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 Retrouvailles ferroviaires (Emily)

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Yume

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MessageSujet: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyVen 5 Jan - 22:25

Le soleil venait de se coucher, donnant à cette fin d'hiver un air lugubre que j'avais un jour apprécié. Il pleuvait à torrent.

Je soupirai, regardant le rideau compact se formant au delà du perron. Mettre les pieds dehors provoquait chez moi une appréhension semblable à des souvenirs presque effacés. L'enveloppe coincée dans mon manteau me procurait une chaleur réconfortante.
Mon cœur, pourtant, se serra soudainement. Cela faisait déjà trois mois que c'était arrivé.
Trois mois cloîtrée dans ces murs dont je n'avais pas une seule fois songé m'évader; Trois mois à me détester, à alterner mon temps entre pleurer toutes les larmes de mon corps et à boire toute l'eau que je pouvais pour ne pas mourir desséchée.

Mes entrevues avec Emily étaient bien la seule chose qui m'avait manqué de l'extérieur : c'était d'ailleurs cela qui me poussait à m'y aventurer de nouveau aujourd'hui. J'avais reçu un très court message dans l'après midi, me demandant de la rejoindre à la gare, bien évidemment, après le coucher du soleil. Je commençai à me faire un chemin à travers la pluie battante, toujours aussi pensive. Je n'avais eu aucune nouvelle de sa part durant ces derniers mois, tout comme elle n'avait eu aucune des miennes; Ce n'était pas une raison pour laquelle nous nous fâchions. J'imaginais qu'elle avait supposé que j'étais occupée, ou qu'elle l'était trop elle même pour s'en soucier.

D'ordinaire, nous nous retrouvions comme si nous nous étions vues la veille et rattrapions naturellement le temps perdu, tout en poursuivant nos petites enquêtes. Nous passions des soirées dehors, chez moi, et parfois même dans son petit appartement, même si ce ne fut qu'une fois.
Mais à présent, j'avais peur que quelque chose change. Il y avait une différence à toutes ces autres fois. Je n'avais jamais eu de problèmes. Toutes ces petites contrariétés qui par le passé m'avaient parues immenses n'étaient que poussières. Je devais me rendre à l'évidence: Dans mon état actuel, je me sentais incapable de répondre avec l’enthousiasme qui me caractérisait habituellement. Je me ressaisissais, tandis que j'accélérai le pas.

Et elle ? Avait elle eu des problèmes que j'avais toujours ignoré ? Ça ne m'étonnerait pas... Son sang froid pouvait être à une telle épreuve qu'elle l'aurait simplement caché, et aurait été égale à elle même... Je tentai de chasser ces pensées négatives. Si nous nous étions réunies, c'était pour toutes deux passer du bon temps. J’espérais simplement ne pas avoir le droit à un interrogatoire une fois arrivée.

C'était bien ma seule crainte pour ces retrouvailles. Car que répondre à cela ? Après notre rencontre, ni elle ni moi n'avions reparlé de nos histoires de cœur. Aucune de nous n'avait exprimé le souhait de ramener ce sujet dans nos conversations pourtant interminables. N'était ce pas ce dont les meilleures amies parlaient souvent d'ordinaire ? Qu'importe. Cela m'avait vraiment arrangée jusqu'ici. Comment lui raconter, tout d'un bloc, que j'avais, pendant plus d'un an, entretenu une relation ambiguë et protégé un individu que je savais avoir potentiellement du sang sur les mains ? C'était justement ce genre de comportements qu'elle et moi condamnions...  Voilà qui ferait de moi une parfaite hypocrite... Elle penserait sûrement bien moins de moi... Je ne voulais pas la décevoir. Je ne voulais pas perdre notre amitié.

Je voyais la gare d'Euston approcher au loin; Les fumées des locomotives s'échappaient vers le ciel gris. Mon estomac se nouait tandis que j'apercevais l'arc majestueux se dresser dans le léger brouillard qui s'était formé. La pluie s'était arrêtée.
 D'après sa missive, elle m'attendait sur le quai numéro deux. Avançant avec plus de réserve, j'essayais d'anticiper la situation. Nous nous rencontrions pour généralement deux raisons. Elle avait mis la main sur une information croustillante, quelque peu mystérieuse sur laquelle nous nous renseignerons par la suite, ou elle avait simplement envie de me revoir. En vue de ce lieu de rendez vous assez incongru, il est bien plus probable qu'elle ait de nouveau trouvé nouveau sujet d’investigation. Prenant une autre bouffée de courage, je m'engouffrai dans le bâtiment.

L'air s'était déjà réchauffé, le charbon chauffant de part et d'autre de la bâtisse. Malgré l'obscurité naissante, la gare ne se désemplissait pas: Couples et familles s'affairaient telles des petites fourmis pour ne pas se mettre en retard. Repérer Emily allait être plus ardu que ce que je ne croyais... Alors que je me frayais un chemin parmi ces gens, j'attrapai du regard mon reflet sur l'une des fenêtres givrées. J'ai connu des jours meilleurs. Les traces grisâtres sous mes yeux semblaient me supplier pour une bonne nuit de sommeil, et mes joues ayant perdu leur aspect rebondi témoignaient de quelques kilos perdus. Je soupirai et me détournai rapidement de cette distraction: Le quai numéro deux me faisait à présent face.

Je m'y engageai sans difficulté; Le train disparaissait déjà dans le brouillard. La lune apparaissait à travers le toit de verre, baignant les coins les plus reculés du bâtiment d'une pale lumière. Parmi les dernières présences quittant la plateforme, je l'aperçus, figée, faisant face aux rails. Je pris mon courage à deux mains et m'avançai rapidement, prenant un sourire que j'espérais convaincant:

"Emily, bonsoir ! Ça fait un petit moment..! Je suis heureuse de te voir! "


Je m'approchai, pour la prendre dans mes bras.

"J'imagine que tu m'as fait venir ici pour une raison, je me trompe ?"
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Emily
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptySam 6 Jan - 21:09

Je m'ennuie.
Je m'ennuiiiie.
Je. M'en. Nuie.

Avachie sur le canapé de mon appartement ravagé comme après une guerre mondiale, je soupire brusquement. Cela pour effet de surélever pendant un court instant le journal ouvert posé sur ma figure, ce dernier me servant de principal rempart contre la luminosité. Je songe que je devrais vraiment réparer mes volets, un jour, tout en laissant négligemment pendre l'un de mes bras. Je heurte avec une certaine surprise un morceau de porcelaine, avant de me souvenir qu'il est là depuis un moment parce que j'ai été prise d'une soudaine et fulgurante obsession pour la sculpture chaotique il y a une semaine. Ou peut être était-ce deux?

Je risque un œil derrière mon journal. Les murs de ma pièces peuvent paraître intacts, mais c'est si l'on pose un regard vers le sol que le drame est présent. Des objets brisés de toutes sortes jonchent le parquet maculé de poussière. Des cadavres de tasses de porcelaine, de bouteilles parfum et d'alcool dont le contenu s'est répandu au sol. De vieilles et affreuses chaises récupérées chez la voisine du dessous qui n'en voulait plus, fracassées à mort au maillet pour en récupérer quelques fragments. Des morceaux de fils de fer rouillés et tordus dans l'optique de créer un semblant de structure sur lesquels empiler tous mes modestes trésors dans l'optique d'un résultat.
Résultat qui se traduit par la présence de deux pathétiques tourelles de bois et de feutres grossièrement échafaudées, garnies de nombreux débris de verres destinés à faire croire à la présence de jolis vitraux sur ces batiments. La totalité de ma création est définitivement un echec cuisant. Je voile à nouveau mes yeux de leur masque de papier jaunit.

Je devrais pourtant me décider à ranger tout cela, et laisser derrière moi cette tentative ratée. Mais après tout, rien ne presse, j'ai le temps. J'ai tout le temps. J'ai tout le temps tout le temps.

Une éternité de vide à combler. Des activités à trouver, les meilleurs passe-temps à me fabriquer. Pas trop tôt si possible, pas avec trop de gens s'il vous plait. Laissez moi loin de la foule, mais laissez moi quelques spectateurs. Admirez moi quand je bats des cils, mais surtout, tenez vous tranquille! Que l'on me parle, mais que l'on m'écoute! Donner moi les clefs pour mieux orchestrer le monde, mais que l'on découpe mon cerveau pour me mieux comprendre.


Ooooh, c'est le blues d'Emily.

Je sens que les idées stupides commencent à toquer à la porte de mon esprit! Peut être devrais-je commencer à tester la drogue. Je pourrais essayer, juste une fois, de me gaver d'anti-douleurs ou autre sérums magiques que l'on trouve chez l'apothicaire. Juste une nuit, pour tester. Pour une fois, voyager autre part que dans mon palais de souvenirs, mélanger les dates et les histoires, les prénoms et les visages. Tout recréer sous l'effet de la frénésie. Faire tricher les émotions, trouver de nouvelles obsessions soulevées d'encres colorées.
Et au matin, tout serait terminé. Mon corps délabré m'interdirait cet état d'extase pour la journée. Mais ce n'est pas grave, je n'aurais plus qu'une demi journée à patienter avant de pouvoir recommencer mon manège infernal!
Lorsque je serais lassée de connaître par cœur le secret des morphines, j'essayerais la cocaïne. Cette petite poudre blanche aux effets dévastateurs qui accélérera mon cerveau, et me donnera l'impression d'avoir cette intelligence supérieure, de dominer le monde, l'espace de quelques heures! Je pourrais sortir dehors un soir pour en acheter, devenir une cliente régulière, devenir moi-même, en fin de compte, narco-trafiquante...!

Je me redresse, en secouant brusquement la tête, manquant d'expulser l'un de mes globes oculaires au passage! Une fois les idées en place, j'esquisse un sourire sur mes lèvres. J'ai enfin trouvé la solution à mon ennui dévorant. Je vais me trouver un animal de compagnie.

Cette seule pensée bénie suffit à me donner la force de me relever. Je réalise soudainement que j'avais compté au moins trois ou quatre levers de Lune depuis que je languissais sur ce canapé. Marchant d'un pas cependant toujours las dans des débris de verre, de terre et de bois, je me dirige vers la porte d'entrée de mon modeste appartement. Je l'ouvre, ravie de constater que malgré un manque de régularité pour les récupérer, un petit tas de journaux plus ou moins récents m'attend sagement.

Je rentre à l'intérieur pour les feuilleter avec peu d'entrain. Il ne se passe jamais rien de palpitant à Londres pour le moment! Pas un seul cambriolage ou meurtre inexpliqué. Pas une seule source de divertissement. Une ville banale à une époque banale... Pour une femme banale! Diantre, je me mettrais presque à souhaiter des tremblements de terre, ou un tsunami arrivant de la Tamise.
Et comme pour me narguer, cet insaisissable Full fait la une de la gazette de mardi dernier, résolvant les affaires avant même qu'elles soient dévoilées publiquement. Alors que je m'apprêtait à découper l'article qui revenait sur sa brillante arrestation du phasme, il y a déjà plus de trois mois, je vis sur la photographie en noir et blanc quelque chose qui m'interpella grandement. Derrière tout les appareils photographiques et les bloc-note des journalistes en premier plan se trouvait Full. Et derrière Full se trouvaient un groupe de policier affairés à un autre cas. Et juste derrière l'un d'eux, un homme plutôt petit aux cheveux blond pailles étouffés sous une casquette, je reconnu un visage. Un visage qui n'avait rien à faire ici. Un visage juvénile à moitié dissimulé derrière l'ombre d'une casquette et des mèches folles.

Mon amie et petite protégée, Yume Wilson.

                                                     ---------------------------------

En ce soir pluvieux, je trépignais d'impatience et de nervosité. Je n'avais pas arrêté de fonctionner telle une pile electrique depuis hier, depuis que j'avais donner ce rendez-vous à Yume, immédiatement après l'avoir aperçue aux côtés de Full. Mes dents claquent et je tape du pied! Ah! 
Même si ce sera surement bref, déraisonnable et sans doute peu concluant, ce regain d’énergie et de vitalité me fait le plus grand bien. Et je m'apprête tout de même revoir une amie après des mois passés en ermite! Je suppose que mon aisance sociale va me revenir tout naturellement!

Errant sur les quais, me languissant de l'arrivé de ma petite Yume, je ne peux m'empêcher de faire les cent pas. Je me faufile, zigzagant entre les voyageurs, les bruits et les odeurs. Je croise beaucoup de valises et de gens pressés, de dégustations de beignet frits et... Oh! Un petit chien! Cet vision me fait agréablement penser à cette idée qui avait germé dans mon appartement, alors que j'avais entrepris de le ranger un peu. Avoir mon animal de compagnie ne pourrait que m'être bénéfique, c'est vrai! Avoir un joyeux compagnon fidèle, gambadant à mes côtés! Quelqu'un qui pourrait connaître mon secret et vivre avec sans porter le moindre jugement, et qui m'accompagnerait nuits et jours. Je songerais plutôt à un chat, qui conserverait une certaine indépendance, et qui pourrait se balader sur les toits de Londres sans que je sois obligée de l'accompagner. Quoique, ce doit être un endroit sympathique à explorer!
Un train arrive en gare. Je m'aperçois brièvement dans le reflet de ses vitres. La vitesse du véhicule entraîne avec lui un appel d'air violent qui fait s'envoler mes cheveux en bataille et ma robe grise, mais aussi les pans de mon grand manteau noir à col relevé. Cette machine incroyable est fascinante, joyaux de notre technologie actuelle, fantastique progrès pour permettre à l'homme de parcourir le monde! J'aime cet endroit.

Les voyageurs à bord descendent, d'autres remontent, puis le train repart à nouveau pour de lointaines contrées. Un jour, peut être, moi aussi je pourrais essayer de voyager une nouvelle fois. Retrouver mes racines, mon vieux village de campagne plein de saules et de pierres grises.  Cette pensée me rend mélancolique. Devant moi, je n'ai plus que les rails, et un vide innexplicable qui se creuse en moi. C'est le retour des idées folles. Elles sont brutales, imprévisibles. Et nombreuses, en ce moment. Le prochain train est annoncé pour dans 4 minutes. Un jour, je pourrais décider d'être égoïste. Je pourrais décider d'aller à la rencontre du train qui arriverait sur ces voies. Pour voir ce que cela fait. Pour connaitre le silence. Rien que quelques heures. Quelques heures sans ennui, ni tristesse. Juste quelques heu...

-"Emily, bonsoir! Ca fait un petit moment..! je suis heureuse de te voir!"

L'arrivée de Yume interrompt brutalement mes pensées "suicidaires", pour le meilleur, d'ailleurs! Je la remercie dans ma tête d'avoir interrompu ce sombre tourbillon, même si je ne laisse rien paraître d'un point de vue extérieur. Avant que je ne puisse clairement la regarder, elle me prend dans ses bras. Je reste si stoïquement sur le parvis de mes songes que j'en oublie presque de lui rendre son accolade, me rattrapant d'une etreinte chaleureuse.
Je prends ensuite un peu de distance, contemplant à nouveau son minois charmant. Elle grandit, cette petite! Si cela se trouve, un jour elle paraîtra plus âgée que moi. Toujours cette même mine friponne, néanmoins elle me semble plus éteinte que d'ordinaire. Peut être est-ce à cause de l'heure tardive à laquelle je l'ai convoquée.

-"J'imagine que tu m'as fait venir ici pour une raison, je me trompe?"

Je ne suis qu'à peine choquée par son enthousiasme atténué. J'avoue être aveuglée à toute sollicitude lorsque je pense aux milliards de question qui se bousculent sur mes lèvres. Je peine à toutes les refréner, à me maîtriser pour ne pas lui demander de me rendre des comptes ici et maintenant. Je suis peut être rustre et sauvage dans ces moments, mais ce n'est pas une excuse pour être violente avec ma seule amie.
Alors que je m'apprête à lui répondre, je suis interrompu par le cri du train qui vient nous rejoindre sur ce quais. Les portes s'ouvrent. C'est un train de nuit qui parcourt la ceinture de la ville, pour revenir à cette gare en un peu plus d'une heure. Une ligne assez prisée, mais à cette heure, cela m’étonnerait que nous n'ayons pas de tranquillité.

D'un regard et d'un sourire insistant, mais pressé, je l'invite à me suivre alors que je grimpe sur le marche pied, et commence à explorer le wagon à la recherche d'un compartiment vide. J'en découvre très vite un et m'y installe : quatre sièges en velours se font face autour d'une petite table en bois peu ouvragée. Je secoue un peu ma tête pour essaye de canaliser mes esprits, tout va beaucoup trop vite et mon excitation à l'idée d'un peu de nouveauté et d'opportunité ne se laisse que difficilement maîtriser. Je suis ainsi. Le feu en moi est étouffé depuis trop longtemps, et il bouillonne à la moindre occasion.
Alors que Yume s'installe doucement en face de moi, je commence à m'exprimer :

- "Tu sais, moi aussi je suis ravie de te revoir. J'espère que tu me pardonnera pour ces mois de silence, mais je t'avoue que je n'ai vraiment pas eu la tête à sortir, ces derniers temps..."

Je suis nerveuse, et j'espère que mon expression de folle ne se lit pas trop dans mes yeux. Je sais qu'elle doit se douter de ce que je vais lui dire. Yume n'est pas une idiote. Elle a déjà passé quelques heures dans mon appartement. Elle connait mon obsession pour Full. Même si elle n'a posé aucune question, surement par la plus pure des politesse, il est impossible que ce détail lui ait échappé. Elle avait dû comprendre que c'était important. Alors pourquoi n'a-t-elle même pas cherché à m'en parler, même plusieurs mois après? L'inspecteur lui aurait-il défendu de dire quoique ce soit?... Je ne tiens plus en place!! Tremblotante, je sors de ma poche la une du journal de mardi dernier et la lui met sous le nez. Le train démarre dans un bruit de vapeur, et le roulis des essieux commence doucement :

- "Mais Yume... Il faut que tu me dises... Bon sang, comment est-ce que tu t'es retrouvée à fréquenter Full Saber? Et pourquoi tu ne m'as rien dit??"

J'ai essayé d'être calme, de poser mes mots avec douceur. Mais je crois que ma fénésie, ma folie et ma passion ont repris le dessus.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyDim 7 Jan - 0:47

Je sentis le corps d'Emily tressauter à la seconde où je l'enlaçai; Elle semblait s'éveiller d'un rêve. Peut-être interrompais-je une intense réflexion de sa part ? Elle m'avait en effet parue absente quand je l'avais aperçue, le regard sur les rails. Je me pris à m'inquiéter. Ces derniers mois avaient peut-être été chez elle synonyme de mélancolie.. ? Ma peine n'était pas une raison pour devenir égoïste. Je me promettais aussitôt de faire mon possible pour l'aider, si elle avait le moindre problème.

Mon train de pensée tourmenté m'avait sûrement rendue paranoïaque: Je retrouvai bien vite l'étreinte réconfortante et protectrice de mon amie, chassant mes idées noires. Ce n'était peut-être qu'une absence sans sens. Elle m'avait bien plus manquée que je ne l'aurai pensé ! Nous nous décollâmes rapidement et nous contemplâmes mutuellement. Bien qu'elle n'ait pas vraiment changé, je remarquai immédiatement le feu qui consumait son regard. Ma prédiction était donc juste ! Elle avait mis le doigt sur quelque chose d'intéressant, je la sentais bouillir de l'intérieur.

Je ne pus m'empêcher de sourire, la voyant ainsi. Même si je n'avais pas la grande forme, j'étais heureuse de constater une tel enthousiasme de sa part, que j'espérais communicatif. La voilà métamorphosée en véritable boule d'énergie, me détrônant facilement du titre de reine des excitées. Amusant comme curieux. Qu'y avait il de si passionnant à raconter ? Je réfléchis un instant. Il s'était peut-être produit quelque chose d'extraordinaire durant mes trois mois cloîtrée au manoir, qui sait ? Dans ce cas, je comptais sur elle pour me tenir au parfum.

Quoiqu'il en était, je n'avais pas reçu la moindre remarque concernant mon air misérable. Je la savais pourtant assez honnête pour ne pas taire ce genre de détails; N'avait-elle donc rien remarqué...? L'idée que de n'être pas aussi abîmée que dans mes pensées m'aurait parue agréable, mais il était malheureusement certain qu'il ne s'agissait que cette information secrète l'occupant suffisamment, la rendant moins attentive. Je n'allais pas m'en offusquer ! Je me réjouissais même de cette convenance, pouvant ainsi éviter une inquiétude laissée sans réponse.

Sur le point de répondre à ma nouvelle curiosité, Emily fut brusquement interrompue par la plainte aiguë du train qui approchait notre position, commençant à ralentir. Je me bouchais immédiatement les oreilles. Le bruit me paraissait insupportable. Mes tympans, à présent accommodés au silence lugubre du manoir isolé semblaient s'embraser à l'entente d'un bruit autrefois familier. Il me fallait apprivoiser de nouveau la vie citadine... Mon amie s'était déjà retournée, pendant que les portes s'ouvraient devant nous.

Je compris alors aussitôt la raison de notre entrevue sur ce quai; D'un regard pressé, elle m'invita à monter en sa compagnie. Je quittai la plateforme avec une réticence qui me surprit. A quoi m'attendais-je ? Le déroulement des événements était parfaitement naturel. Pourtant, quitter la ville que je venais à peine de retrouver avait déclenché une légère crainte dont je n'étais pas fière. Je la laissais passer devant et regardai rapidement notre destination: Je me détendis quelque peu. Le train nocturne ne faisait que le tour de la capitale, et revenait en gare pour s'y garer. Je soupirai en rattrapant Emily. Je devrais lui faire un peu plus confiance...

Nous trouvâmes rapidement un compartiment vide et nous installâmes; Je me laissais malgré moi tomber sur la banquette moelleuse, avant de me redresser, lui faisant face. Elle semblait être sur le point d'exploser, ce qui me fit presque rire. Depuis combien de temps tenait elle cette information, sans en parler à personne ? J'ouvris grand mes oreilles, et la laissa commencer:

- "Tu sais, moi aussi je suis ravie de te revoir. J'espère que tu me pardonnera pour ces mois de silence, mais je t'avoue que je n'ai vraiment pas eu la tête à sortir, ces derniers temps..."


Je tiquai: Voilà qui était surprenant, pour une telle énergie! Mes inquiétudes étaient donc finalement fondées... Elle avait bien eu des soucis... Cependant, je n'osai pas en demander davantage. Elle m'en parlerait si elle s'en sentait l'envie. Prendre précisément des nouvelles pourrait rapidement se retourner contre moi. J'annonçai simplement:

"-Ne t'en excuse pas, tu es là maintenant, non ? Et je n'ai pas pris de nouvelles non plus. Moi non plus, j'ai eu besoin... D'un temps de...repos."


Je pausais ma phrase, cherchant à éviter le mot de trop. De quoi me rendre légèrement suspecte, mais à présent, j'étais persuadée que ce ne serait un problème. Elle ne pouvait se contenir davantage. Je la laissais alors exploser, mon amusement grandissant.

- "Mais Yume... Il faut que tu me dises... Bon sang, comment est-ce que tu t'es retrouvée à fréquenter Full Saber? Et pourquoi tu ne m'as rien dit??"


"-..............................................Hein...?"


Quoi. Mais de quoiiii?! Je ne comprenais rien. Je laissas mon visage se décomposer de perplexité, reflétant ma panique intérieure. Le silence s'installa, alors que je tentais de faire fonctionner mes neurones à toute allure. Il me fallait d'abord décomposer la phrase. Tout serait peut-être plus clair par la suite. Dans cette phrase, que devais retenir...? Full Saber et fréquenter.

Le premier sujet ne me faisait rencontrer aucun problème: Je m'étais plutôt bien renseignée sur cet homme; Je l'admirais même, sans mentir. Mais n'était elle pas plus calée que moi ? Je me souvenais clairement des articles à son effigie recouvrant ses murs. Je n'avais pas osé aborder le sujet mais en avait déduit qu'elle le connaissait bien mieux que moi, pour développer un tel autel !

C'était ce verbe qui me bloquait. Fréquenter. Fréquenter, fréquenter, fréquenter... Je me remémorais son sens, pour m'assurer de l'avoir bien compris. Le silence s'éternisait alors que je pensais à un synonyme. "Entretenir une relation suivie avec un individu."
On pouvait en parler pour désigner une relation amicale, tout comme amoureuse... Bien que je ne pensais pas qu'elle le désignait pour un terme aussi intime. Quelle blague !

...........Quoique... Une crainte grandit alors en moi. Et si un journaliste avare avait inventé une histoire de toutes pièces ? On avait déjà tenté de faire tomber Charles-Henri en inventant des histoires de fraudes d'argent... Et en m'attribuant des affaires amoureuses, même si tout s'était rapidement tassé...
J'essayais de me calmer. Je ne voyais pas d'où la presse sortirait une telle information, sachant qu'on ne m'avait jamais vue en sa compagnie. J'extrapolais... Emily ne croyait sûrement pas à ce genre de bêtises. Je m'exprimais enfin, explosant à mon tour d'incompréhension. Rah, ne pourrais tu pas être un poil plus précise ?

"-Mais de quoi est ce que tu parles...? Désolée, mais je ne fréquente pas Full Saber !! Où est ce que tu as vu ça ? Un article douteux dans le journal ? Ou quelqu'un t'en as parlé ? C'est complètement faux. Ce n'était pas toi l'experte ? Je pensais que vous étiez proches, vu l'attention que tu lui portes..! Ne t'a t-il pas démenti la chose ?"


Respirant un bon coup, je jetai un regard à la mine déconfite de mon amie. Je me sentis mal pour elle. Quoiqu'elle ait pu imaginer, je la sentais déçue. Je repris mon calme: Elle méritait que je lui explique quelle était la situation.

"-Fréquenter est un bien grand mot ! Mais c'est vrai que je le...Connais. Si peu que même ce verbe me paraît trop. En vérité, je ne l'ai rencontré correctement qu'une fois... "


Je marquais une pause, mon moral s'illuminant d'un coup. Mais ! Voilà que venait mon moment de gloire.. ! Comment n'avais je pas pu lui raconter ? L’événement s'était déroulé avant que je voie son appartement mais... Serait elle fière de moi..?

"-Et je l'ai aidé à résoudre une enquête."


Je marquais de nouveau un arrêt, mais cette fois ci, afin de marquer le suspense. J'expliquai donc l'affaire.

"-C'était lors de l'une de mes escapades. J'avais suivi une affaire de meurtre au point mort dans une mercerie, et j'avais décidé d'y jeter un coup d'oeil... Oui, je suis rentrée par effraction... Mais je voulais aider ! De fil en aiguille, il m'a surprise sur les lieux. Je lui ai donc dit la vérité. Il n'avait pas l'air ravi, mais j'ai pu jeter un oeil et trouver un indice tellement... évident qu'il lui était passé sous le nez. Il m'a félicitée de ma contribution à l'affaire et... encouragée dans mes enquêtes avec certaines réserves. Je crois qu'il ne m'a pas prise complètement au sérieux parce que je suis une femme. De haut rang qui plus est. Il me voyait certainement plus mère au foyer que détective... Je l'ai vu dans ses yeux."


Plus à l'aise dans mon récit, j'étais prête à tout expliquer; Cependant, soudainement, je m'arrêtai.
Je ne faisais que parler depuis tout à l'heure... Non seulement conter mes aventures d'une traite pouvait être ardu à suivre... Mais quel moyen plus parfait existait-il pour souffler un mot de trop ? Je me tus. Il valait mieux y aller par étapes; Elle avait sûrement des questions.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyDim 7 Jan - 23:48

-"..............Hein...?"

Ah! Prise sur le fait de non-partage-d'information. Un crime presque à la hauteur de la haute trahison. J'imaginais pourtant que c'était cela que devaient faire les amies entre elles, se confier les informations précieuses et brillantes qu'elles récupéraient, en méticuleuses petites abeilles. Par exemple, si j'avais croisé son préposé aux fiançailles à une bar mitzvah, ou sa sœur cachée à une exposition d'un pseudo artiste spécialisé en mannequins réalistes, je serais cordialement allée lui en toucher deux mots autour d'une tasse de thé. Je ne crois pas être une commère, mais je prends plutôt cela pour de l'information à intérêt transversal. C'est à dire qu'il y avait un intérêt pour moi à l'entendre, et un intérêt pour elle à me le dire. C'est quelque chose de fort , qui demande un niveau de complicité virtuose, lorsque quelqu'un veut entendre quelque chose sans avoir à le demander. Vous me comprenez? Non, je regrette, je ne peux être plus claire!

Le tendre bruit du fer frottant les rails tend à faire frémir mes oreilles. Loués soient les inventeurs, les ingénieurs ayant passé des mois à élaborer une telle merveilles. La sophistication du transport à son apogée. Cette sensation grisante de voir le paysage défiler plus vite qu'à cheval. Les lumières de la ville qui se changent en petites étoiles filantes avant de disparaître loin, très loin de mon champ de vision. C'est une illusion doucereuse qui serait capable de me faire oublier la moindre de mes préoccupations en l'espace d'un instant. C'est d'ailleurs pour cela que les paroles suivantes de Yume provoquent un léger choc dans mon conduit auditif.

"-Mais de quoi est ce que tu parles...? Désolée, mais je ne fréquente pas Full Saber !! Où est ce que tu as vu ça ? Un article douteux dans le journal ? Ou quelqu'un t'en as parlé ? C'est complètement faux. Ce n'était pas toi l'experte ? Je pensais que vous étiez proches, vu l'attention que tu lui portes..! Ne t'a t-il pas démenti la chose ? Fréquenter est un bien grand mot !..."

Foutaises. "Fréquenter" est un mot comme un autre, avec ses privilèges et ses obligations! Faudrait-il qu'il soit considéré avec plus d'égard que ses voisins du dictionnaire? Finira-t-elle par penser que j'ai choisis ce mot dans l'idée féroce de l'induire en erreur et de l’affabuler? Quel fourvoiement! Je voulais simplement dire que, franchement, formidablement, fréquenter Full, même fugacement, n'implique en rien une façon facile de croire en une quelconque implication fentimen... Sentimentale, pardon! A quel niveau en suis-je arrivée pour commencer à avoir un cheveux sur la langue, ou plutôt l'esprit?
Bref, je vois là que j'ai été incomprise. Mon cervelet semble fonctionner à mille à l'heure, comme si la locomotive lui imprimait sa propre vitesse. Je m'apprête à rectifier la situation, mais je n'en ai finalement pas besoin, puisque Yume déclare solennellement :

-"Et je l'ai aidé à résoudre une enquête."

Ah tiens donc? C'est intéressant! Encore plus intéressant qu'elle se met à développer les circonstances de leur rencontre. Mes notes mentales s'activent sur le moindre détail d'une importance cruciale. Je crois que mon obsession est à son comble. La quête qui m'est imposée ces derniers temps résonne en moi comme un jeu, un défi, à relever. Yume est un indice, Yume est une piste! Ma boîte crânienne est devenue une véritable machine à écrire, dont les nouvelles données s'inscrivent avec fracas! Un fracas tellement grand que je ne m'entends plus penser! Silence! C'est à peine si j'entends la locomotive...!
Hum? Je me rends compte en un fraction de seconde que mes mains massent frénétiquement mes tempes alors que Yume termine sont récit. J'essaye de calmer un peu l'état d'excitation mentale dans lequel je me trouve actuelle pour en faire un petit bilan. Que je m'énerve de ne pas réussir à être calme dans cette situation.

Mercerie, meurtre, Miséricorde! Surement l'affaire du Croquemitaine Knapp de septembre dernier. Mais alors, c'est tout? Une simple rencontre sur un lieu d'enquête, un petit coup de pouce, et le tour était joué pour atteindre l'inaccessible inspecteur. Comment a-t-elle fait? Est-ce simplement une histoire de chance, de coïncidence? Bon endroit, bon moment?... Je me sens déçue. Je suis fatiguée de simplement parier sur le quartier où apparaîtra la prochaine scène de crime, chaque nuit ou je ne pianote pas. Cela ne peut continuer. Je vais sérieusement commencer à envisager de fricoter avec la pègre, si cela continue. Ou plus encore, je mettrai moins même Londres à feu et à sang si c'est le seul moyen de récupérer enfin leur attention!!!
Je lâche un soupire. Elle a réussi là où j'échoue depuis des mois. Je me sens misérable, en fin de compte. J'ai l'impression que malgré tout, ma volonté se bloque seule à un mur de verre. Je crois qu'au fond de moi, je suis paralysée par ce silence, par ce gouffre qui se creuse de jour en jour. Plus nos adieux s'éloignent dans le temps, plus je crains nos retrouvailles. Je préférai me prendre une balle dans le crâne plutôt qu'un soupçon d'indifférence de leur part. Je m'avachis sur mon siège, perdant quelques centimètres, et une partie de ma prestance habituelle.

-"Hmmpff... Je vois."

J'allais rester ainsi dans mes pensées, lorsque je me souvins à quel point mon usage du mot "fréquenter" avait perturbé Yume. Je pris donc la peine de me corriger à ce sujet afin de bannir toute trace d'inquiètude ou de malentendu.

-"Oh, et bien évidemment que par "fréquenter", je voulais plutôt dire "côtoyer" ou "rencontrer", si tu préfères. Je n'ai rien insinué, ni même envisagé quoique ce soit de sentimental entre vous, cela va de soit!"

Sacrée Yume, quand bien même elle eu l'occasion de découvrir un léger fragment de misogynie de Full Saber, elle ne pouvait pas se douter que toute sa force sentimentale n'est dévouée qu'à Londres et sa protection toute entière. Une dévotion rare qui n'a pas un seul égal connu à ce jour!
Sans pour autant me redresser, jouant avec le bout de papier entre mes doigts, je continue avec l'entrain d'une ronde de cendres surprisent par la pluie :

-"Bon, et bien je te remercie pour cela. Du coup, euh... Comment ça va? La forme?... je m'interromps en prenant conscience que je connais déjà la réponse à cette interrogation, étant donné l'inclinaison de ses sourcils abattus au dessus de ses yeux qui me regardaient depuis tout à l'heure. Oh. Oublie cette question, et considère plutôt que je viens de te demander quelles horribles mesures protocolaires Charles-Henri essaye encore de t'infliger!"

Décidément, il semblerait que j'ai un peu de mal à me remettre sur les rails d'un comportement parfaitement fluide et équilibré après cette cure de solitude et d'enquête qui me conduit tout droit sur le chemin de la folie.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyLun 8 Jan - 19:49

Alors que je relevais les yeux vers elle, je perçus un changement dans le regard qu'elle portait sur moi. Un changement qui ne me plaisait pas.

Je connaissais Emily depuis environ deux ans; Malgré les périodes semblables à celle que nous venions de traverser, nous nous étions suffisamment vues pour que j'en perde le compte. Et chaque fois qu'elle quittait le pas de ma porte ou qu'elle me tournait le dos au temps de nous séparer, je remerciais cette force qui m'était inconnue d'avoir mis une telle personne sur mon chemin, d'avoir la chance de m'en être fait une amie. Emily était vraiment exceptionnelle. Elle avait eu la patience d'écouter les plaintes interminables d'une misérable inconnue. La douceur de lui prendre la main lorsque les événements avaient tourné au vinaigre. Et surtout ! Ce petit grain de folie et de mystère qui la rendait si passionnante, alors que toutes les femmes de Londres semblaient les mêmes. Elle avait dans les yeux ce feu réconfortant comme provocateur, défiant quiconque d'essayer de s'y brûler.

Pourtant, en croisant son regard en cet instant, ce fut une bien autre lueur que j'y décelais. Une lueur douloureusement familière. Cette lueur étincelant les prunelles d'un père égoïste, que la jeune Yume avait pris pour une affection retrouvée... Qui cachait une toute autre sorte d’intérêt. Une gourmandise devant un objet précieux, un livre ouvert... Cette urge d'en aspirer toute sa connaissance, tout son profit, pour finalement le laisser prendre la poussière. Car à quoi donc sert un objet dont on a déjà tout pris ? Je ne pus m'empêcher d'enfoncer mes ongles dans le velours du fauteuil. Cet étrange désir que j'entrevoyais dans ses yeux gris... m'effrayait... Me blessait. Ce n'était qu'un instant. Mes propres démons me faisaient sûrement exagérer. Mais j'étais certaine d'une chose: Je ne pouvais pas l'avoir inventé.

Je baissais les yeux; Son soupira brisa le silence. Misère... Je faisais de mon mieux pour relativiser: Aucun mot n'avait encore été prononcé. Pourtant, ce simple échange ne faisait que mieux me rappeler l'épée de Damoclès qui frôlait ma jugulaire depuis ma naissance. Car après tout, j'avais bien raison. J'étais si chanceuse qu'Emily ait eu la bonté de me faire une place dans son univers mystérieux...  Combien de temps, cependant ? J'essayais de ne pas y penser, mais... Quand donc mettrait elle le doigt sur cette chose vicieuse qui m'accompagnait et que je ne pouvais voir  ? Il était possible qu'elle ait changé en trois mois. Je ne pouvais cependant rien en dire, ou extrapoler.

Mais existait la chose...

Enfouie au fond de mon coeur, je la savais bien logée. Quoi d'autre ? Le problème devait venir de moi ! Quoi d'autre ?! Mère, Père, Grand-mère, Tarrant, AK !! ...Emily ? Quoi d'autre, si une chose immonde en moi, pour que tout ceux à qui je tenais m'abandonnent un à un ?! Quoi d'autre..?!!

-"Hmmpff... Je vois."


Une voix fatiguée me sortit de mon cauchemar éveillé. Quelques secondes avaient suffi à me transformer en véritable furie. Je n'étais visiblement, pas aussi remise que je croyais l'être. Pourquoi me fallait il Emily comme prétexte ? J'étais venue ici pour me changer les idées, et je finissais par déferler toute ma peine sur un regard que j'avais inventé.

...Ou pas.

