parcours, et nous arrivons finalement devant l’escalier de la cuisine, là où se trouve notre prochaine proie, prête à être débusquée. Je reprends légèrement mes esprits, réalisant que l’affrontement est imminent. Mais Moon lui trépigne ! C’est vrai que cette salle représente beaucoup pour lui, en plus de tous les jouets qu’elle renferme. Les pupilles pétillantes, il passe devant moi presque en sautillant, manquant de me faire tomber en m’emmêlant avec la chaîne !
« Mon antre, mon repère, ma cachette secrète ! Mes amis, mes petits filous, comment avez-vous osé m’abandonner aussi longtemps ! Oh, je vous jure que ce n’était pas un divorce que j’ai approuvé ! Vous et moi allons reprendre notre histoire là où elle s’est arrêtée ! Il nous reste encore tellement d’angles à découvrir, tellement de plaies à approfondir, et… »
Il se retourne brusquement, m’agrippant par les épaules, l’air féroce. Je n’ai pas peur, mais je suis intriguée. Pensant qu’il veut seulement me préciser de façon turbulente à quel point ces retrouvailles sont importantes pour lui, je le laisse faire sans lui ordonner de me lâcher sur le champ.
« Oh, par contre, Emily-ly… Liiii. Eheheh… Nail est à moi, tu m’entends ? Rien qu’à moi. Alors pas touche. Je ne partage pas mes jouets, alors hors de question de partager mes jouets avec… Mes autres jouets. »
Je lève un sourcil interloquée. Pardon ?
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| | | Emily Admin
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| Sujet: Re: Ecrits d'Emily Sam 28 Oct - 22:23 | |
| - Emily II (1):
Ces temps étaient compliqués, depuis que j'avais retrouvé ma chère Londres.
J'avais pourtant retrouvé une certaine stabilité dans cette ville depuis la fin de l'été, après une période mouvementée de doutes, de crises et de fragilité. Mais cela était passé, je me sentais plus forte, et déterminée, à présent. Installée dans le quartier de Strand, je m'habituais peu à peu à ma nouvelle chance de retrouver goût à la vie. Et comme il me fallait bien la gagner un peu, cette nouvelle vie, je commençais par effectuer divers petits travaux me permettant de payer le loyer de la modeste mansarde qui me servait de repère dans cette fourmilière.
Mon travail le plus gratifiant du moment était celui de pianiste indépendante. Je me présentais à la tombée de la nuit à l'entrée d'un pub, espérant que le clavier soit libre, proposant mon âme musicale au tenancier après une rapide démonstration de jazz qui parvenait généralement à faire l'unanimité! Mais comme la condition l'imposait, je devais souvent rester discrète derrière mon instrument, ne pas me laisser aller à pousser la chansonnette et dissimuler mes longs cheveux car, je cite "les jeunes femmes ne sont pas sensée traîner dans les pubs jusqu'à très tard la nuit"! Allez donc dire cela à vos jolies danseuses de cabaret qui au même instant lèvent la jambe sous la lumière des projecteurs et votre regard satisfait. Ces paradoxes m'exaspèrent au plus haut point, mélange de mauvaise foi et de complaisance de pouvoir dans cette société qui a encore beaucoup à faire pour évoluer.
Néanmoins, à ce sujet, il y avait quelques détails qui me faisaient curieusement reprendre espoir en la place de la femme dans ce monde. Dans toutes les coupures de presse que je collectionnais au sujet de la lutte contre les activités criminelles, les figures feminines semblaient se tailler une place de moins en moins négligeable. Même si c'était difficile de le reconnaître, je ne pouvais contenir une certaine admiration pour ces femmes qui parvenaient à braver les préjugés et briser les brides de la société, se plaçant sur un pied d'égalité avec leur confrères masculins en terme de cruauté et de pouvoir. Qu'elles soient de modestes voleuses, lieutenants hautement gradées dans les mafias ou encore des sadiques psychopathes, les commissaires autant que les badauds semblaient les craindre au même degré que les hommes. Quel dommage qu'il n'y ait que dans le dommaine de la pègre que cette frontière semble décidée à s'effacer!