Emily ne méritait pas ça. Elle m'avait clairement énoncé qu'elle avait des problèmes. Je devrai m'en inquiéter, plutôt que d'essayer à tout prix de l'incriminer ! Il ne serait pas étonnant qu'elle me quitte après tout...

Peut-être n'aurai je pas du venir.

-"Oh, et bien évidemment que par "fréquenter", je voulais plutôt dire "côtoyer" ou "rencontrer", si tu préfères. Je n'ai rien insinué, ni même envisagé quoique ce soit de sentimental entre vous, cela va de soit!"


Je levai les yeux, surprise. Je ne me doutais pas qu'elle reviendrait sur le sujet...! En tout les cas, il y avait bien eu quiproquo. A quoi pensais je ? Emily me connaissait. Elle n'aurait pu pu avancer une telle théorie sans preuves, et savait que je lui aurai parlé d'une liaison qui ne m'aurait fait honte...

Avais je...honte d'AK? Trop compliqué. Hors sujet.

Quoiqu'il en était, l'entendre me rassurer ainsi, même brièvement me fit quelque bien; Je m'en voulais presque de ma précédente hystérie mentale. Je me réinstallais un peu mieux dans mon fauteuil, à présent fixée. J'avais encore quelques questions, et après cela... Si elle le voulait bien, j'essayerai de me frayer un chemin jusqu'à son cœur et l'aider à tenir avec un peu de sparadrap !

Je lui jetai un coup d’œil inquiet. Emily avait en effet l'air au bout du rouleau. Fatiguée. Découragée. Etait ce ma réponse qui l'avait déçue...? Son problème et Full Saber étaient ils liés, d'une manière ou d'une autre..? Je ne tarderai peut-être pas à le savoir. Malgré la force qui l'avait quittée, elle reprit la conversation, comme si rien ne se tramait... Même Charles-Henri en kilt sur un trapèze m'aurait paru plus crédible.

-"Bon, et bien je te remercie pour cela. Du coup, euh... Comment ça va? La forme?..."


Sa mine désespérée me fit presque entièrement pardonner le désintérêt complet de ma personne caché derrière cette question... Presque. Croisant mon regard, à son tour, elle grinça des dents. Raté, en effet.

-"Oh. Oublie cette question, et considère plutôt que je viens de te demander quelles horribles mesures protocolaires Charles-Henri essaye encore de t'infliger!"


.......................Haha.


Je ne pouvais pas t'en vouloir pour ce coup de poignard Emily. Tu ne savais pas.

C'était une question naturelle à poser. J'aurai soupiré de manière exaspérée et souris. Je t'aurai ensuite fait toute la liste avec un entrain révolté, exagérant même quelques détails pour me rendre un peu plus intéressante.

Mais maintenant, il n'y avait que les images.


Je soupirai. Je pourrai bien te mentir et enchaîner sur ce qui me paraissait important. Mais je ne voulais plus te raconter de sottises.

"-Ce que Charles-Henri a essayé de m'infliger...? "


Je souris, sûrement bien plus tristement que je ne l'aurai souhaité.

"-Rien du tout. En vérité, ces derniers mois, Charles-Henri et moi, nous ne sommes pas disputés une seule fois. Il a été gentil, prévenant. Disponible quand j'avais besoin de lui. Je ne pourrai même pas chipoter; Il n'a été qu'un ange."


Il était bien la seule chose positive sortant de ce chaos. Mais oh combien avais-je du souffrir pour cela...! Pas une seule morale, un "je te l'avais bien dit" étouffant d'arrogance. Il avait été là alors que je ne pensais même pas avoir besoin de lui. Il avait supporté mes larmes, mes excès de colère.. Et mes quelques coups. J'avais été vraiment injuste avec lui. Tous les malheurs du monde n'étaient pas sa manigance.

Lui non plus, je ne le méritais pas. Et pourtant il était resté. Je savais bien son comportement exceptionnel conséquent des événements, mais j'espérais secrètement que rien ne change, et pouvoir pour toujours compter sur lui comme je le faisais actuellement.

"-Il m'a même laissée sortir sans problèmes, aussi tard. Je lui en suis très reconnaissante."


Pourquoi devais-je paraître aussi peinée alors que j'énonçais une nouvelle miraculeuse ? Pourquoi ne devais je revoir que cette absence.. Ce vide ? Les larmes commençaient à me monter aux yeux par réflexes; Je les balayai. Ce n'était pas à elle de régler un tel problème..

Il me fallait être forte comme toi, Emily.


...Et venir à ce qui m'intéressait. Je m'armais de force, et décidai d'enchaîner, avant de me faire couper, que le sujet soit loin. Je voulais l'aider.

"-Mais toi Emily... Tu ne m'as pas dit. Pourquoi cherches tu à trouver Full Saber...? Tu dois le connaître, pour en être aussi... intéressée. Tu n'es pas obligée de me dire, si tu n'en as pas envie...C'est peut-être un sujet sensible.. ! Mais si je peux t'aider en quoique ce soit... J'aimerai me rendre utile. "


J'avais conscience de marcher potentiellement sur une mine, malgré la délicatesse dont j'avais essayé de faire preuve. Mais c'était bien le seul moyen que je voyais pour y voir un peu plus clair.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyDim 14 Jan - 22:04

Le fait que Yume répète ma question me semble tout... Bizarre. "M'infliger". J'ai utilisé le verbe "infliger"? Cela sonnait mieux dans ma bouche. Je plisse les yeux jusqu'à les conserver clos une seconde ou deux, avant de regarder en l'air. En fait, il semble évident que c'est le verbe "imposer" que je voulais exprimer. Pourquoi est ce que je confonds tous les mots, ce soir? Ce doit être que mon esprit galope si sauvagement dans cette forêt d'idées que fatalement, il trébuche. Enragé.

Depuis quelques secondes, c'est un blizzard glacé que je ressens. C'est comme si mon enthousiasme dévastateur avait dû soudainement s'absenter de mon crâne, laissant le poste de contrôle totalement vide. Un blanc, une absence, une prise de conscience. Appelez cela comme vous voulez, la perte d'une telle intensité est rarement sans certaines conséquences. Une sorte de retour dans une réalité à la vision raisonnée, linéaire et un point de vue avec un recul prévisible qui trouve la situation... Pathétique??!
Comment je suis pathétique?? Qui a dit cela?! Qui a osé le penser?! Je chasse cette idée de mon esprit instantanément. Le pathétique est un fléau qui s'applique de manière consentie. Tant que je n'accepterai pas de l'être, je ne le serai pas, c'est aussi simple que cela.

Je veux retrouver mes pensées vibrantes, les questions insolentes. je veux, je me concentre, j'essaye de redémarrer la machine. Voilà, c'est en route. Je peux presque entendre mon cœur ronronner à nouveau. Penser fun. Pensées décontractées. Ne penser à aucune conséquence, si ce n'est que de rendre l'instant présent plus beau, et plus intéressant encore. Et cet instant, je dois maintenant le consacrer à Yume! Hurry Yume! Raconte moi tout.


"-Rien du tout. En vérité, ces derniers mois, Charles-Henri et moi, nous ne sommes pas disputés une seule fois. Il a été gentil, prévenant. Disponible quand j'avais besoin de lui. Je ne pourrai même pas chipoter; Il n'a été qu'un ange. Il m'a même laissée sortir sans problèmes, aussi tard. Je lui en suis très reconnaissante."

Oh, mais c'est merveilleux! En fait, tout le monde peut changer d'avis et de comportement, même Charles-Henri! Son évolution me plait. Il compris que garder Yume sous cloche n'était pas très sain pour lui, comme pour elle! L'espoir est là, l'espoir est sauf! Et mon amie semble avoir elle-même évolué également, en reconnaissant que son fiancé n'était pas qu'un bourreau sans cœur, mais aussi un être délicat est attentionné! C'est ce qui s'appelle grandir, je crois, et je me rappelle à quel point c'est démesurément utile, et parfois beau. Mais ne vous méprenez pas! Je ne parle pas en méprisant ce qu'est grandir! Je sais ce que c'est, que cela implique d'être responsable et sensée. Seulement, je crois que lorsque l'éternité vous tend les bras et que personne d'autre ne vous prend la main, cela ne devient plus vraiment la priorité.

Je souris, sincèrement contente pour Yume, en plaçant mon menton dans la paume de l'une de mes mains, accoudée sur la petit table. Je me demande même pourquoi elle n'a pas déclamé ses dernières phrases avec plus d'entrain! C'est plutôt une sacrée bonne nouvelle! Mais il faut croire que ce n'est plus cela, le sens de son obsession. Ou alors est-ce justement cela le problème? A présent que tout est plus facile, elle s’ennuie, et finit même peut être par regretter le Charles-Henri jaloux et beaucoup trop possessif qu'il était avant! Comme je la comprends.

"-Mais toi Emily... Tu ne m'as pas dit. Pourquoi cherches tu à trouver Full Saber...? Tu dois le connaître, pour en être aussi... intéressée. Tu n'es pas obligée de me dire, si tu n'en as pas envie...C'est peut-être un sujet sensible.. ! Mais si je peux t'aider en quoique ce soit... J'aimerai me rendre utile. "

Je ne fis pas varier mon expression d'un pouce pendant qu'elle parlait. Alors que dans mon esprit, cette innocente question eu l'impact délicat d'une détonation de poudre à canon. C'est comme si je pouvais mettre l'univers sur pause, et sentir mes neurones s'enflammer, puis exploser un à un, dans un effet de ralenti mesuré.
Je n'ai pas d'ami. En tout cas, personne que je considère en tant que tel à présent. Toutes mes fréquentations et connaissances avancées sont parties de l'autre côté, ou alors m'ont abandonnée. A part toi, Yume. Et cela me rassure un peu. Mais cela me fait culpabiliser également, parce qu'à toi, je ne pourrais pas mentir. Alors que j'ai pris l'habitude de rester enfermée dans mon monde chimères et de délires passionnées, je ne sais absolument pas si je suis prête à t'ouvrir ma porte. Et je n'ai pas besoin d'aide. Je n'ai jamais besoin d'aide.

Ce ne sont plus de simples fourmillements qui envahissent mon crâne à présent. C'est une véritable cacophonie! Je me reprends des morceaux de phrases dans la figure, des instants de détresses à peine dissimulés, la plupart du temps entièrement cachés dans un coin de mon crâne. Oh, tu es si sensible, Emily, tu es fragile comme un petit bouton de fleur gelé, qu'on aurait aucun mal à faire éclater en morceau sous le poids d'une femelle servante... Une semelle fervente, pardon.
Le monde s'écroule sous mes pieds. C'est si dur de me remettre en question sur ce point. Je sens que l'air devient difficilement respirable l'espace d'un instant, et je sais ce qui est en train de se passer. Depuis que Yume a posé sa question, il ne s'est pas écoulé plus de cinq secondes, mais ce fut suffisant pour moi, et pour mon impulsivité. De l'air! Du calme.

Brusquement, je me relève, faisant choquer mes jambes contre la table centrale. Cette cabine est déjà devenue trop petite pour moi. J'étouffe. Les trains sont peut-être charmants, mais leurs pièces si confinées, si optimisées ont quelque chose d'oppressant. Je ressens le besoin de m'enfuir en courant. Qu'est ce qui ne tourne pas rond, ici? Certainement pas les roues du véhicule qui nous transportent dans une harmonie aussi factice que sensible. D'un mouvement chaotique, je parviens à atteindre le couloir de la voiture, désert de toute présence. Les fenêtres alignées en rangée m'offrent un panorama des plus divins sur la ville somnolente, mais je ne m'y attarde guère, et m'avance en reculant vers la queue du train. Nous étions dans le dernier wagon, je sais ce qui nous attend derrière cette ultime porte.
Avec une force démesurée, j'ouvre le battant qui ne me résiste pas le moins du monde et pivote avec fracas. Heureusement que personne ne se trouve derrière. Comme je l’espère, la plateforme arrière est vide et l'air glacial me fouette le visage avec une tendresse inespérée. Je respire un grand coup. Je me demande même si je ne vais pas crier. Finalement, je me contiens.

Yume m'a bien entendu suivie. A la fois intriguée et inquiète, je crois qu'elle attend sa réponse. Je donnerais n'importe quoi pour qu'en un claquement de doigt, elle oublie tout de ces cinq dernières minutes, et que je puisse rebondir sur une anecdotes amusantes qui n'ai rien à voir avec cela. Mais je ne peux pas fuir éternellement, autant aller droit au but. Et puis, je commence à prendre conscience que je suis en train d'en faire des tonnes, ce qui a le don de m'agacer encore plus contre moi-même. Accoudée à la barrière, je me mets à regarder la Lune.

"Ahah ! Je doute que tu puisses m'aider, Yume, même si c'est gentil de proposer. Mais honnêtement, vraiment, sincèrement, je suis un cas désespérée. Et pour ce qu'il se passe avec Full, et bien je dirais que c'est compliqué. Et encore, s'il n'y avait que Full...."

Finalement, c'est Moon qui avait raison. Je suis une vraie victime. Je jette un regard bref vers l'arrière, remarquant le vent d'est qui commence à jouer avec ses cheveux. Yume est couverte mais pas excessivement pour palier à la température actuelle. Même si je ne ressens aucun inconfort, je préfère m'assurer qu'elle ne va pas trouver l'endroit pénible :


"Pas trop froid?"


Dernière édition par Emily le Lun 15 Jan - 18:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyLun 15 Jan - 18:06

Emily ne frémit pas d'un cil à l'entente de cette question risquée. Son regard perçant, posé sur moi, paisible et clair m'inspirait des étendues pastelles n'existant qu'en peintures. J'esquissais un sourire rassuré. Mes inquiétudes étaient donc de nouveau infondées..! Ce n'était finalement, pas si étonnant; Si elle désirait à tout prix éviter une épine logée dans son cœur, aurait elle invitée une fouine dans son repaire, où tout l'exposait ? Amener abruptement le sujet pour n'attiser que davantage la curiosité semblait également exclu. Je me savais être son amie, mais Emily était une nature discrète, mystérieuse. C'était ainsi !
A y réfléchir davantage, je ne savais rien sur elle. Bien sûr, j'avais connaissance de son secret, sa malédiction. Mais me l'avait elle avoué de son plein gré ? Piégée, elle n'avait pas eu autre choix que de me le révéler, pour le meilleur comme pour le pire. Roulette Russe. Bang bang.

Sa famille ? Nada, mais sûrement morte. Ses autres fréquentations ? Rien à ma connaissance. Une tendre romance ? Pas un seul indice. Qu'est ce qui la retenait même à Londres ? Si j'étais immortelle, j'aurais parcouru le monde ! Je serai allée en France, aux Etats-Unis, en Chine ! ...Peut-être même aurai-je croisé je AK, grisonnant, époux et père, cloîtré dans une petite chaumière. Je l'aurai regardé dans les yeux avec condescendance et... Nous nous éloignions du chemin. Restons donc sur les rails, comme ce train paresseux.

Pourquoi donc rester dans une ville dont elle avait déjà fait le tour ? Il ne fallait pas se leurrer, ce n'était pas pour moi. ...Ou venait t-elle d'ailleurs ? Elle n'avait pourtant aucun accent étranger. Une pensée fulgurante qui me laissait perplexe. Chaque fois que nous posions pour discuter, nous ne parlions que de ma vie. Comme c'est égoïste. Je posais bien des questions bien sûr, mais elle ne me parlait que de ses lubies passagères. Peindre avec les orteils, Graver une planche d'écorce... Emily était une artiste. Elle avait du temps à tuer, durant la journée ! Pas de mentions au passé cependant. Pas une d'importance. Il était temps que je m'y intéresse, si c'était indolore. Ma question constituait un bon départ. J'avais hâte de découvrir ce qu'elle avait à me d...

Un bruit sourd accompagné d'une secousse me prit de court. Une seconde d'inattention qui m'étourdit.
Mon amie s'était levée d'un bond furieux, se cognant violemment contre la table devant nous. Un battement de cils, et son expression s'était métamorphosée; Ses prunelles précédemment reposées dégageaient un chaos intérieur, une confusion, une peur... Une douleur...?? Alors que je me levai rapidement à mon tour et ouvris la bouche, elle se jeta de tout son corps sur la porte coulissante. D'un geste désespéré et gauche, elle l'ouvrit et se propulsa à l'extérieur, comme si sa vie en dépendait.

"-Mais..Attends !!"

Mais qu'est ce qui se passait ??! Qu'est ce que j'avais dit ?!


Je repris ma respiration et sans réfléchir, m'élançai à sa poursuite. Tout en gardant sa silhouette grise et agile des yeux, j'accélérai pour ne pas me faire distancer.
Elle ne s'arrêtait pas !!

Cependant, nous étions dans un train; Elle ne pouvait aller bien loin. Arrivée au bout du wagon, elle claqua la porte menant à la plateforme et après quelques dernières foulées, arrêta sa course.

Je ne ralentis tout de même pas le pas, rejoignant ses côtés. Elle n'allait tout de même pas sauter ?!

Inquiète, je scrutai son visage crispé. Ma précédente question était ridicule. Je savais exactement ce que j'avais dit. Des mots qu'à présent, je regrettai amèrement d'avoir prononcé. Ce que j'avais naïvement nommé "question risquée." Une dynamite qui lui avait explosé à la figure. Elle n'était définitivement pas encore prête à s'ouvrir à moi.

La fraîcheur de l'air citadin sembla la soulager quelques peu. Mordant ma lèvre inférieure et tordant silencieusement mes doigts, je continuai d'analyser cette expression, qui était pourtant si difficile à contempler. Une douleur pure. Le voilà, le talon d'Achille d'Emily. Elle qui me semblait si supérieure aux tourments des mortels, je me trouvais de nouveau dans l'erreur. Même si je ne savais rien, j'avais la stupide impression de la comprendre. Ces trois mois de désespoir n'étaient qu'à une heure derrière moi. Mais ma découverte de cette douleur par un nouvel abandon pouvait il rivaliser, même une seconde, avec ce qui liait mon amie à Full Saber ? Je ne le saurai sûrement jamais.

Quelle pensée idiote ! La détresse n'est pas un concours.


Emily posa alors un instant ses yeux torturés sur moi, s'apercevant soudain de ma présence. Mon inquiétude devait être évidente. Qu'importe cette question stupide ! Je ne voulais pas que ma curiosité blesse ma meilleure amie. Alors qu'elle semblait se détendre, j'avais sans scrupules gratté une plaie profonde. Mais revenir dans le temps était impossible, je le savais bien.. Si ça avait été un jour possible, je ne serai même pas ici. Bien plus loin, égoïstement, je revivrai ces instants... De... de...

"Ahah ! Je doute que tu puisses m'aider, Yume, même si c'est gentil de proposer. Mais honnêtement, vraiment, sincèrement, je suis un cas désespérée. Et pour ce qu'il se passe avec Full, et bien je dirais que c'est compliqué. Et encore, s'il n'y avait que Full...."


Elle riait jaune, la tête dans l'axe de la lune. "Un cas désespéré"...? Malgré moi, ma curiosité et mon inquiétude ne firent que me ronger plus encore. "Compliqué"...? "S'il n'y avait que Full"...? Ces énigmes ne soulevaient que davantage de questions. Une telle douleur était bien synonyme d'amour. Emily et Full ? Bien qu'ils étaient tous deux de grands caractères, j'avais du mal à le voir. Le caractère bien trempé de mon amie s'opposait trop au caractère misogyne de l'inspecteur... Et elle avait mentionné d'autres personnes... Je ne la pensais pas polyamoureuse !

Je réfléchis davantage. Je ne pensais qu'à la face romantique de la chose. L'amour familial était tout aussi puissant. Je ne savais pas quand Emily était décédée... Full Saber pouvait il être le petit frère, ou neveu de la défunte ? Une raison valable pour elle de rester à la capitale, tout comme son obsession pour lui. Il ne connaissait pas son existence ou la croyait morte, et elle ne pouvait essayer d'entrer en contact avec lui que la nuit... De quoi désespérer. Elle aurait pu tenter de retrouver tous les membres de sa famille...?

Je manquais de preuves, et quelque chose ne collait pas. J'étais à court de spéculations. Ce qui n'était pas la priorité actuelle. Je réfléchirai plus tard.

"Pas trop froid?"

Je secouai la tête. Le temps n'était pas ce qui me préoccupait actuellement; De plus, mon cerveau était bien trop actif pour laisser mon corps refroidir. La fraîcheur était même la bienvenue. Doucement, je m'approchai d'elle et posai ma main sur son épaule, essayant d'être réconfortante. Je lui souris gentiment.

"-Ecoute Emily... Je suis désolée d'avoir posé une telle question. Je ne me doutais pas que ça t'affecterait autant..."


Je baissais un instant les yeux.

-"Tu n'as pas à m'en dire plus. Je comprends que tu ne te sentes pas prête. Tu t'ouvriras à moi au moment venu.. Toi comme moi, on a tous nos secrets... "

Je la pris dans mes bras.

-"Je sens que toutes les deux, on a besoin de penser à autre chose."


Une idée me vint, je lâchais ma prise.

-"Si tu veux, on peut descendre au prochain arrêt. Et on s'amuse. On se défoule, même si ce n'est pas raisonnable. Entre amies. Si je ne peux pas t'aider à régler ton problème, je pourrai au moins t'alléger l'esprit ce soir. "
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyMar 13 Fév - 14:01

-"Si tu veux, on peut descendre au prochain arrêt. Et on s'amuse. On se défoule, même si ce n'est pas raisonnable. Entre amies. Si je ne peux pas t'aider à régler ton problème, je pourrai au moins t'alléger l'esprit ce soir. "

Comment... Je?...
Perdue dans mes pensées, les mots de Yume sonnent comme une douce musique à mes oreilles. Elle a raison! Je dois me ressaisir! Penser à autre chose, me distraire, faire le vide dans mon esprit. Je dois éviter de ressasser, ressasser, et encore ressasser! Il me faut de l'action. Il me faut de la concentration. Me retournant vers mon amie, je déclare soudainement :

- Tu as parfaitement raison! Nous ne remontrons dans ce train que lorsque cela ira mieux! Ne nous laissons pas traîner par les rails de la tristesse, et reprenons notre âme en main, et que ça saute!

Alors que je sens les roulis du wagon perdre en intensité, je devine que nous approchons du prochain arrêt. De plus, des lumières toutes guillerettes s'agitent au loin! Je prends la main de Yume afin de l'attirer hors de la terasse avec moi, puis de nous conduire jusqu'à la porte de sortie de notre voiture.
Le train s'arrête dans un bruit de vapeur qui fait "Tsswwwhhhhh". La porte s'ouvre, et Yume et moi sautons la marche qui nous sépare du quai. Je relève la tête pour apercevoir le nom de la gare : Pelham Street Station! N'était-ce pas l'endroit où une fête foraine ambulante avait élue domicile il y a quelques jours? Cela expliquerait les jolies lumières, ainsi que les musiques joyeuses et la délicieuse odeur de barbe-à-papa commençant à flotter dans l'air.
J'esquisse un sourire! Ce lieu me rappelle ma première rencontre avec Yume, lorsque nous nous étions retrouvées dans une sorte de festival peu recommandable. Cela avait faillit très mal tourner, d'ailleurs!
Enfin, cet endroit n'a pas l'air inquiétant du tout, cette fois-ci. Les lumières sont douces et chaleureuses à la fois, les gens sont vêtus normalement, et la plupart semblent venir des quartiers plutôt aisés de Londres. Des enfants crient et jouent malgré l'heure tardive. Je ne sais même pas quel jour de la semaine nous sommes!
Cette fête ambulante occupe l'espace de tout un parc. A son entrée, près de la gare, on peut admirer un grand carrousel orné de chevaux de bois méticuleusement peints. Les stands suivants sont tous couverts de lanternes et vers le fond, on peut distinguer une grande roue de ferraille aux petites cabines colorées et brillantes. L'ambiance y est féerique, et cela apaise un peu mon cœur.

Sans traîner des pieds, les yeux virevoltant absolument partout, je tends l'oreille à des "clacs" réguliers. Voilà un premier jeu qui m'intéresse beaucoup! Ma main tenant toujours celle de Yume, je me faufile vers la source du bruit, pour arriver devant un chatoyant stand de tir à la carabine! Hourra! J'adore éclater des ballons - et casser toutes sortes de chose en général, pourvu que cela demande un peu d'attention, et d'adresse!
Une fois placée devant le stand, je jette vigoureusement une pièce au tenancier de l'attraction, en échange de trois modestes plombs. La carabine n'est pourtant pas mon arme de prédilection. Trop encombrante et trop lourde malgré un recul quasi inexistant - et vous savez déjà combien j'ai horreur du recul, n'est-ce pas? Ahah. Je n'ai pas eu beaucoup d'occasions d'avoir un tel objet dans les mains, mais lors de certaines situations extrêmes, j'ai déjà dû me servir d'armes à feu, apprenant leur maniement laborieusement sur le tas. Avec un craquement net mais délicat, j'ouvre le chargeur pour y placer mes balles.
Le bois de l'arme se plaque contre ma clavicule droite tandis que mon œil gauche se ferme, laissant à son jumeau le monopole de la vision. Je construis un alignement précis en pressant le plus possible la carabine contre ma mâchoire, et mon doigt se place sur la détente. Tout autour de moi, je forme une bulle invisible. Le bruit de la fête foraine disparaît, et je suis seule. je suis seule face à mes problèmes et leur solution. Mes blocages sont ces sphères de baudruche, et je vais les éclater une à une.


- J'ai rencontré Full Saber il y a environ deux ans.

Un clac, suivi d'une petite explosion bruyante retenti alors que je me décide enfin à effectuer mon premier tir, et j'observe le ballon flottant disparaître quasiment instantanément de mon champs de vision. Sans attendre d'avantage, je rehausse mon épaule afin de mettre en joue ma seconde cible. Tout en me remémorant très clairement les événements, j'établie un calendrier précis. Si notre rencontre remonte à il y a plus d'un an et demi, nos retrouvailles à l'hiver dernier, le silence que je m'efforce de combattre, lui, n'est âgé que d'une demi douzaine de mois. Parfois, j'ai le sentiment de le connaître depuis bien plus longtemps, et que le vide qui se creuse entre nous se transforme inéluctablement en éternité. Une éternité que je serai condamnée à admirer. Je relève la tête, et vise. Être brève mais franche. Aller droit au but  :

- Enfin, en premier lieu, c'était l'un de ses frères que j'ai rencontré. Après seulement, Full. Et plus tard, j'ai même rencontré le troisième et plus jeune de la fratrie.

Alors que le second ballon explose, j'ai le sentiment d'amorcer une partie complexe. Jusqu'où aller pour être franche et précise envers Yume, mais où m'arrêter pour ne pas qu'elle me prenne pour une folle furieuse - si ce n'est pas déjà le cas -, mais aussi et surtout pour éviter de briser le secret, pourtant si évident. Je dévie légèrement mon regard de la cible pour focaliser mon attention sur l'attitude de mon amie. J'y décèle un regard incroyablement perplexe et emplis de sous-entendu. Je m'empourpre instantanément en comprenant ce qu'il se passe et commence à déclamer à toute vitesse :

- Eeeh!! Ne va pas croire par la que j'ai flirté avec toute la famille!! Non. Je n'ai tissé des liens intimes qu'avec le cadet, Walk Saber. Mais c'est juste que tous les trois, ils sont plutôt du genre... Inséparables.

Je dévie le regard et le porte sur ma dernière cible. Mes doigts sont crispés, mais je sens mon esprit qui se détend peu à peu. Finalement, exprimer mon histoire et mes pensées ne semble pas être une si mauvaise chose. L'ultime ballon explose.

- Et n'oublie jamais que tu as eu une chance incroyable de tomber sur Full! Enfin, Walk est également adorable... mais ce n'est certainement pas le cas de Moon!! Tu devras me promettre de faire attention si tu viens à nouveau à passer du temps avec lui!

Mais même si ces confessions me soulagent d'une part, d'une autre, je constate que je me rends également compte du côté si tordu de la situation. Comment être éprise, comment être tombée amoureuse d'un homme aussi extrême, façonné de ses différentes personnalités troublantes, mais attachantes. Les personnes saines doivent fuir ces cas, s'en protéger. Mais je l'ai enlacé à bras le corps, j'en ai fait mon sauveur. J'ai vu dans sa différence l'éclat salvateur qui répondait à la mienne. Je suis restée en admiration devant ce cas d'école, non pas par curiosité médicale ou macabre, mais avec la certitude qu'avec lui, toute trace d'ennui et d'incompréhension ne serait jamais plus qu'un mauvais souvenir. Chacune de ses petites pépites de folie trouvait un nid sur-mesure dans le creux de mon crâne, et notre niveau de compatibilité me surprenait toujours. C'était une harmonie brillante, intelligent, instinctive, que je n'avais jamais connu nulle part ailleurs. Et jamais je ne m'en blâmerai de penser cela, qu'importe les regards emplis de jugement du monde extérieur. Être à ses côtés, c'est une gloire démesurée. Avec lui, même l'horreur et la cruauté ont la saveur d'un bonbon à la myrtille!

Je pousse un minuscule soupir, reposant la carabine après mon petit carton plein. Je lève les yeux pour saisir ma récompense parmi le tas de peluches à ma disposition. Après quelques secondes, je saisi finalement un petit renard au poil un peu rêche, mais à la silhouette vive avec de petits yeux brillants. Je la tends à Yume :

- Tiens, c'est pour toi! Tu m'as toujours fait penser à un petit renardeau, déclarai-je dans un sourire, Merci de m'avoir écouté. Et je te laisse choisir la prochaine attraction! J'ajoute quand même que s'il y a une forêt à explorer, nous devrions peut être passer notre chemin, cette fois-ci!
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyMar 20 Fév - 19:17

Dès que je l'eus contre moi, je le sentis. Mon étreinte ferme et sûre se confronta à la mollesse d'un corps; Le sien. Mollesse est un mot bien laid à mon goût. Pourtant, il seyait parfaitement à une pareille situation. C'était le mot juste. Une masse détendue au point de l'inerte. La froideur de ses prunelles absentes m'inquiéta.
Elle semblait vidée de toutes forces, entendre mes mots sans les comprendre. J'avais malgré tout poursuivi ma tirade courageusement, dans l'espoir de n'importe quelle réaction. Je n'étais pas la meilleure de nous deux pour les discours, j'en avais conscience. Cependant... Je me devais d'être présente si un jour elle flanchait.

Et elle flanchait.

- Tu as parfaitement raison! Nous ne remontrons dans ce train que lorsque cela ira mieux! Ne nous laissons pas traîner par les rails de la tristesse, et reprenons notre âme en main, et que ça saute!"

Je sursautai. Que...?

Une seconde.
Une seule seconde et son humeur changeait encore du tout au tout. Passer de sereine à paniquée et de paniquée à enjouée. J'étais déboussolée par cet inhabituel; Mes mots semblaient aussi déterminants que dévastateurs. Moi qui tentais d'y voir plus clair, me voilà prisonnière d'un brouillard tout nouveau ! Emily n'avait jamais été comme ça... Du moins avec moi. Cette fragilité était elle cachée depuis toujours ? Ou étaient-ce ces mois sans moi qui l'avait aggravée..? Beaucoup plus de questions depuis avoir mis un pied dans ce train. ...Ou est-ce le train ?!

Ce soir était définitivement étrange. Le bon sens n'allait sûrement pas être de la partie.

Le train ralentit. Je ne pus pas penser à autre chose, puisqu'une poigne soudaine me tira à l'intérieur. Emily ,qui semblait plus tôt vidée de toutes les forces de notre univers, m'entraînait vigoureusement vers la porte. Je me laissais guider, toujours un peu sonnée. Combien de temps allais-je pouvoir la suivre ainsi ?

Le train s'était arrêté. Sous l'initiative de ma lunatique, nous descendîmes. J'eus cependant le temps d'analyser l'environnement: Le panneau surplombant nos têtes indiquait Pelham Street Station.
Ce nom m'était vaguement familier, ce qui ne m'étonna guère. Ce genre de quartier était des plus recommandables pour ceux de la trempe de Charles-Henri. On pouvait s'y promener à toute heure de la journée sans craindre les rats ou la saleté.

Nous... Emily se remit en mouvement, m'obligeant à abandonner mes pensées de mauvaise langue. Si je n'en gardais pas souvenir, c'était sûrement que ce n'était pas si terrible. Je faisais confiance en mon amie. N'allions nous pas nous créer de nouveaux souvenirs ? Il paraissait que c'était quelque chose d'important. Mon colocataire bien-aimé l'avait tant répété que cette réplique avait perdu toute saveur.

Mon poignet commençait à me faire souffrir, je décidais de faire alors un effort et de marcher au bon rythme pour m'épargner cette peine inutile. La marche semblait trop sûre pour une déambulation, ce qui me laissa penser qu'une destination mystérieuse nous attendait. Que serait la vie sans la surprise, après tout ?
Je commençais à reprendre une réflexion correcte; Je me repenchais alors sur la précédente exclamation d'Emily, que j'avais à moitié écoutée à cause de ce changement d'humeur soudain.

"Reprendre son âme en main"
hm..? De jolis mots, dont je n'étais pas sûre d'entièrement en comprendre le sens. Ce n"était pas si grave. Ça sonnait plutôt juste. Ce serait à moi d'en fabriquer la signification !
Ce pouvait être synonyme "d'Amusement" pas vrai ? Je le troquerai volontiers contre "Lasse Mélancolie Cynique" qui commençait franchement à devenir hors-saison.

Une douce musique et une odeur sucrée me tira de ma rêverie encore naissante. Cela ne faisait que quelques minutes pourtant.... Il fallait croire que nous étions arrivées ! Je jetai des rapides coups d’œil autour de moi. Nous venions d'entrer dans un petit parc charmant, transformé pour l’occasion en fête foraine. La situation m'arracha un sourire. N'étaient-ce pas dans des situations similaires qu'Emily et moi étions devenues amies ? Une piqûre de rappel plutôt plaisante, puisque cette fois ci, le lieu semble candide et innocent! Était-elle venue ici pour cette raison ? Bien que c'était différent que ce que j'avais imaginé comme défouloir -Je nous imaginais plus renverser des poubelles-, le cadre était propice pour une soirée distrayantes... Et entre amies s'il vous plaît ! ... Nous en profiter un maximum avant que toute cette magie ne disparaisse !

...... Quelque chose n'allait pas.


Comment savais-je que cette fête était éphémère ? Certaines restaient en ville après tout ! Hum, c'était la suggestion la plus logique, cette question était idiote. Pourtant...

... Qu'est ce que je m'efforçais de prouver..?



Je regardais autour de moi. Une fois. Deux fois.

....


Je connaissais ce parc. Voilà qui me paraissait plus étrange. Mais encore ? Quelque chose me dérangeait.

Je fouillais ma mémoire tandis que les coups de carabines se précisaient dans la distance.

J'étais déjà venue dans ce quartier. Dans ce parc. Avec A.K.
Voilà ce qui m'obsédait inutilement. Un fragment de mémoire, une période de vie typique dans cet un an et demi passé à ses côtés. Car ce moment n'avait rien d'extraordinaire. Pourtant, alors que je continuais de marcher aussi lentement, rien ne m'avait un jour paru plus beau.

Le voilà ! L'arbre sous lequel nous nous étions réfugiés à cause du soleil de midi. C'était un simple pique-nique dans une semaine d'été peu trépidante. Nous avions ouvert le panier, et je m'étais extasiée sur la confiture de fraise, à un tel point que nous n'avions finalement que mangé des tartines. L'instant me paraissait déjà lointain, pourtant sous mes yeux, semblaient apparaître clairement nos figures sous ce saule. Je souris vainement.
Paresseux, il s'était allongé sur le gazon et refusé de bouger. Alors nous avions discuté de tout et de rien... Surtout moi. Il écoutait pour la plupart et pimentait mon récit de remarques piquantes et bien placées auxquelles je ne pouvais m'empêcher de rire.

Tout ça semblait d'un autre temps. D'un autre monde, où tout y était délicieux et où il m'aurait aimée pour toujours....


CRAC.

Je sursautais en me retournant vers le bruit, si près de mon oreille. Emily avait ouvert la carabine d'un coup sec. ...Depuis quand étions nous au stand des carabines ? Pourquoi n'avais-je pas senti sa poigne me lâcher ? Questions qui resteront à jamais sans réponse. Je jetai un dernier coup d’œil vers le saule au loin. Le moment était déjà perdu.

...Aha. Ahaha.


Ce n'était pas plus mal. Se remémorer ce qui avait disparu ne servait à rien. Nous étions allés dans ce parc? ..Et alors? J'y étais maintenant avec mon amie. C'était tout ce qui comptait...Non ? Se créer de nouveaux souvenirs. Se créer de nouveaux souvenirs. L'Amusement était sur le point de commencer. Je devais me concentrer sur Emily. Juste Emily. (Désolée.)

Elle se mit en joue, tous ses muscles entièrement tendus. Plissa le regard. Son esprit devait être encore occupé par les problèmes qu'elle avait eu dernièrement. La raison pour laquelle nous étions ici. C'était peut-être pour cette raison que l'atmosphère était légèrement... Étrange ?

- J'ai rencontré Full Saber il y a environ deux ans.


Clac. Boum.


Wowowowow. D'accord...!
Malgré les précautions que j'avais prise, me voilà de nouveau surprise ! C'était donc l'heure des révélations ! J'avais assumé qu'elle voulait oublier et garder cela pour elle. C'était donc le bon moment. Je me sentais honorée qu'elle s'ouvre à moi, bien que je n'aurai jamais deviné que cela se fasse dans un tel contexte ! J'imaginais qu'être concentrée sur une autre tâche pouvait rendre la tâche plus aisée; Chacun a son propre façon de régler ses problèmes. Dans tous les cas, elle avait tout mon attent...

- Enfin, en premier lieu, c'était l'un de ses frères que j'ai rencontré. Après seulement, Full. Et plus tard, j'ai même rencontré le troisième et plus jeune de la fratrie.

Clac. Boum.


WOWOWOW. QUOI?!!
Quoiquoiquoiquoiiiii. Mais. Que. Enfin?? D'accord, je me concentre. Plus de blabla intérieur. Si elle avait d'autres informations chocs comme celles-ci à balancer au vent violemment, j'avais intérêt à suivre !

Mais mon dieuuuu -même s'il n'existait passss.-


Je devinais que je devais fixer mon amie avec des yeux plus grands que des soucoupes et la bouche entrouverte, puisqu'elle se retournait vers moi visiblement gênée et déblatéra à toute allure:

- Eeeh!! Ne va pas croire par la que j'ai flirté avec toute la famille!! Non. Je n'ai tissé des liens intimes qu'avec le cadet, Walk Saber. Mais c'est juste que tous les trois, ils sont plutôt du genre... Inséparables.


Euh. Excuse moi chérie, mais tu viens de me dire à l'instant que Full Saber avait deux frères cachés m....MAYONNAISE. Je m'étais plus stoppée à cette partie ci plutôt qu'à un quelconque sous-entendu douteux -qui était loiiin de ma théorie familiale!-. Cependant, ce petit aparté m'aida à y voir un peu plus clair. Il était donc question d'amour. Elle était amoureuse du frère de Full Saber, qui était inséparable de son frère mais caché du monde entier. Tout s'expliquait.... Et ce n'était pas rien!

- Et n'oublie jamais que tu as eu une chance incroyable de tomber sur Full! Enfin, Walk est également adorable... mais ce n'est certainement pas le cas de Moon!! Tu devras me promettre de faire attention si tu viens à nouveau à passer du temps avec lui!



Clac. Boum.


Full. Moon et Walk, c'était noté. J'avais enfin des noms pour toute la fratrie. Par ordre de déduction, je dirais que Walk est son Roméo et que Moon.... était le dernier, et de loin le plus exemplaire ? ... Quelle révélation. J'étais de nouveau sans voix. Combien de secrets me cachais-tu encore Emily ? C'était vraiment gros, mais l'idée de douter de sa parole ne m'était même pas venue à l'esprit. Ça n'avait pas du être simple de se confier à moi; Après tout, si personne ne savait que les frères du policier existaient, c'était qu'ils avaient du se donner beaucoup de mal pour le dissimuler. Confier un secret comme celui-là n'était pas des moindres... Elle devait vraiment me faire confiance alors... !

...Cependant, une nouvelle fois, ce sentiment que quelque chose clochait revint.


...Si je venais à passer "de nouveau" du temps avec lui..? Je n'avais rencontré que Full... Pas Moon ! Et s'ils était inséparables comment se faisait-il que...

Je fronçais les sourcils. Je ne remettais pas la parole de mon amie en cause, seulement... Il était clair qu'à ce propos, tout n'était pas dit.

Emily se retourna vers moi et m'offrit son prix, une petit peluche de renard. Je la remerciais aussitôt.

- Tiens, c'est pour toi! Tu m'as toujours fait penser à un petit renardeau. Merci de m'avoir écoutée. Et je te laisse choisir la prochaine attraction! J'ajoute quand même que s'il y a une forêt à explorer, nous devrions peut être passer notre chemin, cette fois-ci!


Je souris sincèrement à cette mention. Même si certaines choses restaient non dites, je fus heureuse qu'elle s'ouvre ainsi à moi. Après tout, je ne souhaitais que son bonheur ! Je pris délicatement son bras et sans attendre, je me mis à la recherche de quelque chose d'intéressant à faire. Prise dans mes souvenirs, je n'avais précédemment pas pu observer ce que cet événement avait à proposer. J'embrassais le parc du regard, évitant astucieusement le saule. Beaucoup d'activités attiraient le regard de leurs couleurs, de quoi retenir quelqu'un une bonne heure !

Le carrousel était bien sûr ce que j'avais remarqué en premier. La musique et la lumière qui s'en échappaient amenait foule. Trop de monde pour que je puisse en profiter totalement. Je passais mon chemin. Je n'avais pas totalement faim, alors... Pas de barbe à papa. Après quelques secondes de recherches, mes choix furent faits. Je m'apprêtais à ouvrir la bouche, mais je me retins.

...Elle venait de m'énoncer ses problèmes. Elle avait beau vouloir s'amuser, ce serait impoli et inapproprié et de passer outre comme si elle n'avait rien dit du tout. Je pourrai au moins essayer de lui trouver une solution....
Je me figeais alors un moment, malgré son regard inquiet.

"-A propos de ton soucis... J'imagine que tu veux les revoir. Full est sûrement le plus accessible, vu qu'il ne se cache pas de tous... As-tu essayé de le demander à Scotland Yard après le coucher du soleil ? Si tu dis que c'est de ta part... Il est toujours en cavale, mais il doit bien passer pour des papiers ou amener un prisonnier ! Si vous êtes si proches... Il fera bien une exception pour toi ! Tu donnes ton adresse, ou quelque chose comme ça..."


Je ne lui laissais pas trop le temps de répliquer, par craindre de ruiner son moral de nouveau. Elle aura tout le temps d'y songer plus tard !

"-Sinon, la grande roue et le maillet me plaisent bien !"


J'avais simplement peur qu'on nous refuse sur ce test de force, habituellement réservé à la gente masculine, afin de prouver leur virilité... Quelle blague. Frapper fort quelque chose pourrait nous apaiser, ou du moins, compenser nos frustrations respectives ! D'un autre côté, voir la ville de très haut pourrait être charmant. Cela me rappellerait presque...
On ne commence pas. Nouveaux souveniiirs.

"-Si tu veux, on pourra discuter en même temps, j'ai des choses à te raconter ! "


...Ou pas.
Ces derniers mois avaient été un néant qui arrivait pourtant à me tourmenter. Pouvais-je réellement lui raconter tout ça...? D'un côté, j'avais toujours peur qu'elle me méprise si je lui révélais cette partie horrible de moi... Mais d'un autre... Elle venait sûrement de me confier son plus grand secret.... Ne serait-il pas égoïste de ne pas lui rendre la pareille..?
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyDim 4 Mar - 12:53

Mon amie semble être ravie de son cadeau, ce qui me ravie moi-même! Plaisir d'offrir, joie de recevoir, c'est incroyable à quel point un cadeau rend tout le monde content! A présent, la voilà qui papillonne des yeux en quête de la prochaine activité. Elle tourne sur elle même, tant de choses ont l'air de la tenter! Soudain, elle s'arrête brusquement, le renardeau dans les mains, et ses yeux grands comme des billes de cristal. Puis elle déclare, presque penaude :


"-A propos de ton soucis... J'imagine que tu veux les revoir. Full est sûrement le plus accessible, vu qu'il ne se cache pas de tous... As-tu essayé de le demander à Scotland Yard après le coucher du soleil ? Si tu dis que c'est de ta part... Il est toujours en cavale, mais il doit bien passer pour des papiers ou amener un prisonnier ! Si vous êtes si proches... Il fera bien une exception pour toi ! Tu donnes ton adresse, ou quelque chose comme ça..."

Yume, me prendrais-tu pour une simple d'esprit? Ou alors tu sous-estime simplement la puissance de mon obsession, ce qui est tout de même une option plus probable!
Je ne peux même plus compter les nuits passées à camper devant Scotland Yard! A attendre désespérément un signe, un indice, une ombre. Et je ne compte plus non plus les fois où je me suis couverte de ridicule à essayer de négocier un rendez-vous avec Full, via le secrétaire général du commissariat. Cet abrutit qui dès l'instant où il a posé les yeux sur moi m'a collé l'étiquette de "groupie insistante". L'espoir m'a rongée et m'a rendue petit à petit amère et défaitiste. Si bien que je n'ai même plus le courage de le traquer tous les soirs, ces derniers temps. Et je ne donnerai pas mon adresse non plus! Les personnes connaissant mon nom ET mon lieu de résidence ne se résume qu'à Yume. Et ma concierge. Je demeure bien trop paranoïaque pour prendre le risque que quelqu'un vienne me rendre visite. Quel drame cela serait si ça arrivait en plein jour!... Et puis en plus, cela rendrait les choses bien trop faciles.

Je ne prends donc même pas la peine de répondre à cette question, limite vexante. De toute manière, Yume enchaîne direstement sur la proposition d'une nouvelle activité! Elle hésite entre l'activité du maillet, ou bien un tour sur la grande roue!
Mhmm, le maillet me tenterait beaucoup, mais... Non. Avec l'état de nervosité dans lequel je suis plongée depuis plusieurs jours, je ne pressens que trop bien ce qu'il va se passer. Je vais frapper la cible de toute mes forces avec le maillet. Je vais inévitablement entendre des remarques misogynes. Je vais frapper la bouche d'où elles se sont enfuies, toujours avec mon maillet. Et puis cela se transformera très probablement en bagarre générale d'une violence joliment exacerbée. En temps normal, cela ne me dérangerait pas vraiment! Mais avec Yume à mes côtés, j'ai moins envie de créer ce genre de situation délicates.
Je décide donc d'opter pour la voie de la sagesse, et emmène mon amie vers la grande roue. Cette activité nous offrira d'autant plus une vision grisante de la ville brillante et endormie!

"-Si tu veux, on pourra discuter en même temps, j'ai des choses à te raconter ! "

Oh? Ma bien entendu ma très chère Yume! De toute manière, il semble évident que la plus à l'aise pour raconter les choses ici, c'est toi. j'acquiesce et esquisse un sourire. C'est toujours intéressant d'écouter la jeune fille, de se projeter dans ses problèmes, et d'essayer d'y déceler les solutions potentielles. Surtout qu'avec son éducation bourgeoise et son cœur d’artichaut, nous n'avons pas un caractère si éloigner que cela, finalement. 

Marchant dans les allées bruyantes, je reste pourtant tacite. Le chemin vers la plus grande attraction de la foire est une ligne droite, mais cernée des deux côtés par tant de distraction. J'aime marcher d'un pas rapide dans ce lieu contrasté, à la fois sombre et coloré. J'aime me perdre dans la foule de ces anonymes, jeter un œil à leurs vêtements, à leur visage, tout cet univers si riche en détails, et surprendre des bribes de leurs conversations quelconques qui résonnent dans ma tête. 
"Je ne veux pas retourner à l'internat demain..!!", "...Je t'ai dis de choisir entre fraise et noisette! Pas de prendre fraise-noisette, tu ne m'écoute jamais!...", "...Et je me suis piqué le doigt avec votre bouquet mardi...", "Les temps sont dans la mer morte, à la Vélocité du Sel...", "A 9:15 P.M., ce sera fait..", "...Elle te plait? Je viens justement de la gagner à la loterie..."

Tant de conversations, d'interactions, d'histoires probablement rocambolesques que je ne connaîtrais jamais! C'en est presque frustrant parfois. Mais mon intérêt pour ces broutille se fane presque aussi rapidement qu'il apparaît, et finalement, seules les choses importantes demeurent, aussi évidente que cette grande roue au milieu du parc. La Vélocité du Sel... J'avais déjà entendu cela quelques part. Mais c'est trop tard, la phrase c'est envolée. même si je m'arrête un instant, je ne pourrais plus retrouver ma conversation. A vouloir projeter mon attention partout, ma concentration s’étiole et perd de sa consistance! Je suis un radar de piètre qualité.
Bien qu'une étrange impression commence à chatouiller mon esprit, j'essaye de ne pas trop y faire attention, calme mon virevoltement et calme mon pas pour me caler sur celui de Yume. Nous arrivons devant la grande roue. Je tords ma nuque pour pouvoir obtenir cette sensation de vertige, d'impression de n'être qu'un minuscule insecte devant le couvercle d'une boîte de conserve, scintillante et colorée! Après avoir payé nos tickets, un forain nous fait entrer dans une petite maisonnette suspendue d'une couleur vert pale. La cabine semble parfaitement solide et sécurisée, mais les larges fenêtres dépourvues de verre et plongeant vers le vide provoquent tout de même quelques frissons. Une fois installée, notre maison s'envole. Je commence à me sentir bien, confortable, enfermée dans une bulle d'intimité, à l'abris du monde extérieur, et au-dessus de tout mes soucis et tracas quotidiens.

La roue tourne néanmoins assez lentement. Je projette qu'un tour complet doit durer assez longtemps! Néanmoins, cela me semble être l'endroit parfait pour se lancer lorsque l'on veut commencer à raconter une histoire. Je lance donc un sourire espiègle à mon amie et déclare :

"J'ai hâte d'écouter ce que tu as à me dire! Alors je t'écoute : "Il était une fois, Yume.... " "
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyLun 5 Mar - 23:41

La décision se fit dans le silence. Après une réflexion rapide, Emily reprit la marche en direction de l'imposante roue colorée. Étrange ! Vu son état d'esprit, je lui aurai prêté un œil gourmand pour notre ami le maillet ! J'éprouvais une déception primitive face à ce choix; Ma plaie était encore fraîche et ouverte, et taper le plus fort possible sur quelque chose aurait peut-être évacué un peu de ma souffrance... Ou déclenché bien pire. Je secouais la tête tristement. Ma raison me dictait tout autrement.
Ce n'était peut-être pas si mal... ! L'air frais et la vue de la Capitale nocturne pourrait -qui sait- me procurer la même thérapie !
J'avais ralenti le pas, essayant de calmer mes pensées. L'idée de révéler ce qui me tracassait prochainement me faisait presque trembler. Allons Yume ! Du nerf ! Du courage ! Mon pauvre petit cervelet s'amusait pourtant à me tourmenter. J'oscillais encore indécise dans la plus floue des incertitudes. Si le dire, comment le dire ? Je n'étais pas Emily. Je ne savais pas doser les mots aussi habilement qu'elle. La situation était trop délicate !

Dossier de l'accusée -c'est moi, coucou!-: J'avais caché à ma meilleure amie une ....relation.... avec un probablement tueur en série, tout en ayant à peu près conscience de ce fait. Pire ! Je lui avais fourni protection et l'avait caché de son aimé inspecteur.

Ah, qu'est ce que l'amour avait pu me faire faire..?


C'était beaucoup à avaler ! Peut-être trop pour elle. Sûrement... Peu importe la formulation, tout ceci changerait sa vision de moi à tout jamais. La gentille et vertueuse Yume.. A la bonne heure ! Elle s'inquiétait de ma sécurité à la rencontre d'un fameux Moon alors que j'étais déjà perdue depuis longtemps.

Je ne devrais peut-être pas tout dire. Ou ne rien dire du tout. Inventer un mensonge serait facile.


Je jetai à mon amie un regard en coin. Elle semblait à présent plus apaisée. Un sourire avait même fleuri sur ses lèvres roses. Je m'en voudrais de lui enlever si vite... De plus... J'avais assez confiance en elle pour être sûre qu'elle ne dénoncerait pas ma complicité, cependant, rien ne me disait qu'après cette révélation, elle ne voudrait rien que me revoir. Un noeud se noua de nouveau dans mon estomac. Consumée de ces idées noires, je n'avais même pas pris conscience que nous étions déjà devant le guichet.

Retrouvant brièvement mes esprits et mon sourire de façade, je nous payai nos tickets et un forain nous fit monter telles des princesses dans une des nacelles vertes. Je pris place face à Emily, sur l'un des bancs boisés. L'air fouetta quelques mèches rebelles sur mon visage. Mes problèmes s'estompèrent un instant alors que j'inspirai une grande bouffée d'oxygène; J'avais tant rêvé d'un jour monter dans une embarcation comme celle-ci ! Charles-Henri avait beau être un amour maintenant, il n'avait toujours pas la moindre idée de comment s'amuser. Pendant que je croupissais dans le manoir familial, des expériences comme celles-ci se présentaient inlassablement, comme dans l'espoir de ce jour ! J'avais connu de jours meilleurs mais... Je ne voulais pas ignorer la vue que j'allais bientôt voir. Avais-je même le vertige ? Je ne m'étais jamais posé la question.  

Une brusque secousse me fit sursauter: Nous commencions péniblement à nous élever ! La sensation de quitter le sol, si nouvelle me poussa à m’agripper à la première accroche à ma portée. Je souris inconsciemment. Ce n'était pas assez rapide pour être effrayant, simplement... Plaisant. La vue attendrait, cependant!

J'osai jeter un regard à ma compère, vérifiant si elle profitait de ce qui se produisait. Ses yeux étaient déjà sur moi. Et la curiosité qui allumait son regard m'explosa sur la terre ferme. J'étais absolument terrifiée.

"J'ai hâte d'écouter ce que tu as à me dire! Alors je t'écoute : "Il était une fois, Yume.... "


..Si tu savais à quel point ton sourire enjoué me brise le cœur...! J'avais l'impression que ma vérité était un poignard que je m'apprêtai à t'enfoncer dans la jugulaire. Alors que le mensonge, un caramel sucré et délicieux. Ne devrais-je pas te dire ce que tu voulais entendre ? Des histoires rocambolesques qui te feraient rire de bon cœur ?

Ce n'était pas comme si je n'étais pas habituée à mentir.


"-Aha ! Pendant ces trois derniers mois, j'ai...."


Allleeeez.


"-J'ai..."


Non non non !


"-Je...Emily, je...!"


...Je ne pouvais vraiment pas, hein ? ...Ou est ce que je ne le voulais pas, au fond de moi...?
Comment lui mentir après ce qu'elle venait de me confier ? Comment pouvais je lui mentir...A elle...? Eviter un sujet pour dissimuler une vérité, était une chose. Mentir sciemment, nier en regardant droit dans le blanc des yeux en était une autre.
D'ailleurs, je ne pouvais pas la regarder. Figée, j'étais seulement capable de fixer la pointe de mes chaussures. Je savais que j'allais tout laisser échapper. Je ne tenais pas à témoigner du changement. Du jugement. Je devais savoir le dire. Tout ça demandait... Une immense concentration.
Je suis vraiment désolée.

"-Attends... On recommence. Je vais essayer de faire bref. "Il était une fois, Yume qui pendant un long moment, avait caché un élément de sa vie à sa meilleure amie, dans la peur qu'elle en pense moins d'elle..""


Ma voix tremblait, mais je ne pouvais pas la laisser m'interrompre. Je ne serai peut-être plus capable d'ouvrir la bouche. Je devais assumer mes choix.

"-Je.. J'ai... Peu après notre rencontre mouvementée, j'ai fait la rencontre de quelqu'un d'autre... Il y a deux ans, environ... Perdu et l'esprit chaotique, il n'en fallait pas plus pour que l'on s'entende ! "


Mon coeur se serra alors que son visage me revint en mémoire clairement. Mais je ne pouvais pas flancher. Pas encore.

"On devint rapidement inséparables, malgré nos différences. Mais le temps a passé, et une simple amitié ne semblait plus me suffir... A lui non plus d'ailleurs. Il y avait cependant un seul problème, mis à part mes fiancailles, la raison pour laquelle je ne t'avais rien dit..."


Je pris une inspiration. Comment pouvais je prétendre être sa meilleure amie si je lui cachais ce détail ? Je devais lui offrir ma confiance entière. J'étais trop loin pour reculer de toutes façons.

"...Il a sûrement assassiné un nombre de personnes que je pourrai pas déterminer. "


La sensation de le dire à haute voix était étrange. Comme retirer une épine du pied pour ensuite s'y tirer une balle. J’enchaînais, paniquée, pansant une plaie déjà irrécupérable.

"Mais AK était si gentil avec moi ! Il semblait perdu et quand il me regardait, je pensais que je pouvais...Qu'il pourrait pour moi..."


Quelle cruche. Quelle idiote. Tu pensais que tes jolis yeux le remettraient sur le droit chemin ? Que quoi ? Tu pouvais le sauver ?!

"Mais ne t'en fais pas, le problème est réglé de toutes manières ! Je n'étais plus assez intéressante pour lui, alors du jour au lendemain, il a décidé de disparaître de ma vie ! Il ne m'a bien sûr laissé aucun moyen de le retrouver, même pas son nom. Que des pseudonymes ! Ryuku, Ange, Oscar... C'est bien fait pour moi !"


.....

"Ahaha ! ~"


Je n'avais pas envie de rire. Mes joues étaient déjà mouillées. Je fermai les yeux. Je ne voulais plus voir. Plus rien entendre. Je tournai la tête, me dissimulant derrière mes mains. Elle n'avait pas à assister à quelque chose d'aussi misérable.

"-A-après tout, c'est toujours ça l'histoire ! "Il était une fois, Yume la bonne poire ! Fin."


Je réprimai un gémissement de douleur.  Un sanglot surgit quand même. J'avais le coeur en miettes.

J'espérais que la nacelle était assez élevée maintenant. Je pourrai alors simplement me jeter dans le vide.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyJeu 28 Juin - 23:36

La balancelle de notre cabine semble osciller au rythme des hésitations de Yume. tantôt elle semble prête, puis la seconde d'après, elle se ravise. je me demande bien quel secret énorme elle s'apprête à me dévoiler! J'en deviens même légèrement inquiète! A-t-elle fait une grosse bêtise? S'est-elle mise dans une situation délicate, aux abords d'un danger imminent? Ou alors as-t-elle découvert un secret terrible, trop lourd à porter pour elle seule, et dont elle souhaiterait se décharger? Pour l'instant, c'est complètement mystère et tranche de pain!

Alors, elle se décide enfin et grand peine à briser le silence. Je vois les mots trébucher aux portes de ses lèvres. Elle pourrait presque s'étouffer avec. Je sens les phrases inavouables, cachées depuis trop de temps se bousculer dans sa poitrine, piétinant son cœur déchiré entre le besoin d'être libre et la douleur des aveux. Je vois dans ses yeux la lueur de terreur, celle que l'on possède lorsqu'on est à deux doigts de franchir le point de non-retour.

"-Attends... On recommence. Je vais essayer de faire bref. "Il était une fois, Yume qui pendant un long moment, avait caché un élément de sa vie à sa meilleure amie, dans la peur qu'elle en pense moins d'elle.."

Attends Yume. Déjà, pour cela, tu n'as pas à t'en faire autant. Tout le monde a le droit à son petit jardin personnel! Moi-même, je garde enfoui un grand nombre de secrets, sacralisés au range de trésors inavouables. A commencer par ma véritable nature, que je ne t'aurais peut être pas avouée avant longtemps si nous n'avions pas été confrontées à des circonstances si graves.

Yume continue son récit laborieux. Elle me parle d'une rencontre, d'une personne étrange, mais qui semblait compter furieusement pour elle. Une sorte d'âme sœur aussi inespérée que tordue. Cela fait raisonner en moi un écho particulier, mais je passe outre pour me concentrer sur son récit. Ce dernier avait un contexte compliqué, mais ne semblait pourtant pas impossible à gérer. je sens que la pastille n'a pas encore été entièrement crachée. Elle n'avait pas à craindre d'être infidèle puisqu'elle n'aimait pas vraiment l'homme qui lui était légalement destiné. Qui pourrait s'en vouloir pour une telle et charmante romance?

"...Il a sûrement assassiné un nombre de personnes que je pourrai pas déterminer. "

Je ne peux retenir un très léger mouvement de tête à cette annonce. Ce n'est pas du choc, du dégoût ou de la colère que je ressens. J'entre dans une sorte de réalité parallèle à cette discussion, analysant simplement avec surprise mon manque de réaction. Alors, ce n'est que "ça", finalement ? Enfin "ça". Façon de parler.
Les temps sont durs et de plus en plus incertains. Tuer est en train de devenir un métier plus lucratif et commun que jamais, si ce n'est même un mode de vie. Est-ce que je suis en train de dire que tuer peut être excusable? Certainement pas. Mais il existe différents contextes, différentes attitudes. Et puis, la mort, ça me connait.

Mon moi de la réalité parallèle ère dans ce temps suspendu, parmi des roses aux yeux grands ouverts. Basculant en même temps que la grande roue, la tête en bas, les cheveux au vent et les yeux dans le vague, la nuit nous câline. Je suis morte, et à la fois en vie. Je hais les criminels, et pourtant je ne suis complète qu'en leur présence. Tuer est l'acte le plus abject au monde, et pourtant, j'ai consciemment libéré l'un des plus grands serial killer du pays. Je suis la reine des hypocrites, incapable de choisir clairement mon camp entre le bien et le mal.

... Je crois que je viens seulement de comprendre - ou plutôt de m'avouer - que le monde n'était pas aussi simple, finalement. Il n'y a pas d'un côté le bien, la vertu et la sagesse. Ni de l'autre l'horreur, la cruauté et la désolation. Les monstres n'ont pas toujours que de mauvaises intentions, et les anges sèment parfois consciemment les graines de la terreur.
L'être humain est un animal. Il y a la sauvagerie, la violence, cette curiosité malsaine que les saints ne peuvent même pas réprimer. Il y a cet amour de l'extrême abandon de soi dans son attitude la plus bestiale. Ce sentiment de puissance quand on se laisse enfin aller à écraser son ennemi, les plus sages d'entre nous prétendant agir au nom de la sacro-sainte justice. Cette ivresse que l'on ne peut connaître que lorsque l'on a pour la première fois arraché de la chair avec les dents.

Non, il n'y a pas de bien et de mal, finalement. Il n'y a que ce en quoi on décide de croire. Il n'y a que la puissance des émotions, et la tenacité des liens qui uni tous les groupes d'atomes de ce monde.
Les vivants ont pour la plupart ce sentiment de préservation de l'espèce qui les conduit à vouloir éliminer les nuisibles. Et c'est peut être en partie ce manque de vie qui m'a rendue égoïste. Je ne veux éliminer que ceux qui me gênent directement. Et tout ce qui compte sont ceux en qui j'ai décidé de croire. C'est un instinct fort, un instinct se rapprochant de celui de la meute, poussant à préserver ce qui nous rend fort et qui nous transcende, en dépit de toute logique et de bon sens. Je ne veux pas que des innocents meurent en subissant les plus atroces des tortures. mais je ne veux pas non plus être privée de ces âmes qui me sont si chères. C'est pour cela que je ne livrerai jamais Moon entre des mains qui lui seraient néfastes, quand bien même sa liste de victime innocente s'agrandie de jours en jours. J'ai besoin de lui. J'ai besoin de Walk. J'ai besoin de Full. S'ils tombent, je tomberai avec eux.

Entre le besoin capricieux de mon être et la sécurité de l'humanité, j'ai choisi.

Alors non, Yume, tu ne dois pas t'attendre à ce que je te fasse la morale ou que je te blâme concernant tes choix de fréquentations! Je respecterai ton histoire, sans ajouter un seul commentaire désobligeant ou ridicule.

" Je comprends."

Sans vraiment faire attention à ces deux mots, mon amie, emportée dans le tourbillon de ses émotions et de son récit qui lui lacère les entrailles, continue de m'apporter les dernières précisions concernant cette histoire.

"Mais AK était si gentil avec moi ! Il semblait perdu et quand il me regardait, je pensais que je pouvais...Qu'il pourrait pour moi... Mais ne t'en fais pas, le problème est réglé de toutes manières ! Je n'étais plus assez intéressante pour lui, alors du jour au lendemain, il a décidé de disparaître de ma vie ! Il ne m'a bien sûr laissé aucun moyen de le retrouver, même pas son nom. Que des pseudonymes ! Ryuku, Ange, Oscar... C'est bien fait pour moi !"

Elle éclate ensuite d'un rire aussi nerveux que désespérée. La pauvre. J'ose à peine penser à la douleur que l'on ressens lorsque l'on se fait cruellement abonner de la sorte. C'est pire que mille coups de poignards, plus destructeur que n'importe quelle explosion.
Elle avait cru trouver un nouvel équilibre, aussi effrayant que rassurant, avant que ce dernier ne s’efface d'un revers. Une illusion si troublante qu'elle sonne à présent comme un rêve, avec ce terrible goût d'amertume qui accompagne les matins indésirés.

Rendue fiévreuse par mon court voyage dans le pays de mes intenses réflexions, je ne réfléchie pas avant d'attraper mon amie. Je la serre fort dans mes bras, malgré le malaise dont elle peine à ce défaire et la crainte d'être jugée et condamnée. Comme si elle avait besoin de cela en plus de toutes les peines qui l'accablent! Conservant sa tête sur mon épaule, je déclame, les yeux perdus dans les étoiles :

- Tu n'as pas à te blâmer. Ce n'est pas ta faute. Qui que soit cet individu, et quoi qu'il ait fait, il n'a pas su voir la perle qu'il avait sous les yeux, ni à quel point il aurait dû la conserver avec soin. La chérir... Yume, tu es libre de choisir la personne à qui tu décides d'ouvrir ton cœur, et tu mérite de recevoir son amour en retour. Et si cette personne est indigne d’honorer cette tâche, c'est que son comportement la guide de cette façon. Mais en aucun cas, tu es la fautive ou la responsable.

Je lui relevai la tête alors que la grande roue amorçait maintenant la descente. Saisissant son visage dans mes mains avec délicatesse, mais une certaine fermeté, j'essayais une larme sur sa joue du bout des doigts.

- Et tu vas t'en remettre. Tu dois t'en remettre, Yume, tu es forte. Et de toute façon, tu n'as pas le choix. Ce monde ne fait pas de cadeau à ceux qui ne se relèvent pas!
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyMar 10 Juil - 17:03

Mes oreilles bourdonnaient dans une confuse discordance, me faisant presque perdre l'équilibre sur mon banc. Une respiration saccadée. Des sanglots inspirés. Une nacelle grinçante. Que de sons discrets pourtant cacophonie à l'instant présent. Un voile s'était glissé devant mes yeux. Il me semblait ne plus rien y voir. Ne plus rien entendre. Seules les sensations subsistaient; Un déséquilibre aussi dangereux que plaisant; C'était la rechute. Mauvaise idée, mauvaise décision. Le semblant de dignité que j'avais si difficilement repêché dans mon abîme m'avait de nouveau abandonnée. Mais je n'étais plus à un abandon prêt, n'est-ce pas ? Amertume, quand tu nous tiens !

♪ Mère, Père, l'Enfance, -de nouveau Père !-, Mes rêves, Lottie, Chapelier, Ma morale, AK.. Ma dignité... Emily.. ♪...


Jolie, triste comptine. Qui pouvait bien s'arrêter ici. Je ne pourrai pas en supporter plus. C'était tant mieux ! Qu'avais-je donc de plus à perdre, après tout ? Un nom me venait en tête, ce qui acheva de dépeindre ma situation; J'étais donc au fond du trou.

Mais qui pouvais-je blâmer, si ce n'était moi-même ? C'est ce qu'il en avait toujours été. Trop naïve pour choisir les bonnes personnes, trop capricieuse pour les faire rester, et pour finir... Trop sotte pour préserver ce qui me restait.
Qu'est ce qui m'avait pris ? Emily était bien la plus belle personne que je connaissais dans ce monde d'hypocrite; Et il fallait que je la fasse fuir en lui aspergeant au visage ma vérité à deux cents ! Elle n'avait pas besoin de savoir; Rien n'aurait changé si je n'avais rien dit. Elle n'aurait jamais su. ...Et alors ? Au nom du pouvoir de l'amitié et des bonnes vertus, j'allais pouvoir me racheter en avouant mes fautes ?

Mais réveille toi, Yume !! Tu fais la fière, mais tu n'es pas plus dégourdie que la femme au foyer que tu fuis tant..


Je levais les yeux, pourtant malgré moi; Je rencontrai les douces prunelles grises d'Emily. Indéchiffrables, ce qui ne changeait pas d'ordinaire. Je peinais de plus en plus à trouver mon souffle. Emily. Notre amitié avait été trop courte. A quoi pensais-tu maintenant ? Où allais-tu aller ? Pourquoi mettais tu autant de temps à me jet-
....
.....
.........
..................Je ne comprenais plus rien.

Un battement de cil, et une chaleur familière m'entourait toute entière. L'étreinte d'une amie. Celle qui malgré son silence, disait tout de sa position face à mon récit. Mais pourquoi ??
Emily me gardait d'une poigne ferme, mais pourtant si douce contre son sein. Essayant d'arrêter mes larmes, je me lovais malgré moi dans ce réconfort dont j'avais cruellement envie, mais que je ne méritais pas. Dégageant mes cheveux de mon épaule, elle alla lentement y reposer son menton. L'angoisse et la tension saisissaient chaque muscle de mon corps; pourtant j'aurai voulu que ce moment puisse durer toujours.

"- Tu n'as pas à te blâmer. Ce n'est pas ta faute."

Ces quelques mots suffirent; Ils étaient tout ce que j'avais besoin d'entendre. Toutes les pensées affreuses qui avaient peu à peu obstrué chacun de mes sourires durant ces trois derniers mois.. Toutes me quittaient en un instant, contenues dans une nouvelle cascade de larmes, plus intense que la précédente. Je pleurai à m'en dessécher toute entière, mais cette fois-ci, c'était bien la dernière fois; Je ne m'en étais jamais sentie si soulagée et légère.  

"- Qui que soit cet individu, et quoi qu'il ait fait, il n'a pas su voir la perle qu'il avait sous les yeux, ni à quel point il aurait dû la conserver avec soin. La chérir... Yume, tu es libre de choisir la personne à qui tu décides d'ouvrir ton cœur, et tu mérite de recevoir son amour en retour. Et si cette personne est indigne d’honorer cette tâche, c'est que son comportement la guide de cette façon. Mais en aucun cas, tu es la fautive ou la responsable."

Ce n'était pas de ma faute. Ce n'était pas de ma faute ! Ce n'était pas de ma faute...

Chacune de ses paroles était un baume supplémentaire sur ce qui avait été hier une plaie béante.
Oh Emily... Tu étais décidément définitivement la plus belle personne de cette planète. Tu n'étais pas n'importe qui; Car lui, aurait fui devant ce que je viens de confesser. Charles-Henri m'avait consolée de tout son soûl,. Pourtant, j'avais bien senti cette pointe de jugement qu'il réprimait avec force. Chez toi.. Il n'y en avait aucune.
Je tenais dans mes bras un trésor au parfum de rose fanée que je n'échangerai pour rien au monde... Pour personne.

Je sentais mes muscles se détendre, mes spasmes s'arrêter, mes larmes qui peu à peu s'épuisaient. J'étais heureuse, simplement. Un sourire bourgeonna naturellement sur mon visage.

"-Emily... Merci."

Je rencontrai de nouveau ses beaux yeux gris. Avec un sourire rassurant, elle saisit mon visage pour essuyer une de mes dernières larmes. Je mis mes mains sur les siennes, acceptant cette fois sans résister cette vague de la chaleur du bien-être. Au fond de moi, je restais un peu surprise; Bien qu'elle amorçait quelques fois du contact entre nous, nous n'avions jamais été si proches; Elle était loin d'être la personne la plus tactile que je connaisse.

- Et tu vas t'en remettre. Tu dois t'en remettre, Yume, tu es forte. Et de toute façon, tu n'as pas le choix. Ce monde ne fait pas de cadeau à ceux qui ne se relèvent pas!

J'hochai la tête vigoureusement, inspirée par ces mots qui étrangement, résonnaient enfin en moi. Après l'étreinte et les larmes, mon esprit semblait soudainement clair. Je savais enfin ce que je voulais.

...Evidemment, AK n'avait pas comme par magie disparu de mon esprit... Mais il n'était pas là. Plus là. Je ne savais pas s'il allait revenir. Allais-je essayer de savoir où il se trouvait...? Sans doutes. Mais là n'était pas le bon moment pour cela. Maintenant que j'étais seule, il fallait que j'avance. Rien que par moi. Et pour moi.

J'allais ouvrir la bouche, quand je fus légèrement secouée. La nacelle touchait de nouveau la terre ferme. ...Déjà ? Avec toute cette histoire, je n'avais même pas pu profiter correctement de la vue ! Tant pis. J'imagine que ce sera pour la prochaine fois.. ! Je souris et me séparai doucement de mon amie, l'invitant à sortir de la nacelle. Nous reprîmes donc notre marche, bras dessus-bras dessous. J'inspirai une grande bouffée d'air frais.

Maintenant que je savais l'avoir à mes côtés quoiqu'il puisse arriver, je me sentais plus confiante que jamais. Les pensées que je m'efforçais d'avoir pour avancer, coulaient à présent naturellement dans l'onde de mon esprit. Pour dire vrai... Ce petit tête à tête avait fini de me convaincre; J'avais pu enfin confirmer mon choix. Je me retournais vers elle.


"-Merci encore Emily. Te savoir avec moi, même après tout ça... Ça me donne de la force. Charles-Henri et toi, vous avez raison. Il est tant que j'avance."


Je marquais une pause, considérant une dernière fois ce que je m'apprêtai à dire.

"-En parlant de Charles-Henri... J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps... Je crois que je vais l'épouser."


Je marquai de nouveau une pause, un peu plus malicieuse. Il fallait laisser le suspens agir ! Et la laisser se remettre du choc. Qui pourrait croire que JE puisse un jour dire cela sciemment? J'avais moi-même du mal à y croire. Je passais quand même du coq à l'âne en un instant. Pourtant, cette décision était le fruit de 3 mois de compromis intérieur.

"-Ca pourrait paraître étonnant de ma part.. Ce n'est pas un acte désespéré d'un cœur brisé, et je ne me suis pas découvert des sentiments pour lui, je te rassure tout de suite.. ! Mais j'en ai assez de fuir. Depuis un bon moment, je repousse ce moment à cause de mon manque de sentiment à son égard.. Mais je savais pertinemment que ça arriverait un jour ou l'autre. J'avais pensé à m'enfuir avec celui que j'aimais, mais comme tu le vois, ce n'est pas un franc succès. Je sais que Charles-Henri est de mon côté. Une situation stable comme le mariage pourrait au contraire m'aider dans mes projets, si j'arrive à m'imposer contre la servitude traditionnelle. Bref, j'aurai tout à y gagner."


...Enfin presque. Je fis la grimace.

"-Pour tout ce qui est du... Domaine physique, c'est loin de m'enchanter. Je trouverai un moyen de contourner ce détail, parce qu'il en est pas question."

Je lui souris.