Mais, malgré l'austérité que je m'efforçais de garder derrière mon piano, cela arrivait qu'au cours de la soirée un curieux ayant un peu trop bu se mette à me dévisager. Et parfois, transportée dans mon univers par la musique qui s'échappait de mes doigts, je ne remarquais que très tardivement que l'un d'entre eux s'approchait sur le côté de mon instrument, ce qui avait pour effet de me faire sursauter et d'interrompre ma mélodie avec une fausse note. Un moment assez embarrassant, je dois l'admettre. J'avais la chance de ne jamais avoir été confrontée à des brutes vulgaires et insistantes, et cela était surement dû à mon choix de ne travailler que dans des bars à la réputation correcte, et d'éviter rigoureusement les quartiers malfamés. Je ne pense pas être une couarde, mais j'évite de prendre des risques gratuitement, la plupart du temps! Généralement, ces garçons mélomanes et bien élevés ne voulaient que m'offrir une bière, que je déclinais poliment malgré mon affection pour cette boisson. Bien que j'essayais de ne pas régulariser mes apparitions, je commençais à me faire une légère réputation dans un pub répondant au doux nom "Duke of Wellington". Le tenancier, un homme respectable dans la force de l'âge, et sa femme semblaient apprécier ma présence et avaient les moyens de m'offrir un salaire assez bon pour seulement deux ou trois soirs de musique par semaine. Ces soirées là étaient celles pendant lesquelles je me sentais la plus libre. La musique joyeuse raisonnait dans la pièce remplie d'exclamations, de chopes qui s'entrechoquent, et d'éclats de rire bienveillants. Cette ambiance me rappelait beaucoup celle que je connaissais dans les limbes que j'avais habité pendant un temps. Le monde ne semblait plus aussi menaçant qu'il l'était véritablement, entre l'ambiance chaleureuse de ces murs!
J'aurais aimé passer tous les soirs de la semaine au Duke, mais je ne pouvais malheureusement me le permettre. Depuis mon retour à Londres, je m'étais promis la plus grande prudence. Tout d'abord parce qu'il ne faisait aucun doute que c'était devenu un territoire de plus en plus risqué. Il se murmurait que la pègre commençait à prendre plus d'ampleur que jamais. Mais également à cause de ma particularité que je ne voulais plus risquer de dévoiler à qui que ce soit. Je savais que cela m'interdirait surement de tisser de nouvelles amitiés, mais de toute manière, je n'étais plus là pour cela. Toute mes interactions sociales restaient cordiales et souriantes, mais je plaçais sans rechigner un mur de verre entre mes interlocuteurs et moi pour ne jamais les laisser accéder à ma vie. Je ne répondais à aucune question personnelle, ou dans les cas extrêmes, me laissais aller à des mensonges glacials qui me surprenaient moi-même. Cela me heurtait parfois le cœur lorsque Rosa, la femme du patron du pub me demandait des nouvelles de la famille que je m'étais inventée pour me donner une contenance. Mais mon indifférence avait aussi une fois déclenché la colère d'un fils d'aristocrate pompeux, qui avait affirmé devant ses amis qu'il serait capable d'obtenir un rendez-vous avec moi. Cela c'était terminé avec mes phalanges sur son nez.
Mais finalement, cette vie d'ermite me correspondait parfaitement, et cela m'aidait à me concentrer sur mon seul objectif qui avait vraiment du sens, à savoir retrouver la seule personne que j'étais venue chercher ici.
Tous les soirs, après mon service qui se terminait tard dans la nuit, je disposais de quelques heures de promenades appréciables au clair de Lune. Je pouvais dès lors aller marcher dans les jardins du Temple puis vers Fleet street, ou parfois errer dans le marché désert de Covent Garden. Les nuits de Londres sont belles. Parfois traîtres, mais je ne m'étais que rarement sentie en insécurité totale. Mon quartier était sur, et je savais qu'il y avait toujours des policiers postés à certains endroits, j'avais mémorisé leur emplacement. L'un de mes passe-temps réguliers lorsque je n'enquêtais pas était de traverser plusieurs fois la Tamise, m'arrêtant au milieu d'un pont afin d'admirer le paysage qui s'offrait à moi. La ville et ses lumières, le ciel et ses étoiles, le fleuve et ses bateaux. Et moi, seule sur un pont vide qui dans mon esprit semblait s'effriter comme du verre. J'avais parfois l'impression que ce sursit de vie que je m'étais octroyée était piegé, couvert d'oeillères sombres qui parfois m'aveuglaient au point que je me perde complètement. J'en oubliais la raison de mon existance, son caractère pire qu'insensé. J'en venais à me considérer comme une anomalie, une erreur. J'en venais à me convaincre qu'une aberration n'avais pas sa place dans ce monde si organisé, si bien rangé et ordonné.