"-J'espère que tu me suis. Et que tu seras mon témoin aussi. Je m'arrangerai pour que ce soit en soirée."


... J'avais définitivement vidé mon sac une fois pour toutes.
Une fois que l'émotion de la nouvelle sera passée, je comptais bien m'en tenir au plan initial; M'amuser. Aller partout dans la ville, "me dévergonder". Tout et partout !

..Tant que ce n'est pas à Whitechapel.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyMar 21 Aoû - 22:16

Nous quittons l'attraction le coeur plus léger, l'une comme l'autre! Le retour du sourire de mon amie me sied à merveille, et le panorama de Londres dont j'ai pu profiter pendant ces quelques minutes a tout simplement charmé mes yeux. Proches et guillerettes, nous nous mélangeons de nouveau à la foule colorée de la fête foraine.
Après nous être impregnées de nouveau de l'ambiance pendant quelques instants, Yume reprend la parole, me remerciant à nouveau de mon soutien. Elle ajoute également que son fiancé l'appuie beaucoup! Excellente nouvelle! Je remarque d'ailleurs que c'est plutôt rare qu'elle me parle de Charles-Henri en bien. Puis, elle marque un curieux temps avant de reprendre :  

"-En parlant de Charles-Henri... J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps... Je crois que je vais l'épouser."

Hein?!

Même si je réussis à étouffer cette interjection avant même qu'elle ne se faufile un chemin dans ma gorge, je ne peux commander à mes traits de ne pas paraître étonnés. Yume? Se marier.... Avec Charles-Henri?! Je n'en reviens pas. C'est là une décision si... adulte.
Je m'arrête quelques secondes, reprenant un air neutre et indéchiffrable. Avec une attention presque proche de l'insistance, j'étudie attentivement ce qui venait de me passer sous le nez depuis déjà un long moment : Yume a grandit.

Comment avais-je pu ne pas remarquer que ses lèvres étaient devenues plus rouges, et sa silhouette plus dessinée? J'étais passée à côté des traits, toujours aussi adorables, mais qui s'étaient affirmés et affûtés comme la pointe d'une plume. Pour moi, Yume a toujours été l'enfant incontrôlable, la petite sœur tempétueuse et gaffeuse, l'allégorie même de la liberté et de l'insouciance. Et voici qu'à présent je dois me la représenter en robe blanche, marchant vers l'autel, avec une détermination que j'ai moi même presque oublié.

Le mariage. Je deviens à présent si salée à ce sujet. Peut être est ce parce que j'ai décidé d'enfermer ce profond rêve à double tour après toutes ces déceptions. Je me suis résignée à ce que les cloches ne sonnent plus jamais pour moi, même pas le jour de ma mort, puisque j'ignore si ce dernier se présentera un jour. Après tout, même les enfers n'ont pas voulu me garder auprès d'eux.

Je détache mon regard du vide et tente de ne pas me laisser engouffrer dans la noirceur de ses dernières pensées! Vite, sourire! Penser à Yume! Penser à son bonheur proche! Penser à quelle merveilleuse princesse elle fera ce jour-là! A combien pur sera son sourire, et pétillants seront ces yeux. Même si Charles-Henri n'est pas celui qu'elle gardera à l'encre indélébile sur son cœur, je suis certaine qu'ils seront effectivement capable de se construire une saine parcelle de bonheur ensemble.

"-J'espère que tu me suis. Et que tu seras mon témoin aussi."

Aïe!

Je me remets rapidement de cette énième insidieuse pique du destin, en me rendant compte que c'est avant tout un très grand honneur. Avec Yume, nous avons partagé beaucoup, et nous nous sommes apportées mutuellement de précieuses choses. Mais je ne fais ni partie de sa famille, ni de son proche entourage aristocratique. Je suis très touchée par sa demande, et de son choix. C'est donc avec un sourire sincère que je réponds :

"Yume, je ne te cache pas que ta décision m'a quelque peu surprise! Je ne m'attendais vraiment pas à ce que tu me fasses part d'une telle confession, ce soir. Mais bien entendu, je te suivrai, et j'accepte d'être ta témoin, avec tout l'honneur que ce implique!"

J'accompagne ma déclaration d'une révérence des plus nobles, les yeux clos et le poing sur le cœur. Me relevant, je murmure cependant à sont oreille d'une voix farceuse :

"Mais... ne me fait pas croire que tu refuseras éternellement des bébés Wilson à la tignasse flamboyante gambadant partout dans le grand manoir familial."

Fufufu ~ Je me délécte de la teinte écarlate que son visage prend presque instanément, et recommence à marcher comme si de rien n'était! Malgré les troubles et les questions que ce mariage me remémore, mon espièglerie et mon humeur joyeuse reprennent le dessus! Moi aussi j'ai envie de m'amuser! Yume me rattrape alors, se préparant sans doute à me sermoner ou se justifier, et je ne peux retenir un malicieux éclat de rir...

BOOOM !!!!

Qu'est ce que?!!... Le bruit est venu de derrière nous, du cœur de la fête foraine! C'était une sorte de détonation. Une sorte de coup de canon. Instantanément, je me retourne. Des cris commencent à se faire entendre et un mouvement de foule prends forme. J'attrape Yume par la main :

"Il ne faut pas rester ici, cours!!!"

Nous nous lançons donc dans une courte cavale chaotique jusqu'au bois bordant la forêt. Je n'ai toujours pas compris ce qu'il se passait. Une fois à la hauteur des premiers arbres, constatant que l'endroit est désert, je prend le temps de me retourner. Un bruit de ferrailles grinçantes monstrueux accompagne ma volte face.
Je reste sans voix. La grande roue est en train de se détacher. Le gigantesque cercle de métal oscille d'une manière dangereusement lente hors de son axe de rotation. Les cri redoublent d'intensité lorsque, dans un grondement terrifiant, les derniers joints cèdent et permettent à la roue de débuter sa descente destructrice vers le fleuve. Nous sommes bien loin de la trajectoire. Mais c'est une vision qui laisse sans voix. Écrasant toutes les petites maisonnettes sur son passage, la structure de fer conserve une progression assez lente, bien qu'inarrêtable. Je prie toutes les étoiles du ciel pour que personne ne se trouve encore sur son passage.

De nouvelles détonations se font entendre. Moins importantes que la première, elles sont plutôt semblables à des coups de feu. Serait-ce un attentat, et non un tragique accident?...
Y a-t-il là bas des innocents qui se font assassiner?...
Je me retourne brusquement vers Yume, essayant de garder mon sang-froid. Mais c'est compliqué. Je dois la mettre à l'abris! Ce n'est pas le moment pour qu'il lui arrive malheur, je ne l'accepterai jamais!

"Yume!! Tout va bien?! Ici, nous sommes hors de leur portée! Même si je... Je n'ai eu le temps de voir ce qui s'est passé..." je l’ausculte brièvement pour constater son état, elle semble surtout choquée. Ses grands yeux verts fixent le chaos derrière moi.

C'est insupportable! Si nous étions de jour, je n'aurai pas hésité à foncer tout droit vers la source des tirs, pour décimer sans merci les fauteurs de trouble. De nuit, ce n'est pas le courage qui me manque, ni la peur de me faire blesser qui me freine. Seulement, à quoi bon courir dans la mêlée et risquer de se  faire stopper net par une balle en plein cœur, sans réussir à sauver la moindre vie? Il me faudra être plus subtile que cela.

Les dégâts engendrés par la chute de la grande roue ont fait naître des incendies qui se développent de façon inquiétante. De toute manière, l'explosion et la chute de la roue on déjà du réveiller tout le quartier, et la police doit déjà être sur le pied de guerre. Nous sommes sur un champs de bataille... Il sera là ce soir, c'est certain. Je ne peux pas m'enfuir.

"Il faut que tu te sauves tant qu'ils sont encore loin! Moi je... Je dois rester ici. Je dois essayer de faire quelque chose pour les forains! Les forces de l'ordre ne vont pas pouvoir arriver avant un moment, et il y a des enfants qui... Ne t'inquiète pas pour moi, tu sais bien que je ne risque rien."

Je termine cette phrase avec un sourire rassurant et légèrement résigné. Dans le pire des cas, cette soirée s’achèvera plus vite que prévue, mais ma conscience redémarrera dès que poindra le premier rayon du soleil. Ce qui m'inquiète réellement, c'est plutôt le regard dur et déterminée de Yume, qui n'a pas du tout l'air partante pour me laisser y aller toute seule. Je déglutis. Je ne sais pas ce qui me culpabilise le plus entre la laisser seule ou accepter qu'elle m'accompagne aux portes de l'enfer.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyJeu 23 Aoû - 23:29

Comme prévu, une réaction à ma nouvelle déclaration ne se fit pas désirer. Je me retins de rire, observant la figure de mon amie se décomposer alors qu'elle peinait à se remettre de l'information. Elle n'avait pas flanché devant ma précédente confession dans les nuages, mais j'avais tout de même réussi à la déstabiliser avec celle-ci, pourtant de bien meilleure augure. A croire qu'accepter une alliance arrangée était plus inattendu que de fricoter avec un assassin à ses yeux ! Emily était définitivement un spécimen étrange; mais c'était bien ce qui faisait son charme ! Elle mit cependant un certain temps à me communiquer sa stupeur, ses prunelles grises me scrutant avec insistance, et à ce que je pouvais rapprocher à la mélancolie.

J'espérais simplement ne pas l'avoir rendue amère. Je savais à présent que sa propre histoire semblait être dans l'impasse; Une idylle avec un individu obligé de se cacher du monde n'était pas ce qu'il y avait de plus simple; Et j'en savais quelque chose ! Encore, de ce qu'elle m'en avait dit, ce n'était pas si désespéré que cela... Un mariage dans le secret et l'intimité pouvait s'organiser, avec grande prudence. Mais peut-être était-elle lasse. Combien d'années avait-elle vécu ? Combien d'êtres aimés avait-elle vu vieillir sans elle pour finalement s'éteindre ? Mon cœur se serra à cette pensée. Je me ressaisis rapidement; Je n'allais pas me laisser abattre alors que je venais de retrouver le sourire ! L'important était que je profite de l'instant présent... Tant que je le pouvais encore. J'avais beau avoir pris cette décision, je n'étais pas si impatiente que cela de me condamner à une vie sans amour !

Emily souriait à présent, l'ombre dans ses yeux s'étant évaporée en un instant -Tant mieux!-. En une gracile révérence, elle dissipa toutes mes craintes avec un enthousiasme qui semble réel.

Me voilà transportée de joie ! Alors que je promettrai servitude et fidélité à Charles-Henri, l'homme que j'aimais valsera avec quelque blonde insipide; une épreuve qui me paraissait bien amère. Pourtant, j'entendais jour et nuit que c'était ce qui me rendrait une femme accomplie. Vérité ou non, j'étais soulagée de la compter à mes côtés alors que je franchirai ce nouveau cap dans ma vie. Emily, l'amie qui avait toujours été présente et sincère.. Elle se rapprocha de moi: Alors que je lui tendais les bras pour une accolade, elle me souffla sournoisement à l'oreille;  

"Mais... ne me fait pas croire que tu refuseras éternellement des bébés Wilson à la tignasse flamboyante gambadant partout dans le grand manoir familial."


Que !! "Des bébés Wilson"... Moi ?? Aussi grosse qu'une baleine, à faire tâter mon ventre, le regard bovin et béat ?? Mais ?? Beurk !!! Je me sentais m'empourprer. Elle n'avait donc rien compris à ce que je venais de lui expliquer ?? ......

.....Oh que si, elle avait très bien saisi justement !! Que c'était bas comme riposte !! Petite diablesse ! Qu'elle attende que je la rattrape et que je...!!!

BOOM!!

Une bourrasque soudaine me poussa quelques pas en avant, alors que mes tympans semblèrent éclater.
Une explosion. Ce n'était malheureusement pas la première fois que j'en entendais une de ce genre, pourtant, je me retrouvai paralysée sur place, le moindre de mes muscles ankylosé.

L'instant d'après me sembla durer une éternité. Les cris de terreur, les landaus qui se renversaient, les bousculades et les courses effrénées. Non. Le chaos s'intensifiait sous mes yeux mais je m'amorçai pas le moindre mouvement. Mon cœur tambourinait jusqu'à mes oreilles encore bourdonnantes. Il ne fallait pas que je reste là. Yume, bouge !! Et pourtant, j'en étais incapable. Je me mis peu à peu à trembler, constatant, impuissante, mon niveau de panique grimper chaque seconde. Une forte poigne m'attira brusquement vers l'avant, me tirant de ma torpeur.

"Il ne faut pas rester ici, cours!!!"


Je ne réalisai pas pleinement ce qui m'arrivait; tout allait si vite à présent. Je poussais sur mes jambes aveuglément, voyant le paysage défiler sous mes yeux, sans pourtant la moindre idée d'où j'allais. Je peinai à respirer, avalant goulûment la moindre bouffée d'air que je trouvais dans ma course.
Nous nous arrêtâmes abruptement, à l'orée d'un bois longeant l'horreur que nous venions de quitter. Je tentais vainement de retrouver mes esprits tout en inspectant mon amie, qui avait l'air en état de choc. Elle n'était pas blessée. Dieu merci !
Je m'efforçais à réfléchir, taisant quelque peu ma panique qui m'incitait de continuer de courir. Que s'était-il passé exactement là-bas ? Était-ce un attentat, ou un simple accident ? Nous étions loin d'être seuls; Je me souvenais très clairement de ce monstrueux mouvement de foule.. Étaient-ils tous sains et saufs ? Un nœud de noua dans mon ventre à l'idée de potentielles victimes qui, quelques instants auparavant, riaient avec vigueur.

Un bruyant grincement métallique me tira soudainement de cette rêverie morbide. Je levai le regard, faisant déjà face à la fête foraine: Pendant un instant, je ne distinguais rien de particulier -si ce n'était des restes de fumée- dans mon champ de vision. Cependant, des cris fusèrent de plus belle, alors que je réalisais l'horrible spectacle. La grande roue s'était détachée ! D'abord d'une lenteur sadique, elle oscilla hors de son axe pour accélérer dans une avancée infernale écrasant étals puis bâtiments, en direction de la Tamise, loin de notre position. Je ne puis m'empêcher de porter mes mains à mes lèvres; Y avait-il des gens piégés à l'intérieur ? Et si certains n'avaient pas pu fuir sur son passage ?! Ce tableau gargantuesque me laissa stoïque malgré les nouveaux coups de feu accompagnés des cris. La police.... Il fallait prévenir la police !!!

...Mais à quoi bon ? Le temps qu'elle se déplace, trop de mal sera déjà fait. Je me savais en sécurité, à présent loin de ce drame, mais tant d'innocents n'avaient pas cette chance... Il fallait intervenir... Je me sentais encore bouleversée: j'amorçai un pas, mais mes jambes manquèrent de se dérober. Je me devais de me reprendre, et vite ! Je sentis Emily m'attraper pour m'inspecter brièvement; je lui donnerai bien un sourire, mais je peinais à détacher mes yeux de cette vue malsaine. La fumée s'était épaissie davantage. Quelques flammes s'élevaient déjà vers le ciel bleu marine. Le chaos. Charles-Henri m'avait déjà traîné à de nombreuses messes, toutes aussi soporifiques les unes que les autres. Le pasteur avertissait ses brebis de l'Enfer qui les attendait s'ils ne suivaient pas une conduite exemplaire. Je comprenais à présent ce qui leur faisait si peur. Je déglutis et levai les yeux vers mon amie. Elle me contemplait, affectée et inquiète. Je me retins de soupirer: Je savais déjà ce qu'elle s'apprêtait à me dire.

"Il faut que tu te sauves tant qu'ils sont encore loin! Moi je... Je dois rester ici. Je dois essayer de faire quelque chose pour les forains! Les forces de l'ordre ne vont pas pouvoir arriver avant un moment, et il y a des enfants qui... Ne t'inquiète pas pour moi, tu sais bien que je ne risque rien."

...Prévisible. Je savais les bonnes intentions qui l'animaient, qu'elle était plus expérimentée que moi, et qu'elle voulait me voir saine et sauve mais... Je ne pouvais m'empêcher d'être irritée par son petit discours. J'avais bien grandi depuis notre première rencontre, et je n'avais pas le souvenir d'y avoir été une parfaite incapable ! Emily avait toujours cette insupportable manie de sans arrêts me mettre à l'écart au moindre danger, alors que je pouvais lui prêter main forte.

Je mentirai en affirmant que je n'étais pas morte de trouille. Cette situation n'était pas sans danger, j'en avais également conscience. Mais je n'avais pas le choix. Je ne pouvais pas juste prendre mes jambes à mon coup alors que des vies étaient en jeu et laisser Emily faire tout le travail!

"Tu plaisantes j'espère ? Si tu crois que je vais te laisser y retourner toute seule ! Tu n'as pas le choix, je viens. Comme tu l'as dit, la police va prendre son temps et des gens sont en danger: Tu as besoin de toute l'aide possible. Je sais que tu t'inquiète pour moi... Mais je ne suis pas une incapable. Je vais m'arranger pour ne pas me faire tuer, au minimum ! ...Au pire, on m'a toujours dit que je faisais un excellent appât !"


Sur cette dernière note un peu plus légère, je pris mon courage à deux mains et ignorant mon cœur qui tambourinait de plus belle dans mes oreilles, je fis marche-arrière, ne laissant pas le temps à mon acolyte de protester. Celle-ci me rattrapa sans peine, et très rapidement, nous nous retrouvâmes de nouveau devant le grand portail en fer forgé du parc.
Poussée par l'adrénaline qui commençait à me gagner, je m'élançais vers l'intérieur; cependant la poigne ferme d'Emily me ramena vers l'arrière, accompagnée d'un regard sévère. Je lui répondis un sourire contrit, tentant de me temporiser. Heureusement que je l'avais avec moi... Dire que j'allai foncer tête baissée vers une menace dont nous ignorions tout ! Ce n'était pas mes petites courses-poursuites nocturnes sans conséquences: j'allai y risquer ma vie ! Il nous fallait une approche discrète et subtile. Et surtout, ne pas trop s'éloigner l'une de l'autre. D'un commun accord, nous nous faufilâmes silencieusement dans le jardin.

Le feu ne s'était pas encore répandu jusqu'à notre position; l'horizon était assez dégagé, et l'endroit, un peu moins bruyant que je ne l'avais prévu. Des silhouettes se distinguaient déjà au loin, ne pouvant cependant pas remarquer notre présence. Tous mes sens semblent fébriles, et pourtant, je me trouvais étonnamment calme. Je détaillais de nouveau notre environnement: Seules quelques minutes y espaçaient nos deux visites, et pourtant rien n'y semblait le même. La musique du carrousel jouait toujours dans la distance; cependant, sans les éclats et rires et les enfants, celle-ci procurait une atmosphère pesante au parc. Les différents stands, précédemment si animés, s'étaient affaissés, ou du moins s'étaient fait désertés. Ils pourraient au moins, constituer des cachettes de fortune !

Je continuais de progresser, mon amie à mes côtés, à la recherche d'âmes perdues ayant échappé à ce drame, quand soudainement, je remarquai ce qui me semblait être une barre de fer au pied d'un étal en ruine: Ce n'était pas grand chose, mais il nous faudrait bien nous défendre. Et ceci... était le bienvenu ! Après avoir vérifié mes arrières, je m'approchai pour m'en saisir. Je m'arrêtai net et un cri mourut dans ma gorge alors que je distinguais la figure d'une lady, écrasée sous la ruine du stand. J'accourus immédiatement près d'elle, mais me rendis compte qu'il était bien trop tard. La courbe de son joli crâne avait été gravement enfoncé et je pouvais discerner sans mal une partie de sa cervelle moucheter le pavé.

Je reculai vivement, réprimant avec difficulté une envie de vomir. Quelle horreur, quelle horreur... J'agrippai sans réfléchir ce que j'étais venue chercher et retournai rapidement auprès de mon amie, priant pour que l'adrénaline efface cette image de mon esprit. Je fis de mon mieux pour cacher mon mal-être; je ne pouvais pas m'autoriser à être sentimentale maintenant. D'autres pouvaient encore être sauvés. Je repris ma respiration, tâchant d'avancer à un rythme satisfaisant.
Emily m'arrêta d'un signe; Quelqu'un approchait. Sans réfléchir, je me glissai derrière l'ombre d'un étal encore debout alors que ma collègue fit de même un peu plus loin. Je me risquais à jeter à l'inconnu un regard furtif.

L'homme, coiffé d'un chapeau melon, avançait seul d'un pas sûr dans notre direction, malgré le chaos ambiant. Il avait sur le visage un air de brute, malgré qu'il n'en ait pas la carrure. Je fronçai les sourcils. Il n'avait pas l'air d'un civil, ce qui venait appuyer la théorie d'un attentat. Pourtant, il avait pris le risque de patrouiller seul, ce qui pouvait supposer que les attaquants soient peu nombreux, ou très mal organisés. Je déglutis silencieusement, alors que je le savais approcher de ma position. Je m'accrochais de toutes mes forces à ma nouvelle arme, sentant mes moyens peu à peu m'abandonner.
Je pouvais à présent voir sa silhouette se détacher de ma cachette; je ne réfléchis plus. Tête, ventre, bijoux de famille; tête ventre, bijoux de famille; tête, ventre, bijoux de famille....

Étouffant un cri de panique et de toutes mes forces, je parvins à lui asséner un violent coup au crâne, le faisant valser au sol sans un bruit. Est-ce que je l'avais assommé..? Sans perdre une seconde, je traînais sa carcasse derrière le stand avec moi, bloquai ses membres avec plus ou moins d'exactitude, et l'inspectais avec une grimace. Il n'avait pas l'air de réagir. Quelle chance ! Il ne se réveillerait pas avant un moment... !

...Et maintenant ? Je repris ma respiration, tentant de garder un semblant de concentration. Je jetai un nouvel œil inquiet à l'homme étendu sous mon poids. Bon... Je pourrai le fouiller....je suppose ? N'importe quel arme ou indice pourrait nous être utile ! Les mains un peu tremblantes, je tâtais l'extérieur, puis l'intérieur de son veston. Bingo ! Assez facilement, j'y dégageai un revolver. Je frissonnai. Après quelques tentatives infructueuses, je réussis à l'ouvrir. Chargé. Je souris en me levant. Je le donnerai à Emily. Elle savait sûrement mieux se servir de cet engin que moi. J'espérais juste qu'elle n'ait pas d'ennuis de son côté...
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptySam 25 Aoû - 15:02

Je soupire. Comme je l'avais prévu, Yume n'a pas envisagé une seconde que je la laisse sur le carreau. C'est noble, et extrêmement courageux de sa part. mais je me demande s'il n'y a pas derrière cela également une question d’ego, une envie irréfutable de faire ses preuves, d'être forte. J'admire cela, mais me rappelle qu'il s'agit tout de même d'une forme très dangereuse d'inconscience. M'enfin. Après tout, je serai à ses côtés, et je ferai tout mon possible pour la protéger au maximum si jamais la situation dégénère!
Je me déplace furtivement derrière mon amie. cette dernière est presque trop guillerette, grisée par l'aventure, et commence à rentrer dans le parc comme si celui-ci avait retrouvé son état initial. Je la rattrape vivement par la main! Enfin Yume! Ce n'est plus la fête foraine à présent. C'est un champs de bataille.

Et je pèse mes mots. En seulement quelques minutes, ce lieu a été complètement métamorphosé. Adieu, insouciance, fleurs, lumière et couleurs. Bonsoir horreur, cruauté, perte et malheur. L'attaque a tout changé. Des débris et même quelques corps jonchent les allées. L'un de mes premiers réflexes serait d'attraper le visage de Yume dans mes mains et de dissimuler à sa vue toutes ses horreurs. Mais je me souviens qu'elle a grandit, qu'elle a vu pire, et que lui épargner ces visions ne lui rendrait pas service. Je n'en fait donc rien et me contente simplement de regarder cette dernière faire face à l'un de ces premiers "vrai" cadavre, une jeune femme à la tête écrasée. Je commence à bouillir intérieurement.

Dans mon esprit tout s'agite en même temps. La force chaotique de la situation, l'extrême déchaînement de violence dont j'avais été témoin. La vue du sang. La douce, mais terriblement tenace, insidieuse, primaire, envie de vengeance.
Au fil du temps, cela devient plus qu'une envie. C'est un besoin, c'est un manque.  C'est l'occasion. C'est le moment délicieux où les bourreaux eux-même, par leurs actes révoltant, ouvrent les barreaux d'une meute de créatures incontrôlables, hybrides entre le cerf et le loup, entre la proie et le prédateur. Le moment où il devient juste de faire du mal, parce que c'est la loi du plus fort qui l'impose. Et on aura beau la discuter autant qu'on le voudra, elle reste la plus naturelle et la plus légitime de toute!

Je m'arrête un instant. Est-ce que je suis en train de... saliver? Je me mets une claque mentale pour m'ordonner de me calmer un peu! Il s'agirait de faire attention à ce que mon niveau de démence ne devienne pas trop instable, et que je perde ma concentration sous l'effet grisant du combat imminent...
Je deviens de pire en pire. Mon existence chaotique sans cadre, sans avenir, ni but, mis à part la traque de mes obsessions les plus belles et ma récente passion pour la lutte violente contre la criminalité vont bientôt me faire de moi une créature plus sauvage que civilisée.

Heureusement, il y avait ces petits moments de sociabilisation avec Yume, qui me ramenaient à une réalité plus saine et commune. Ils avaient le goût de ma vie d'avant, me remémorant des souvenirs qui se faisaient aujourd'hui de plus en plus confus. Mais mon amie veillait sur moi à sa façon, me partageant sa vie quotidienne, m'offrant ces précieux moments d'accalmie. Je retrouvais à quel point cela pouvait être agréable de porter de beaux vêtements, de passer du temps dans un manoir somptueux et de goûter aux mets les plus raffinés. J'avais trouvé en elle en plus d'une amie fidèle, une ambassadrice du monde moderne, me permettant de garder un lien permanent avec cette société dont je me méfiais tant.
Mais cette nuit, dans le chaos infernal qui venait d'être créé, il n'était plus question d'élégance mondaine et de courtoisie fleurie. Nous étions sur un terrain de chasse qui commençait à me devenir familier, où la ruse vicieuse et la violence menaient la danse.

Soudain, un homme s'approche. Aux aguets, je m'accroupi derrière des décombres, tandis que Yume se place un peu plus loin, une barre de fer entre les mains. Nous ne nous sommes pas concertées, pourtant la situation semble limpide : mettre cet homme hors d'état de nuire. Ne pas le laisser signaler notre présence. Notre future victime arrive d'une allée centrale. S'il tourne à droite, je serai là pour l'accueillir. Mais si c'est à gauche, ce sera à Yume de faire son baptême du feu.
Gauche! Je grimace légèrement de déception, sans quitter la cible des yeux. Yume semble fin prête. Du moins, elle a intérêt à l'être. Elle a insisté pour venir, elle ne peut pas faire marche arrière. Allez, jeune renarde! Mets moi à terre ce vilain poulet ♡

Un "bang" plutôt sourd retenti, le bruit plutôt logique d'un objet contondant rentrant en contact avec un crâne. Yume a réussi, et sans trembler! Je suis assez fière de son geste, brusque, mais déterminé. Elle a vite fait d'attirer le corps vers sa cachette afin de le dissimuler aux yeux de tous, un parfait réflexe. Moins il y a de cadavre, moins il y a de questions!

"Ralph?? Putain, combien de fois je t'ai dis de m'attendre, j'en ai marre de te courir après!"

Oh? Deuxième round? Celui-là est pour moi, c'est sur et certain. Un second homme surgit dans l'allée, je n'ai que quelques secondes pour l'observer. Corpulence moyenne, attitude moyenne, cela devrait passer sans trop de difficulté. De toute façon, je suis tellement énervée que je n'aurais même pas peur de m'attaquer à une montagne de muscles!
L'homme arrive au croisement de l'allée, et je bondis alors de ma tanière, telle une boule de furie imprévisible. Mes bras et mon torse heurtent violemment ses cuisses, le propulsant à terre. L'avantage est acquis. Je me relève rapidement et me hisse vers le visage de ma proie pour lui asséner un premier coup dans le nez et faire rebondir son crâne contre les pavés. Je ne frappe pas encore assez fort visiblement puisque mon adversaire semble confus, mais toujours actif! Il commence à balbutier! Surtout ne crie pas!! D'un coup sec, je frappe sa pomme d'Adam du tranchant de ma main, ce qui a pour effet de commencer à le faire grandement suffoquer! Je commence à apercevoir de la peur dans ses yeux, avant de me prendre une gifle monumentale qui me fait tomber sur le côté. Erreur d'inattention. Tout n'est pas perdu, l'homme se redresse lentement, et j'ai le temps de lui sauter sur le dos avant qu'il n'ait le temps d'attraper son flingue. Avec mon bras droit je commence à l'étrangler fermement, ma tête et ma main gauche plaquées contre sa nuque pour l'immobiliser. Mais l'homme commence à se débattre d'une force qui commence à menacer mon attaque, et je me sens encore légèrement sonnée.

Je lève les yeux un instant, et j'aperçois sur ma droite Yume dans sa planque, un pistolet à la main, menaçant de tirer sur ma cible. D'un léger mais insistant mouvement de tête, je lui fait signe de ne surtout agir de la sorte! Le bruit de la détonation attirerait d'autres malfrats!! Je me re-concentre sur l'homme au cœur de mon étreinte. Sans hésiter, presque par réflexe, je plante mes dents dans sa nuque se qui a pour effet de le calmer instantanément. Un peu de sang coule, mais rien de dangereusement vital. Je crois que cela l'a parfaitement effrayé, puisqu’il se calme, et ses gestes deviennent plus lents avant de tomber dans l'inconscience.

Je me relève, essouflée, les sourcils froncés et les lèvres ensanglantées, sous les yeux de Yume qui me regarde étrangement. Ben, quoi? Ce n'est pas la première fois qu'elle me voyait faire cela. Lors de notre première rencontre, j'avais quasiment battu à mort un tueur en série des bois, qui avait voulu nous faire passer un sale quart d'heure. Je récupère le propre pistolet de ma victime, puis m'avance vers ma jeune amie :

"Bien joué. Tu peux garder le tiens, cela me rassure de te savoir armée. Mais ne t'en sers qu'en cas de dernier recours, et surtout, cache-le. Si nous nous faisons attraper, ils ne s'attendront pas à ce qu'une Lady de ton rang ait une arme en sa possession!"

Je m'ébroue. Je me sens grisée et transcendée par ce premier combat, et cette première victoire - même s'il n'y avait pas beaucoup de challenge, il faut l'avouer! Nous dissimulons le deuxième homme après l'avoir brièvement ligoté aux côté de son acolyte. Il est temps de se focaliser sur notre mission principale, nous ne sommes pas revenues ici juste pour casser des mâchoires ou des crânes, eh!

Par prudence, j'entraîne Yume avec moi, et décide ne pas aller vers le centre de la fête, d'où venaient les deux hommes, mais plutôt de contourner la zone, à la recherche d'éventuels rescapés de l'attentat. Nous nous dirigeons donc dans une allée à notre gauche. Il n'y a pas un chat. Les seules rares formes humaines que nous croisons sont des malheureux ayant été frappés par les explosions ou la destruction de la grande roue. Dans un élan de relatif optimisme, je constate que nous ne croisons aucun civil criblé de balles. Ils n'ont pas l'air de s'en prendre directement à la foule, ou alors ils les regroupent quelque part, peut être en tant qu'otages.

Soudain, il me semble apercevoir une petite silhouette, dans la brume. Lentement, je fais signe à Yume de me suivre, et me faufile dans les décombres. Sans faire d'avantage de bruit, je soulève une petite bâche colorée de rose et de blanc, pour y découvrir un petit groupe de jeunes enfants apeurés!
Instantanément, je plaque mon index sur ma bouche pour leur faire signe de ne pas crier. certains se retiennent in extremis, d'autres continuent de pleurer. Leurs visages sont dans un état de détresse considérable! Je discerne rapidement des jeunes adolescents protégeant de leur maigre bras les plus petits. Ces derniers ont les yeux noyés de larmes et la morve leur coule du nez. Ils ont de la poussière partout sur la figure, et leur vêtements sont déchirés. Je me décale brièvement de l'ouverture de la tente de fortune, le temps de nettoyer un peu mon visage maculé de sang et de poussière. Yume s'approche doucement :

"Des enfants qui se sont sauvés. Il faut les rassurer, leur dire de ne surtout pas bouger d'ici pour l'instant. Nous ne sommes qu'à une cinquantaine de mètre de l'entrée du parc. si on nettoie convenablement le périmètre et que l'on arrive à mettre en place une diversion, on pourra réussir à les faire sortir de ce cauchemar."

Mon amie rentre à son tour dans la tente afin de rassurer nos petits protégés. Le portail de l'entrée du parc devrait normalement être visible à cette distance, mais la fumée et les décombres nous bloquent la vue. J'inspecte brièvement les environs et tend l'oreille. Zone semble déserte, mais j'ignore complètement si les fauteurs de trouble ont prévus de patrouiller jusqu'à cet endroit. Je tourne rapidement dans les décombres, faisant le point sur la situation. Yume et moi avons chacune un pistolet chargé de six balles, et nous avons mis hors d'état de nuire deux hommes. Mais il nous faut en savoir plus. Peut être que les gosses ont pu apercevoir quelques uns des malfaiteurs!
Je retourne sous la tente, et c'est déjà un climat plus serein qui m’accueille. Je ne sais pas ce que Yume a raconté aux enfants, mais la plupart ont séchés leur larmes, et l'espoir semble avoir reconquit leurs prunelles! Je m'accroupis auprès d'eux, prête à débuter l'un de mes plus soft interrogatoire :

"Nous allons avoir besoin de votre aide, jeunes gens, chuchotais-je, m'adressant principalement aux aînés, Il va falloir être clair et rapide, et essayer de vous souvenir du mieux possible de ce qu'il s'est passé. Est ce que quelqu'un a vu ce qu'il s'est passé près de la roue, avant l'explosion? Est ce que vous avez pu discerner ceux qui nous ont attaqué?"

"J'étais sur le manège quand ça a fait boum, j'ai essayé de descendre, mais... Y avait plus mon papa, les gens courraient partout. C'est mon frère qui m'a attrapé et qui nous a sauvé ici. Il est où mon papa?"

"La roue! Elle est passée devant! Et puis elle a écrasé les maison et..."

"Il y avait des monsieurs en noir qui criaient de se mettre par terre!! Alors je me suis cachée sous..."

"Il est où mon papa?..."

Stop!! Stooop! J'ai demandé du calme! De la précision. Je sais que c'est dur à exiger de la part d'enfants choqués, mais d'un claquement de doigt, je rappelle à l'ordre mon auditoire. Je pointe du doigt une fillette aux nattes chatains, le visage constellé de taches de rousseurs :

"Combien d'hommes en noir? Tout en noir? Des costumes, des manteaux?" Je me remémore rapidement les deux spécimens que Yume et moi avons maîtrisées, ils n'avaient pas de costumes particuliers. La plupart des terroristes sont surement en civils, mais les dirigeants de la meute ont surement des signes distinctifs.

"J'en ai vu deux, je crois... Ils avaient des chapeaux et des coiffures bizarres. Mais c'est sur que c'étaient eux les méchants. Ils rigolaient en regardant tout le monde courir et s'aplatir sur le sol."

Soudain, une adolescente parmi les plus âgés prends la parole. Ses longs cheveux noirs cachent la moitié de son visage, et son air semble hésiter entre le choc et la colère. Dans ses yeux brille une lueur de détermination :

"La maison hantée. Il faut que vous alliez dans la maison hantée."

Je lève un sourcil, avant de la laisser continuer.

"Je travaille ici tous les ans, j'aide mes parents sur leur stand de gauffres, je connais ce parc comme ma poche. Je sais que la maison hantée, c'est l'attraction la plus haute après la grande roue. C'est à deux allées d'ici, vers le centre. Quand on est au dernier étage, il y a une petite tourelle avec des fenêtre qui permettent d'avoir une vue sur presque tout le parc. Si vous voulez avoir une chance d'apercevoir les responsables sans vous faire coincer, c'est là-bas qu'il faut aller."

Je hoche la tête, remerciant la jeune brunette pour son témoignage. Puis je me tourne vers mon accolyte, mon esprit réflechissant à plein régime tout en définissant les divers chemins s'offrant à nous :

"Nous avons deux possibilités, Yume. Nous sommes proches de la sortie, et il semble n'y avoir personne dans les environs pour l'instant. Nous pouvons essayer d'escorter ce groupe d'enfants hors du parc. Mais si nous nous faisons repérer, même en possèdant des armes, un enfant pourrait être blessé, ou même pire. Sinon, nous pouvons renforcer leur cachette, et les laisser à couvert le temps d'aller se renseigner vers cette maison hantée. Mais c'est également prendre le risque de se faire attraper et d'abandonner les enfants à leur sort. Tu as une préférence?..."
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Yume

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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyLun 27 Aoû - 18:25

J'époussetais rapidement ma robe, me détendant peu à peu. Ce ne fut donc pas insurmontable ! J'avais beau savoir que nous étions loin du centre -sans aucun doutes le cœur du chaos-, cette victoire obtenue si aisément me procura une pointe de fierté. Peut-être avions nous sous-estimé le danger de cette attaque ? Après tout, pour envoyer seuls des Monsieur-Tout-Le-Monde en patrouille, ils ne devaient pas être bien malins ! Si nous continuions d'avancer furtivement et de neutraliser nos ennemis individuellement, nous pourrions sans mal secourir tout le monde et laisser la police se charger du reste ! Je souris, un brin plus optimiste et confiante, prête à me retourner vers mon acolyte. Je me faisais donc tant de mouron pour pas grand ch...

"Ralph?? Putain, combien de fois je t'ai dis de m'attendre, j'en ai marre de te courir après!"

Merde, merde, merde !
Je m'étais,-comme à chaque fois- enflammée au quart de tour. Je mordis ma lèvre inférieure, maudissant ma crédulité. Evidemment, que l'opération me paraissait facile, au deux contre un ! Les terroristes étaient donc bien nombreux, et envoyés en petits groupes chercher les derniers fugitifs: Autant dire que les civils n'avaient aucune chance. Le nœud dans mon estomac se serra davantage: Nous n'avions plus qu'à espérer que leur but ne soit pas de faire le plus de victimes..
Mon peu d'assurance acquis ces dernières secondes s’évapora aussitôt, faisant place à une nouvelle vague d'anxiété. Je jetai un œil hors de ma cachette, jaugeant le nouvel arrivant; Encore moins charismatique que son camarade, mais tout de même mieux bâti, celui-ci se rapprochait de notre position en grommelant. Au moins ne s'inquiétait-il pas de la disparition de son collègue ! Je me retournai vers Emily, attendant ses instructions. Véritable prédateur guettant sa proie, tous muscles contractés et regard insistant, mon amie semblait dans un état second. Elle était fébrile de pouvoir en découdre ! Je m'autorisais à esquisser un sourire; Je n'aimerai pas être à la place de ce pauvre garçon ! Il n'allait rien voir venir. Je me détendis quelque peu; J'étais en vérité ravie qu'elle s'en charge. Je n'étais pas sûre d'être capable d'aussi bien m'en sortir cette fois-ci. Je restais cependant aux aguets; d'autres pouvaient arriver, et mon amie pourrait avoir besoin de renfort, si les choses tournaient au vinaigre.

Au pas de trop, Emily bondit toutes griffes dehors. Je me rends compte que je n'avais pas eu le temps de lui donner mon revolver, toujours dans ma main serrée. Je jurai entre mes dents; elle allait devoir se battre à mains nues. Espérons que tout se passe bien.. Avec prudence, j'ôtai la sécurité de mon arme.
Hargneuse, elle se jeta sur son adversaire, le propulsant sur le sol, et sans perdre une seconde, lui envoya son poing dans la figure. Je frissonnai, fascinée, l'observant battre son ennemi à terre, de cette même colère que celle qui l'animait à notre première rencontre. Perdue dans ma contemplation, j'émergeai soudainement alors qu'Emily valsa sous l'effet d'un coup bien placé. Saisie de panique, je pointai aussitôt la lutte du canon de mon revolver, tentant de maîtriser les spasmes de mon bras. Ne pas appuyer sur la gâchette par accident... Être réactive malgré tout... Pourquoi n'a t-on pas ce genre d'enseignement à la place de la couture, tiens ?! Je ne me suis jamais servi d'une arme à feu de ma vie !

Heureusement, ma tigresse ne se laissa pas abattre et en un éclair, passa de nouveau à l'offensive avant que l'homme n'atteigne son pistolet. L'étranglant par l'arrière, Emily me jeta finalement un regard furtif; d'un mouvement vif de la tête, elle m'ordonna de baisser mon arme. Mais pourquoi ? Il avait l'air d'opposer de la résistance et dans le pire des cas, je pourrai...... alerter tous nos ennemis de notre présence !! Bon dieu, que j'étais stupide ! J'obéis immédiatement, penaude. Au moins, avais-je toujours ma barre de fer si la situation dégénérait.. Je recentrai mon attention sur l'altercation; mon acolyte peinait à garder l'avantage, sa victime se débattant comme un beau diable...
Venait-elle juste de lui mordre la jugulaire ?!! ...Je pouvais presque sentir ma mâchoire se décrocher. C'était...inattendu. Emily se releva pour m'approcher, ses lèvres à présent carmins alors que le terroriste avait cessé de bouger, inconscient -du moins je l'espérais-. Je n'avais pas vu autant de sauvagerie chez elle depuis un long moment. Je frissonnai. Je n'étais pas une adepte des théories du complot, mais avec cette étrange attaque doublée de sa..condition, j'aurai pu m'interroger; Était-elle une sorte de..vampire ? Je n'avais jamais pu mettre de mot sur ce qui la séparait de moi. Elle ne m'en parlait que si peu, après tout..

"Bien joué. Tu peux garder le tiens, cela me rassure de te savoir armée. Mais ne t'en sers qu'en cas de dernier recours, et surtout, cache-le. Si nous nous faisons attraper, ils ne s'attendront pas à ce qu'une Lady de ton rang ait une arme en sa possession!"


Tirée de ma rêverie, je remarquai qu'elle avait également récupéré un revolver sur son adversaire. Au moins n'avait-elle plus à se battre à mains nues ! J’acquiesçais, glissant le mien dans la poche intérieure de mon manteau coquet, contre ma poitrine; il y rentrait tout juste. Si nous avions affaire à des gentlemen, ils ne me fouilleraient pas à un tel endroit ! Je  souris timidement à ma partenaire, toujours quelque peu sidérée par son accès de violence soudain. J'aurai presque pu oublier qu'elle avait cela en elle.. Au moins le résultat était présent ! Nous continuâmes à vadrouiller sans croiser plus d'obstacles, alors que je me forçai à me montrer plus attentive. Malgré notre acquisition d'armes à feu, j'avais gardé ma vieille barre de fer. Au moins, savais-je comment m'en servir !
Nous marchâmes bien quelques minutes. Toujours aucune trace de civils, cependant. Je grimaçai. Avaient-ils tous réussi à fuir ? Étaient-ils retenus au même endroit..? Ou alors... Arrivions nous trop tard ? Emily m'interpella silencieusement, et je la suivis, confuse. Avait-elle aperçu quelque chose ? Nous naviguâmes à travers les décombres de plusieurs étals; je me concentrai, m'efforçant de percevoir le moindre son. A mesure que nous approchions, il me semblait percevoir une -voire plusieurs- respiration ! Je repris espoir; Y avait-il encore quelqu'un à sauver ?

Mon amie souleva une bâche alors que je me glissai derrière elle; Des enfants se cachaient en dessous ! Et une bonne dizaine !! Je m'approchai hâtivement, inspectant les petits avec inquiétude; ils avaient beau être couverts de poussière, aucun d'entre eux ne semblait blessé. Je soupirai, soulagée. A la bonne heure ! Les pauvres, tremblaient ou pleuraient depuis un moment. Ils devaient être terrifiés... Je ne regrettai définitivement pas ma décision: il fallait les mettre hors de danger au plus vite à présent !

Emily me glissa quelques mots avant de s'éloigner pour se débarbouiller; le sang séché et de la terre mouchetaient sa peau pâle, lui donnant des airs de cannibale sauvage. Mettre en confiance des enfants apeurés dans un tel état aurait été compliqué! En attendant son retour, je décide d'aller rassurer moi-même le petit groupe. J'avais toujours été douée avec les enfants des autres. Pendant les grands dîners, afin d'éviter les même conversations pompeuses à la table des grands, je tenais compagnie aux plus plus jeunes, les distrayant avec quelques contes de mon invention ou des chasses au trésor improvisées. Cependant, cette situation n'avait rien à voir avec tout ce que j'avais pu gérer dans le passé. Il ne s'agissait plus d'un jeu; Ils se demandaient probablement où étaient leurs parents, et certains avaient été exposés à des images cauchemardesques; ils étaient tous bouleversés, même si les plus âgés parvenaient mieux à réprimer leur panique pour rassurer les petits. Je m'accroupis près d'eux et leur souris gentiment. Connaître nos bonnes intentions pourrait certainement les calmer.

"Bonjour les enfants.. Je m'appelle Yume, et mon amie que vous venez de voir s'appelle Emily. "


Un des plus grands garçons me coupa:

"Je sais qui vous êtes mademoiselle, on vous voit tout le temps dans le journal... Qu'est ce que vous faites ici?"

Je sortis mon mouchoir et essuyai doucement les joues humides des bambins.

"Vous pouvez tous nous tutoyer. On est ici pour vous mener à l'abri ! La police est prévenue et va bientôt arriver; On va pouvoir faire sortir tout le monde d'ici ! "


Je savais qu'il s'agissait d'un demi-mensonge trop optimiste, mais d'autres mauvaises nouvelles ne feraient qu'aggraver leur état. Je sentais mon sang bouillonner alors que je m'efforçai de garder un sourire rassurant. Dire que certains d'entre eux venaient de perdre leurs proches... Les auteurs de cette attaque n'étaient que des monstres. Ils savaient que les enfants seraient nombreux, il s'agit d'une fête foraine, bon sang !! N'avaient-ils donc aucun cœur ? Je repris ma respiration. Je ne pouvais pas perdre mon sang-froid maintenant... Des lueurs d'espoir se rallumaient dans leurs immenses prunelles. Je fis de mon mieux pour continuer sur le même ton:

"Respirez tous un grand coup. Tout ira bien ! Mon amie va revenir vous poser quelques questions; ça nous aidera à mieux comprendre ce qui se passe. Ensuite, on trouvera un moyen de vous faire sortir de là ! "

Une petite fille s’agrippa à la manche de mon manteau et esquissa un sourire timide. Je lui caressais les cheveux.

"On ne va nul-part sans vous ! "


A peine eus-je prononcé ces mots, qu'Emily se glissa de nouveau sous la tente, l'air un peu plus présentable. Après un dernier sourire, je me mis en retrait pour l'observer. Elle saurait aller à l'essentiel; l'heure tournait. Quelqu'un finirait par s'apercevoir que "Ralph" et son joyeux compère manquaient à l'appel. Il fallait profiter de notre invisibilité le plus longtemps possible.

"Nous allons avoir besoin de votre aide, jeunes gens. Il va falloir être clair et rapide, et essayer de vous souvenir du mieux possible de ce qu'il s'est passé. Est ce que quelqu'un a vu ce qu'il s'est passé près de la roue, avant l'explosion? Est ce que vous avez pu discerner ceux qui nous ont attaqué?"


Je grimaçai aussitôt. Emily... Le fait qu'elle ne côtoie jamais d'enfants crevait les yeux. Quoi de mieux pour exciter des petits fébriles que de les solliciter tous à la fois..? Tout ce qu'elle allait obtenir était une cacophonie générale.. Alors que les voix et les témoignages s'élevaient de partout, je soupirai silencieusement. Allait-il falloir que je prenne les choses en main..? Subitement, elle claqua des doigts et le silence se fit. Je souris; impressionnant ! Elle pourrait faire une bonne institutrice ! Elle avait une autorité certaine sans avoir à élever la voix. Elle avait encore du travail à faire sur la psychologie, cependant..
Les informations fusèrent, à présent une par une, rendant leur compréhension bien plus aisée. Ce que je devinais être les dirigeants de cette attaque portaient donc du noir et s'étaient coiffés de manière extravagante. Moi qui pensait que les criminels clownesques n'existaient que dans mes romans.. ! Je retins cependant la description dans un coin de ma tête; les identifier allait être du gâteau ! Il aurait été plus pratique de se fondre parmi la foule en cas de fuite, mais je n'allai pas m'en plaindre. Une adolescente, silencieuse jusque là, prit soudainement la parole.

La maison hantée. Il faut que vous alliez dans la maison hantée."


Intriguée par son aplomb, je me rapprochai de nouveau aux côtés d'Emily et l'invita à poursuivre.

"Je travaille ici tous les ans, j'aide mes parents sur leur stand de gaufres, je connais ce parc comme ma poche. Je sais que la maison hantée, c'est l'attraction la plus haute après la grande roue. C'est à deux allées d'ici, vers le centre. Quand on est au dernier étage, il y a une petite tourelle avec des fenêtre qui permettent d'avoir une vue sur presque tout le parc. Si vous voulez avoir une chance d'apercevoir les responsables sans vous faire coincer, c'est là-bas qu'il faut aller."


Cette gamine avait un bel avenir devant elle; Quelle idée ingénieuse ! Avoir une vue d'ensemble nous permettrait d'évaluer le danger et de potentiellement pouvoir prendre nos ennemis à revers ! Cependant, il ne fallait pas ignorer la possibilité qu'ils pouvaient très bien avoir eu la même idée que nous. Cet attentat avait du être réfléchi. Difficile de croire qu'ils ne devaient pas guetter les autorités en cas de repli.. Et quel meilleur perchoir que celui-ci ? Si c'était le cas, notre approche furtive ne tiendrait plus longtemps, si nous n'avions pas déjà été percées à jour. Nous devions faire vite. Avant que je ne puisse exposer ma théorie, Emily se tourna vers moi pour m'informer de sa stratégie à voix basse.

"Nous avons deux possibilités, Yume. Nous sommes proches de la sortie, et il semble n'y avoir personne dans les environs pour l'instant. Nous pouvons essayer d'escorter ce groupe d'enfants hors du parc. Mais si nous nous faisons repérer, même en possédant des armes, un enfant pourrait être blessé, ou même pire. Sinon, nous pouvons renforcer leur cachette, et les laisser à couvert le temps d'aller se renseigner vers cette maison hantée. Mais c'est également prendre le risque de se faire attraper et d'abandonner les enfants à leur sort. Tu as une préférence?..."


Je fronçai les sourcils; Quelques instants auparavant aurai-je pu penser différemment; je brûlai d'envie de me montrer héroïque. Qu'Emily me voie à ma juste valeur. Je jetai un regard furtif aux enfants. J'avais été le témoin de nombreux événements depuis que nous étions descendues de ce train, un peu au hasard. Et j'avais appris ma leçon. Ces vies humaines étaient bien trop importantes pour que je les risque dans un élan de bravoure. Le temps que nous arrivions dans ce manoir, ces petits pourraient déjà être morts. L'image du crâne écrasé de cette femme me revint en mémoire et un frisson remonta mon échine. Notre but premier était de sauver les innocents. Et c'était exactement ce que nous allions faire. Je ne pourrai pas vivre avec moi même en sachant que j'avais sacrifié tant de vies. Emily avait peut-être une vision différente de la mienne, du à son statut d'immortelle, mais je savais faire ce qui était juste. Je ne pouvais pas les abandonner à leur sort.. Ils nous faisaient confiance.

"Ces enfants sont plus importants. Ils sont sans défenses, nous ne pouvons pas les laisser ! Nous avons encore un peu de temps avant que l'on s'aperçoive de la disparition des deux hommes que l'on a neutralisé. En espérant qu'un de leur sbire ne soit pas dans cette fameuse tourelle à faire le guet et qu'il ne nous ait pas vues... Le temps que l'on revienne, il sera peut-être déjà trop tard. Nous ne sommes pas très loin ! C'est maintenant ou jamais ! Nous pourrons toujours nous faufiler jusqu'à la maison hantée plus tard."


Il n'y avait pas une seconde à perdre. Je revins près des enfants qui nous fixaient avec insistance faire nos messes basses. Je me penchais vers eux et souris.

"Il va falloir être très courageux. On va vous mener vers la sortie; mettez vous en rang deux par deux, les plus petits au milieu, on marchera tous au même pas. Il ne faudra pas faire de bruit, donc personne ne parle ou ne chuchote, entendu ? Une fois que vous serez hors du parc, restez groupés et quittez le bois vers la gauche. Retournez dans la ville et allez vous mettre à l'abri dans un café ! Les plus grands, vous expliquerez la situation au gérant. Vous retrouverez vos parents plus tard, le plus important est que vous soyez hors de danger au plus vite. Tout ira bien, Emily et moi, nous vous encadrerons. Si jamais l'une de nous a le moindre problème, ne jouez pas au héros."
Je jetai un œil aux adolescents. "Courrez vite vers la sortie, c'est compris ?"

Plus ou moins confiant, le petit groupe acquiesça. Rapidement, nous fûmes prêts à partir. Emily alla se placer devant, tandis que je fermai la marche, m'obligeant à avancer à reculons afin d'avoir à tout instant les yeux rivés vers le centre. J'avais confié ma barre de métal au plus âgé, en prévision du pire. Ce geste finit étonnamment par tous les rassurer définitivement. J'espérai simplement qu'il n'ait pas à s'en servir... Nous entamâmes alors notre avancée dans un silence religieux, les plus jeunes se tenant par la main pour se rassurer. J'avais remarqué à notre départ que la fumée obstruait notre vision de la sortie, mais je ne la savais pas loin.
Nous traversâmes les ruines pour finalement tourner au premier croisement. Rien de suspect. Je jetai un regard songeur à l'ombre de la maison hantée qui nous surplombait, alors que nous nous en éloignons. J'espérais sincèrement que nous aurions le temps de nous y rendre avant de nous faire repérer. Pour l'instant, pas le moindre bruit ou silhouette; pourtant je restais anxieuse. Nous marchions déjà depuis une bonne dizaine de minutes. Des chuchotis excités commencèrent à monter, alors que la sortie se faisait plus claire. Sans que je n'ai à intervenir, Emily les fit taire.

Nous dépassâmes la dernière intersection avec succès. Les corps étaient bien plus visibles à cet endroit. Fort heureusement, les plus âgés obstruaient la vue aux petits. Je soupirai lourdement. Peut-être aurai-je du écouter Emily et leur trouver une cachette imprenable, le temps que la police ne les embarque... Il était trop tard pour reculer de toutes façons. Il me sembla percevoir un craquement dans la distance. J'orientai aussitôt mon regard vers l'allée qui s'éloignait perpendiculairement à la notre. Un brouillard s'était levé. Je me tendis. Il me sembla percevoir une ombre pataude qui s'approchait. Que faire ? Je me retournai brièvement. Nous étions à moins de cinq minutes de marche tranquille. Je pourrai le neutraliser avec mon revolver, mais sans ma barre de fer, nous nous ferions repérer à coup sûr dans un tel silence... Les enfants auraient le temps de se sauver, mais pour Emily et moi, rien ne serait moins sûr.. Même s'il ne nous attaquait pas, il irait prévenir ses supérieurs et nous serions foutues !! Je réfléchis à toute allure, alors que je sentais une goutte de sueur dévaler ma nuque. Il fallait agir, et vite ! La silhouette se détacha quelques peu tout en s'approchant au petit pas. Il s'arrêta à une dizaine de mètres. Je ne le discernai pas bien. J'attrapai l'épaule de l'enfant le plus proche de moi.

"On est repérés, je m'en occupe. Foncez, mais en silence."

Aussitôt, l'homme fit volte-face et se mit à trottiner en sens inverse. Il avait sûrement un complice non loin en renfort. Deux hommes armés contre nous ? Je ne lui laisserai pas cette chance ! Faisant fi du danger, je m'élançai à sa poursuite. Sa respiration bruyante couvrait presque entièrement le son de mes talons sur les pavés, et il ne sembla pas remarquer ma présence. Freiné par ses kilos en trop, il arriva à ma hauteur rapidement. Profitant de mon élan je me jetai sur lui, coude en avant ! Il tressauta et se retourna. Tout mon poids s'écrasa dans son estomac alors que nous valsions ensemble sur le sol. Il avait le souffle coupé; profitant de sa confusion, je tentai de lui asséner mon poing dans le nez de toutes mes forces. Il tourna la tête à temps, et ma main s'écrasa dans sa joue grasse sans avoir l'air de lui causer le moindre dégât. Je serrai les vents. Reprenant quelques peu ses esprits, l'homme me jaugea avec des yeux ronds... Et éclata de rire. Je sentis la rage monter en moi. Tu pensais que parce que je portais des jupes, j'étais moins forte que toi ?? On allait voir ça !! J'amorçai un mouvement pour saisir mon revolver, mais mon ennemi fut plus rapide. D'une force et d''une souplesse inattendue, le lascar me poussa violemment en arrière tout en amorçant un geste pour se relever. Prise par surprise, je n'opposai aucune résistance et tombai ridiculement sur mes fesses. Je sentis mon visage s'empourprer alors que je tentais une nouvelle offensive, me baissant jusqu'à ses côtes; je me souvenais que les poids lourds possédaient un équilibre fragile. Je perdis mon précédent avantage de la surprise, et l'homme m'esquiva sans peine, enserrant mes poignets sans douceur.

Je grognai alors que je me débattais comme une diablesse, tentant tout ce qui était en mon pouvoir pour le faire me lâcher. Je lui mordis hargneusement le bras, il se dégagea sans mal. Il esquiva mes coups de boules, et ne fit que grimacer sous mes coups de pieds. Sans doutes las de mes offensives d'oisillon, il m'attira vers lui pour m'immobiliser alors que je commençai malgré moi à trembler comme une feuille.
Il était encore plus hideux de près; son nez pendait grossièrement comme une courge trop mûre, une de ses paupières tombait sur son œil gauche, et son haleine fétide m'évoquait les relents d’égouts lors des nuits caniculaires d'été. Je n'avais connu contact plus abject.

"Eh bien... Regardez qui nous avons là... Une petite dame rouge de colère ! A moins que je ne vous fasse de l'effet mamzelle ?"


Il ricana alors que ne lui opposai plus la moindre résistance, trop occupée à calmer mes spasmes et à tenter d'avoir la moindre pensée cohérente. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas réfléchir ! Il était trop fort pour moi; j'aurai du le voir venir. Il était lent mais assez musclé pour m'imposer l'immobilité. Je pourrai me débattre autant que je le voulais, je ne pourrai pas me dégager. Je me sentais si... impuissante. Au moins avais-je pu faire gagner du temps aux autres...

"On fait moins la maligne maintenant, hein ? On tremble devant le grand méchant loup ?"


"Le grand méchant loup"... Je le trouvais bien sûr de lui ! Je l'avais sous-estimé, mais n'importe quel individu compétent aurait-pu en venir à bout. Inespérée bien que basse, une idée me vint. Vu son ton médisant, il ne me considérait pas comme une menace -il avait malheureusement de quoi-, il n'avait pas remarqué que j'étais armée, il m'aurait sinon déjà confisqué mon revolver, et plus je fixais sa figure, plus je me doutais que la moindre femme n'ait jamais voulu le toucher même avec un bâton. ...C'était grossier, je le savais, et ce genre de stratégie ne marchait que dans mes romans... Mais je n'avais rien d'autre... Je pourrai peut-être avec un peu de chance, tromper sa vigilance. Je tâchai alors d'accentuer mes tremblements, et de faire jaillir des larmes -ce qui ne fut pas bien difficile, je l'avoue-.

"S'il vous plaît mon bon monsieur... Je suis navrée... Ne me faites pas de mal... Je vous en prie... "


"Ça m'aurait étonné, tiens donc ! Où est passé ta fougue, ma jolie ?"


Je me mis à sangloter plus fort.

"Relâchez moi, je vous en prie... Je ne dirai rien à personne.. Je ferai n'importe quoi.. Tout ce que vous voudrez.."


S'il se faisait avoir comme ça, c'est qu'il était pire que ce que je pensais.
Je levais vers son facies immonde des yeux de biche éplorée. Je savais à présent que j'avais la force physique d'un mollusque, mais j'avais au moins une beauté pour moi. L'homme me toisa, semblant réfléchir.

"Mmmm... Pas question. Tu viens avec les autres. "


Je me mis à sangloter de plus belle. Putain !! Ça aurait été trop beau pour marcher.

"Calme toi ma jolie, j'ai pas terminé. Estheban ira chercher tes petits amis, ils ne doivent pas être bien loin. Mais si tu insistes et que tu me convaincs, je pourrai peut-être te faire t'échapper en chemin ou glisser un mot pour toi à mon boss."


Il était vrai ce mensonge ? Sale porc. Je retins un sourire de soulagement. Alors je penchai mon visage vers le sien avec un air hésitant, il me laissa les mains libres sous sa surveillance pour que je fasse mine d'ouvrir ma veste. Là fut son erreur. Lorsque mon visage fut assez proche pour lui obstruer la vue, je lui envoyai mon crâne dans le nez et sortis mon revolver -assez rapidement cette fois- pour lui plaquer contre la nuque. Il grimaça.

"Si tu bouges, dis adieu à ta cervelle."


Je tremblais toujours alors qu'il levait ses mains au dessus de sa tête.

"Maintenant retourne t...Ouch !!"


Il me fit soudainement volte-face, il se jeta sur moi pour me désarmer. Mon revolver atterrit trop loin, et je roulai dans la poussière. Je réussis à m'extirper de sa masse étouffante, et je rampais sur le sol, attrapant une grosse pierre enfouie dans la terre.

"Tu commences à me taper sur le système, petite pute.."


Il me tira en arrière, dégainant son revoler, le visage rougi par l'effort. Il semblait à bout de patience. Je feintai de vouloir le mordre et réussit par miracle à envoyer son arme hors de portée avec ma grosse pierre. Il me saisit à la gorge. Je sentais ses grosses phalanges me comprimer le cou. Paniquée je lui écrasai le visage avec mon arme de fortune. Il resserra son emprise. Je manquai d'air. Tout tournait autour de moi. Je continuai pourtant de frapper, encore et encore, sans doutes poussée par le désespoir. Je ne sentais plus rien. C'est trop bête... Ma vision s’obscurcit. De l'air !!

Je tombai sur le sol telle une poupée de chiffon, miraculeusement libérée de sa prise. J'avais mal partout et je tremblais comme une feuille. Alors que je toussais à en recracher mes poumons, je sentis les larmes du choc couler à flot. A mes côtés, mon adversaire ne bougeait plus. Je rampai alors tant bien que mal jusqu'à lui, ignorant l'horrible douleur. J'étais complètement perdue. Sans trop savoir ce que je faisais, je le tâtai gauchement. L'avais-je assommé..? Je caressai mon cou, alors que mon autre main tâta son crâne. Mon sang se glaça lorsque j'entrai en contact avec un liquide chaud.
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Emily
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyMar 28 Aoû - 23:51

"Nous avons encore un peu de temps avant que l'on s'aperçoive de la disparition des deux hommes que l'on a neutralisé. En espérant qu'un de leur sbire ne soit pas dans cette fameuse tourelle à faire le guet et qu'il ne nous ait pas vues... Le temps que l'on revienne, il sera peut-être déjà trop tard. Nous ne sommes pas très loin ! C'est maintenant ou jamais ! Nous pourrons toujours nous faufiler jusqu'à la maison hantée plus tard."

Yume semble avoir raison sur toute la ligne. Il est vrai que même si l'idée de cette tour de guet me tentait dans un premier temps, il semble évident qu'il peut tout aussi bien s'agir d'un piège, déjà investi par les lignes ennemis. Mais cela vaudra tout de même le coup d'aller vérifier plus tard!
Grâce à son tempérament naturellement maternel, mon amie rassemble les enfants qui montrent une attitude déjà enhardie! Elle les rassure, les encadre et les garde calme. C'est parfait. Je n'ose imaginer le fiasco que serait cette mission avec un groupe de gamins indisciplinés! Deux par deux, les petites têtes blondes sortent rapidement du chapiteau de fortune. Organisés de manière stratégique et protectrice, les grands - enfin, les moins jeunes atteignant à peine le seuil de l'adolescence, offrent une muraille aux plus petits, leur épargnant ainsi la vue de nouvelles horreurs.

Notre petit cortège progresse dans accroc pendant la plus longue partie du trajet. Le plus compliqué est finalement de faire enjamber aux enfants des débris leur arrivant parfois à la taille. Mais tous s'entraident silencieusement, sans protester ou se plaindre. Postée à l'avant du groupe, je prends parfois quelques mètres d'avance pour inspecter la zone et vérifier que notre route et sure, que nous n'allons croiser aucun indésirable. Lorsque le périmètre me semble fiable, je me retourne pour faire signe à Yume qu'il n'y a rien à signaler, et qu'elle peut avancer avec les petits. Tout se passe à merveille, plus qu'une dernière ligne droite.

Je m'avance devant notre dernière intersection. Après celle-ci, la voie est claire, et c'est direct jusqu'au portail. Je me retourne, sur le point de lancer le signal à mon acolyte, mais je me retrouve nez à nez avec les gosses, qui me heurtent presque!

"Je croyais avoir été claire : Personne n'avance avant que l'ordre n'ait été...."

Je relève la tête, et je suis soudainement en proie à des sueurs froides. Yume a quitté la troupe. J'ai à peine le temps d'apercevoir sa silhouette courir dans la direction opposée avant de disparaître à une intersection. Je siffle entre mes dents le plus silencieusement possible, malgré mon incompréhension et la panique naissante :

"Par le diable! Mais qu'est ce qu'elle fout?!!..."

"Elle a dit qu'elle devait s'occuper de quelque chose, et qu'on devait filer!"

Sans réfléchir d'avantage, j'attrape le plus jeunes des bambins - agé de 4 ans au maximum - et le maintient fermement contre moi.

"D'accord... Changement de programme. Maintenant on court, les enfants. Courrez aussi vite que vos jambes le permettent!"

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les gamins se lancent dans une cavale effrénée, et je les suis aussi vite que possible avec le petit dans les bras! Ces derniers mètres me semblent être les plus longs de toutes cette escapade. J'arrive au portail haletante. Ce dernier s'ouvre sans aucune difficulté. Vite, faire s'échapper les gosses et retourner chercher Yume! Initialement, j'aurais voulu les accompagner moi-même vers un endroit plus chaleureux, être certaine qu'ils soient entre de bonnes mains. Mais depuis que mon amie a décidé de se jeter la tête la première dans la gueule du loup, la donne a changé. Je regarde au loin : il me semble distinguer des silhouettes. Des groupes d'hommes. La police! Ils sont déjà arrivés! Je discerne les calèches des patrouilles, les gendarmes établissant la zone de sécurité, empêchant les gens paniqués et les curieux d'approcher la zone sensible! Je me sens si soulagée.
Déposant le petit garçon à terre, je lance fermement à tous les enfants :

"La police est là-bas! Vite continuez droit devant, et surtout, expliquez leur bien ce qui vient de se passer!! Bonne chance, les petits, et faites attention à vous!"

Tandis que je les regarde recommencer à partir, le plus jeune des garnements, celui à qui j'avais accordé mes bras, ne semble pas vouloir me lâcher. Toujours agrippé à un pan de ma robe, il demande avec une splendide candeur :

"Ben, tu viens pas avec nous?..."

Je regarde un instant les lumères et les silhouettes réconfortantes des forces de police avec une brève mélancolie, avant de répondre fermement :

"Non. Il y a urgence. Maintenant file vite, sinon les méchants vont revenir, et te dévorer tout cru."

Les yeux équarquillés, il détale sans demander son reste. je fais de même, mais dans l'autre sens.
Je cours le plus rapidement possible. Mes enjambées sont petites mais s'enchaîne dans un rythme soutenu. Dérapant dans les gravillons, je refais le chemin dans le sens inverse. je saute par dessus les obstacles en envoyant la prudence et la discrétion se faire voir. Comme je l'ai dit, il y a urgence!! Je tourne à l'intersection où j'ai perdu Yume. Je dégaine. Je vise. Personne. Je continue, paniquée. Où est-elle?? Je suis presque contente de ne pas la trouver! Je préfère me faire directement à l'idée qu'elle a été capturée! Je ne supporterai pas de retrouver son corps inanimé au sol, transpercé d'une balle en plein coeur!
Pourquoi a-t-il fallu qu'elle décide d'une telle folie?!! Quand bien même le groupe aurait été menacée, elle sait tangiblement que je suis la pièce sacrifiable, et que c'est inutile de prendre de tels risques. Pourquoi avait-elle eu une irrépressible envie de jouer à l'héroïne, alors qu'elle dispose du joker "alliée increvable"?? L'amour du risque nous rend tous stupide, il faut croire!
Soudain, j'entends un bruit suspect venant ma gauche. je me plaque contre le stand encore debout qui me sépare de cet endroit où il y a visiblement du mouvement. Les mains crispées sur mon pistolet, je m'avance prudemment.

Dos à moi, à une quinzaine de mètres, il y a la silhouette voûtée d'un homme s'affairant visiblement à malmener quelqu'un de plus petit que lui. Je m'avance légèrement, tremblante, le gardant en joue. Je vais devoir lui signaler ma présence, mais aussi lui faire comprendre qu'il doit rester calm...

Je repère un morceau d'étoffe s'échappant de l'ombre de sa silhouette. Un mouvement de robe. Une robe que je connais bien, puisqu'il s'agit de la robe de Yume.

Au diable. La putain. De discretion.

...

Mon tir a été précis. Si la cervelle répugnante et caoutchouteuse de ma cible a pu amortir convenablement la balle, la détonation de mon arme, elle n'a été que des plus violente. Mais au moins, l'homme est tombé à terre, et Yume avec. Elle est hors de danger pour le moment. J'inspecte mon barillet : la douille utilisée est désormais par terre, et mes balles ont perdues leur première sœur.

Je ne perds pas trop de temps et marche vers le cadavre. J'attrape la Yume pataugeant par terre par le bras. Je suis à la fois soulagée et tremblante de colère. Je constate rapidement qu'elle est indemne, malgré de vilaines ecchymoses au visage et d'énorme traces rouges sur le cou. Si j'avais tardé seulement quelques secondes de plus... D'un mouvement du pied, je retourne le cadavre de l'homme pour inspecter un peu son faciès. Je ne peux discerner presque aucun de ses traits! Ma parole, il semblerait que mon amie ait tout de même eu le temps de pas mal l'amocher! Mais malgré toute la férocité qu'elle a mis à l'oeuvre, ce n'est pour l'instant insuffisant. Cette petite renarde manque cruellement de bases essentielles, surtout lorsque l'on a pour but de risquer sa vie à chaque occasion tentante!

La trainant encore sans ménagement, je l'attire avec moi quelques allées plus loin puisqu'il faut fuir notre position actuelle. Ayant de plus en plus de mal à contenir l'émotion causée par mon angoisse passée, j'explose le plus silencieusement possible :

"Mais qu'est ce qui t'est passé par la tête??! A quel moment tu as cru que ce serait judicieux de partir attaquer le premier venu en solo, sans utiliser ton flingue qui plus est?!? Tu as assommé un homme et ça y est, tu es une combattante hors paire? Tu as eu un coup de chance, ça ne suffira pas à te sauver à tous les coups!"

Je suis dure, je sais. Mais je veux anéantir absolument toute naïveté de son comportement quant à la dure réalité de la guerre. Je ne veux pas qu'elle se sente pousser des ailes ainsi alors qu'elle n'est pas prète. Si la volonté de se battre contre le mal coule dans ses veines, très bien! Mais qu'elle se prépare, qu'elle s'entraîne, bon sang!!
Et la voilà maintenant qui se met à piailler pour se défendre, surement encore sous le choc de tout ce qu'il vient de se passer. J'entends qu'elle s'est battue de toutes ses forces, qu'elle a donné le meilleurs d'elle même pour se sortir de cette situation, mais qu'elle s'est rendue compte qu'elle ne pouvait rien faire, que c'était une montagne de muscles comparée à elle.
Brusquement, je m'arrête et pose deux doigts sur ses lèvres pour la faire taire. Son petit air choqué m'amuse brièvement, mais je n'ai pas pour but premier de rigoler à cet instant. Vraiment pas.

"Alors comme ça, tu penses encore que c'est la force brute qui décide de l'issue d'un combat?"

Avec fermeté, j'appuie du bout des doigts sur le dessus de sa bouche, juste en dessous des narine. Je sens le cartilage de son petit nez tout fin. D'un coup sec, mais sans violence, je redresse ma main et pousse vers le haut, tout en conservant appui sur la base de son nez. La pauvre Yume n'a d'autre choix que d'orienter son visage vers le ciel, non sans grimacer de d'inquiétude et d'impuissance. Mes muscles sont toujours détendus.

"J'ai l'air de forcer, là? De ce simplement mouvement, je peux te briser le nez, voire même encastrer ton cartilage jusque dans ton cerveau si j'insiste un peu."

Je recule, laissant ma tête brûlée d'amie reprendre un peu ses esprits. Abreuvée par les romans d'aventure et d'action depuis sa plus tendre enfance, cette jeune fille a du se laisser un peu trop emporter par ses rêves, et croire qu'avec de la volonté, elle pourrait y arriver. Seulement, parfois cela ne suffit pas. Il faut de solides connaissances ainsi que beaucoup de pratique, et je ne suis que trop bien placée pour le savoir!

Je redeviens alerte! Des bruits s'approchent, des cris et des pas. Pas de tirs, pour l'instant, heureusement. Nous trouvons rapidement une cachette de fortune sous un nouveau stand effondré, mais je suis un peu sceptique. Je sais que j'ai déconné en tirant ce coup de feu, mais sur le moment, il ne m'a pas semblé y avoir d'autres alternatives. Yume vient de flirter avec la faucheuse, elle est exténuée. moi même, je suis dans un état de nervosité complètement indécent, et il me faudrait un moment de pause pour m'en remettre. Nous sommes de nuit, et je suis une créature fragile, à cette heure! Essayant de reprendre une respiration régulière, je lui chuchote d'une voix quasiment imperceptible :

"En tout cas, ce que j'essaye de te dire, c'est que tu as tout de même un fort potentiel, et je crois en toi. Tu pourrais réussir à vaincre des montagnes de muscles comme celle-là un jour. Il te faudra juste assimiler un certain nombre de chose comme savoir comment gérer ta puissance, savoir par coeur où sont les point les plus fragiles et insoupçonnés de tes ennemis...."

Le mince voile qui nous protégeait du chaos extérieur est soudainement relevé par le canon d'un fusil de type carabine qui vient se poser pile entre mes deux yeux. Je grimace :

"... Et bien sur, savoir à quel moment il est sage de proposer une reddition."
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyJeu 30 Aoû - 15:07

Diantre, la soirée s'annonçait rude. J'allais devoir faire preuve d'abnégation et de mon habituelle bravoure légendaire si je voulais m'en sortir sans perdre une plume. L'urgence de la situation était absolue, un guêpier dans lequel j'aurais jamais dû me fourrer. Mais que voulez-vous, en tant qu'inspecteur maintes fois décoré, je ne pouvais pas me débiner quand le devoir m’appelait. Cela allait au-delà d'une simple mission, d'une banale volonté d'accomplir mes obligations ; c'était une vocation. J'avais des valeurs qui m'empêcheraient toujours de refuser l'appel d'autrui.