Et puis il y avait lui. Ou plutôt eux. Ma délicieuse obsession. Ma raison de continuer à vivre chaque nuit avec dans le coeur un souffle d'espoir. Ma seule source de grisance dans ce monde qui semblait ne plus tourner pour moi. Je l'avais su tout de suite, dès notre première rencontre que cette seconde parcelle de ma vie serait avec cet être, ou ne serait pas. Notre dernière entrevue datait d'il y a déjà plus de deux ans. Je ne sais plus exactement ce qui nous avait séparé. Une sorte de fatalité éprouvante, nous jetant l'un et l'autre d'un côté d'une barrière cruelle et brumeuse. Après un long temps d'hésitation, d'allers et retours incessants entre Londres et ses alentours, j'avais finalement pris la décision il y a quelques mois de me réinstaller durablement par ici, malgré les dangers et la tourmente.
Lorsque la nuit touchait à sa fin, je me redirigeais doucement vers Wellington afin de regagner ma tanière. L'aube était également le moment ou les vendeurs de journaux ouvraient leurs portes, leurs boutiques pleines des fraîches informations grace aux imprimeries qui avaient tourné toute la nuit. Grâce aux pourboires obtenus de mon labeurs, j'achetais toujours pour une dizaine de livres de gazettes et autres quotidiens. La presse! Cela restait l'un des meilleurs moyens de s'informer de la situation, surtout lorsqu'on avait l'habitude de passer ses journées enfermée à double tours! Jusqu'ici, j'avais toujours réussi à rentrer chez moi avant les premiers rayons du soleil, ce qui me satisfaisait grandement. Ce petit studio sous les combles d'un immeuble de Newcastle street m'était très rassurant. Je disposais d'une vue imprenable sur les toits de Londres, que je ne me laissait jamais de contempler derrière ma vitre. J'avais aménagé ce nouveau chez moi de manière assez sommaire, modérant ma coquetterie habituelle, favorisant l'organisation de mes notes et autres stratégies d'approches.
La décoration de la pièce principale donnait tout de suite le ton. A peine la porte d'entrée poussée, j'étais accueillie par un salon carré dont trois de ses murs étaient couverts au deux tiers par au moins une centaine de coupures de journaux. Chaque mur avait sa fonction précise. Le mur en face de la porte d'entrée était le mur F, celui sur la droite, le W, et enfin, celui dans mon dos était le M. Le mur de gauche comportait une grande fenêtre qui m'offrait la vue d'un oiseau sur son perchoir.
Le mur F était franchement le plus complet, et le mieux organisé, selon moi. J'y regroupais absolument tous les articles parlant, ou mentionnant seulement le nom de Full Saber. Ce n'était pas la plus compliquée des missions puisque le brillant inspecteur faisait régulièrement la une, et que les journalistes s'arrachaient ses interviews durant chacune de ses enquêtes. Même si je le connaissais bien, lire ses déclarations officielles m'amusait toujours, il semblait toujours décrire la plus périlleuse des missions comme une promenade de santée glorieuse! La modestie n'était pas son fort. J'avais également accordé une grande attention à la liste de ses nombreux adversaires, coffrés ou non, que j'avais soigneusement répertoriée et placardée sur un coté du mur, mémorisant régulièrement les faces et les noms dont je devrais me méfier.
Les murs suivants étaient arrangés, je dois l'admettre, de manière un peu plus chaotique. Sur le mur M qui encardrait la porte d'entrée, j'avais punaisé en vrac différents fait divers et rapports de meutres extrêmement violents. J'avais privilégié les massacres d'innocents, les tortures éloignées des méthodes de réglement de compte entre les gangs et les mafias locales. J'avais également reporté les disparitions suspectes et les rares témoins traumatisés à vie par l'apparation d'une ombre démente démembrant tout sur son passage. Même si je dois avouer que pour certains meurtres, j'avais des doutes quant à leur légitimité à se trouver sur ce mur, certains portaient indubitablement la signature spéciale de Moon. Qui d'autre aurait eu l'idée d'exécuter un psychiatre en essayant de lui faire avaler un exemplaire du traité sur la tolérance de Voltaire?
Et puis, il y avait le mur W. Les papiers le concernant se soulevait régulièrement, balayés par le souffle de la fenêtre qui leur faisait face. A l'instar de la partie de Moon, celle-ci ne regroupait que des articles qui ne mentionnaient aucun de nom. Juste une ombre, légère et discrète, qui ne laisse pas plus de trace qu'une absence de bijoux, une dispartion de tableau et parfois, un petit sourire sur un mur.
Je soupirais. Sous la fenêtre se trouvait un canapé sur lequel je passais beaucoup de temps, épluchant mes coupures de papier, triant les évènements, essayant de recouper certaines informations entre elles. Le climat politique actuel virait à l'orage, et l'insécurité grandissante était le thème abordé 7 jours sur 7. Je découvrais néanmoins dans l'une des pages d'une Times que la préoccupation première de Scotland Yard serait d'assurer la protection des habitants de Londres en organisant un recrutement pour former de nouveaux gardiens de la paix. Les apprentis seraient selectionnés et coachés par l'inspecteur Full Saber lui-même! Je souriais intérieurement. Peut-être avais-je enfin trouvé le moyen de renouer concrêtement nos liens après de nouvelles retrouvailles en bonne et dues formes!
- Emilly II (2):
Mon premier incident que je pourrais qualifier de grave était parvenu quelques jours plus tard.
J'étais dans un état d'esprit plutôt triste et contrarié. C'était folie d'avoir pu espérer un instant que je pourrais intégrer les forces de police londonienne. L'inscription demandait évidemment une montagne de papiers administratifs que je n'avais jamais possédé. Même si j'avais réussi à me procurer quelques papiers d'identités factices mais crédibles, l'état de crise actuelle exigeait des renseignements de plus en plus précis que je n'étais pas en mesure de leur donner avant longtemps. Et puis, il fallait bien se rendre à l'évidence qu'une telle démarche impliquerait ma présence dans un commissariat de police en pleine journée, ce qui était impossible. Je maudissais ma condition de morte vivante d'être aussi contraignante!
Je passais donc une partie de ma soirée à ruminer. Encore une fausse joie de pouvoir retrouver mon FMW. Moon et Walk étaient imprévisibles dans leurs déplacements et leurs occupations, Full était donc le seul qu'il était possible de tracer. Et encore, l'inspecteur ne se trouvait presque jamais dans son bureau de Scotland Yard dernièrement, préférant toujours se retrouver sur le front, à poursuivre plusieurs criminels en même temps. La dernière fois que je m'étais présentée au commissariat (dont je n'avais jamais pu dépasser l'acceuil, faute de pouvoir présenter des passes-droit garantissants que je ne faisait pas partie d'une bande de criminels - quelle ironie!), l'on m'avait renvoyé à la figure que l'inspecteur était indisponible et qu'il n'avait dernièrement plus de temps à accorder à ses "fans". Cela avait eu pour effet de me rendre presque hystérique et j'avais dû quitter le commissariat en vitesse avant de leur écraser leurs machines à écrire sur le crâne. Je me sentais fatiguée, et délaissée. Je n'osais tenter de me rendre dans le repère secret de Walk non plus. D'une part, cet endroit se situait derrière une barrière de quartiers malfamés qu'il faudrait traverser, et ensuite, je n'étais même pas certaine que sa cachette n'ait pas changé de place. Je ne savais pas quelle réaction je pourrais avoir si je me retrouvais dans cet endroit, désert de la moindre trace de sa présence.