Quand bien même ce dernier préparait la tisane la plus immonde de la damnée voûte céleste. Une tasse fumante entre les mains, vaguement amusé par l'idée d'un vétéran intrépide et endurci comme moi se servant d'une coquette tasse en porcelaine rose et de sa soucoupe gravée d'un chaton contemplant probablement le suicide, je me fis violence pour ne pas fixer trop longtemps mon reflet dans cette infâme mixture. Elle pourrait bien aspirer mon âme.

-"Tu es sûr et certain que tu n'as pas perdu une de tes chaussettes dans ta théière ?"


Mon pire allié me répondit en sifflant sa tasse d'un seul coup, prélassé dans son hamac. Il examina le fond comme si il s'attendait à y découvrir un trésor digne d'un galion pirate. Je soupirais. Alexandre Ladéroute resterait pour toujours une énigme aux yeux de la société, à commencer par les miens, et ça me sciait le crâne de l'avouer. Ces hiboux poussiéreux de naturalistes et philosophes s'en donneraient à coeur joie si ils avaient l'occasion d'étudier un tel énergumène ! Mon collègue (lorsqu'il daignait lever les fesses de son sac de toile pour venir bosser et accomplir son devoir) me lança un regard moqueur de derrière ses lunettes teintées :

-"Si je voulais t'empoisonner, tu serais déjà livide, mon bon ami."


Je repoussais prudemment ma tasse sur la table, au même moment où il reposait la sienne en haute altitude, sur une pile branlante de bouquins. Ladéroute vivait sans cesse dans un foutoir inimaginable, au point que ça en devenait ridicule. Des tours composées de livres et d'objets hétéroclites se dressaient partout où mon regard se posait. La cuisine disparaissait sous les fringues et les souvenirs de voyage, et un damné parapluie était déployé dans un coin. Sans oublier son violon, qui pendouillait par une corde dans le vestibule et que je me prenais souvent dans la figure, malgré ma vigilance constante.

Il avait la chance d'avoir un logeur boiteux, laxiste et enclin à lui permettre ses excentricités. Le fait que cet homme soit un ancien suspect dans une affaire lugubre de démembrements que Ladéroute avait résolue en prouvant son innocence relative n'avait absolument rien à voir, évidemment.

Je jetais un oeil par la fenêtre, à l'affût du crime peu importe où je me trouvais. La vue était celle d'une Londres sereine et protégée de la gangrène. Son limier le plus dévoué veillait au grain. Après, Ladéroute n'avait pas élu domicile au sein d'un quartier en difficulté ; il logeait sur Horseferry Road, à Westminster. Ce n'était pas ici que les gens nécessitaient le plus mon aide, assurément. A quelques rues d'ici, je pouvais apercevoir un morceau du pénitencier de Millbank se découper dans la nuit claire, dont le plus célèbre résident était sans aucun doute le narcoleptique Beau-Rêve - ces journalistes... je t'en foutrais moi, du beau rêve ! -. Ce n'était pas vraiment la prison que je visitais le plus, le complexe n'était qu'une énorme perte d'argent et de personnel, sans remplir ses promesses, et je me perdais invariablement dans le labyrinthe de ses couloirs gelés.

-"Arrête de penser au boulot, Saber." me réprimanda Ladéroute sans me regarder.

-"Hein ? Non mais j'étais pas en train de... Euh..."

Mon camarade replia les bras derrière sa tête, s'enfonçant un peu plus dans le hamac.

-"Tu as besoin de te reposer, mon cher. Profiter de la vie. Trouver une donzelle avec qui décompresser, si tu vois ce que je veux dire."

"Tout le monde ne peut pas être aussi détendu que toi quand la veuve et l'orphelin tremblent dans la misère et la criminalité rampante", j'aurais pu lui rétorquer. Mais c'était frapper dans l'eau, avec Ladéroute. Nos débats sans fin à propos de la justice et de comment elle devait être formulée m'exaspéraient. Je n'étais pas en état de ferrailler verbalement avec ce flemmard, car il avait raison sur un point : j'étais exténué, il n'y avait aucune honte à l'admettre. La fatigue n'était qu'un ennemi de plus à contrecarrer. Full Saber ne plierait point. Je massais discrètement une cicatrice récente à la base de mon avant-bras, plus gêné que je ne voudrais l'admettre.

C'était peut-être aussi parce que j'étais au bord de l'épuisement que mes frères pionçaient dans un coin de ma caboche. Ils étaient silencieux depuis mon arrivée chez Ladéroute, mais je me méfiais. Depuis quelques jours, ils multipliaient les escapades et les plans foireux. A croire que j'étais le seul à user de manière responsable de notre corps ! Résultat, nous étions à deux doigt de l'écroulement. Je me frottais les yeux, courroucé envers ces deux imbéciles de vauriens.

Ça m'arrangeait quand même que Walk ne soit pas attentif à la mention d'une "donzelle". Je n'étais pas pressé qu'il s'apitoie à nouveau sur son sort en nous noyant dans la mélancolie la plus lancinante qu'il puisse éprouver. En ce qui me concernait, le célibat était une bénédiction. Aucune famille ne m'attendait à la maison. Un flic efficace était un flic sans attaches, et ça permettait une liberté de mouvement et de temps indispensable.

-"On croirait entendre Richardson. Il me tanne le cuir pour que je prenne des vacances ! Bon sang, vous êtes tous pareils. Est-ce que j'ai baissé en efficacité ? Nan ! Je suis au sommet de ma carrière depuis que je l'ai démarrée et je suis jamais redescendu. J'ai un tiroir rempli de satanés médailles, et on me demande quand même de faire une pause ?"

-"Ce que tu comprends pas, Saber, c'est qu'on s'inquiète tous pour ta sale trogne." D'un mouvement de balancier, il attrapa un dossier glissé entre deux encyclopédies. Il l'ouvrit : "Tu n'as même pas stagné, tes résultats sont en augmentation depuis que tu as pris du service. Mais en cinq ans, tu as traversé plus d'épreuves qu'un soldat sur le front. Tu as ignoré les conseils du médecin en plus d'une dizaine d'occasions séparées. Le corps et l'esprit sont des outils merveilleux, cependant, ils ne sont pas indestructibles. A force de trop tirer sur la corde, l'un ou l'autre va lâcher. On préférerait que tu ralentisse la cadence avant qu'on perde le meilleur inspecteur de Scotland Yard depuis sa création."

J'attrapais la tasse de tisane que j'avais abandonnée, sort ma flasque de gin et en verse un peu dans le breuvage. Peut-être que cela adoucira le goût. Je haussais les épaules : "C'est dans ma nature, je peux pas me reposer. Une journée où je ne combats pas le crime, c'est une véritable horreur. J'ai des démangeaisons et tout. Si on me forçait à ne plus courir les rues de Londres pendant quelques temps, je pense que je dépérirais très vite. Je vis pour ça."

-"Et c'est un regrettable gâchis." soupire mon collègue.

Une goulée d'hybride tisane-gin plus tard, je répondis : "Chacun son chemin. Est-ce que moi je viens t'enquiquiner pour que tu prennes ta fonction un peu plus au sérieux ?"

-"Oui."

-"... Bon, c'était peut-être pas un exemple potable."

-"Contrairement au tien, mon mode de vie présente l'avantage de ne pas me tuer à petits feux, mon cher ami." dit-il en souriant. "Tu veux des gâteaux au miel ?"

La gourmandise était un vilain défaut, surtout à une heure tardive, mais bon, je ne dirais pas non ! Au lieu de se lever et d'aller me servir comme n'importe quel hôte lambda le ferait, Ladéroute m'indique une boîte en fer blanc trônant en équilibre sur un chandelier. Je l'ouvrais en le maudissant et bientôt nous festoyons sur d'excellents petits gâteaux en discutant des dernières affaires. C'était agaçant d'être en compagnie du français. Il n'était jamais d'accord avec moi, me contre-disait sans arrêt, était partisan du moindre effort et me manipulait sans vergogne quand il le pouvait, mais... C'était mon ami, et pour ça, je ne le remercierais jamais assez. Il prétendait que je n'avais aucun répit, mais il se trompait : après tout, je pourrais être dehors à traquer la vermine, et pourtant je suis là, avec lui, dans son appartement foutraque aux odeurs d'épice et de papier. C'était une façon comme une autre de se reposer.

Et c'est à cet instant précis que je vis une grande roue délabrée passer devant la fenêtre, en moins de temps qu'il en faut pour dire "anchois".

Que la peste m'emporte, qu'est-ce que c'était que ça ? Je me précipite et ouvre les battants juste au moment où la monstrueuse masse de fer et de bois percute la Tamise avec un vacarme assourdissant. Alors que le fleuve se charge d'avaler goulûment ces morceaux de choix, je me penche un peu plus par la fenêtre pour mieux comprendre. Je veux savoir, diantre !!! D'où venait cette satanée roue ?? Les dégâts doivent être considérables !! C'était comme si Dieu lui-même s'était amusé à jouer au cerceau dans une portion de Londres. Il n'avait pas mieux que ça à faire, le père vénéré ? De partout, on entends la ville se réveiller. C'était catastrophique. Voilà pourquoi il était hors de question que je prenne une pause !! Je crie : -"Ladéroute !!"

-"Pas besoin de hurler, je suis là." dit calmement le français. Il penche la tête par l'ouverture : "Je savais que c'était une mauvaise idée, ce truc. Ça vient de la fête foraine, pas loin de Kensington Gardens. Si les copains de garde ont pas été alertés, alors je suis un pangolin."

Ce serait bien de s'exciter davantage, Ladéroute. Je m'incline en avant de quelques centimètres supplémentaires, me tordant le cou : -"Ce truc, comme tu dis, il aurait pu percuter Buckingham Palace ! C'est passé de très peu !!! On a frôlé la tragédie du siècle !!! C'est forcément criminel. Aucune chance que ce soit un accident."

-"Parce que tu t'y connais en grande roue, toi ? Fais gaffe, tu vas tomber."

Je l'ignore et revient à l'intérieur. Vite. J'attrape mon imperméable, dans lequel se trouve mon revolver, mon briquet fétiche et toute la chance de l'univers, puis je me dirige vers la porte d'un pas déterminé et mesuré. Encore une mission pour l'inspecteur Full Saber, sauveur de Londres. Je m'apprête à franchir le palier mais... Je rebrousse chemin rapidement pour récupérer ma flasque de gin, siffler la tasse de tisane-gin et chaparder deux-trois gâteaux. Ladéroute me fait un signe d'adieu paresseux, accoudé à sa fenêtre en contemplant l'apocalypse.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyDim 2 Sep - 13:05

.... Putain de merde. Je retirai ma main dans l'instant, assaillie de dégoût. Ma vision s'éclaircissait. Trop tard. Le bout de mes doigts était déjà si poisseux et... tâché. Je sentais mes veines battre en discordance sous ma peau et ma trachée s'écraser sous cette nouvelle vague de panique. Je devais reprendre mon calme et mes esprits... "Estheban" était encore dans le coin, je... Je fermais les yeux, alors qu'il me semblait manquer d'air de nouveau. Emily.. ! Je devais trouver Emily, et vite ! Elle saurait quoi faire. Je déglutis, alors que le train d'une réflexion cohérente me revenait. Je m'étais éloignée sans un mot. Elle devait être morte d'inquiétude ! Et forcément un peu fâchée. Elle comprendrait: j'avais fait cela pour les enfants ! ..Mais avais manqué d'y passer, malgré tout.. Espérons au moins que les petits aillent.....bien.

Je me retrouvai sur mes pieds en un instant, tirée vers l'avant par une prise des plus sévères. Encore confuse, je levai les yeux. Mon amie m'avait retrouvée. Je ne l'avais même pas entendu arriver... Je grinçai des dents faiblement. Elle semblait FURIEUSE. Mais je ne pouvais pas dire que je ne l'avais pas cherché..  Avec un peu de chance, j'aurai le droit à une étreinte pour adoucir le tout; j'allai avoir le droit à la plus grande leçon de morale de tous les temps. Un frisson remonta le long de mon échine. Je l'avais déjà vue en colère et ce n'était pas une expérience que j'aurai souhaité pour moi-même, surtout pas maintenant. Je me sentais toujours très faible. Je tentais tant bien que mal de marcher à son rythme -afin de ne pas traîner à terre-, mais je savais pertinemment que si elle me lâchait, je ne saurai tenir sur mes jambes.

Nous détalâmes quelques instants à travers les allées, virant abruptement ça-et-là; mon esprit semblait encore fonctionner au ralenti. Sans guide, je me verrai incapable de revenir où nous étions. Alors que nous faisions notre chemin parmi les ruines, Emily nous arrêta pour faire volte-face, relâchant sa prise. Où pourrai-je donc aller de toutes façons ? Je tenais un peu mieux debout; je baissais la tête, penaude. Elle devait vraiment s'être fait du mouron pour moi; mon amie semblait au bord d'une crise nerveuse.

"Mais qu'est ce qui t'est passé par la tête??! A quel moment tu as cru que ce serait judicieux de partir attaquer le premier venu en solo, sans utiliser ton flingue qui plus est?!? Tu as assommé un homme et ça y est, tu es une combattante hors paire? Tu as eu un coup de chance, ça ne suffira pas à te sauver à tous les coups!"

J'ouvris la bouche, mais aucun son ne sortit. Je sentais les larmes de choc couler de nouveau à flot. Je maudis mon corps et mon cerveau à la fois; Je n'étais définitivement pas remise de ma dernière bataille. Emily était loin de ménager la pauvre Yume toute bouleversée ! Pourtant, je savais qu'elle avait raison sur toute la ligne. Ce que j'avais fait était complètement inconscient. Mais tout s'était passé si vite, je n'avais pas pu réfléchir !! ...Et là était le problème. Cette prise de risque aurait pu être pardonnée par une victoire écrasante. Mais je n'avais pu qu'essayer de toutes mes forces. Ce n'avait pas été suffisant. Je n'étais pas de taille. J'avais frôlé la mort... Ma victoire -si elle était bien mienne- n'avait été qu'un insolent coup de chance. Les mots de mon amie ne faisaient qu'enfoncer le couteau dans la plaie. Essuyant piteusement les larmes noircies par la terre -ce qui ne fit qu'étaler le sang encore frais de mes mains sur mon visage-, je m'entrepris une maigre défense.

"-Je sais... Je...Pardon, Emily... Pardon.. J'ai paniqué en le voyant, et je ne voulais pas mettre les enfants en danger!! Je pensais que l'effet de surprise pourrait compenser notre écart de force, mais je n'étais pas de taille.. Je.. Je me suis débattue comme j'ai pu, j'ai essayé d'utiliser mon pistolet, mais il m'a...m'a désarmée.. ! Je lui ai donné des coups de pieds et des coups de poing, mais il ne semblait même pas les sentir, je..."


Mon amie m'interrompit soudainement, posant un doigt sur mes lèvres. Docile comme un agneau, je me tus aussitôt. Mieux valait s'écraser et obéir sagement. Je n'étais pas encore en position de discuter. Elle semblait déjà moins remontée, comme amusée par mon ridicule plaidoyer. Je voyais malgré son comportement dur, une grande tendresse dans ses prunelles grises posées sur moi.

"Alors comme ça, tu penses encore que c'est la force brute qui décide de l'issue d'un combat?"


Elle avait vite repris son air sérieux et impassible, guettant ma réaction sans pourtant en attendre ma réponse. Où voulait-elle en venir ? Je ne suivais pas tout à fait. Elle s'approcha davantage de ma pauvre carcasse. Sans que je ne puisse le voir venir, elle plaça un de ses doigts sous mon nez. Je la laissais faire, bien qu'inquiète. Que mijotait-elle donc ? Je n'aimais pas vraiment la tournure de ces réprimandes... Allait-elle m'infliger une sorte de...punition ? Sèchement, elle appuya mon cartilage du bout de ses doigts, me forçant à faire face au ciel. Je grimaçai, sentant pointer un nouveau genre de douleur. J'en avais déjà assez pour l'instant, mais merci de t'en soucier Emily !

Sans forces et à sa merci, je me contentai de contempler les étoiles. Londres était une ville polluée davantage à chaque jour qui passait; pourtant, son ciel était étrangement clair cette nuit là. Quel dommage que nous soyons piégées dans un tel chaos ! Si ces gredins s'étaient dégonflés, nous serions probablement déjà retournées à l'appartement d'Emily, où elle m'aurait préparé un exquis Earl Grey, accompagné des biscuits que je lui offrais continuellement. Vision bel et bien plus charmante que notre situation actuelle ! J'avais certes le goût du risque, mais mon corps cabossé gémissait à présent sa passion pour l'édredon. Il nous faudrait finir ce que nous avions commencé, je n'étais pas prête d'abandonner. Mais grand dieu ! J'aurai eu ma dose de sensations fortes pour la nuit ! La voix de mon amie me tira de mes fantasmes inhabituels de repos afin de poursuivre son discours didactique. Je me concentrai de nouveau; Je ne devais pas être si distraite. J'avais encore à apprendre... Et mon acolyte risquerait d'en perdre de nouveau son calme.

"J'ai l'air de forcer, là? De ce simplement mouvement, je peux te briser le nez, voire même encastrer ton cartilage jusque dans ton cerveau si j'insiste un peu."

Elle recula, me laissant me frotter le nez en grommelant tout en essayant de décrypter le sens de ses derniers mots. Elle avait l'ascendant sur moi, mais je m'étais laissée faire ! Atteindre le nez sans la moindre morsure serait un grand travail d'agilité. Et elle savait précisément où frapper... Je tiquai. Oh. Et bien ! Plus d'exercices, d'étirements... et une étude plus approfondie de l'anatomie s'imposaient. Compris, cheftaine !

Emily se retourna soudainement; je tendis l'oreille. Un claquement précipité de talonnettes sur le pavé humide s'approchaient, ponctué par des cris étouffés par la distance. L'épuisement avait altéré mes sens; Putain !! Je voulus sauter en arrière par simple réflexe tardif, mais manquai seulement de m'écraser grossièrement dans les gravats. Je roulai des yeux, exaspérée. Suis-je bête !! J'avais presque oublié ce minuscuuuule détail. Mon corps ne me suivait plus. Heureusement ma partenaire était encore capable, et elle ne se fit pas prier; avec son aide précieuse, nous nous trouvâmes une cachette de fortune -semblable à celle des enfants de tout à l'heure- sous la toile d'un stand effondré. Je soupirai alors que nous nous recroquevillions dessous. Je m'autorisai à me blottir contre Emily, reposant ma tête sur son épaule, lui laissant la charge d'être alerte. Malgré toute la bonne volonté du monde -Et grand diable, je l'avais ! -, je ne pouvais nier que j'étais encore légèrement bouleversée, et fortement affaiblie Je n'étais pas en état de repousser la moindre menace en cet instant.. Avec un peu de chance, dans quelques minutes, me verrais-je marcher sans aide ! Ceci doublé d'une forte montée d'adrénaline, qui sait ? Pourrai-je même prétendre pouvoir abandonner mes dernières forces dans un combat... très bien épaulé....? Rah, quel boulet.
Ma compagne tourna ses yeux vers moi et malgré la situation prit la peine de clore son petit exposé ! Je m'autorisai un maigre sourire. Quel sens des priorités ! Elle était si près que je sentais la chaleur de son souffle sur ma nuque. L'air s'était drastiquement rafraîchi.

"En tout cas, ce que j'essaye de te dire, c'est que tu as tout de même un fort potentiel, et je crois en toi. Tu pourrais réussir à vaincre des montagnes de muscles comme celle-là un jour. Il te faudra juste assimiler un certain nombre de chose comme savoir comment gérer ta puissance, savoir par cœur où sont les point les plus fragiles et insoupçonnés de tes ennemis...."

Ses propos me réchauffaient le cœur tout en m'insufflant une dose de bravoure. Elle me tirait les oreilles, mais me faisait tout de même part de son infaillible soutien. Si Emily pensait que je pouvais y arriver, alors... !

"... Et bien sûr, savoir à quel moment il est sage de proposer une reddition."


Elle grimaça soudainement, alors que je levai les yeux. J'avais ouï à l'instant un son distinct, et beaucoup, beaucoup, beaucoup trop proche. Estheban... nous avait trouvées !! Un grand gaillard bien bâti se tenait devant nous, penché juste assez pour menacer la cervelle d'Emily avec le canon de son fusil. Mon cœur manqua un battement; Je ne l'avais pas senti s'approcher...  Que faire, à présent ? Je rassemblais mes esprits tout en détaillant notre poursuivant. Il nous toisait, furieux. Je me mordis la lèvre inférieure. Il avait sans doutes découvert la dépouille de son camarade. J'étais couverte de sang, difficile de ne pas nous relier à ce m... Cet accident. Pas sûre qu'il ait envie de nous mener près des autres otages, après une telle vision. Il pourrait très bien nous exécuter sur le champ.

Je profitai d'une seconde inattention pour tenter de bondir sur mes pieds, mais sans grand succès. Terrassée par la douleur foudroyante et encore trop de fatigue, je ne pus qu'amorcer un mouvement vers l'avant, soldant cet échec d'un grognement. J'eus le droit à une œillade médisante. Ça craint... Je n'étais pas en état de riposter. Même si je l'avais été... je me souvins que j'avais laissé mon arme dans ma dernière bataille ! Quelle idiote ! Je m'étais laissée entraîner par Emily sans même penser à ce détail crucial. Mon amie ne pouvait rien tenter de son côté non-plus. Un mouvement de sa part, et sa cervelle irait moucheter mes bottines. Je déglutis. Mieux valait suivre son conseil. Je ne voulais qu'aucun mal ne nous arrive. En attendant un meilleur plan -ou un sauveur inespéré-, il nous faudrait faire profil bas.

"-Levez-vous. L'une après l'autre. Doucement. Toi d'abord."


Il désigna dédaigneusement mon amie. Elle s’exécuta avec une grande aisance. Avait-elle un plan pour nous sortir de là ? Estheban posa ensuite son regard sur moi, sans pourtant détacher son arme du front de ma compagne. Je fis de mon mieux pour me redresser et suivre le mouvement. Sans aide, la tâche me parut difficile. Notre agresseur perdit vite patience; après quelques unes de mes tentatives avortées, il prit les devants et me tira rudement sur mes pieds. Mon corps fut de nouveau transpercé d'un éclair de douleur, mais je ne pipai mot.

"Avancez maintenant. Vous mériteriez que je vous achève sur le champ. Heureusement pour vous, les ordres sont stricts."


Je parvenins -non sans difficulté- à avancer par moi-même, alors que je scrutai les environs. Personne pour venir à notre secours ? Foutredieu, que faisait la police ?? Avaient-ils tous décidé de remplacer leurs cabs par des monocycles ?! Exaspéré par ma lenteur et les supplications d'Emily, Estheban nous fit passer devant lui et autorisa mon amie à soutenir ma marche. Mon cervelet travaillait à toute allure. Nous avions encore un peu de temps avant d'arriver à destination. Il nous fallait un plan, et vite ! J'interrogeai alors ma compagne du regard. Sans produire le moindre son, je formai des mots sur mes lèvres.

"Qu'est ce qu'on fait?"
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyLun 3 Sep - 22:40

Je n'ai plus peur, lorsqu'une arme vise ma tête. Cela me rassure même qu'elle soit pointée là, et pas autre part. Une balle dans le crâne, et c'est le trou noir immédiat. Aucune douleur, aucun instant de panique, aucune sensation de perdre ses moyens et de sombrer dans l'impuissance. C'est plus efficace qu'un somnifère, pour moi. Et alors à bout portant, c'est même le jackpot! Je n'entendrai même pas la détonnation, c'est certain.
Mais pour l'instant, cela me contrarie plus qu'autre chose : je n'ai pas envie d'être hors-jeu si vite! Je n'ai pas envie de trépasser dans une zone de guerre, sans savoir dans quel contexte je me réveillerai au petit matin. Même si à ce moment là, ce sera différent, et tout deviendra plus facile. Et surtout plus bizarre... Je pense que je ne suis toujours pas prête à faire mon coming-out de cadavre en public. Et le monde non plus n'est pas près pour cela, quand bien même il évolue avec une rapidité exponentielle!

Mon esprit continue de vagabonder ailleurs, même lorsque je me lève sous les ordres de l'homme qui vient de nous débusquer. Etant donné qu'un coup de feu a suffit à nous mettre dans cette situation, je ne tenterai pas un second immédiatement. De plus, je suis fatiguée. Nous avons réussi à faire évader tout un groupe d'enfants innocents, j'ai pu sauver Yume d'une mort atroce, mes ardeurs de justicières sont calmées. En tant qu'électrons libres, nous avons servi à quelque chose. Et je suis également résignée à me laisser attraper parce que, tout compte fait, cela risque d'être le moyen le plus simple de découvrir qui est derrière tout cela!

Il ne s'attarde pas sur moi, mais attrape Yume, qui peine à se lever. Ma pauvre amie. Ce n'était pas faute de t'avoir prévenue que c'était folie de m'accompagner! Au delà le la force et des compétences physique, une telle épreuve demande une grande démonstration de force mentale, et je la sens déjà à bout sur ce point. Mais, tel un yo-yo, je ne doute pas que sa vivacité pourra resurgir en cas d'extrême nécessité.

Je prends tout de même le temps de regarder l'homme de mes yeux qui demeurent sévères et altiers. Nos prunelles se croisent et je crois le sentir troublé, l'espace d'un instant. Mais il se reprend rapidement et menace de son arme :

"Avancez maintenant. Vous mériteriez que je vous achève sur le champ. Heureusement pour vous, les ordres sont stricts."

Je l'observe un peu plus en détail. Curieusement, il n'a pas l'air d'un criminel. Malgré sa forte carrure et son allure menaçante, ses traits, eux, sont plutôt affables. Ses habits sont entièrement noirs, recouverts par un large manteau tout aussi sombre. Seule tache de lumière sur cet uniforme : une croix d'argent pendant à son cou, curieusement mise en avant. S'il s'agit là d'une guerre sainte, permettez-moi de me sentir peu concernée.
Je me focalise de nouveau sur mon amie qui commence à trébucher à l'avant. J'esquisse un pas vers elle, avant que la brute m'attrape le bras, collant à nouveau son arme sur moi. Je braque à nouveau mon regard, sans trembler :

"Laisse-moi l'aider, tu vois bien qu'elle n'arrive pas à marcher toute seule."

Peut être redoute-t-il une ruse. Il aurait bien raison. Mais heureusement pour lui, le mettre tout de suite hors d'état de nuire de manière si vicieuse ne nous mènerait à rien. Yume est incapable de courir, et nous sommes désormais trop loin de la sortie. Je m'occuperai de son cas lorsqu'il se pensera en sécurité, dans son camp.
Il me laisse néanmoins avancer avec prudence, me gardant toujours en joue. Le plus innocemment possible, je passe un bras de Yume par dessus mon épaule et la maintiens ainsi debout  d'une manière plus stable. Mon amie me regarde avec insistance, comme si elle espérait que j'ai déjà élaboré un super plan. J'en ai un effectivement, et il est très clair : à la première occasion, je la met hors de danger. Même si pour cela il me faudrait la catapulter manuellement à l'extérieur de ce parc.

Plus nous avançons dans les décombres, plus l'atmosphère se modifie. Des bougies disposées à la va-vite commencent à joncher le sol, parsemant l'endroit de curieuses touches de réconfort. Il y a de l'encens aussi, je perçois son odeur délicate... C'est comme, c'est comme... Oh, mais!...

Je relève la tête, presque choquée de ne pas l'avoir vu venir plus tôt. Nous arrivons à l'endroit où se trouvait la grande roue, avant le drame. La chute de la structure, qui était parvenue il y a à peine une heure, a créé un chaos qui commence déjà à se réorganiser. Au centre de la place, je repère un nombre important de personnes qui me semblent être les civils que nous recherchions, pris au pièges. Tous sont à terre, craintifs et prosternés devant une immense croix qui semble être érigée avec les décombres trouvés sur le terrain. Cette attaque était donc l'oeuvre de fanatiques religieux.
Je plisse les yeux pendant un instant, et je ressens presque comme une pointe de... déception. Je ne peux m'empêcher de trouver le genre humain très puéril, en particulier lorsqu'il essaie de justifier son comportement de sauvagerie au nom de contes et de fables qui le rassurent!

Nous continuons notre avancée sur le bord de ce sanctuaire improvisé. A tous les coins de la place sont postés des gardes munis d'armes et de cette même cape charbonneuse. Je remarque dans leur dos brodé un Graal blanc, entouré de flammes tout aussi immaculées. Des femmes sont présentes, debout, sobrement habillées le visage fermé et les cheveux couverts de voiles aux mêmes motifs. Elles encadrent avec une fermeté dissimulée le groupe des rescapés de la fête foraines, récitant des psaumes sur des tonalités monocordes.

"... En ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les oeuvres qu'elle renferme sera consumée..."

Je serre très fort mes lèvres pour contenir un sourire naissant, une violente étincelle de moquerie qui vient pulser dans ma poitrine. Mais je suis tout aussi goguenarde que je suis exaspérée. Et je suis vexée d'être mise à mal par ces aveugles pessimistes et avides de propager leur foi gangreneuse, comme de pitoyables parasites. Ils ne sauraient être satisfaits que lorsque le monde n'aura qu'une seule et unique opinion : la leur.
Nous nous dirigeons progressivement vers la droite du monument sacré, où se trouve attroupé une petite foule de gens, entourés de fidèles férocement convaincus. Notre escorte nous place à l'arrière de ce cortège, nous intimant de ne plus bouger. Devant nous, se plaçant sur une petite estrade arrive soudain un homme d'un certain age, vêtu de manière insolite. D'une minceur presque squelettique, son corps est recouvert d'une longue robe noire couvrant jusqu'à ses pieds. Ses longs cheveux grisâtres sont plaqués le long de son crâne, laissant à découvert les traits de son visage creux et usé par le temps. Ses grandes mains aux poignets crochus et décharnées se mouvent cependant avec une certaine grâce. Il commence à scruter attentivement chacun de nous. Son observation est interrompu par l'homme qui nous accompagnait, ce dernier arrive en effet au niveau de son acolyte pour lui souffler ces mots :

"Grand Diacre, j'ai une mauvaise nouvelle. Boniface est mort."

L'épouventail bardé de noir semble prendre un air contri, mais pose finalement ses mains sur les épaules de son interlocuteur :

"Hélas, mon enfant, entendras-tu mes paroles si je t'apprend que cela ne me surprend guère? Malgré sa volonté et sa ténacité, le volontaire Boniface était loin d'être le plus droit et le plus impliqué d'entre nous. Le Seigneur sait bien récompenser les plus valeureux, mais n'est jamais tendre avec ceux qui ne se donnent pas la peine de respecter  rigoureusement les règles."

Ses mots enrobés de miel et ses mimiques paternalistes doivent en faire un homme d'église hors-paire, je n'en doute pas une seule seconde. Il se retourne vers nous :

"Je suis Ézéchiel, Grand Diacre de l'ordre des âmes de verre. Ne vous méprenez pas, nous ne sommes que les humbles émissaires de Celui qui vient d'en Haut. Il nous a été commandé de venir répandre l'enfer, pour ensuite offrir aux élus rescapés un salut bienveillant. Le monde ne devient qu'aberration et décadence jour après jour. Tout ce que nous voulons, c'est un nouveau départ sur des bases plus saines, et pour ce faire, des sacrifices sont bien entendus nécessaires. Puissiez vous comprendre et accepter cette main qui vous est tendue."

Ézéchiel descend donc de son estrade. Il est suivit d'un homme dans la fleur de l'age, brandissant un énorme crucifix sur lequel un Christ, martyr, pose sur l'assemblé son regard lourd de jugement. Le duo s'approche de la première personne de notre groupe, un adolescent légèrement enrobé qui tremble sur ses jambes :

"Brebis égarée, accepteras-tu de servir fidèlement l'éternel, de reconnaître qu'il est juste et bon, et de t'abandonner à sa cause?"

Le jeune garçon acquiesce en tremblotant, et aussitôt, le grand diacre l'invite à se diriger vers la gauche, où une allée de gardes dessine le chemin vers le parterre des implorants. Abasourdis par le choc de l'attentat et peut être ayant toujours l'espoir de retrouver des proches, personne n'a à cœur de refuser l'offre de l'ordre des âmes de verre.

"Et bien, Yume, on dirait bien que nous sommes bonnes pour une nuit à réciter des inepties joliment tournées! Noyées dans cette foule, nous trouverons bien une astuce avant de nous en sortir!" glissais-je, seulement à moitié amusée par la tournure que prenais la situation!.

En vérité, l'ironie de la situation commençais à nerveusement me taper sur le système. La statue du jeune martyr s'approchant vers nous me mettais mal à l'aise.
Ma nature plus que controversée brisant les lois les plus élémentaires de la vie et de la mort n'était pas la cause de cet inconfort face à la figure sacrée. Mais le fait de me retrouver face à cette sculpture de jugement fait resurgir devant moi les vies que j'ai prise, même malgré moi. J'ai poignardé à mort un assassin, il y a quelques années. Et il y a quelques minutes à peine, j'explosais le crâne d'un mercenaire qui brutalisait mon amie. Et là, je ne compte que les vies ôtées directement de mes mains. Mais de combien de victimes - innocentes, de surcroît, suis-je la responsable? Oh. Il faut que j'arrête de me poser cette question digne d'une faible, sinon, je vais achever de me rendre psychotique.
En vérité, malgré mes belles actions, si l'on fait le compte, j'ai peut être causé plus de mal que de bien. Si leur Dieu est bel est bien responsable de mon miracle, il s'agit là d'une divinité bien cruelle. Ressusciter quelqu'un de plus sage aurait été tellement plus sensé. Ma présence ici n'a aucun but, et nul ange n'est venu me murmurer à mon oreille une quelconque mission divine. Les âmes éteintes sont toutes de nouveaux livrées à elles-même, et nulle entité n'est là pour les recueillir dans un jardin sacré. Ce sont des histoires d'enfants que l'on continue à se raconter pour se rassurer, pour avoir l'espoir que ce monde n'est pas totalement absurde! Accéder à leur caprice va me faire terriblement mal. C'est alors que le grand diacre arrive à notre niveau :

"Brebis égarée, accepteras-t... Mais... Miss Wilson??"

Il s'interrompt quelques secondes, troublé. Je le suis tout autant! Ils se connaissent? Je relativise rapidement : il est vrai que mon amie est une figure assez renommée dans la ville, mais je n'avais presque jamais eu affaire à sa notoriété. En plus, Yume est assez amochée par sa lutte, elle ne ressemble plus tellement à la Lady raffinée que l'on peut apercevoir sur les portraits officiels! D'un claquement de doigt, et l'air ravi, Ézéchiel appelle à lui ses fidèles qui s'empressent d'encadrer ma camarade :

"Emmenez-la vite au Cardinal!! Faites lui savoir que nous avons trouvé notre agneau!"

Yume a à peine le temps de réagir qu'elle est déjà loin! Tout se déroule si vite que j'ai à peine le temps d'intervenir :

"Non!! Attendez!!..."

Je suis stoppée net par deux lances qui se plaquent sur mes clavicules. Je tente de les contourner, mais de nouvelles viennent me menacer. Je ne peux aller nulle part et Yume est déjà hors de mon champs de vision. Je commence à bouillir de frustration :

"Arrêtez ça tout de suite!! Je dois rester avec elle!"

"Toi..."

Le grand diacre s'approche alors. Ses yeux creux me fixent comme ceux d'un corbeau anorexique. Même si je suis sceptique quant aux propriétés mystiques de la foi, j'ai toujours nourri la crainte secrète de pouvoir aisément être percée à jour par les fanatiques. Comme si le sixième sens qu'ils s'inventaient parvenait à me cerner. Mais peut être est-ce simplement mon insolence qui le fait tiquer. Je le vois et l'entend marmonner des paroles incompréhensibles tout en faisant le signe de croix. Mais il s'approche tout de même :

"Brebis égarée, accepteras-tu de servir fidèlement l'éternel, de reconnaître qu'il est juste et bon, et de t'abandonner à sa cause?"

Pour moi, il n'est même plus question de rejoindre le troupeau. Je me démènerai pour retrouver Yume par tous les moyens!

"Même le plus insignifiant des galets présent sous votre botte a pour moi plus de valeur que votre dieu qui ne vous a jamais adressé la moindre parole, vieux fou."

"Une réponse appropriée, pour une sorcière de ton espèce. Je ne suis guère déçu. Jamais plus tu ne reverras Lady Wilson, et jamais plus tu ne l'influenceras de ton venin."

C'est cela mon grand. Nous en reparlerons quand tu auras vu ce que ton dieu m'a autorisée à devenir. Tandis que les hommes aux lances me saisissent pour m'embarquer dans la direction opposée à mon amie, j'entends très distinctement Ezechiel prononcer cérémonieusement :

"Vous pouvez commencer à installer le bûcher, la cérémonie de purification devra commencer avant minuit."

...Voilà une mort que je n'ai encore jamais expérimentée. Et à vrai dire, je n'en ai aucune envie.
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L'Ecrivain
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyJeu 13 Sep - 19:46

Les rues défilaient à toute vitesse sous mes yeux intransigeants, les unes après les autres. Je pédalais sans m'accorder une seule seconde de répit, déterminé à résoudre cette affaire avant que l'aube ne se lève sur l'empire britannique. Heureusement, j'avais récemment fait l'acquisition d'un superbe vélocipède flambant neuf, conçu pour égaler un étalon lancé au galop - et son inventeur était français, comme quoi, il n'y avait pas que du désagréable dans cette culture -. C'était un des modèles les plus performants au monde, et bien la seule dépense exorbitante que je m'étais permise depuis que j'avais plus ou moins coupé le cordon avec mon richissime paternel. Fallait croire que tout mon salaire passait dans le café, le gin et le maintien de ma foutue santé mentale. Les roues de l'engin menaçaient de glisser sur les pavés rendus humides par une averse plus tôt dans la soirée, mais je faisais preuve d'une maîtrise impeccable de mon guidon. Alors que l'air nocturne me fouettait impitoyablement le visage, je réfléchissais.