Je décidais donc de tuer ma nuit pleine de mélancolie et de déception en osant faire un tour vers la ménagerie du zoo de Londres, du côté de Regents Park. Voir les animaux m'aiderait surement à me changer les idées, et cela me faisait plaisir d'aller passer un peu de temps en leur compagnie. J'avais donc passé la soirée à admirer des espèces sauvages venues des quatre coins du globe. Des kangourous sauteurs aux singes hurleurs, des gazelles, de grands oiseaux dont j'ignorais jusqu'à présent l'existence, ainsi qu'une vingtaine de serpents différents tous plus fascinants les uns des autres! J'avais passé un moment si intéressant que je ne m'étais pas rendue compte de l'heure tardive lorsque je quittais le parc.
La route du retour n'étais pas si longue, mais Londres pouvait très vite devenir un vrai dédale de nuit, pour qui n'était pas familier avec les rues. Alors que j'explorais certains recoins, cherchant mon chemin, ma montre indiquait déjà 3h du matin. C'était le calme plat dans la ville, tout le monde était sencé être au pays des rêves. Alors que j'arrivais dans une zone dégagée aux batiments plat, je compris que je m'était trompée de chemin. Je m'étais retrouvée au dépot féroviaire Nord. Mes pas m'avaient conduite beaucoup trop à l'Est! Sans trop me décourager malgré cette mauvaise nouvelle je continuais mon parcours, décidant de suivre une ligne de chemin de fer qui semblait aller dans la direction de Big Ben, que j'apercevais à présent au loin.
Mon périple se déroulait convenablement, jusqu'au moment où j'entendis des voix monter vers moi. Les individus étaient vraisemblablement des hommes, et devaient être deux ou trois, maximum, dissimulés entres plusieurs wagons. Je n'arrivais pas à discerner leur mots, mais j'étais presque certaines qu'il ne s'agissait d'employés responsables de l'entretien des voies. Complètement à découvert sur mes rails, je me sentis vulnérable, et décidais de courir m'abriter vers le bâtiment le plus proche de la zone. Les voix se rapprochaient, et je pouvais à présent entendre distinctement les mots "explosifs", "tunnel" et "piège". Je grinçais des dents, j'étais décidément tombée au mauvais endroit au mauvais moment. Mais si j'arrivais à limiter la casse, je pourrais rentrer en lieu sûre avec d'inédites informations. Je me dirigeais prudement vers le sud du dépot, longeant un canal. J'avais une longueur d'avance sur le groupe de terroristes, mais ils semblaient malheureusement prendre la même direction que moi!
Alors que j'étais proche de la sortie, je pris un raide tournant en suivant le mur d'un entrepôt. J'eu peine à retenir un cri de surprise. Je me retrouvai soudainement face à face avec une silhouette plus petite que moi, un peu voûtée et chétive. Je reconnu dans l'obscurité un visage d'un garçon de maximum 13 ans qui semblait à peu près aussi abasourdi que moi. Nous nous jaugeâmes sans bouger pendant une dizaine de secondes, puis, sans crier gare, il se mit à détaler à toute vitesse vers le portail donnant vers l'extérieur du dépôt! Le bruit de sa course ne manqua pas d'attirer l'attention des criminels. Je les entendis s'exclamer, jurer, et enfin répéter la phrase "Pas de témoins!". Je n'eu d'autre choix que de me lancer sur les pas du jeune fuyard. Nous sortîmes de la zones des entrepôts pour arriver dans une rue sombre et vraiment glauque. Après quelques mètres je hoquetais de surprise et de détresse. Ce n'était pas une rue, mais une impasse. La seule issue de ce traquenard était une grille de plus de deux mètres de haut, que le garçon avait péniblement commencé à escalader, aussi rapide qu'une fourmis engluée dans du miel. J'avais dès lors compris ce que je devais faire. Toujours en courant, j’atteignais la grille, puis saisi les mollets du jeune homme sans ménagement pour les pousser vers le haut. Cela eu pour effet de faire passer son ventre par dessus la porte, puis le reste de son corps suivi le mouvement à l'aide d'une pirouette maladroite. Il se retrouva donc par terre, mais de l'autre coté. En se relevant, il me gratifia d'un regard de lièvre apeuré qui ne semblait pas comprendre la situation. Je répondi à sa béatitude d'un ferme "Dégage." et il fila sans demander son reste. je fis volte face et marchais vers l'entrée de l'impasse, prête à encaisser ce qui allait se passer. Je me retrouvai soudain face à deux hommes à la carrure imposante. Le peu de lumière de la ruelle ne me lassa voir seulement le visage du plus proche, et de son flingue pointé vers moi. Il portait un long manteau noir bardé de boucles et de boutons qui lui donnait un style plutôt raffiné. Ses cheveux étaient gris comme la cendre et ses yeux vert comme l'émeraude. Je levai les mains par réflexe, et avant même que je puisse ouvrir la bouche, l'homme armé déclara :
"Désolé que ce soit toi, beauté. Mais le boss a dit pas de témoins."
Ce fut la dernière chose que j'entendis avant la grande détonation.
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Lorsque je repris conscience, ma première pensée fut d'espérer que le garçon n'ait pas été retrouvé et qu'il avait réussir à s'enfuir. Histoire de ne pas avoir pris cette balle pour rien. Je n'avais pas eu le temps de souffrir, car le choc et l'effet dévastateur du tir avait éteint ma conscience sur le coup, mais tout de même, je savais que tout cela m'avais mise en mauvaise posture. J'étais allongée sur le côté, dans une flaque de sang, et mes cheveux recouvraient mon visage. J'étais visiblement toujours dans cette maudite ruelle, mais bien qu'il n'y eut aucun bruit, je sentais que l'on s'affairait autour de moi. J'ouvris plus grand les yeux et tournais légèrement la tête. Dans ma position, je ne pouvais apercevoir qu'une silhouette, plutôt féminine, penchée sur moi, visiblement affairée à fouiller les poches de mon manteau. Agacée par ce manque de respect flagrant, je ne pu m'empêcher de la calmer dans ses ardeurs et lâchais péniblement :
"Tu cherches quelque chose en particulier?"
"Putain!!! Mais qu'est ce q...!!!" Elle avait bondit en prononçant ces mots "... T'es... T'es pas morte??!!"
Je ne pu m'empêcher de me rouler sur le dos et d'éclater de rire en l'entendant prononcer cette phrase, tandis que ma voleuse reculait contre le mur, horrifiée! Je riais nerveusement, car en fait, je ne savais plus trop quoi inventer pour me sortir de ce mauvais pas. Je m'étais prise en balle en pleine tête, et je sentais encore la présence du bout de ferraille logé dans mon crâne. Mon front avait dû être salement ravagé, pas étonnant qu'elle soit surprise de me voir bouger à nouveau! Je ne pouvais pas prétexter m'être simplement évanouie à cause d'une blessure superficielle. Je me redressais pour jeter un vague regard à mes mains, déjà recouverte d'un hâle bleuté, tout comme la mèche de cheveux qui passait devant mes yeux. Merde. J'espèrais que le jour n'était pas trop avancé. Mais à en juger par la luminosité ambiante, il devait être aux alentour de 7h du matin. J'avais eu de la chance que cette ruelle soit peu fréquentée, sinon, c'est dans une morgue que j'aurai pu me réveiller!
D'un geste anodin, je retirais mon œil gauche afin d'enfoncer ma main dans mon orbite, pour récupérer cette balle que je sentais vaguement dans un coin de ma tête, comme une petite pensée têtue. J'avais appris à faire très attention à ce genre de blessure : si la présence d'une balle ou d'une lame dans mon corps pouvait être négligeable pendant la journée, dès la première minute de la nuit, cela pouvait créer un chaos absolu lorsque je recouvrais tous mes sens et que devenais vulnérable, pouvant empêcher certains organes de fonctionner de nouveau, me conduisant ainsi à une agonie détestable, et dans les cas extrêmes à une seconde mort. Cela m'était déjà arrivé lorsque je m'étais brisée le cou pendant la journée après une mauvaise chute. Je ne m'en étais rendue compte qu'une fois la nuit tombée, durant laquelle je m'étais brutalement retrouvée paralysée, car j'avais oublié de replacer correctement mes vertèbres. J'en avais pleuré de détresse jusqu'au levé du jour suivant, incapable de bouger autre chose que mes paupières. Je chassais ce souvenir traumatisant en même temps que je chassais l'éclat de métal de mes méninges. Au moins une bonne chose de faite! Je risquais un œil vers la jeune femme qui me tenait compagnie, toujours plaquée contre son mur de pierre, comme tétanisée, me fixant et tremblant des lèvres. Ce devait être une mendiante, aux vues de ses habits crasseux et de son hygiène douteuse. Elle me faisait un peu de peine car elle semblait assez jeune, mais ses traits étaient déjà indubitablement fatigués. A part elle, la rue était complètement dénuée de toute présence.