Qui pouvait bien être derrière cette abominable calamité ?

A en juger par la colonne de fumée qui jaillissait de derrière l'océan de toitures, la grande roue avait dû être arrachée par le souffle d'une explosion. Tout indiquait l'usage d'une bombe en plein coeur d'un petit festival qui n'avait rien demandé à personne. Il fallait réellement avoir un esprit tordu pour s'en prendre à un lieu de joie et d'innocence où amis, familles, parents, enfants se retrouvaient ensemble. Je fis une embardée pour esquiver un piéton mal réveillé, sûrement tiré hors de son lit par tout ce brouhaha. On se concentre, Full.

Garden constituait le suspect idéal en tant que criminel friand de déflagrations en tout genre, mais mon vieil ami d'enfance n'était pas derrière celle-ci. Fleet Street pourra faire couler autant d'encre qu'elle le désire, mon flair ne se trompait pour ainsi dire jamais. L'envergure de l'attaque ne correspondait pas. Garden détruisait tout sur son passage avec méthodisme, alliant précision meurtrière et sinistre dévastation. Si il y avait une comparaison à faire, j'aurais choisi celle entre une lampe à huile et le soleil lui-même. C'était risible. Conclusion, on pouvait écarter l'hypothèse la plus évidente. Ça m'épargnait l'inconvénient de patauger dans l'immense merdier d'une Garden Party, mais ça voulait aussi dire que je n'étais pas plus avancé.

Il vaut mieux traiter avec le diable que tu connais, en effet.
Je me passerais de tes citations vaseuses, Walk.
Soit, mais je te prie de rester prudent, ce soir. Nous ne pouvons nous permettre d'essuyer davantage de sévices.

L'hypocrite. Si je n'étais pas si occupé à pédaler, je serais probablement bouillant de rage. Comme si ce n'était pas de leur faute à ces deux malfrats, si nous étions au bout du rouleau ! Je résistais à la tentation de me gifler et j'optais pour m'enfermer dans un silence courroucé. Je n'avais aucune promesse à lui faire. Seul mon serment de protection envers la société méritait d'être tenu, et pour ce faire j'étais prêt à sacrifier jusqu'à la dernière goutte d'énergie. Quand bien même notre criminel-mystère s'avérait être une horde entière de démons et de pyromanciens, je ne ménagerais pas mes efforts pour les voir hors d'état de nuire.

__

-"Inspecteur Saber !!" me hèle gaiement un collègue en me voyant arriver. Je freine devant lui dans un crissement de roues, pivotant avec souplesse et élégance.

-"Bonsoir, inspecteur... ?"

L'homme, trentenaire, me sourit avec un enthousiasme déplacé. L'heure n'était pas vraiment à la légèreté, mon gars. Son uniforme m'indique que, contrairement à moi, il ne faisait pas partie de la branche des détectives et n'avait donc pas été entraîné en investigation criminelle. Nos rangs se valaient malgré tout en terme d'autorité, bien que ce ne soit pas le cas en ce qui concernait nos compétences.

-"Crowder, monsieur, de la division F. Vous avez fait vite, votre réputation n'est pas exagérée !!"


-"Cessez de jubiler, Crowder, il y a peut-être des victimes. Où en est la situation ? Vous n'avez encore envoyé personne ?"

J'observais sévèrement l'effervescence qui nous entourait. Des dizaines de constables munis de matraques s'affairaient à former un périmètre de sécurité et à surveiller le portail en fer forgé menant au parc où avait eu lieu la fête. Kensington Gardens. Peu de vermines oseraient causer du grabuge dans le coin. Soit les criminels derrière cette bombe étaient des abrutis suicidaires, soit ils puisaient leur confiance dans une supériorité qui pouvait être numérique, technique ou même les deux. J'aperçevais des réfugiés terrorisés se faire interroger. Beaucoup d'entre eux n'étaient pas revenus de ce festival en un seul morceau.

Refroidit légèrement mais toujours mielleux, Crowder m'exposa la situation d'une manière alambiquée, si bien que je finis par user de mon légendaire froncement de sourcils afin de le pousser à abréger.

-"... et nous ignorons encore qui sont ces monstres et ce qu'ils cherchaient à accomplir avec cet acte."

-"Faux." grommelle une voix endommagée par le tabac que je reconnaîtrais entre mille.

Je me retournais et tapotais virilement l'épaule du sergent Gates en une brève salutation : -"John !! Comme on se retrouve ! C'est fou, vous avez toujours le don pour vous retrouver au bon endroit au bon moment !"

L'officier aux cheveux blond délavé et à l'embonpoint indigne de sa fonction me fixait intensément, comme pour me transmettre son respect éternel. C'était vrai que cela commençait à faire un sacré paquet d'affaires sur lesquelles j'avais travaillée avec son assistance occasionnelle et très mineure. Ce n'était pas l'élément le plus brillant de Scotland Yard, et sincèrement, je pourrais passer une heure à énumérer ses nombreuses failles déontologiques, mais au moins, il était loyal. Et c'était une qualité que je ne retrouvais pas chez la plupart de mes collègues.

-"Nous avons recruté le sergent alors qu'il se saoulait au pub voisin, ne faites pas attention à lui, il n'est là que pour procurer de la main d'oeuvre supplémentaire." annonça joyeusement Crowder, d'un ton mi-plaisantin mi-venimeux.

-"J'étais pas en service..." protesta faiblement Gates.

Je levais une main régalienne et rétorquais fermement : -"J'admire le fait que vous soyez capable de dégriser aussi vite, sergent. Quant à vous, inspecteur, prenez exemple sur lui. Dessoûlez vite de votre ivresse du pouvoir ou vous ne garderez pas votre grade très longtemps."

Choqué par mon honnêteté, Crowder tentait de bégayer une réponse - probablement de me faire remarquer que ce n'était pas moi qui commandait -, mais j'avais du pain sur la planche. Je descendais de mon vélocipède et fourrait le guidon dans les mains de l'inspecteur Crowder de la division Feignasse. Puisqu'il ne semblait pas pressé d'accomplir sa mission d'officier de la paix, qu'il se rende utile autrement. Je m'éloignais à grands pas, en direction du portail. John Gates m'emboîtait le pas.

-"Vous avez des informations plus concrètes que celles de ce guignol, j'espère ?"


-"Ouais, ben j'ai surtout recueilli le témoignage d'une bande de gamins, ils sont parvenus à échapper aux principaux suspects, des gusses habillés en noir. Ils sont nombreux, armés et il paraît qu'ils ont pas mal d'otages. Mais comme ce sont des gosses, Crowder m'a rembarré."

-"Il ne sait pas que la vérité sort de la bouche des enfants, hé hé. Ces pauvres mômes n'auraient aucun intérêt à inventer des histoires alors que leurs proches sont en danger. Des types en noir, donc ? Je vais leur montrer de quel bois Full Saber se chauffe."

Je vérifiais que mon revolver était nettoyé et chargé, puis fit signe à un camarade de me passer une matraque. Il était hors de question de truffer de balles un être vivant quand il y avait d'autres solutions à ma disposition. Je soupesais doucement l'arme en bois, afin de calculer correctement le degré de force que je devrais impulser. Satisfait, je me retournais vers mes compères :

-"Vous avez assez lambiné ici, ce n'est pas en nous tournant les pouces que ces enflures iront derrière les barreaux !! Gates, avec moi, et j'aurais aussi besoin de six volontaires. N'utilisez vos flingues que si vous êtes à deux doigts de vous faire descendre ! On va la jouer discret, ce sera de la reconnaissance en attendant à quoi on a affaire. Si on est pas de retour dans deux heures, vous envoyez la cavalerie et on oublie la subtilité."


Ils m'écoutaient tous religieusement, absorbés par mon charisme sans limites. Je fis voltiger mon imperméable dans un geste dramatique et m'enfonça vers ce qui s'annonçait comme une nuit explosive, suivi de mon escouade.
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Yume

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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyDim 23 Sep - 22:13

Mon amie dut être à court d'idées, ou bien au contraire, traversée par un éclair de génie, car elle prit plaisir à ignorer mon appel à l'aide, resserrant cependant sa prise autour de ma taille, alors que mes jambes manquèrent de se dérober sous un pavé enfoncé. C'était bien ma veine ! Je fronçai les sourcils et décidai de me concentrer sur ma marche tout en ignorant une migraine naissante. Estheban avait malgré lui confirmé une de mes précédentes hypothèses, ce qui m'empêchait de m'enliser complètement dans la panique: Nos ravisseurs nous voulaient vivantes...Pour l'instant, du moins. Les autres otages étaient sans doutes rassemblés et surveillés sur la place principale, dont nous nous approchions dangereusement. Nous avions encore un peu de temps pour réfléchir à un échappatoire, comme la police avait décidé de nous ignorer. Je relativisais. Après tout, quel meilleur moyen pour jauger notre ennemi que d'entrer dans leur guêpier ? Rah, si seulement j'avais un peu plus de forces...!! J'avais mal prévu mon coup. Je soupirai tout en me massant la tempe. Je sentis Estheban se braquer derrière moi. Cinq minutes pour me ressourcer et quelques gorgées d'eau, et je pourrai repartir. Haha, je pouvais toujours prier ! Je n'allais certainement pas être traitée comme un coq-en-pâte.

Alors que nous progressions, de douces effluves vinrent caresser mes narines; ce que j'aurai imaginé sang, transpiration et poudre à canon n'était autre que barbapapa, encens et fleur de lys. J'en pris donc volontiers une grande inspiration, ressentant certains de mes muscles s'en détendre en conséquence. Tout ceci était cependant bien étrange. Étions-nous au cœur d'un attentat ou d'une cérémonie de baptême ? Je pensais tout en connaissance de cause; j'avais assisté à une de ces tortures, alors que l'on m'avait désignée marraine de la nièce de Charlotte -avec qui AK avait fini par me brouiller-. Je préférerai autant recevoir une balle dans le crâne plutôt que de subir un tel ennui de nouveau. J'avais fini par croire que le pasteur planifiait d'aspirer mon âme avec ses psaumes éternels... Je tiquais soudainement, arrachée à mes souvenirs. A présent, des bougies éclairaient notre route, placée de part et d'autre du sentier. Je rencontrai instinctivement le regard d'Emily, tout aussi confuse que moi. Nous arrivions sur la place.

Et la vision qu'elle m'offrait à présent était à mille lieux de tout ce que j'avais pu imaginer. Le chaos n'était plus, bien que nous nous tenions au foyer de la récente explosion. Les débris des stands rasés avaient déjà été dégagés et recyclés; en effet, une immense croix improvisée avait été érigée non loin d'où trônait précédemment la grande roue dont je n'avais pas suffisamment profité. A ses pieds, j'apercevais les otages, sains et saufs !! Tous fronts contre terre, ils s'inclinaient devant le monument, encadrés du reste des terroristes. Je remarquai, à les voir ainsi groupés, qu'ils portaient un drôle d'uniforme. Je ne puis m'empêcher de laisser s'échapper un rire nerveux. Des protestants fanatiques..? Sérieusement ?? Une explosion, des victimes, de la douleur doublée de fatigue et de la religion.. Tout ce que j'exécrai le plus en ce monde: un véritable enfer personnel et miniature ! ...Voyons donc le côté positif des choses.. Je pourrai m'allonger au sol pour faire une petite sieste ~

Estheban, après nous avoir fait évoluer vers la droite, relégua donc la garde des pauvres petites brebis égarées que nous étions à un des gardes posté sur le côté. En un battement de cil nous étions mêlées à la foule. Je cherchai une ouverture, mais pas moyen de filer du cortège; nous étions entourées de ce qui me sembla être un groupe de sœurs, couvertes de bas en haut. Celles-ci murmuraient les paroles de psaumes à l'unisson de leurs voix éteintes. Au secours !! Je me hissai douloureusement sur la pointe des pieds, cherchant à percevoir ce qui se passait au delà du troupeau. Une estrade en bois s'élevait devant nous.
Ce que je supposais être un pasteur-supérieur s’agitait avec véhémence,s'adressant à des otages placés devant nous. Sa longue toge noire ne pouvait entièrement dissimuler le corps chétif, voire squelettique de l'homme âgé. Je souris avec malice; Malgré mon état peu glorieux, je me savais capable de mettre ce bougre hors d'état de nuire sans le moindre effort ! Malheureusement pour nous, l'homme d'église avait sa garde rapprochée. Pourrait-il être leur chef à tous ? Il n'était guère bien bâti, mais son don pour galvaniser et retourner le cerveau des foules ne faisait aucun doutes. Mais ça ne prendrait pas sur nous.. ! Estheban avait escaladé l'estrade pour rejoindre ses côtés. Tentant de faire abstraction des chants monocordes qui m'entouraient, je tendis l'oreille.

"Grand Diacre, j'ai une mauvaise nouvelle. Boniface est mort."


...Et ne sera pas manqué ! Ma culpabilité s'était rapidement dissipée, à l'instar d'autres priorités; il n'avait sans doutes pas de famille, s'il était si dévoué à son créateur ! Je perdis soudainement l'équilibre; le groupe avançait. Je ne perçus que des bribes du reste de l'échange.

"Hélas mon enfant...le volontaire Boniface était loin d'être le plus droit et le plus impliqué d'entre nous.... n'est jamais tendre avec ceux qui ne se donnent pas la peine de.."


Les prisonniers nous ayant précédés se prosternèrent à leur tour devant la croix. J'agrippai le bras d'Emily avec douceur, comme pour m'assurer de sa présence à mes côtés. Tant que nous n'étions pas séparées... Le Grand Diacre que je pouvais à présent contempler de plus près, se retourna vers notre groupe pour s'adresser à nous, sourire aux lèvres et voix sucrée.

"Je suis Ézéchiel, Grand Diacre de l'ordre des âmes de verre. Ne vous méprenez pas, nous ne sommes que les humbles émissaires de Celui qui vient d'en Haut. Il nous a été commandé de venir répandre l'enfer, pour ensuite offrir aux élus rescapés un salut bienveillant. Le monde ne devient qu'aberration et décadence jour après jour. Tout ce que nous voulons, c'est un nouveau départ sur des bases plus saines, et pour ce faire, des sacrifices sont bien entendus nécessaires. Puissiez vous comprendre et accepter cette main qui vous est tendue."


Je fis de mon mieux pour dissimuler mon scepticisme face à ses paroles. Dans une toute autre circonstance, je l'aurai volontiers assailli de questions, mettant la solidité d'un tel projet à l'épreuve. Ils avaient beau être nombreux, je doutais que leur petite secte puisse asservir ne serait-ce que Londres entier ! Et quand bien même: Où iraient leurs fidèles ? Il fallait également un budget colossal pour tenir de tels engagements. Le navire coulerait bien assez tôt.. Pour l'heure, nous n'étions pas en position de force; courber l'échine et subir, avant de s'éclipser discrètement ! Au moins avais-je la présence d'une amie qui partageait mon ennui !  

"Et bien, Yume, on dirait bien que nous sommes bonnes pour une nuit à réciter des inepties joliment tournées! Noyées dans cette foule, nous trouverons bien une astuce avant de nous en sortir!"


J'acquiesçai en souriant. Tout cela aurait pu être bien pire ! Ezéchiel avait daigné descendre de son estrade, accompagné d'un de ses fidèle, chargé d'une lourde croix sur lequel le Christ agonisait. Je plissai le nez. Cette image m'avait toujours repoussée. Pourquoi exposer un cadavre si l'on vouait une telle valeur à l'âme humaine ? Je ne pouvais me fier qu'à mon imagination: je n'avais jamais lu la Bible.
Un à un, nos camarades prisonniers quittaient le rang pour prier avec une ferveur suspecte. Notre baptême s'approchait dangereusement. J'accordai un sourire rassurant à mon amie, mais elle ne semblait plus me voir, plongée dans ses pensées. Le Grand Diacre se planta enfin devant nous. Amen !

"Brebis égarée, accepteras-t... Mais... Miss Wilson??"

Je sursautai et relevai aussitôt mes yeux vers lui, abasourdie. Euh...On se connaît...?
Je jetai un regard mal assuré aux alentours. L'atmosphère n'y était déjà plus la même. Les sœurs avaient interrompu leur chants. Tous les fidèles me dévisageaient, leurs prunelles animées par une fascination que je ne pouvais identifier. Je me raidis, prise de court. Je m'efforçais de relativiser, sans toutefois savoir comment répondre. J'étais bien loin d'être une inconnue à cette ville, ma famille y avait une sacrée réputation. Cependant.. Je devais être méconnaissable à présent !! Mes vêtements étaient déchirés et crottés, mes cheveux hirsutes et mon visage barbouillé de terre et de sang... j'avais également la tête baissée pour feindre une prétendue soumission. Pourtant, un seul regard lui avait suffi. J'étais passée inaperçue dans des déguisements plus grotesques que celui-ci..
Je pris une grande inspiration. Ce n'était pas si mal.. ! Mon père avait fait la paix avec la religion il y a quelques années... Un vrai petit enfant de chœur ! Serrant ma prise sur le bras d'Emily, je grimaçai un sourire gêné. Ézéchiel semblait au bord de la pâmoison. Un grand rictus se tira sur son visage creusé. Je l'entendis claquer des doigts. Avant même de comprendre ce qui m'arrivait, deux grands gaillards m'arrachèrent à ma compagne comme si je n'étais qu'une poupée de chiffon. Je ne pensai même pas à me débattre. Bordel, qu'est ce qui se passait??

"Emmenez-la vite au Cardinal!! Faites lui savoir que nous avons trouvé notre agneau!"


Le Grand Diacre gloussait comme un hystérique. Un agneau moi ?? Est-ce que j'avais une gueule d'agneau ?? Soulevée sous les bras, je m'éloignai du groupe et de l'estrade par des enjambées de géants. Emily !! Je gigotai alors faiblement, tentant de sentir la terre sous mes pieds. Je ne fis que battre l'air.

"Attendez !! Je veux rester avec mon amie ! "


Mes couinements de souris furent évidemment ignorés, et mes tentatives pour apercevoir ce qui se passait derrière moi, infructueuses. Complètement désemparée, je me laissais faire, et me murai dans le silence. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine.

Nous nous éloignâmes de la foule, pour nous arrêter quelques allées derrière l'estrade de tout à l'heure, devant une grande tente improvisée, mais qui ne manquait cependant pas de prestance. Les deux colosses me reposèrent à terre avec une douceur étonnante, ne relâchant cependant pas leur prise. Reprenant mes esprits et ma contenance, je constatai une fois de plus que mon corps me faisait souffrir -cependant bien moins qu'auparavant.- Un des gardes constituant mon escorte se détacha de moi et nous intima de nous tenir tranquille, avant de s'engouffrer à l'intérieur. Je le suivis du regard, tentant de discerner ce qui m'attendait, mais la tenture à l'entrée ne me laissa rien percevoir. Je pus en revanche remarquer un motif sur sa cape: Un calice entouré d'un halo blanc.

Je poussai un soupir en me massant le bras de ma main libre. Les chuchotis à l'intérieur m'étaient imperceptibles. J'appréhendai, impuissante. Je m'apprêtais donc rencontrer leur autorité supérieure... Le Cardinal. En plus d'être entièrement à leur merci, j'étais à présent seule. Mon amie était restée aux côtés d'Ezéchiel. Je ne me faisais pas trop de soucis de son côté. Si elle faisait profil bas, tout irait bien pour elle. Mais pour moi...? Rien n'était moins sûr. Je me plongeai dans mes pensées, faisant abstraction du regard étrange de mon goêlier.

Agneau, agneau.. Voilà un terme qui ne m'était pas étranger. Toutes ces messes obligatoires allaient pouvoir enfin me servir à quelque chose ! Agneau de dieu.. C'est ça ! "Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde."...Je ne devais pas être loin. Par chance, cette phrase était prononcée au seul moment intéressant de la cérémonie: Celui de manger (et de boire, même si je passais toujours mon tour.) Je me sentis faire la moue. Mais qu'est-ce que tout cela signifiait exactement ? N'était-ce pas Jésus-Christ, l'agneau de Dieu ? ...Me voyaient-ils comme un messie, un modèle de paix...ou un sacrifice pour purger les pêchés de ce monde ? J'avouais avoir une légère préférence.

Ma réflexion fut interrompue par des bruits de course derrière nous. Je me retournai aussitôt, folle de joie. Emily !! Je perdis aussitôt mon sourire. Estheban arriva rapidement à notre niveau. Je l'avais assez vu celui-là... Que venait-il faire ici ? Il vint se placer à nos côtés, sans perdre son aplomb devant son camarade, le dépassant pourtant de deux bonnes têtes. Je gardais le silence, me retenant de lui lancer un regard mauvais. Il me fallait être diplomatique. Il savait peut-être où mon acolyte allait-être menée prochainement. Le fidèle bien-bâti m'ayant menée jusqu'ici l'interrogea à ma place.

"Frère Estheban, que viens-tu faire là ?"


"-Bonjour mon frère. Le Grand Diacre m'envoie te remplacer."


"-Pourquoi ?"
Je sentis la prise sur mon bras s'intensifier. Je grimaçai de douleur. Étais-je en train de rêver ou se battaient-ils pour moi ??

"-C'est moi qui ait trouvé l'Agneau. Le Cardinal voudra sûrement quelques détails."


J'entendis mon gardien grommeler dans sa barbe. Il n'allait quand même pas me laisser avec lui ?!

"-Prends en soin."


Estheban agrippa alors mon autre bras, et le colosse se détacha de moi pour finalement s'éloigner. Je me sentais étrangement beaucoup moins rassurée. Les chuchotis dans la tente s'intensifiaient. Le silence ne retomba pas longtemps.

"-Si tu crois que tu vas t'en sortir comme ça..."

Mon cœur manqua un battement. Était-ce une menace ?!

"Comment ?"
Je relevai des yeux innocents vers Estheban, pour ne rencontrer qu'un regard noir.

"Je sais que tu as tué le Volontaire Boniface."
Il me toisa de la tête aux pieds. Une vague d'anxiété monta en moi. J'étais après tout, recouverte de son sang. "Punition divine ou non, tu n'es pas digne d'être l'Agneau. Je dirai la vérité au Cardinal."

J'ouvris la bouche pour répliquer, mais notre échange coupa court. On nous invita à entrer dans la tente. Je me sentais trembler sous la prise d'Estheban alors que je m'engouffrai à l'intérieur. Quoiqu'il ne passerait, ce serait sa parole contre la mienne... J'allais devoir me défendre finement. Ou espérer qu'Emily ou un policier mignon vienne à mon secours..  

Je me sentis dépaysée lorsque je fis mes premiers pas dans l'abri, qui était infiniment plus spacieux que ce qu'il laissait paraître. Je peinais à imaginer qu'il fut emménagé dans la précipitation; contrairement à l'assemblée sobre et pieuse que nous venions de quitter, tout en ce lieu respirait raffinement et bon goût, restant cependant dans la simplicité. Des tentures noires et argents tapissaient la toile rouge de la tente, et ce qui semblait être un tapis ecclésiastique satinait le sol. Une grande table ronde, recouverte de cartes et différentes notes trônait au centre de l'endroit. Au fond, deux grands fauteuils -qui me paraissaient en cet instant, si confortables- se faisaient face. Dans l'un deux, un homme immense et très poudré. Quand il m'aperçut entrer, il se leva pour venir m’accueillir. A son approche, ma charmante escorte me quitta pour de mettre en retrait, rejoignant ainsi le premier homme m'ayant accompagnée ici. Bon débarras ! Lorsqu'il arriva à ma hauteur, j'improvisais une modeste révérence. Cet individu avait sa vie en son pouvoir; mieux valait lui paraître aimable. Je sentis ma migraine refaire surface lorsque ses rasades de parfum vinrent agresser mes narines; il venait certainement de s'en imbiber à l'instant. D'un geste tout à fait galant, il m'invita à me diriger vers les fauteuils.

"Entrez donc, vous êtes ici chez vous ! Vous pouvez vous asseoir dans l'autre siège. Il est normalement réservé au Grand Diacre Ezéchiel; je suis certain qu'il n'en tiendra pas rigueur."

Bien que partager un bien avec le vieux débris de tout à l'heure m'ait quelque peu rebuté, j'oubliais mon dégoût à l'instant où je posais mon arrière sur le siège. Si..confortable !! Je dus user de toute ma force mentale pour ne pas m'y affaler. Après toutes les douleurs de la nuit, un tel confort me paraissait une véritable oasis. J'offris à mon interlocuteur un sourire aimable, alors qu'il se positionna, droit comme un piquet sur son trône. Le Cardinal arborait une dizaine d'années de plus que Charles-Henri. Je me l'étais représenté bien plus âgé ! Une magnifique moustache soulignait un sourire des plus affables et des yeux noirs pétillants. Ses cheveux étaient agencé d'une façon des plus excentrique, et pourtant parfaitement millimétré, ce qui accentuait ses airs de grandeur.

"Veuillez excuser un tel accueil, Lady Wilson ! Nous ne vous attendions pas si tôt. L'éternel nous envoie par votre venue la plus belle des bénédictions ~"

L'homme peinait à dissimuler un enthousiasme débordant. A l'entendre parler, je serai tentée de croire qu'il m'attendait moi, personnellement ! C'était sans doutes, ce qu'il voulait me faire croire. Malgré son attitude et sa figure attendrissante, je restais sur mes gardes; je n'étais pas idiote. Une attitude si courtoise, bienveillante et paternaliste était monnaie courante chez les sectes, comme me l'avait si bien enseigné mon cousin. Ils s'imposaient comme une deuxième famille pour les âmes en perdition, qui finissaient par tout leur donner pour toujours plus de reconnaissance. Cependant.. Après les événements si difficiles que je venais de vivre en seulement quelques heures, sa chaleureuse hospitalité était la bienvenue. Je devais après tout jouer la Lady vertueuse, insipide et influençable, tant que j'étais dans cette tente. Je ne me retournai pas, mais sentais Estheban bouillir derrière moi. Il attendait sûrement le moment opportun.

"-Je vous remercie Mille Fois Cardinal. Votre bienveillance et votre hospitalité me sont très appréciable ce soir. J'ai eu une nuit particulièrement difficile..."


Le Cardinal ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes, m'observant comme s'il venait d'apercevoir l'était misérable dans lequel je me trouvais. Il posa doucement sa main sur l'accoudoir de mon fauteuil, prenant cependant soin de garder distance de mon contact.

"-Diantres, que vous est-il arrivé ?? Vous semblez avoir été malmenée, ma pauvre enfant ! Racontez-moi tout cela en détails ! "


Estheban s'avança, ouvrant la bouche pour me couper l'herbe sous le pied. Mais son supérieur, d'une grande volubilité, ne lui laissa pas le champ libre.

"Avant que nous parlions de tout cela, et du rôle que vous aurez à jouer pour notre Seigneur, dans l'ordre des âmes de verres, le moins que nous puissions faire est de vous permettre de vous arranger quelque peu ! Vous devez être dans une grande indisposition."


Il tapa plusieurs fois dans ses mains, se redressant vivement. Aussitôt, plusieurs des gardes s'affairèrent. Estheban fut envoyé à l'extérieur avec une grande bassine. Quelques instants plus tard, je pus me débarbouiller et me coiffer, mon hôte m'ayant octroyé l'un de ses peignes. Pendant que je démêlais ma toison, il se fit grand plaisir à m'entretenir conversation.

"-Bien que nous sommes humbles et ne nous encombrons pas des vanités de ce monde corrompu, l'entretien de soi est primordial; Voilà, Lady Wilson, ce qui nous distingue des animaux.~ "


Encore un homme qui pensait m'éclairer de son savoir ! Une scène que j'avais vécu plus de fois que je n'aurai pu les compter. J'approuvai sagement ses paroles et distinguai mon reflet dans l'eau maintenant coloré. De nouveau charmante ! Je le remerciai généreusement, tout en commençant à réfléchir à un plan d'action. Tout se ferait dans les mots, mais je me devais d'être plus efficace que jamais. Si je pouvais le persuader d'amener Emily auprès de moi... Et Estheban qui risquait de me dévoiler à tout moment ! Tout ceci s'annonçait extrêmement délicat. Le Cardinal fit signe au garde m'ayant escorté d'approcher.

"-Je sais que vous brûlez d'envie de nous conter vos mésaventures, mais buvez donc quelque chose d'abord ! "


Le fidèle s'avança, pour aussitôt se faire réprimander.

"-Pas de vin voyons !! Nous avons affaire à une dame! "

Contrit, il nous servit deux verres d'eau. Du même pichet. Méfiante qu'une quelconque drogue ne soit répandue sur mon verre, je passais discrètement mon pouce sur toute la bordure avant de me déshydrater. Quel bonheur. Ma gorge était entièrement sèche.

"-Mangez donc également aussi. Je suis sûre que vous avez faim."

"-La gourmandise n'est-elle pas un pêché, Cardinal ?"


Je battis innocemment des cils. Je me retenais de toutes mes forces pour ne pas me jeter sur le pain que l'on me tendait. Mon interlocuteur gloussa, au bord de l'extase.

"Elle est parfaite ~"

Je tendis mon verre vide au garde qui s'apprêtait à retourner à sa place. Nos mains purent se frôler fugacement, que le Cardinal perdit son calme et éleva une voix grave qui nous fit tous les deux sursauter.

"Frère Raphaël !! Que vous avais-je dit à tous ?! Personne ne touche l'Agneau !!"

Épouvanté, le pauvre homme retourna à sa place en bredouillant mille excuses. Tendue des pieds à la tête, j'observais, encore abasourdie l'homme d'Eglise reprendre son éternel sourire.

"Pardonnez le."

"Euh... Il n'y a pas de mal... Je sens que son coeur est...pur."


Je n'avais pu m'empêcher de prendre le parti du fidèle malmené. M'efforçant de reprendre une mine détendue, mes dents grincèrent malgré moi. Je me sentais soudainement beaucoup moins à l'aise.

"Peu importe. Racontez moi donc comment vous êtes arrivée jusqu'à nous !"


J'hésitai un instant à lui répondre. Un instant de trop. Estheban s'était avancé.

"Cardinal, sauf votre respect.."

Mon hôte se retourna, visiblement agacé qu'un de ses sbires ne vienne nous interrompre. Il le laissa cependant, à mon grand effroi, continuer.

"Ce fut moi qui vous amena Lady Wilson ce soir."


J'entendis frère Raphaël protester discrètement.

"Le Volontaire Boniface a malheureusement perdu la vie, ce soir, assassiné. Paix à son âme. Ce fut proche de sa dépouille, et recouverte de son sang que je trouvai celle dont vous désirez faire notre Agneau. Après un tel événement, je doute de l'innocence que vous lui octroyez."

Merde. Merde merde merde. Le Cardinal se retourna de nouveau vers moi. Son sourire avait disparu.

"Est-ce exact, Lady Wilson ?"
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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyMer 3 Oct - 23:55

Contrite, et presque résignée quant à l'évolution de la situation, je me laisse transporter sans me débattre d'avantage. Des plans qui changent à la dernière minute? Cela n'a jamais été un problème. Une menace d'exécution? Si cela peut vous faire plaisir! Même si je ne crains rien, je suis obligée de me rendre compte qu'à cet instant, je suis impuissante. J'enrage. Je souffle et grogne en même temps, alors que je suis traînée sans aucune considération vers un nouvel endroit.

Je contourne ainsi la place principale du campement fraîchement installé sur l'ancienne place de la grande roue. Je remarque des barricades qui commencent déjà à être mises en place, certainement pour contrer une éventuelle attaque policière. Des petites collines de débris d'anciens stand de barbe à papa ou de chamboule-tout. Ces illuminés ont beaux être fous, je dois reconnaître qu'ils sont nombreux et plutôt bien organisés.
Sans ménagement, je suis jetée dans une sorte de vieille cage en fer rouillée, plutôt petite puisqu'elle fait à peine ma taille en hauteur. Voilà donc ma résidence provisoire pour patienter jusqu'au feu de joie de ce soir.
Alors que mes geôliers s'en vont, je pose mes mains sur les barreaux, pensive. Le feu. Jusqu'à quel point les dégâts causés par les flammes seront-ils réversibles? Le miracle qui m'habite fonctionnera-t-il toujours s'il n'y a plus aucun squelette à réanimer? Une pointe d’appréhension. Allons bon. Je suis déjà morte. Je ne peux pas re-mourir. Et je ne vais pas disparaître! Je n'aurais de cesse de les traquer et de les faire payer pour cette catastrophe dès que le jour sera levé.

Je pense à Yume. Où est-elle? S'en sort-elle avec ce fameux Cardinal? Je pense que sa situation est largement moins périlleuse que la mienne. Ces fous avaient l'air de la considérer comme un présent venu du ciel, ils allaient surement prendre grand soin d'elle et essayer de la manipuler à leur guise! Rien que cette pensée me fit sourire, et je leur souhaitais d'avance un bon courage. Mon amie a déjà un sacré caractère, pour son âge!

Les minutes passent, et je me terre au fond de ma geôle. Même si l'endroit est peu éclairé, mes yeux se sont bien habitués à l'obscurité. Mon ouïe s'affine et je peux entendre de plus en plus précisément les chants constants au loin. Complaintes et litanies sur l'humilité, le don aveugle de soi et la souffrance pour payer le prix de pêchés dont nous ne sommes jamais pleinement fautifs. Curieuse idéologie que la croyance féroce qu'il y a un créateur à notre image, invisible, qui nous observe et se préoccupe inlassablement de nous. C'est une chose incroyablement égocentrique, si on y réfléchit bien!
Ces petites réflexions occupent mon esprits, mais pas assez pour camoufler mon impatience et mon anxiété vis-à-vis de la perte de contrôle totale de la situation. Regroupant mes genoux à mon menton je ferme les yeux en commençant à nerveusement tapoter du pied. Pour me calmer, je récite en sifflant de manière quasi immobile les dernières compositions de piano que j'avais apprises. Et malgré ma crispation, je commence à ressentir le froid de la nuit tomber sur mes épaules.

C'est alors que des bruits se rapprochent et viennent troubler mon ennui. Tous mes sens s'affolent et redeviennent alertes, alors que je commençais à m'engourdir. Alors que je m'attends à voir Ezechiel, voire le Cardinal lui même, une silhouette solitaire et peu imposante s'avance. Armée d'une torche, elle m'éblouie, et mes yeux se détournent le temps de s'habituer à ce nouvel éclairage. Lorsque je peux de nouveau observer mon décor, je me retrouve face à un homme d'un âge difficile à déterminé, aux cheveux longs et ondulés et aux yeux d'un bleu glacé. Il est d'une taille moyenne, mais d'une minceur prononcée, presque maigre. Je me relève rapidement, et le toise à mon tour, me demandant sous quel angle je pourrai l'attaquer dès qu'il m'en laissera l'occasion. Il n'est visiblement pas armé, mais n'est pas protégé non plus. Il devrait pourtant, il me semblait que les pieux craignaient les "sorcières"!

- Alors c'est toi, la dissidente? Comme c'est décevant.

Pardon? Je te déçois? Mais mon pauvre ami, je te promets pourtant que si tu commets la moindre imprudence, tu risques de ne pas t'en remettre. Même si je me sens insultée, je décide de calmer mes ardeurs pour le moment et ne répond pas à la provocation. Je me contente de le regarder commencer à tourner autour de la cage, sans le lâcher des yeux cet inquisiteur. De sa torche, il allume plusieurs petits brasiers présents sans la zone, instaurant ainsi une ambiance plus agressive que chaleureuse.

- Tu es donc la seule qui, ce soir, a refusé de rejoindre nos rangs. Ta vie a-t-elle si peu de valeur que cela à tes yeux?

- Ce n'est pas ma première préoccupation pour l'instant. Qui es-tu?

L'homme s'avance en émettant un subtil rire. Son sourire aux yeux plissés est presque bienveillant, mais dès lors que ses paupières dévoilent à nouveau l'entièreté de ses prunelles, son regard se fait instantanément glaçant.

- Quelle importance que tu connaisses mon nom? Compterais-tu aller le souffler à ton seigneur des enfers lorsque tu te feras dévorer par les flammes?

- C'est une possibilité.

Je sens que mon absence de crainte le décontenance légèrement. Je m'avance contre mes barreaux tandis qu'il recule brièvement. Mais il se reprend vite et conserve son aplomb.

- Je suis Abel, déclare-t-il dans un souffle, presque à moitié amusé de devoir se présenter, Je suis le fils d'un prophète de notre ordre. Et j'oeuvre en tant que juge pour notre cause, la plupart du temps.

- C'est donc un tribunal, ici? Où sont les jurés? Et où est ma défense?

- Ta condamnation a été scellée dès l'instant où tu as refusé de prêter allégeance à nos idéaux. Les semeurs de troubles sont des mauvaises herbes qu'il est nécessaires d'arracher au plus vite!

- Et bien, si ma culpabilité si évidente, tu n'as rien n'as faire ici, imposteur! grognais-je à travers les barreaux avant de me retourner.

Je l'entend soudainement se rapprocher très près de ma prison, mais je crois deviner qu'il est encore hors de portée. Je ne bouge pas alors qu'il commence à s'irriter derrière moi :

- Insolente idiote! Tu vas être brûlée vive! Pourquoi perds-tu ton temps avec ces puériles provocation au lieu de supplier ou de te repentir? Qui es-tu pour te jouer ainsi de la morsure du feu?

Je me retourne et le jauge rapidement. Il est à moins d'un mètre de ma geôle. Mon bras serait trop court pour l'atteindre. Mais il s'énerve vite, et c'est une chose intéressante. Le fait que je n'ai pas peur de lui semble l'agacer au plus haut point, alors, autant en profiter. M'accoudant aux barreaux, je prends un air décontracté et commence à déclarer d'un ton très calme et sure de moi :

-Je ne suis pas une sorcière, je suis une démone. Je viens de la d'où personne ne revient, que la Lune m'en soit témoin. Vous pouvez me brûler, m'enfermer, m'enterrer sous des kilomètres de terre, je reviendrai, et je serai un cataclysme pour votre monde. Et si vous persistez néanmoins à m'en empêcher, un cauchemar encore plus imposant prendra le relais... Je souris de tous mes crocs en regardant son expression se durcir, Oh, et j'oubliais, j'ai vérifié et cherché, il n'y a pas de paradis après cette vie. Pour aucun d'entre vous.