"Je suis désolée, je ne voulais pas te faire peur. On n'aura qu'à dire que tu as pris une sacrée cuite hier, pas vrai?" Déclarais-je en souriant.
Je remarquais soudain que son poing qu'elle serait sur sa poitrine tenait en fait un petit chapelet décoré d'une croix, et que ce qu'elle murmurait depuis tout à l'heure était certainement des prières à je ne sais quel dieu pour la rassurer. Cela m’interpella. Pendant un court instant, je me réussi à me projeter dans son regard terrifié pour me voir face à quelque chose de démoniaque. Je prenais rarement conscience de mon potentiel maléfique, même si ma constitution toute entière de cadavre se relevant de terre hurlait que je l'étais. Mais pourtant, je n'éprouvais aucune envie de faire du mal à cette personne, ni même à toutes celles qui nous entouraient. La seule chose que je voulais vraiment, c'était rentrer chez moi pour jouer du piano et guetter les toits de Londres. Aucune volonté d'anéantir la race humaine, d'asservir le monde ou de terroriser ma victime ne me saisissait aux tripes pour le moment. C'est à peine si je voulais me venger personnellement des deux abrutis qui m'avaient plombé la cervelle il y a quelques heures. J'avais réussi à éviter le gaspillage d'une jeune vie, cela me suffisait.
Je me rapprochais doucement de la jeune femme tremblotante, levant les mains en l'air, signe universel de bienveillance et de non-agressivité. J'avais envie qu'elle cesse de paniquer, et qu'elle comprenne que je ne lui voulais aucun mal, mais seulement récupérer les bijoux qu'elle m'avait volés. Je les voyais dépasser de sa poche. Le pendentif m'avait été offert par Moon, et la bague était un cadeau de Walk. De plus, ces objets étaient la seule preuve tangible que ce qu'elle avait vécu était vrai. Et je ne supporterai pas de me faire dépouiller une seconde fois après que l'on m'ait laissé pour morte. Ensuite, je pourrais disparaître et ne rester qu'un mauvais rêve, dont elle même aurait du mal à se convaincre de son authenticité. Je m'agenouillais à son niveau :
"Excuse-moi, mais je crois tu as pris des choses qui m'appartiennent. Et il faudrait que tu me les rendes, maintenant."
La fille ne sembla même pas faire attention à mes mots, et se mit elle-même à s'époumoner dans la ruelle, brandissant sa chaîne qu'elle croyait sacrée :
"N'approche pas, démone!! JAKE!! Au secours!!
Je compris que la manière douce ne servirait à rien. Je me jetais alors sur elle afin de récupérer mes précieux biens. Elle commença à hurler et à se débattre, mais je me fichais bien de ses coups. Par contre, ses cris allaient finir par rameuter tout le quartier, et cela commençait à me faire sérieusement paniquer. Et si ce fameux Jake arrivait pour la conforter dans son délire, ce ne serait pas mieux! Alors que je venais de péniblement récupérer mes trésors, un grand flash blanc vint brutalement m'aveugler en contrastant avec les ténèbres qui habillaient la ruelle. Je plaçais par reflexe mes mains devant mes yeux, étourie par le choc visuel! Lorsque je pu retrouver une vision correcte au bout de quelques secondes, j'aperçu un homme s'avancer dans la ruelle, un outils cubique dans les mains. Un de ces nouveaux modèles Kodak dont tout le monde parlait. Avec un dispositif de flash portatif. D'un réflexe rapide, je me propulsais loin de la femme hurlante tout en jetant une poignée de gravillon vers l'homme, tout en commençant à détaler loin d'ici, malgré les badauds qui avaient commencé à se rassembler. Je remontais le col de ma veste sur mon visage, dissimulais ma main osseuse sous mon manteau et continuait à courir de plus belle. Tout s'était enchaîné si vite que j'avais à peine eu le temps de me rendre compte de ce qu'il venait de se passer. Cette nuit et cette matinée étaient décidément un fiasco total.
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