Touché! Gagné. Son bras s'allonge vers moi à une vitesse phénoménale. C'est le moment où jamais, je suis toute aux aguets! Mais alors que je m'attendais à ce que son poing m'atteigne au niveau de la figure, ce dernier se décale légèrement et esquive ma mâchoire qui se referme dans le vide. Que... Comment a-t-il pu...? J'ai à peine le temps de réagir que son autre main agrippe l'une de mes épaules et me tire, ce qui me plaque dos à lui contre les barreaux de la cage. Son premier bras vient se refermer contre mon cou, ce qui a pour effet de m'immobiliser presque totalement. Puis, il commence à clamer :

- Caïn, cette femme est possédée! Il faut la purifier tout de suite avant que son démon ne s'échappe avec son âme sur le bûcher!

Soudainement, une figure dont je n'avais même pas remarqué l'arrivée émerge des ténèbres. C'est un homme, grand et mince lui aussi, et qui d'ailleurs ressemble beaucoup à Abel. Je les supposerais peut être même frère, à en juger par leurs prénoms respectifs. Remise de ma surprise, je commence à me débattre avec hargne! L'adrénaline monte, l'angoisse aussi. je me rend compte que je n'arriverai peut être pas à m'en sortir cette fois. L'un de mes bras est tordu de manière douloureuse, l'autre ne peut remuer que dans le vide. Ma gorge est serrée à m'en faire suffoquer.
La panique me gagne. Je retient un cri lorsque je vois le second frère s'approcher des barreaux, un tison rougeoyant dans la main.

- Démon, quitte le corps de cette hôtesse païenne! Par cette marque qui t'affaibli, je t'ordonne de fuir notre monde et t'interdis à jamais de t'y représenter sous quelconque autre forme. Notre Dieu te dévorera dans sa divine clémence. Il n'est nul être plus puissant que lui, ni horde plus légitime que notre foi. Vade retro daemonium.

Ses paroles étaient presque moqueuse, et sonnaient comme une chanson. Je comprends que toute cette mascarade n'est pour eux qu'un prétexte pour faire mal. La dernière chose que je vois avant de fermer les yeux est le sourire de Caïn et cette affreuse croix d'un rouge incandescent qui fonce sur ma gorge.

...

Le hurlement que je laisse échapper doit raisonner jusqu'à l'entrer du parc.

La douleur est... Insupportable. Cela fait mal, mais c'est différent du couteau dans la poitrine. Différent de la balle qui traverse un membre. C'est comme si ma chair allait exploser. Comme une graduation lancinante et infinie. Je n'entends plus rien, je ne vois plus rien, j'ai l'impression d'être transpercée d'un millier d'épines.
Je suis lâchée, je m'effondre par terre le temps de me remettre du choc. Entre mes clavicules, le nouvelle plaie d'une dizaine de centimètre me donne envie de m'arracher la peau. Je n'ai qu'une seule idée en tête :

- De... De l'eau...

- Que dit-elle?

- Je crois qu'elle a soudainement envie de baptême. Mais j'avais prévu le coup.


- Quel dommage que nous ne soyons pas au prieuré. Au puit du Saint-Constant, nous aurions pu nous offrir une merveilleuse ordalie par noyade!

J'entends les barreaux de ma cage s'ouvrir, mais je n'ai même pas la force de réagir. Je me fais de nouveau traîner par ces deux psychopathes déguisés en bourreaux de la religion, qui ont sitôt fait de me jeter devant une barrique remplie d'eau, dans laquelle quelques pommes flottent à la surface. Je n'ai même pas le temps de prendre une respiration qu'Abel - ou Caïn, m'y plonge de force jusqu'à la poitrine.
Pendant les premières secondes, la caresse de l'eau est infernale. Puis elle s'adoucie assez vite, rendant ma brûlure presque tolérable. Je voudrais rester là pour l'éternité. Je commence à suffoquer, mais je prends cette asphyxie pour une bénédiction. Pitié, laissez moi me noyer!! Laissez-moi m'endormir dans le silence de l'eau pour les prochaines heures! Je ne veux pas brûler!!
J'étais sur le point de perdre connaissance lorsque les mains qui appuyaient sur ma nuque me remontent. Mon premier et faible réflexe est d'essayer de replonger dans cette eau glacée, mais mes tortionnaires ont vite fait de me renvoyer dans ma cage, trempée.

- Tsst. Ne sois pas si pressée de nous quitter. Tu as encore une petite heure devant toi pour réfléchir à ce que tu as dit à propos du paradis, des brûlures, et de la lune qui veille sur toi, m'adresse l'un des frères avant de verrouiller la porte, On verra alors à ce moment là si tu conserve toujours ton aplomb!

Les deux hommes disparaissent alors dans la pénombre, aussi rapidement qu'ils étaient arrivés. Mais plaie recommence à me lancer atrocement, et je me contorsionne du mieux que je peux dans ma prison tout en geignant. Je crois que... Pour la première fois depuis que je suis revenue dans ce monde, je crains sincèrement pour mon avenir... Et j'espère surtout que si je peux connaître un prochain lever de soleil, cette trace ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
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Yume

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MessageSujet: Re: Retrouvailles ferroviaires (Emily)   Retrouvailles ferroviaires (Emily) EmptyJeu 27 Déc - 16:31

Ahaha. AHA. Putain de merde. Les secondes s'étiraient alors que mes pensées défilaient nerveusement sans la moindre cohérence. Que faire ? Que dire? Je m'étais confortée dans ces attentions bienvenues et ainsi délaissé l'élaboration de ma défense. Dire que j'avais été avertie ! Quelle idiote. Je considérais feindre la pâmoison mais me ravisais aussitôt. Bien qu'une telle stratégie me laisserait du temps pour réfléchir, elle confirmerait également ma culpabilité. Avait-il tord ? Pas le moins du monde. Je ne pouvais cependant pas le laisser entacher -ne serait-ce qu'avec l'ombre d'un doute- l'image vertueuse et immaculée que Le Cardinal se faisait de ma personne. Ma vie était en jeu.. Ainsi que celle d'Emily. On m'avait donné le pouvoir de l'amener auprès de moi. Je ne pouvais pas tout gâcher par simple maladresse. Je soupirai silencieusement, prenant un de ces airs de princesse tourmentée. J'étais une menteuse invétérée et par extension, une excellente actrice. Je devais improviser et vite. Je ne pouvais plus rester silencieuse.

"-Tout ce que le fidèle Estheban vous conte est exact; Les circonstances sont cependant bien différentes de ce que tout semble m'accuser. Croyez-moi quand je vous confesse que j'aurai souhaité que tout cela se passe autrement."


J'agrippai soudainement l'accoudoir, comme assaillie par les souvenirs et l'émotion. Je levai des yeux embrumés de larmes de crocodile vers le Cardinal qui, comme je l'avais espéré, me sondai avec confusion; il était prêt à donner une chance à mon explication. Prévisible. Il suffisait de jouer les martyrs pour l'attendrir: le clergé raffolait des chouineuses. J'étais face à un véritable excentrique; je pensais pouvoir exagérer sans susciter un soupçon. Je préférai malgré tout rester sobre, en prévision du pire.
Bien que je ne lui jetai pas un regard, je savais que cette balance d'Estheban s'était crispée. Il s'attendait donc à ce que je perde ma contenance ? Il m'avait décidément sous-estimée.
Je repris de nouveau ma respiration et me concentrai pour faire trembler mes mains, que je venais de rassembler sur mes genoux.

"-Nous vous écoutons mon enfant. Nous jugerons ensuite de ce qu'il en coûte."


Je débutais alors mon discours sous le ton docile d'une confession. J'inventais sans difficulté le prétexte de ma venue en ces lieux.
J'avais toujours désiré connaître la vie des plus modestes. Ayant vent de bruits sur une fête dans le parc que je fréquentais parfois, je m'y étais rendue seule, en secret. Je racontais ensuite l'explosion, qui survint alors que je m'apprêtais à rentrer au manoir.

"-J'étais loin du centre, à quelques pas seulement du portail; Je n'ai entendu qu'une détonation et des cris. Je n'avais aucune idée de leur cause, et avais naïvement conclu à l'hypothèse terroriste, en vue des incidents récents. J'avais plus tôt aperçu un groupe d'enfants et je me mis à leur recherche, afin de les mettre en sécurité avant de m'enfuir. "


Je voyais déjà la figure de mon interlocuteur reprendre quelques couleurs à mesure de mon récit, alors que le frère Raphaël me contemplait déjà avec béatitude. Seul Estheban ne se laissait pas berner; Il attenta d'ailleurs de m'interrompre, avant que le Cardinal ne le reprenne à l'ordre. Je ne mentionnais pas Emily dans mon récit ? J'y viens petit merdeux, j'y viens.

"-... Il y avait beaucoup de fumée et de mouvements de foules, je ne trouvai rien pendant de longues minutes... Et je crois que j'ai bien fini par m'égarer. Je ne trouvais pas les enfants, et je craignais le pire. Soudainement.. "

J'entrai dans la partie la plus épineuse du récit. Qu'allai-je bien pouvoir raconter ? Je fis une pause, portant alors une main gracile à mes lèvres, submergée par une émotion imaginaire. Étonnamment patient, Le Cardinal m'invita à poursuivre avec douceur. Je savais que je ne tenais pourtant qu'à un fil.

"-Je sentis une poigne m'enserrer le bras. C'était un homme. Celui que je sais à présent être le Volontaire Boniface. Il était seul et.."


"-Nous nous étions séparés pour couvrir plus de terrain."


Agacé, le Cardinal, balaya l'intervention d'Estheban de la main. Je renonçai à lui tirer la langue pour la crédibilité de mon personnage.

"-Il voulait que je le suive. J'ai.. Vous comprenez, tenté de lui opposer de la résistance, mais j'abandonnai aussitôt, comme je n'étais pas de taille. Pour m'immobiliser il m'avait rapprochée de lui et..  "
Je marquais une pause. Je crevais d'envie de leur exprimer mon dégoût pour cet individu, mais du me raviser. Je n'étais pas certaine qu'ils apprécieraient. "Je l'ai vu... Son regard a changé quand il m'a regardée.. Quand il a vu mon visage. J'ai reconnu l'éclat dans ses yeux. Ce n'était pas la première fois qu'un homme me contemplait ainsi... J'avais tellement peur.. "

Une larme coula sur ma joue. J'étais tellement.... hilare. Je m'efforçais à rester concentrée dans mon jeu. Dire que l’aguicher était mon idée ! ...Je salissais l'image d'un mort. C'était mal. Je penserai à me sentir désolée plus tard. Je butais volontairement sur mes mots.

"-Il ne voulait plus rejoindre le centre... Il m'a éloignée... E-et.. Contre ma liberté, il m'a proposé de... De... "
Je repliais mes bras contre mon corps, la lèvre tremblante. Mon impression misérable devait faire effet, car le regard du Cardinal se remplissait de pitié. Estheban bouillonnait de rage.

"-Ma pauvre enfant.. "


"-Je... Je ne voulais pas !! Je... J'ai commencé à crier, mais il m'a frappée au visage ! J'ai bien cru que c'en était fini de moi quand.. Cette jeune femme est arrivée. Nous ne nous connaissions pas, mais elle a volé à mon secours ! J'étais si bouleversée que je ne pourrai vous retracer les événements avec exactitude, mais elle m'a sauvée la vie, cela ne fait aucun doute. "


Je n'eus pas besoin de forcer pour emprunter un sourire rayonnant de reconnaissance.

"-Elle m'a ensuite mise à l'abri un temps. Je n'ai pu avoir que son nom avant que le frère Estheban ne nous trouve. Nous avons été séparées quand je fus emmenée ici. J'aurai aimé la remercier comme il se doit.."

Le Cardinal se leva, pris d'émotion. Ne remettait-il pas mon discours en doute un instant ? Ézéchiel devait faire de lui ce qu'il lui plaisait.

"-Lady Wilson, je suis tellement navré que vous ayez eu à vivre cela de l'un de nos confrères! ! Laissez-moi m'excuser au nom de tout l'ordre des Âmes de Verres ! Quelles conséquences cela aurait-il eu.... Ah ! Ses vices ont eu raison de sa foi et le ciel l'a puni. Un faible tel que lui n'avait pas sa place parmi nous. Croyez bien que vous n'aurez plus jamais à subir de tels outrages.. Car vous êtes spéciale Lady Wilson. Vous êtes bénie."

Ben voyons. Je souris humblement en inclinant la tête.

"Je tâcherai d'en être digne, Cardinal."


"Quant à votre amie... Je vais faire mon possible."


Il frappa précieusement dans ses mains -manière qu'il semblait apprécier- et envoya Estheban chercher mon amie. Je me retournais vers lui alors qu'il quittait la tente. Je ne pus visiblement pas dissimuler une œillade moqueuse, car il ne me répondit qu'un regard noir. Bon. Débarras !
Je m'autorisai à me détendre. J'avais réduit au silence et éloigné le seul fidèle désirant du tord, et Emily n'allait pas tarder. D'ici là, rien ne m'empêchait d'en apprendre davantage sur leurs sombres desseins tout en récupérant mes forces ! Qui serait assez sot pour ne pas profiter d'être ainsi adoré ? Toute information était bonne à prendre pour se sortir d'un tel guêpier.

Je tournai mon regard vers la grande table ronde non loin de nous. Ce que je distinguais être des plans et de nombreuses notes la recouvraient entièrement, jusqu'à en dissimuler le bois. Je tiquai. Pourquoi amener tout cela ici ? Tant de preuves risquaient de tous les faire couler à l'arrivée de la police.. La foi les aveuglait ils à ce point ? Comptaient-ils vraiment s'établir ici ? Je ne pus laisser le silence s'installer.

"-Ne craignez-vous pas l'arrivée de la police ? Comment nous échapperons-nous ?"


Mon interlocuteur ne fit que glousser.

"-Ne vous en faîtes pas, ma chère. Nous avons de quoi les tenir occupés un long moment. Et pour cause ! Nous avons encore fort à faire ici.. Et maintenant que vous êtes là.. ! La cérémonie n'en sera que plus parfaite ! "

Il semblait de nouveau se parler à lui-même. Une cérémonie ? Je souris avec une candeur calculée. Je tenais notre échappatoire. Avec une telle foule, il serait aisé de s’éclipser.. Pour Emily c'en était certain. On me tiendrait sûrement bien à l’œil. J'opinai sagement du chef alors que mon interlocuteur se leva. Je fis mine de réfléchir quelques secondes avant de le questionner à nouveau.

"-Mais mon Cardinal.. Comment saviez-vous que je serai présente ce soir ? Il était fort peu probable que je me rende ici en premier lieu... " Je fis une pause. "L'éternel vous aurait-il indiqué cela ?"

J'eus à peine le temps de prendre mes airs convaincus que celui-ci rit et entama une énième tirade, plus volubile que jamais; La mention de son idole par ma bouche semblait échauffer son excitation.

"-A vrai dire, nous vous attendions pas ce soir. Mais l'éternel s'est exprimé en vous envoyant si tôt, c'est certain ! "

Il se retourna brusquement vers moi et sourit jusqu'aux oreilles. Lui qui s'était éloigné fonça dans ma direction avec empressement. J'entamai un soudain mouvement de recul, malgré moi. Ses prunelles noires reflétaient à présent toute l'étendue de son délire. A mon grand soulagement, il fit halte à deux pas de moi. Il ouvrit ses bras démesurément grands pour embrasser ce qui nous entourait.

"-Ce soir n'est que le commencement Lady Wilson. Nous attendions ce moment depuis si longtemps... Terrés comme des rats dans ce couvent de campagne, traités comme n'importe quelle vulgaire.. secte." Il cracha le mot avec hargne. "Mais vous avons tout prévu. Et à présent que vous êtes à nos côtés... Vous allez pouvoir nous être d'une grande aide. "

A ces mots, il m'invita à me lever et me conduit jusque devant la table, dernier objet de mon intérêt. Il fit de l'ordre dans les papiers pendant que je l'observais, quelque peu en retrait. Je tentais d'intercepter quelques phrases à la volée, mais bon sang ! L'écriture y était toute écrasée. Le Cardinal dégagea une carte immense parsemée ça et là d'annotations. Pour une raison qui m'échappait l'architecture m'était familière.

"-Le Grand Diacre vous a sûrement déjà éclairée sur nos intentions. Nous sommes les envoyés de l’Éternel, chargés de déclencher la première Apocalypse pour l'existence mortelle. Nous commençons par nous révéler aux plus modestes.. Mais bientôt, quand notre parole sera entendue par les foules, nous agirons dans le nid-même du vice."


Il m'indiqua alors une inscription calligraphiée au sommet du dessin, légèrement plus imposante et soignée que les autres. "Buckingham Palace." Je sentis ma mâchoire se décrocher. ..Sérieusement? Ils avaient donc complètement perdu la boule. Bon à savoir ! Il remarqua sûrement l'expression sur mon visage, car il se sentit prêt à s'expliquer.

"-C'est exact ! Le palais royal lui-même. Quoi de mieux que de convertir le cœur de cette nation pour nous faire entendre par le peuple entier, je vous le demande ? Une telle intervention peut paraître compromise... Impossible pour les plus septiques. Seulement... Nous interviendrons à un moment bien précis, où le château ouvrira ses portes. Nous nous y serions retrouvés là-bas, dans un mois et quelques semaines... Lors du bal du solstice de printemps ! "

J'eus la sensation de manquer d'air un instant, sous le coup de la surprise. Si malins !! Je ne m'attendais à tant de ressource de leur part, ce qui ne fit qu'accroître mon inquiétude. Le bal du solstice du printemps... Comment oublier un tel événement ? Je n'avais jamais vu Charles-Henri si heureux !
Notre famille, malgré les nombreux efforts de celui-ci et de mon paternel, n'avait pas une réputation des plus plus éclatante. Travailler était réservé au petit peuple, et malgré notre fortune plus vertigineuse de jour en jour, le mépris ne nous était pas épargné une fois le dos tourné. Etre un invité de la royauté même allait pouvoir redorer notre blason au sein de la communauté aristocrate. Je n'en avais -pour ma part- pas grand chose à faire. J'avais cependant été intriguée de voir découvrir le lieu et sa cour. La reine s'était en effet retirée de la vie mondaine lorsque j'étais encore une enfant, quand son mari mourut.

Depuis quelques temps, des envies de République avaient bourgeonné dans le cœur du peuple, si bien qu'elle ne put les ignorer. Ce bal était sans doutes une façon de nous redonner goût aux plaisirs de la monarchie: celui-ci se promettait grandiose et plein à craquer. A y réfléchir, il n'était guère étonnant qu'un tel événement soit victime d'un attentat. Tant de pouvoir concentré en un même endroit en faisait saliver plus d'un. Je notai mentalement d'en informer les forces de l'ordre, une fois sortie de cette drôle de situation. Pour prévoir un assaut si conséquent, l'ordre devait avoir des complices parmi les invités. Trouver des fanatiques religieux parmi la noblesse n'était sûrement pas si difficile. Ce qui pouvait expliquer le manque de méfiance du Cardinal envers mon attitude immédiatement conciliante... Ça ou le fait qu'ils ne me laisseraient pas partir.
Cependant, un détail dans son discours attira mon attention. Il disait vouloir -soyons honnêtes- m'enlever lors du bal de la reine. L'occasion parfaite en effet, pour trouver une jeune femme distinguée et élégante à idolâtrer. Ma théorie se confirmait alors. Je n'étais pas spéciale. Juste en avance.

"-Pourquoi moi?"


Le Cardinal se retourna vers moi, pris de court par cette question inattendue. Malgré la situation épineuse dans laquelle je me trouvais, je n'avais pu m’empêcher d'être vexée de n'être qu'un nom sur une liste. Je voulais voir quelle excuse minable il trouverait sur le moment. Je baissais les yeux, comme intimidée.

"-Vous auriez pu choisir n'importe quelle lady ce soir-là.. Bien plus méritante que moi, j'en suis certaine.."


Il posa sur moi un regard faussement paternel.

"-Il est vrai que pour un œil amateur, toutes les femmes présentes au bal seraient méritantes d'être notre Agneau. Mais vous êtes spéciale, Lady Wilson, et croyez-moi quand je vous l'affirme. Vous possédez une pureté que nulle autre n'égale."


Frère Raphaël, silencieux depuis un moment, se racla la gorge d'un air gêné. Je me retins de lui rire au nez. Moi, d'une pureté transcendante ? Il aurait changé d'avis en me voyant avec quelques gouttes d'alcool dans le sang.
Le Cardinal continua alors de m'enseigner, ce pendant de longues minutes les devoirs et responsabilités que le rôle impliquait. Rien de bien nouveau sous le soleil. Je réprimais un bâillement. Emily tardait à arriver.. Se passait-il quelque chose en dehors de la tente ? La police avait-elle enfin daigné de réagir ? Alors que je m'égarais dans mes nombreuses spéculation, mon nouveau tuteur me rappela à l'ordre.

"-Quelque chose vous dérange-il Lady Wilson ? Vous êtes bien silencieuse.."


Je jetai un coup d’œil vers le tenture obstruant l'entrée de la tente, caressée par la bise du soir. Pas la moindre ombre ne se profilait. Je commençai à m'inquiéter.

"-Voudriez vous nous quitter ?"

Je reposais immédiatement mon regard sur lui, comme le ton de sa voix redevenait menaçant. Trouver une excuse, vite ! Je me fis cependant la réflexion qu'il serait suspect d'accepter une telle situation sans montrer la moindre hésitation. Je marchais sur des pics. Je ne désirais pas le braquer pour autant.

"-Non pas du tout, je me questionnais simplement.. "
Je soutins son regard, empreint cependant d'une certaine dévotion. "Qu'adviendra t-il du manoir ? Et de Charles-Henri..? Mon départ est si soudain.."

Une ombre passa sur son visage, bien qu'il conservait sa quiétude olympienne. Il m'offrit un sourire crispé, mais dénué de toute animosité.

"- Vivre seule dans un si grand manoir est une vanité inutile, mon enfant. A partir de ce soir, vous vivrez au sein de notre communauté. N'ayez crainte, vous ne manquerez jamais de rien et nous ferons en sorte que vous ne soyez pas complètement dépaysée. Vous vous devez d'être un exemple. Il vous est donc impossible de vivre dans une tour d'ivoire plus longtemps. Nous prêchons l'unicité de notre communauté. Cependant, si vous le mettez à la disposition de l'ordre... "


Evidemment. Quel profiteur ! Il s'arrêta un instant, comme pour chercher ses mots. Était-il... embarrassé ?

"-Je comprends.."


"-Pour ce qui est de votre cousin... Il aura le loisir et la chance de nous rejoindre, bien entendu. Nous sommes tous les enfants de l'Eternel. Il devra cependant.. renoncer à son engagement envers vous... Pour des raisons qui nous paraissent évidentes."


Il avait malgré lui marmonné ces derniers mots. Je ne suiv....
....
Oh.
OH. Tout s'éclairait à présent. Je revis mes suppositions. J'étais bel et bien spéciale. Comment avais-je pu être si aveugle ? Le refus de mon contact et l'importance que cela semblait avoir à leur yeux, les mots si durs du Cardinal et son courroux face aux actes de Boniface.... Ils avaient besoin d'une vierge.

Et quelle meilleure candidate que la jeune Yume Wilson ? Je repoussais mon mariage depuis presque deux années entières et personne ne m'avait jamais découvert la moindre liaison. Je devais m'être fait une sacrée réputation parmi les mauvaises langues. Pour une vierge effarouchée, je n'étais pas mal dans le genre. Une denrée rare parmi les femmes de haut-rang. Nombre d'entre nous se mariaient dès leur entrée dans le monde, et les plus intelligentes finissaient -derrière leurs airs vertueux- par s'abandonner au monde des plaisirs. Je ne les blâmais pas, loin de moi cette idée !

Je me prenais même souvent à les envier. J'étais certes pure, mais certainement pas de ma volonté! Je sentais la colère poindre en moi. Mes deux seuls amants n'avaient jamais daigné poser la main sur moi. On louait ma candeur, mais personne ne pensait à la frustration qu'elle pouvait engendrer. Ce qui faisait ma beauté était en réalité un cadeau empoisonné. Aux yeux de tous, j'étais l'enfant... Au mieux la douce petite sœur. J'étais une jeune femme avec les même désirs que les autres, bordel de dieu !!
L'ironie de la situation m'estomaquait et me laissait sans voix. Ma dignité en prenait un sacré coup. J'aurai sans doutes préféré me manger un uppercut.
Ciel, quelle vie parfaite je menais ! Jeune, jolie, fiancée sans amour, mal-baisée et adorée d'une secte. Quoi d'autre, monde, quoi d'autre ? ...Putain!!

J'entendis des pas se rapprocher de la tente -à point nommé!- Ce n'était pas trop tôt ! Quelques secondes de plus et ce cher Cardinal aurait goûté au délice de ma botte dans la face. Ce qui aurait été dommage pour ma couverture. Je repris aussitôt un semblant de contenance alors que le tissu de la tenture ondula sous la masse. Estheban entra, seul. Emily devait attendre dehors. Faites la entrer et vite ! Le Cardinal l'invita à s'exprimer. Un air mauvais se peint sur son visage. Je ne savais pas ce qui se passait... Mais ça puait d'ici.

"-La nouvelle que je vous apporte est bien regrettable Cardinal."


Mon cœur manqua un battement. Crache-le morceau !!

"-La jeune femme accompagnant notre agneau a refusé de servir l'éternel. L'hérétique a ensuite tenté d'agresser notre Grand Diacre. Elle sera donc purifiée par le feu avant minuit."

Je fus soudainement prise d'un vertige et du m'agripper à la table -faisant voler quelques papiers sur le tapis- pour ne pas tomber à la renverse. Emily !! Qu'est-ce que tu avais foutu ?! J'avais si bien préparé le terrain ! Construit une histoire te mettant parfaitement en valeur ! Tout ce que tu avais à faire, c'était m'attendre !! Et maintenant, ils voulaient... La... Merde !!!

"-Je comprends votre désarroi Lady Wilson. Parfois le pire des loups se cache derrière des airs les plus innocents... Enfin... Il faut croire que ce fut sa soif de violence qui vous sauva du traître Boniface ! "


"-La sorcière s'en est même pris au fidèle Abel !"
Estheban renchérit, me fixant d'un air mauvais.

Oh la ferme, on ne t'avait pas sonné, que je sache!!

"-Je comprends votre affliction Milady... Elle vous a sauvé la vie, après tout. Vous ne la connaissiez pas, vous ne pouviez vous douter de ses sombres desseins. Une chance qu'elle ne vous n'ait pas tenté de vous pervertir... Vous pourrez malgré tout lui faire vos adieux lors de la cérémonie."


En la regardant brûler ? Mais bien sûr !! Je fus soudainement traversée d'un éclair de panique et manquai de perdre mon sang froid en attentant de courir vers la sortie. Je me repris. Je n'avais aucune chance. Ils m'étaient supérieurs en nombre et en force... Je n'aurai même pas l'avantage de la surprise, avec Estheban veillant au grain. Il fallait pourtant que je me barre d'ici !!
"Alors comme ça, tu penses encore que c'est la force brute qui décide de l'issue d'un combat?"
...Je me devais d'être rusée.

"-Oh ciel ! La cérémonie! "
Le Cardinal s'exclama alors, consultant hâtivement la montre à gousset posée sur la table. Il s'enflamma de nouveau.

"-Nous avons pris du retard ! Votre arrivée imprévue nous presse; Vous vous devez d'apparaître à votre meilleur jour ! Souvenez-vous de ce que je vous ai dit.. ! "
Il frappa une énième fois dans ses mains. "Fidèle Estheban, tâchez de lui trouver un robe blanche..! Il doit bien en rester de côté.. ! "

Il envoya l'oiseau de mauvais augure hors de la tente et se mit à faire les cent pas dans la tente, aussi pensif qu'électrique. Raphaël et moi partageâmes une œillade désabusée. Sans crier gare, il ôta sa chape, la plia pour me la tendre.

"-Vous mettrez ceci par dessus... Vous aurez vos propres ornements prochainement, mais vous nous prenez de court.. Oh, il serait exquis que vous disiez quelques mots lors de la cérémonie ! Réfléchissez-y, voulez-vous ? ~"

Estheban revint au pas de course avec une robe en lin simple, à première vue légèrement large pour mon gabarit.

"-Ça fera l'affaire..."

Alors que le Cardinal s'affairait avec fougue, un de ses disciples se rua à l'intérieur de la tente; Je reconnus l'armoire à glace qui m'avait menée ici et finalement échangée à Estheban. Je plissai les yeux. Faux-frère ! Je déchantai quand je vis qu'une lésion carmin déchirai son uniforme nuit. Son visage était rougi par l'effort.

"-Mon Cardinal ! Les forces de l'ordre font reculer nos défenses !"


Je dus prendre sur moi-même pour m'empêcher de sourire. Ce n'était pas trop tôt! J'espérais de tout mon cœur qu'ils porteraient secours à mon amie en priorité. Je ne m'estimais pas en danger, malgré le fait que je sois..Si bien gardée. Je devais patienter. Trouver une opportunité de m'enfuir ou attendre que l'on vienne me secourir. Je me mordais l'intérieur de la joue et jetai un coup d’œil discret au Cardinal. Celui-ci ne perdit pas son calme, bien qu'il toisait son fidèle sévèrement. Il m'indiqua furtivement du menton. Pensait-il perdre son ascendant sur moi si je savais que l'on venait me sauver ? Je restais silencieuse et en retrait alors qu'ils conversaient à voix basse. J'écoutais, malgré tout.

"-Nous avions prévu cela. Les environs ont déjà été minutieusement fouillés; rapatriez les fidèles éclaireurs. Prévenez le Grand Diacre. Rien ne doit perturber la cérémonie..Quoiqu'il arrive."
Il forma un signe de croix avec son pouce sur le front du fidèle, qui ferma solennellement les yeux. "Restons unis mon frère. La Guerre-Sainte ne fait que commencer: au fi des obstacles, nous devons rester un. D'autres doivent se joindre à vous, renforcez la défense. Vous faites tout cela pour l’Éternel. Il nous regarde et acquiesce. Soyez digne de son amour. "

Le ton mielleux du Cardinal sembla apaiser l'esprit de l'homme qui se contenta d'acquiescer sagement. Estheban, s'étant précédemment placé en retrait, s'avança pour se ranger aux côtés du blessé. N'allait-il pas le prendre en charge? je n'avais besoin d'être médecin pour reconnaître une plaie sérieuse.

"-Cardinal, je souhaiterai prêter main forte à la Grande Barrière."


Il reçut alors à son tour un signe de croix sur le front. Je leur souhaitais à mon tour bonne chance, avec sourire chaleureux et révérence. Même s'ils ne me méritaient pas, je ferai tout de même une excellente commandante. Ou bras-droit du moins ! Les hommes partirent. Je me rendis alors compte qu'ils n'étaient que deux à me surveiller à présent. Personne ne vint remplacer Estheban. Je ne pouvais toujours pas m'échapper, mais me vint une idée, que je gardais pour le moment opportun. Le Cardinal avança vers le fond de la tente, un air soucieux dissimulé derrière son habituel sourire. Je m'interrogeai sur sa lucidité alors que je le suivais sagement.
A mon plus grand étonnement, il souleva une grande tenture, tapissant la toile de la tente, qui révéla un petit renfoncement qui servait de débarras. Une personne pouvait s'y faufiler, entre quelques caisses et coffres.

"-Changez vous ici. Je suis navré de l’inconfort mais nous ne pouvons vous offrir plus grand luxe."


J'acquiesçai alors qu'il laissa retomber la tenture sur moi. Instinctivement, je cherchais une ouverture dans la toile pour me faufiler à l’extérieur, mais l'endroit était trop exigu, et les pans du tissus recouverts par des caisses ou des cailloux. Je ne pouvais les bouger sans alerter mes camarades. Je laissai un juron s'échapper entre mes dents. Les voyous avaient véritablement pensé à tout.. ! J'ôtai ma veste et déboutonnai les premiers boutons de ma robe tout en réfléchissant. Je ne pouvais pas perdre plus de temps ici... Mon cœur s’accéléra quand l'image d'Emily sur un bûcher ardent se dessina dans mon esprit. S'il ne restait d'elle que des cendres... Serait-elle capable de revenir malgré tout ? Je ne pouvais pas attendre bêtement que cette théorie se confirme. Je me mis alors à fouiller le plus silencieusement possible dans les caisses adjacentes. Dans l'une d'elle, une rangée de petites bouteilles. Dans un coffre, je trouvais parmi des vieux manuscrits un linge enveloppant un objet léger. Je n'eus pas le temps d'en découvrir le contenu.

"-Lady Wilson ? Tout va bien ?"


Sa voix suintait la méfiance. Je me mordais la lèvre. Je n'avais pas été assez discrète ! Je m'activais à trouver une excuse quand j'eus soudain une idée... de génie. Je reposai le linge et soulevai légèrement la tenture, l'air contrit. Je répondis d'une petite voix.

"-Je suis navrée, il m'est impossible d'ôter mon corsage...J'ai habituellement des domestiques pour cela. L'un de vous pourrait-il m'aider ?"

Les deux hommes se jetèrent une œillade animée d'un même embarras.

"-Fidèle Raphaël va vous faire quérir l'une de nos sœurs. Patientez un moment. "


Plus qu'un homme dans la tente. Je sentais l'adrénaline poindre de nouveau. J'avais peu de temps pour trouver une manière de m'échapper. Je n'aurai plus cette chance !

"-Je vais enlever le reste en attendant ! "


Sans attendre de réponse, je laissais tomber de nouveau la tenture. Fébrile je saisis une des petites bouteilles. Une étiquette où l'inscription calligraphiée "Remède du repos" avait été collée sur la flasque d’origine. Je grattais celle-ci avec mes ongles et une suite de formules chimiques apparut en lettres d'imprimerie. Ce qui aurait pu m'être utile, si je n'avais pas été si médiocre en sciences. Septique, j'ouvris le flacon pour en sentir le contenu. J'en fus aussitôt étourdie. Je ne pus m'empêcher de sourire jusqu'aux oreilles. Serait-ce une sorte de..chloroforme ? D'anesthésiant ? Je replaçai le bouchon mais gardais la bouteille en main. Je n'avais pas le temps de m'interroger sur le pourquoi du comment. Peut-être pourrai-je le glisser dans son vin lors de la cérémonie... Où nous serions entourés de fidèles armés... Rah, je trouverai bien !
Je m'accroupis pour ouvrir l'étrange paquet dans le coffre, quand j'entendis des voix fuser au loin dans la tente. Je grimaçai. Je n'avais plus beaucoup de temps.. ! Je sursautai quand je sentis le froid d'une lame rencontrer ma paume. Dans le linge, reposait un athamé magnifique et sculpté. Je frémis. Était-ce pour la valeur sentimentale ou avait-il une toute autre utilité ?
"L'agneau pourtant si pur fut sacrifié pour racheter les pêchés des hommes..."
Peu importe. Je me cassais d'ici.

Les voix s'étaient tues. Les pas du Cardinal revinrent dans ma direction pour finalement s'arrêter. Je tendis l'oreille. Un bruissement. Puis..des murmures.
Je soulevai la tenture et jetai un œil à l'extérieur. Dos à moi, et à ma plus grande surprise, le Cardinal priait à genoux. Je contemplai alors mon athamé brillant. Et chassai la sombre pensée qui me tenta aussitôt. Pas comme ça. Pas encore.

Avec adresse et discrétion, je fis glisser le métal froid de la lame dans mon dos. Un à un, les lacets de mon corsage cédèrent. Je me sentis libérée alors que celui-ci tomba à terre. Vite, j'enfilai la robe puis la chape, qui traînait à terre de par notre écart de taille. Je l'ôtai aussitôt. Je devais être discrète. Je me débarrassai de mes chaussures, puis m'accroupis. Je découpai rapidement un petit carré de satin dans ma tenue précédente. Elle n'était pas si jolie de toutes façons !
J'imbibai le mouchoir de fortune de potion et me glissai hors de l'abri sans un bruit, mouchoir dans une main, lame dans l'autre. C'était quitte ou double.

Mon cœur tambourinait si fort dans mes oreilles que je craignais que le Cardinal ne l'entende. Je m'avançai à pas de velours vers lui, l'image de mon amie en détresse me donnant le courage dont j'avais besoin. Il le fallait. Malgré sa taille, je le dominais ainsi debout.
Rapide comme l'éclair et sans regret, je passai mon bras sous sa jugulaire, écrasant le mouchoir sur son nez, serrant aussi fort que possible. Le Cardinal tressauta et tenta aussitôt de se dégager. Je m'accrochai malgré tout, habitée par une ténacité que je ne me connaissais pas. Encore quelques secondes !! Quelques... secondes...

Je sentis sa prise se ramollir. Bientôt, il s'effondra, raide sur le sol. Je repris mon souffle, tremblant sous l'adrénaline. Je me mis une gifle avant que la fierté ne m'emporte. Pas le temps de traîner. Je retournai dans la remise, me revêtis de la chape trop grande, enfilais mes chaussures et décoinçai de ma main libre un bâton cantonal reposant entre plusieurs coffres.
Je retournai au sein de la tente au pas de course. Je pris une bouchée de pain, roulai le plan de Buckingham sous mon bras et glissais l'athamé dans la poche de la chape.
Finalement, je sortis de la tente. Personne à l'horizon. Au loin, un vacarme étouffé. J'entamais alors ma course.
Le Cardinal était tombé. Célébrons l'aube du règne de Judas la Première. Mon premier ordre ? L'abolition des feux de joie.
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